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11/03/2019 | FRANCE | N°17/04069

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 3, 11 mars 2019, 17/04069


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3



ARRÊT DU 11 MARS 2019



(n°2019/ 44, 23 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/04069 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2XGU



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Janvier 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/16488





APPELANTE



Madame [G], [B] [Z] En invalidité

[Adresse 1]



[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 1]



Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Assist...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3

ARRÊT DU 11 MARS 2019

(n°2019/ 44, 23 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/04069 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2XGU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Janvier 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/16488

APPELANTE

Madame [G], [B] [Z] En invalidité

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 1]

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Assistée de Me Stéphanie CHRISTIN avocat au barreau de Paris - toque D982, substituant Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

INTIMÉES

SAS DECATHLON FRANCE Ayant son siège social [Adresse 2] et l'établissement [Adresse 1], agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

ZURICH INSURANCE PLC Société de droit irlandais ayant son siège social [Adresse 3] et dont le principal ets en France est situé [Adresse 1],

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro : B 484 373 295

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 484 373 295

Représentées par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assistées par Me Cathie FOND - SELAS LCA ASSOCIES - avocat au barreau de PARIS toque R023

CPAM[Localité 2]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Rachel LEFEBVRE de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

Assistée de Me Elise GUILLON avocat au barreau de PARIS, de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

CRAMIF Agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Organisme de sécurité sociale

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Stéphane FERTIER de l'AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Janvier 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON présidente, chargée du rapport, et Mme Clarisse GRILLON, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre

Mme Clarisse GRILLON, Conseillère

Mme Agnès BISCH, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Zahra BENTOUILA

ARRÊT : contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 février 2019, prorogé au 25 février puis au 11 mars 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente et par Laure POUPET, Greffière présente lors du prononcé.

*******

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 4 février 2007, Mme [G] [Z], née le [Date naissance 1] 1956 et alors âgée de 50 ans, a été victime d'un accident corporel alors qu'elle skiait avec une paire de skis neufs achetés auprès de la SAS Décathlon, sur une piste bleue de la station de [Localité 3] en Suisse . Elle n'a pas déchaussé malgré la longueur de la chute et a subi une fracture ouverte de la jambe droite.

Par jugement en date du 26 mars 2009, confirmé en appel, le tribunal de grande instance de Paris a, notamment :

déclaré la société Décathlon entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident dont Mme [G] [Z] a été victime le 4 février 2007,

ordonné une expertise médicale.

Le docteur [N] a déposé son rapport en octobre 2009, fixant la date de la première consolidation au 1er septembre 2009.

Mme [Z] a été victime d'une fracture de la malléole externe de la cheville droite le 6 août 2011 et a bénéficié d'un traitement orthopédique par attelle durant 5 semaines.

Alors que la procédure d'indemnisation était en cours, l'état de santé de Mme [Z] s'est aggravé et elle a sollicité une nouvelle expertise, laquelle a été ordonnée.

Le 25 juin 2014, le docteur [P], chirurgien orthopédiste, a déposé son rapport, incluant celui de son sapiteur psychiatre, le docteur [Q].

Par jugement du 5 janvier 2017 (instance n° 11/16488), le tribunal de grande instance de Paris a :

condamné la société Décathlon et son assureur la société Zurich insurance Plc à payer à Mme [Z], provisions non déduites, les sommes suivantes :

-11.769,21 € au titre des frais médicaux ou assimilés,

-63.433 € au titre de la perte de gains professionnels actuels,

-2.941,18 € au titre des frais divers de matériels,

-5.000 € au titre des frais de logement adapté,

-52.870,17 € au titre des dépenses de santé futures,

-20.000 € au titre de l'incidence professionnelle,

-777.774 € au titre de la perte de gains futurs,

-1.350 € au titre du déficit fonctionnel temporaire,

-8.000 € au titre des souffrances endurées,

-15.000 € au titre du déficit fonctionnel permanent,

-8.000 € au titre du préjudice d'agrément,

-5.000 € au titre du préjudices esthétique permanent,

-2.000 € au titre du préjudice sexuel,

condamné in solidum la société Décathlon et son assureur la société Zurich insurance Plc à payer à Mme [Z] une somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné in solidum la société Décathlon et la société Zurich insurance Plc à payer à la CRAMIF la somme de 102 426,21 € avec intérêts au taux légal à compter du 30 août 2016 sur la somme de 63 136,83 6 et à compter de chaque échéance pour les arrérages échus postérieurement, avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil et la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné in solidum la société Décathlon et la société Zurich insurance Plc à payer à la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 2] la somme de 121 620,53 € avec intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2008 pour la somme de 3 742,59 €, à compter du 29 décembre 2009 pour la somme de 4 084,44 €, du 2 décembre 2011 pour la somme de 8 404,14 €, à compter du 11 septembre 2015 pour la somme de 44 140,82 €, à compter de leur engagement pour les prestations futures ou si la société Décathlon et son assureur optent pour un versement en capital sur la somme de 77 479,71€, ainsi que la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné in solidum la société Décathlon et la société Zurich insurance Plc aux dépens.

Sur appel interjeté par déclaration du 23 février 2017 et selon dernières conclusions notifiées le 5 septembre 2018, Mme [G] [Z] demande à la cour de :

confirmer le jugement sur les postes de dépenses de santé actuelles et préjudice esthétique temporaire,

dire que le préjudice esthétique temporaire bien que retenu sans équivoque dans le corps du jugement a été omis du dispositif,

réformer le jugement en ce qu'il a rejeté les frais de déplacement futurs en taxi,

réformer le jugement en ce qu'il a sous-estimé certains postes,

dire et juger que certains postes n'ont pas été réclamés par son précédent conseil,

dire et juger que ses demandes sont recevables en cause d'appel, dès lors qu'elles ont le même fondement que la demande initiale et poursuivent la même fin,

dire et juger que les demandes de dommages et intérêts pour certains postes majorées en cause d'appel sont recevables comme n'étant pas nouvelles,

condamner in solidum la société Décathlon France et son assureur la société Zurich insurance Plc à verser à Mme [Z], en deniers ou quittances, provisions non déduites, les sommes récapitulées ci-après,

condamner in solidum la société Décathlon France et son assureur la société Zurich insurance Plc à lui verser la somme de 5.000 € au titre de ses frais irrépétibles,

déclarer l'arrêt à intervenir commun à la CPAM [Localité 2] et à la CRAMIF,

condamner in solidum la société Décathlon France et son assureur la société Zurich insurance Plc aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par le conseil de Mme [Z] dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Selon dernières conclusions notifiées le 6 décembre 2018, la société Zurich insurance public limited compagny (la société Zurich), société de droit irlandais et la SAS Décathlon France (la société Décathlon) demandent à la cour de :

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à l'exception de celle visant la perte de gains professionnels futurs,

réformer le jugement entrepris en ce que les premiers juges ont fixé la perte de gains professionnels futurs à 777.774 €,

fixer la perte de gains professionnels futurs à 509.000 €,

dire et juger que la somme totale de 18.000 €, versée dans le cadre de l'exécution des jugements du tribunal de grande instance de Paris des 26 mars 2009 et 07 juin 2012, sera déduite du montant de l'indemnisation qui sera allouée à Mme [Z],

Subsidiairement,

dire et juger que l'indemnité due à Mme [Z] sera raisonnablement fixée au maximum tel que récapitulé ci- après pour un montant total de 733.282,90 €,

débouter Mme [Z] du surplus de ses demandes,

En tout état de cause ,

rejeter l'intégralité des demandes formulées par la CPAM [Localité 2] venant aux droits de la Cramif,

dire que la créance de la CPAM [Localité 2] au titre de la pension invalidité servie par la Cramif doit s'imputer sur les pertes de gains professionnels futurs, sur l'incidence professionnelle et l'éventuel reliquat sur le déficit fonctionnel permanent de Mme [Z],

rejeter toutes autres demandes formulées par la CPAM [Localité 2],

condamner Mme [Z] à payer à la société Décathlon et à la société Zurich insurance plc, chacune, la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

la condamner aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP Naboudet-Hatet.

Les prétentions des parties peuvent être récapitulées comme suit :

jugement

demandes

offres

préjudices patrimoniaux

temporaires

- dépenses de santé actuelles

à la charge de la victime

11 769,21 €

11 769,21 €

11 769,21 €

- frais divers restés à charge

2 941,18 €

4 294,30 €

2 941,18 €

- assistance par tierce personne

4 596,76 €

- perte de gains professionnels

63 433,00 €

123 955,79 €

63 433,00 €

subs. 73 226,00 €

permanents

- dépenses de santé futures

à la charge de la victime

52 870,17 €

147 861,53 €

52 870,17 €

- frais de logement adapté

5 000,00 €

15 253,23 €

5 000,00 €

- frais de véhicule adapté

354 560,85 €

- assistance par tierce personne

164 654,45 €

- perte de gains prof. futurs

777 774,00 €

1 388 638,09 €

509 000,00 €

- incidence professionnelle

20 000,00 €

305 287,26 €

20 000,00 €

subs. 37 626,34 €

préjudices extra-patrimoniaux

temporaires

- déficit fonctionnel temporaire

1 350,00 €

9 118,75 €

1 350,00 €

- souffrances endurées

8 000,00 €

35 000,00 €

8 000,00 €

- préjudice esthétique temporaire

omis (dispositif)

1 500,00 €

1 500,00 €

permanents

- déficit fonctionnel permanent

15 000,00 €

40 000,00 €

15 000,00 €

- préjudice esthétique permanent

5 000,00 €

15 000,00 €

5 000,00 €

- préjudice d'agrément

8 000,00 €

40 000,00 €

8 000,00 €

- préjudice sexuel

2 000,00 €

15 000,00 €

2 000,00 €

- TOTAL

973 137,56 €

2 676 490,22 €

705 863,56 €

subs. 733 282,90 €

Selon dernières conclusions notifiées le 7décembre 2018, la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 2] venant aux droits de la CRAMIF demande à la cour de :

confirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum la société Décathlon et la société Zurich :

-à payer à la CPAM [Localité 2] la somme de 121 620,53 € avec intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2008 pour la somme de 3 742,59 €, à compter du 29 décembre 2009 pour la somme de 4 084,44 €, du 2 décembre 2011 pour la somme de 8 404,14 €, à compter du 11 septembre 2015 pour la somme de 44 140,82 €, à compter de leur engagement pour les prestations futures ou, si la société Décathlon et son assureur optent pour un versement en capital, sur la somme de 77 479,71€, ainsi que la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-à payer à la CRAMIF la somme de 102 426,21 € avec intérêts au taux légal à compter du 30 août 2016 sur la somme de 63 136,83 6 et à compter de chaque échéance pour les arrérages échus postérieurement, avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil et la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

lui donner acte de ce qu'elle est désormais seule habile à porter la créance au titre des prestations invalidités initialement sollicitées par la CRAMIF,

condamner in solidum la société Décathlon et de la société Zurich à lui verser, en ce qu'elle vient aux droits de la CRAMIF la somme de 83.204,73 € au titre des arrérages versés du 2 août 2010 au 31 août 2018 et les arrérages à échoir du 1er septembre 2018 jusqu'à la date de substitution d'une pension de retraite servie par la CNAV au fur et à mesure de leur échéance, à moins qu'elles ne préfèrent s'en libérer par le paiement du capital représentatif des arrérages à échoir qui s'élève à la somme de 20.560,69 €, avec intérêts à compter du 30 août 2016 pour les arrérages échus à cette date et à compter de chaque échéance pour les arrérages échus postérieurement,

ordonner la capitalisation des intérêts,

porter le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion à la somme de 1.066 €, correspondant à son montant au 1er janvier 2018,

condamner in solidum la société Décathlon et de la société Zurich Insurance Plc à lui payer une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner in solidum la société Décathlon et de la société Zurich Insurance plc aux dépens dont distraction au profit de la SELARL Kato et Lefebvre associés.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 10 décembre 2018.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la prise en compte des deux rapports d'expertise :

Le docteur [N], premier expert, a émis, le 9 octobre 2009, l'avis suivant sur le préjudice corporel subi par Mme [Z] :

- blessures provoquées par l'accident : fracture basse des deux os de la jambe droite,

- incapacité totale de travail en deux périodes : du 4 février au 23 avril 2007 et du 7 juillet au 10 août 2008,

- pas d'incapacité temporaire partielle,

- assistance temporaire par tierce personne : nécessité d'une aide à domicile d'environ 2 heures par jour pendant deux mois,

- souffrances endurées : 4 / 7 en tenant compte de la fracture, de son caractère ouvert, des deux interventions chirurgicales (ostéosynthèse et ablation du matériel) et du retentissement psychologique,

- consolidation fixée au 1er septembre 2009 (à l'âge de 52 ans),

- séquelles : séquelles de la fracture (douleurs de la jambe droite à la marche, raideur modérée de la cheville, raccourcissement de jambe droite d'1 cm, limitation modérée du périmètre de marche) et retentissement psychologique,

- dépenses de santé futures : port de bas de contention et semelles orthopédiques,

- assistance par tierce personne permanente : après consolidation, l'aide n'est plus nécessaire,

- incidence professionnelle : Mme [Z] a retrouvé une autonomie équivalente à celle précédant les faits, dans la mesure où elle a repris son activité professionnelle antérieure mais une demande d'un poste handicapé aménagé a été faite,

- déficit fonctionnel permanent : 10 %,

- préjudice esthétique : 2 / 7 en raison d'une boiterie discrète et de la longue cicatrice de 25 cm,

- préjudice d'agrément : appréhension à reprendre le ski et gêne pour les randonnées,

- retentissement sur la vie privée : perte de son compagnon qu'elle connaissait depuis 5 ans, mais avec qui elle ne vivait pas, prise de poids en rapport avec son état dépressif et tendance à l'isolement.

Le docteur [P], second expert, a émis, le 25 juin 2014, l'avis suivant sur le préjudice corporel subi par Mme [Z] :

- lésions en aggravation : syndrome dépressif apparu en juin 2009 et fracture de la malléole externe de la cheville le 6 août 2011 en lien de causalité directe avec l'accident de ski,

- déficit fonctionnel temporaire :

$gt; partiel de classe 3 pendant 3 mois

$gt; partiel de classe 1 pendant 3 mois

- nouvelles souffrances endurées : 4,5 / 7,

- préjudice esthétique temporaire : 2 / 7,

- consolidation fixée au mois de juin 2011 sur le plan psychiatrique et au 6 février 2012 sur le plan orthopédique soit 6 mois après la fracture (à l'âge de 55 ans),

- séquelles : apparition d'une nouvelle lésion : un syndrome fémoro patellaire très algique, limitation des amplitudes des mouvements de la cheville droite en lien pour partie avec la fracture initiale et pour partie avec la fracture de la malléole et décompensation psychiatrique,

- dépenses de santé futures : orthèse plantaire, chaussures orthopédiques avec coin pronateur externe et avec semelle de compensation d'1cm, une fois par an, bas de contention, médicaments psychotropes (antidépresseurs et anxiolytiques),

- adaptation du logement : remplacement d'une baignoire par une douche handicap avec banc, rampe et sol antidérapant,

- Mme [Z] ne peut plus conduire du fait de ses séquelles orthopédiques et de la nécessité de prise de psychotropes de façon régulière,

- assistance par tierce personne : 4 heures par semaine (aide au ménage essentiellement),

- incidence professionnelle : l'état psychologique de Mme [Z] ne rend pas possible une reprise professionnelle en accord avec ses diplômes et ses compétences,

- déficit fonctionnel permanent global : la nouvelle ' IPP' sur le plan orthopédique est évaluée à 6 % (syndrome rotulien post-traumatique et instabilité de la cheville) et l'IPP sur le plan psychiatrique à 5 % ; la nouvelle IPP globale évaluée à 10 % correspond aux nouvelles séquelles évaluées au jour de l'expertise,

- nouveau préjudice esthétique : 3/ 7 justifié par une boiterie,

- préjudice d'agrément : elle ne peut pratiquer le ski et la randonnée ni aucune activité de loisir en orthostatisme,

- préjudice sexuel : la prise de médicament à visée psychotrope a un effet négatif sur la libido.

Mme [Z] réclame à juste titre l'indemnisation de ses préjudices sur la base de ces deux rapports d'expertise, contrairement à ce qu'a décidé le tribunal, puisque le second expert a pris le soin de mentionner que ses conclusions se rapportent aux nouvelles lésions en aggravation et que les préjudices initiaux n'ont jamais été liquidés.

Sur la liquidation du préjudice corporel :

Au vu de ces éléments et des pièces produites par les parties, le préjudice corporel de Mme [Z] sera indemnisé comme suit :

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

* dépenses de santé actuelles

Les parties s'accordent sur la somme de 11 769,21 € allouée par le tribunal au titre des dépenses de santé actuelles restées à la charge de la victime, la caisse primaire d'assurance maladie étant fondée à exercer son recours sur la somme de 8 673,85 € au titre des prestations en nature versées par elle en supplément.

* frais divers

Mme [Z] sollicite le remboursement de la somme de 4 294,30 € correspondant aux frais suivants :

-frais d'intervention d'un hélicoptère pour son rapatriement à l'hôpital [Localité 4] pour la somme de 1 563,15 francs suisses, soit 1 440,09 €

- frais de pisteurs pour un montant de 250 francs suisses, soit 230,32 €

- franchise de l'hôpital [Localité 4] pour 92 francs suisses, soit 84,76 €

-remboursement de la combinaison de ski achetée le 24 janvier 2007, déchirée dans l'accident, pour un montant de 1 910 francs suisses, soit 1.759,63 €

- remboursement des skis : 199,50 €

- remboursement du billet de train retour Lausanne-Paris non utilisé : 80,00 €

- honoraires de médecin conseil : 500 €.

La société Décathlon et la société Zurich demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a limité l'indemnisation à la somme de 2 941,18 € au titre de ces demandes qu'elles ne contestent pas sauf en ce qui concerne les skis dont il n'est pas démontré qu'ils aient subi un quelconque dommage matériel et les honoraires du médecin conseil.

L'ensemble de ses frais sont justifiés en leur principe comme en leur montant et doivent être retenus, y compris les honoraires du médecin conseil qui a assisté la victime pendant la seconde expertise et la paire de skis qui étaient neuve et dont elle ne pourra plus jamais se servir. Il sera donc alloué la somme de 4 294,30 €.

* assistance par tierce personne

Mme [Z] réclame sur la base horaire de 18 € pour une aide non spécialisée et sur une période de 411 jours par an la somme de 4 596,76 € se décomposant comme suit:

-à raison de 2 heures par jour, durant deux mois, soit durant 61 jours (1er rapport) : 2 heures x 61 jours x 18 € x 411 jours/ 365 jours : 2 472,76 €,

- à raison de 4 heures par semaine du 6 août 2011au 6 février 2012 soit durant 26 semaines (2ème rapport) : 4 heures x 26 semaines x 18 € x 59 semaines/52 semaines : 2 124,00 €.

La société Décathlon et la société Zurich font valoir que Mme [Z] ne produit aucune pièce étayant la réalité sinon la régularité de cette assistance durant les périodes définies par l'expert. Elles concluent au débouté.

Les besoins en tierce personne non spécialisée ont été retenus tant par le premier que par le second expert.

Mme [Z] fait valoir à juste titre que les frais de tierce personne sont fixés en fonction des besoins de la victime et que l'indemnisation n'est pas subordonnée à la production de justificatifs et ne peut être réduite en cas d'assistance bénévole par un membre de la famille.

L'indemnisation sera effectuée selon un coût horaire de 16 € s'agissant d'une aide non spécialisée et sur une période annuelle de 365 jours dès lors qu'il n'est pas justifié par la victime de l'emploi d'une tierce personne salariée, pour un montant de 2 667,43 € se décomposant comme suit :

1ère période : 16 x 61 jours = 976 €

2ème période : 1 691,43 €

dates

nombre heures

TOTAL

06/08/2011

par semaine

s/ 365 jours / an

06/02/2012

185

jours

4,00

1 691,43 €

* perte de gains professionnels actuels

Mme [Z], qui travaillait depuis 2001 en qualité d'ingénieur commercial dans la société IBM, indique qu'elle a repris son travail sur un poste aménagé et a cessé toute activité en mars 2011 même si elle a continué à être salariée de la société IBM, et qu'elle perçoit une pension d'invalidité depuis août 2010.

Elle critique la décision des premiers juges en ce qu'ils ont calculé sa perte de revenus de 2010 à février 2012 sur la base de son revenu moyen des années 2007, 2008 et 2009 alors que ces années sont incomplètes puisqu'elle a subi des arrêts de travail prolongés.

Elle soutient qu'il n'y a pas lieu de prendre pour revenu de référence la moyenne de sa rémunération perçue sur ces trois années puisque ses revenus ne sont pas irréguliers et ajoute ne pas avoir retrouvé ses avis d'imposition antérieurs à 2007.

Elle demande que soit retenu comme référence pour les années 2007 et 2008 son revenu net imposable de l'année 2006, année antérieure à l'accident, et pour les années 2010 à 2012 son revenu net imposable de l'année 2009 où elle n'a pas eu d'arrêt de travail et soutient que ses avis d'imposition tiennent compte des indemnités journalières perçues. Elle calcule sa perte du 4 février 2007 au 6 février 2012 pour un montant de 123 955,79 € comme suit :

année 2007 :108.582,33 € - 87 929 € = 20 653,33 €

année 2008 :108.582,33 € - 107.651 € = 931,33 €

année 2009 : pas de perte de revenus (revenus perçus : 124.105,00 €)

année 2010 :124.105,00 € - 95.410,00 € = 28.695,00 €

année 2011 :124.105,00 € - 58.572,00 € = 65.533,00€

du 1er janvier au 6 février 2012 : 12 546,13 € - [2 623,67 € (revenus) +1 779,33 € (indemnités journalières)] = 8 143,13 €.

La société Décathlon et la société Zurich demandent la confirmation du jugement qui a alloué la somme de 63 433 € pour la période de 2009 à février 2012 et subsidiairement, offrent la somme de 73 226 € telle qu'évaluée par le Cabinet [L] dans sa note en date du 26 juin 2017 établie à sa demande. Ils soutiennent que le revenu de Mme [Z] étant constitué d'un salaire fixe et de primes variables, le revenu de référence doit, de manière plus pertinente être fixé en fonction de la moyenne de trois années précédant l'accident et constatent que Mme [Z] ne produit pas les avis d'imposition utiles. Elles reprennent la motivation des premiers juges qui ont estimé que Mme [Z] ne justifiait ni de la régularité de la prime ni de ses modalités de calcul, étant acquis à la lecture des bulletins de salaire de décembre 2008 et de décembre 2009 que le montant de la prime est variable.

Il sera relevé, en premier lieu, que si le premier expert a fixé la date de la première consolidation au 1er septembre 2009, les symptômes de la décompensation psychiatrique retenue à tire de séquelles par le second expert sont apparus dès juin 2009 (pages 21 et 42 de son rapport) date où la victime a été placée sous anti-dépresseurs avec un suivi psychiatrique intermittent, et en second lieu, que Mme [Z] a été en arrêt de travail du 9 au 24 juin 2009 et du 6 au 13 novembre 2009 puis du 15 au 28 janvier 2010, du 25 février au 18 mars 2010, du 20 avril au 11 mai 2010, du 8 au 17 octobre 2010 et du 18 novembre 2010 au 12 janvier 2011 puis du 3 mars 2011 au 1er mars2012, ainsi qu'il ressort de l'attestation de la caisse primaire d'assurance maladie relative aux indemnités journalières versées.

En conséquence, la perte de gains professionnels actuels sera calculée sur la période du 4 février 2007 jusqu'au 6 février 2012.

Mme [Z] ne peut prétendre que ses revenus antérieurs auraient été réguliers puisqu'au vu des bulletins de salaire produits, elle a perçu des primes d'un montant de 83 544,28 € en 2006, 63 083,84 € en 2007, 29 593,59 € en 2008, 38 350,83 € en 2009 et plus de primes à compter de 2010.

L'examen des bulletins de salaire pour l'année 2006 fait également apparaître qu'une somme globale de 19 641,88 € a été déduite de son salaire fixe au titre des régularisations de commissions pour l'année A-1.

Ces éléments démontrent que le revenu net de l'année antérieure à l'accident n'est pas représentatif du revenu moyen de Mme [Z], lequel devrait pouvoir être calculé en effectuant la moyenne de son revenu pour les années 2004, 2005 et 2006 précédant l'accident, mais Mme [Z] ne produit ni ses bulletins de salaire ni ses avis d'imposition pour ces trois années en prétendant ne pas les avoir conservés.

Faute de production de ces éléments par l'appelante, la cour n'a d'autre choix que de retenir la méthode de calcul préconisée par la société Décathlon et son assureur par le biais des différentes notes élaborées à leur demande par un cabinet de conseil spécialisé, consistant à prendre comme valeur de référence la somme correspondant à la moyenne des revenus de 2006, 2008 et 2009.

Ce calcul est cohérent dans la mesure où l'année de l'accident n'est pas prise en compte et où il est établi que Mme [Z] n'a été absente que 34 jours en 2008 (du 8 juillet au 10 août) et 28 jours en 2009 (du 9 au 24 juin et du 6 au 13 novembre) de sorte que son revenu n'a été que très peu affecté par ses arrêts de travail.

Le revenu net imposable de l'année 2006 s'élève à la somme de 108 582 € au vu du bulletin de salaire de décembre 2006, l'avis d'imposition n'étant pas produit, celui de 2008 à la somme de 107 651 € selon l'avis d'imposition et celui de 2009 à la somme de 124 105 € selon l'avis d'imposition.

Le revenu de référence sera donc établi à la somme de 113 446 € et servira de base de calcul pour toute la période considérée.

Les parties s'accordent pour admettre que les indemnités journalières et les arrérages de la pension d'invalidité de catégorie 1 perçue à compter du 2 août 2010 sont inclus dans les revenus déclarés à l'administration fiscale.

La perte de revenus sera donc calculée à la somme de 109 410,19 € de la manière suivante :

année 2007 :113 446  € - 87 929 € = 25 517 €

année 2008 :113 446  € - 107.651 € = 5 796 €

année 2009 : pas de perte de revenus (revenus perçus : 124.105,00 €)

année 2010 :113 446 € - 95.410,00 € =18 036 € 

année 2011 :113 446 € - 58.572,00 € = 54 874 €

du 1er janvier au 6 février 2012 : ( [113 446 x 37jours/365] - [ 32 662 x 37/365 + 1 779 (indemnités journalières) + 83 204,73 x 37/2 952 ( arrérages pension d'invalidité)] = 5 367,19 €.

Le recours subrogatoire de la caisse primaire d'assurance maladie est fondé à hauteur de 27 294,65 € au titre des indemnités journalières (après déduction de celles versées en 2012 pour un montant de 1 106,07 €) et à hauteur de 15 615 € au titre des arrérages échus de la pension d'invalidité du 2 août au 6 février 2012.

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

* dépenses de santé futures

Mme [Z] sollicite le paiement de la somme de 147 861,53 € correspondant aux dépenses suivantes :

- chaussures orthopédiques : 27 476,35 €

- semelles orthopédiques : 2 779,86 €

- collants de contention : 54 182,46 €

- anti-douleur Versatis : 63 422,86 €.

Elle fait valoir que les trois premières dépenses ont été retenues par le docteur [P] et qu'il convient d'y ajouter la prise en charge des anti-douleurs puisque le docteur [Q] sapiteur a retenu la nécessité de la prise régulière d'anti-dépresseurs et d'anti-douleurs.

La société Décathlon et la société Zurich sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a alloué la somme de 52 870,17 € en excluant le remboursement du traitement anti-douleurs.

Il sera toutefois relevé que les premiers juges ont omis de tenir compte de la créance de la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 2] à ce titre.

L'expert a retenu au titre des dépenses de santé futures les orthèses plantaires, les chaussures orthopédiques avec coin pronateur externe et avec semelle de compensation d'1cm, une fois par an, les bas de contention et les médicaments psychotropes (antidépresseurs et anxiolytiques).

1. S'agissant des chaussures orthopédiques, Mme [Z] fait état d'un prix de 908,94 € au titre d'une paire de chaussures et produit un devis du 2 juillet 2014 d'un montant de 808,94 € TTC pour les chaussures et 150 € TTC pour les tiges intérieures destinées à maintenir les malléoles. Or, la caisse primaire d'assurance maladie demande au titre de ses frais futurs la prise en compte du remboursement par elle des chaussures orthopédique pour un montant de 808,94 € outre la somme de 1 617,88 € au titre des fournitures accessoires, des frais de déplacement de la victime et des frais d'expédition des appareils soit un montant de l'annuité de 2 426,82 €. Il s'en déduit que l'achat annuel des chaussures orthopédiques et de leurs accessoires est totalement pris en charge par l'organisme de sécurité sociale de sorte que Mme [Z] ne justifie d'aucune dépense qui resterait à sa charge et doit être déboutée de sa demande à ce titre.

2. S'agissant des semelles orthopédiques, la victime justifie que sur le coût initial de 167 €, elle a été remboursée à hauteur de 17,32 € par la caisse de sécurité sociale et de 57,72 € par sa mutuelle de sorte qu'il est resté à sa charge la somme de 91,96 €. Elle réclame à juste titre la somme de 643,72  € au titre des arrérages échus de 2012 à 2019. La capitalisation pour l'avenir sera effectuée en fonction de l'euro de rente viagère d'une femme âgée de 62 ans en 2019 selon le barème de la Gazette du Palais publié en novembre 2017 pour un montant de 2 136,14 € (91,96 € x 23,229).

Ce poste de préjudice s'élève à la somme de 2 779,86 € et le recours subrogatoire de la caisse primaire d'assurance maladie doit être admis pour le montant réclamé.

3. Mme [Z] soutient que le renouvellement des bas de contention doit être effectué deux fois par mois soit un besoin de 24 paires de contention par an alors que la caisse primaire d'assurance maladie prévoirait la prise en charge d'une paire tous les trois mois. L'appelante ne justifie pas de la nécessité d'un renouvellement bi-mensuel et, après l'acceptation d'un achat de deux paires pour le premier mois, un renouvellement mensuel tel qu'arbitré par les premiers juges et accepté par les intimés sera retenu.

Mme [Z] justifie de l'achat d'une paire de collant de contention pour un montant de 89,62 € que la caisse primaire d'assurance maladie indique rembourser à hauteur de 17,10 € soit un coût restant à charge de 72,52 €.

- Le coût initial annuel en 2012 a été de 942,76 € (72,52 € x 13) puis de 2013 à 2019 de 5 221,44 € (72,52 € x 12 x 6).

- Le coût annuel de 870,24 € sera capitalisé en fonction de l'euro de rente viagère d'une femme âgée de 62 ans en 2019 selon le barème de la Gazette du Palais publié en novembre 2017 pour un montant de 20 214,80 € (870,24 € x 23,229).

Ce poste de préjudice s'élève à la somme de 26 379 € et le recours subrogatoire de la caisse primaire d'assurance maladie doit être admis pour le montant réclamé.

4. Mme [Z] soutient que le docteur [I] a certifié le 28 novembre 2014 la nécessité pour elle d'utiliser des patchs Versatis en remplacement d'autres patchs en raison de réactions d'intolérances cutanées et que le médicament Versatis n'est remboursé que pour les douleurs neuropathiques post-zostériennes, ce qui n'est pas son cas.

Elle ne peut justifier par une réponse sur un blog 'questions de comptoir' du Moniteur des Pharmaciens du fait que l'emplâtre Versatis prescrit hors AMM pour des douleurs non-zostériennes ne serait pas remboursé. Par ailleurs, elle ne fournit aucune ordonnance prescrivant ce médicament en mentionnant qu'il n'est pas remboursable et si elle produit un ticket de caisse du 28 octobre 2014 prouvant qu'elle a réglé l'intégralité du prix de ce médicament, elle produit la feuille de soins du pharmacien du même jour mentionnant un taux de remboursement de 65 % par la sécurité sociale. Il n'est pas plus démontré que la mutuelle ne prendrait pas en charge le complément. Dès lors, en l'absence de justification de la régularité de la prise de ce médicament, de sa prescription effective et de son absence de remboursement, cette demande sera rejetée en confirmation du jugement.

En définitive, ce poste de préjudice est évalué à la somme de 29 158,86 € (2 779,86  + 26 379) mais les intimés sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a alloué la somme de 52 870,17 € et il sera fait droit à cette demande.

Le recours de la caisse primaire d'assurance maladie sera admis pour la somme de 77 479,71 € comprenant également les frais de surveillance médicale prévus par l'expert.

* frais de logement adapté

Mme [Z] sollicite l'aménagement de sa salle de bains pour un montant de 15 253,23 € correspondant à un devis du 26 mars 2017, en arguant du fait que le remplacement de la baignoire par une douche nécessite de démonter toute la salle de bains et de casser tout le carrelage pour pouvoir la refaire intégralement.

Les intimées demandent la confirmation du jugement qui a accordé une somme de 5 000 € à ce titre après avoir relevé que le devis daté de 2013 faisait état de l'installation d'un ensemble lavabo vasque sans rapport avec l'état séquellaire de la victime.

L'expert judiciaire a retenu le remplacement d'une baignoire par une douche handicap avec banc, rampe et sol antidérapant.

Le devis produit en appel prévoit la conservation du sol et du plan vasque existants, le remplacement de la baignoire par une douche, avec une banquette, la pose d'une paroi de douche avec potence de liaison et la réfection du carrelage sur le volume intégral de la baignoire. La photographie de la salle de bains actuelle démontre qu'elle a été réalisée avec des matériaux de qualité. Le devis proposé pour un montant de 15 253,23 € dont les intimées ne critiquent pas les prix sera retenu en infirmation du jugement.

* frais de véhicule adapté

L'expert [P] ayant indiqué sans équivoque qu'elle ne pouvait plus conduire, Mme [Z] soutient que ses difficultés de marche l'empêchent de se déplacer sur des longues distances et de prendre les transports en commun et demande le paiement de ses frais de transport en taxi et voiture privée pour un coût de 27 775,28 €, selon factures produites pour la période échue et avec capitalisation sur la base d'un coût moyen de 1 068,71 € déboursé en 2017, n'ayant pas conservé l'intégralité de ses factures antérieures.

Elle ajoute qu'elle avait la passion des voyages (4 passeports entiers remplis de visas et statut platinium sur Air France) et ne peut plus désormais voyager qu'en position obligatoirement allongée pour les vols de plus de deux heures, ce qui l'oblige à prendre des billets en classe affaire. N'ayant pas de justificatifs antérieurs, elle ne demande l'indemnisation du surcoût pour les déplacements en avion en classe affaire que pour les voyages à venir, à partir d'une estimation sur trois destinations : la Réunion, Honolulu et la Guadeloupe, en arguant de surcoût respectivement de 4 218 €, 3 670 € et 2 662 € par voyage aller-retour soit un surcoût moyen de 3 571 €.

Sur la base de 4 voyages par an, elle capitalise ce surcoût de manière viagère pour un montant de 326 785,57 €.

La société Décathlon et son assureur la société Zurich concluent au rejet de cette demande faute de justificatifs sérieux, en reprenant les motifs des premiers juges qui ont relevé qu'elle avait continué à voyager postérieurement à l'accident et que l'expert n'avait pas retenu le besoin pour Mme [Z] d'allonger la jambe droite lors de ses voyages en avion, même sur les longs courriers.

Ce poste de préjudice comprend les dépenses nécessaires pour procéder à l'adaptation d'un véhicule aux besoins de la victime atteinte d'un handicap permanent ou les surcoûts en frais de transport rendus nécessaires à la victime en raison de ses difficultés d'accessibilité aux transports en commun survenues depuis le dommage.

1. L'expert a relevé au titre des séquelles un syndrome fémoro patellaire très algique, une limitation des amplitudes des mouvements de la cheville droite en lien pour partie avec la fracture initiale et pour partie avec la fracture de la malléole et une instabilité de cette cheville. Ces séquelles rendent incontestablement plus difficiles sa marche sur des longues distances et les déplacements en transports en commun, de sorte que sa demande en remboursement des frais de taxi et voiture privée sont justifiés en leur principe.

Mme [Z] justifie de ses frais de déplacements en taxi ou en voiture privée pour un montant total de 2 950,22 € de 2014 à décembre 2017 dont une somme de 1 068,71 € pour ses seuls déplacements de l'année 2017. Aucune somme n'a été réclamée à ce titre en première instance, ce qui légitime son assertion selon laquelle elle n'a gardé des justificatifs qu'après avoir changé d'avocat, faute d'information à ce titre de la part de son premier conseil. La somme de 2 950,22 € lui sera accordée.

De même, il est raisonnable de retenir une dépense annuelle de 1 068,71 € pour le futur et de la capitaliser à compter du 1er janvier 2019 selon l'euro de rente viagère d'une femme de 62 ans pour un montant de 24 825,06 € (1 068,71 € x 23,229).

Il lui sera donc alloué la somme de 27 775,28 € qu'elle réclame à ce titre.

2 . S'agissant de la nécessité pour Mme [Z] de voyager en classe affaire afin de pouvoir allonger sa jambe, il convient de préciser que si un médecin avait estimé en 2007 nécessaire pour elle de s'allonger pour tout trajet en avion supérieur à deux heures de vols, ni le premier expert en 2009 ni le second en 2014 n'ont retenu cette nécessité malgré les doléances écrites très précises de la victime. Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

Ce poste de préjudice sera donc fixé à la somme de 27 775,28 €.

* assistance par tierce personne

Mme [Z] soutient que l'expert a prévu un besoin de 4 heures d'aide ménagère post-consolidation et en demande l'indemnisation selon un tarif horaire de 18 € du 6 février 2012 au 31 décembre 2016 et de 24 € à compter de cette date où elle a embauché une aide à ce tarif, sur une base de 59 semaines pour tenir compte des vacances et jours fériés, pour un montant total de 164 654,45 €.

La société Décathlon et son assureur la société Zurich répondent qu'un tel besoin n'a pas été retenu par le docteur [P], ce qui explique que Mme [Z] n'ait formé aucune demande à ce titre en première instance.

Contrairement aux allégations des intimées, l'expert [P] a retenu un besoins d'aide ménagère de 4 heures par semaine de manière pérenne. Il sera retenu un coût horaire de 18 € afin de tenir compte de l'érosion monétaire pour la période jusqu'au 31 décembre 2016 mais le calcul sera effectué sur 52 semaines. Elle justifie de l'emploi d'une salariée depuis fin 2016 et à compter de cette date, ayant le statut d'employeur, le calcul sera effectué sur la base de 59 semaines pour tenir compte des congés et jours fériés et sur la base de 22 € qui correspond à celui payé par elle.

Il lui sera alloué la somme de 150 197,65 € calculée comme suit :

- du 6 février 2012 au 31 décembre 2016 : 18 360 € (255 semaines x 4 heures x 18 €)

- du 1er janvier 2017 au 28 février 2019 : 11 232,69 € (112,5 semaines x 4 heures x 59/52 semaines x 22 €)

- capitalisation à compter du 1er mars 2019 : le montant annuel de 5 192 € (59 x 4 x 22 €) sera capitalisé en fonction de l'euro de rente viagère d'une femme de 62 ans à la date de la capitalisation selon le barème de la Gazette du Palais publié en novembre 2017 (23,229) pour un montant de 120 604,96 €.

* perte de gains professionnels futurs

Mme [Z] rappelle qu'elle ne travaille plus depuis mars 2011 mais qu'elle n'a pas été licenciée et qu'elle ne perçoit plus de salaire depuis 2015. Elle soutient que ne pouvant plus travailler en raison de ses séquelles orthopédiques et de son état psychologique très dégradé, sa perte de gains professionnels futurs est totale. Elle en calcule le montant jusqu'au 31 décembre 2023, âge où elle aura 67 ans, puisqu'elle n'aurait pu obtenir une retraite à taux plein qu'à compter du 1er janvier 2024 et que n'ayant ni conjoint ni enfant, elle n'aurait pas pris de retraite anticipée et aurait attendu d'avoir le nombre de trimestres suffisants et n'aurait pas pris sa retraite à 62 ans pour subir une décote de 12,5 %.

Sur la base de son salaire de 2009 dont elle demande la revalorisation chaque année sur la base de l'indice INSEE du SMIC, elle demande la somme totale de 1 388 638,09 € se décomposant comme suit :

- salaire qu'elle aurait dû percevoir du 7 février 2012 au 31 décembre 2023 :

période échue au 28 février 2019 : 916 086,57 €

période à échoir du 1er mars 2019 au 31 décembre 2023 après capitalisation selon le barème publié par la Gazette du Palais pour 2018 : 638 714,82 €

total : 1 554 801,39 €

-revenus qu'elle a effectivement perçus et percevra pour la même période :

salaires et indemnités journalières jusqu'au 31 décembre 2018 : 67 001,56 €

pension d'invalidité versée par la CRAMIF : 99 161,74 € (intégralité de la créance)

- perte de gains professionnels futurs : 1 388 638,09 €.

La société Décathlon et son assureur font valoir que les nouveaux éléments produits par l'appelante ont permis au cabinet [L], qui avait évalué la perte à la somme de 777 774 € telle que retenue par les premiers juges, d'affiner son analyse dans le cadre d'une poursuite de la vie active jusqu'à l'âge de 62 ans seulement, en raison de la politique salariale de la société IBM, et elles estiment désormais que la perte de gains professionnels futurs ne saurait excéder la somme de 509 000 €.

Les intimées ne contestent pas que Mme [Z] ne pourra pas reprendre d'emploi et que son indemnisation doit être totale.

Mme [Z] ayant cotisé 145 trimestres au 31 décembre 2015, il lui manquait 21 trimestres à cette date et 9 trimestres au 31 décembre 2018 où elle a eu 62 ans. Il peut être présumé qu'elle aurait continué à travailler jusqu'à l'âge de 63 ans pour obtenir le nombre suffisant de trimestres lui permettant de bénéficier d'une retraite à taux plein et cet âge sera retenu.

Conformément à la demande de Mme [Z], le salaire de référence de

113 446 € retenu par la cour fera l'objet d'une revalorisation chaque année pour tenir compte de l'érosion monétaire, laquelle sera calculée non selon l'indice INSEE du SMIC mais conformément au tableau de conversion prenant en compte l'érosion monétaire élaboré par l'INSEE.

Mme [Z] aurait donc dû percevoir les revenus suivants :

- au titre de la période échue du 7 février 2012 au 28 février 2019 :

période du 7 février au 31 décembre 2012 ( année bissextile) : 103 970,35 €

(115 663,07 x 329/366 jours)

2013 : 116 671,90 €

2014 : 117 258,42 €

2015 : 117 305,35 €

2016 : 117 516,50 €

2117 : 118 736,47 €

2018 : 120 930,08 €

du 1er au 28 février 2019 : 19 547,60 € (120 930,08 x 59/365 jours)

total : 831 936,67 €.

- pour la période à échoir du 1er mars 2019 au 31 décembre 2019 :

Mme [Z] aurait dû percevoir la somme de 101 382,48 € (120 930,08 € - 19 547,60 €).

De cette perte théorique s'élevant à la somme de 933 319,15 €, il convient de déduire :

- les salaires perçus en 2012 pour 22 171,49 € et les indemnités journalières pour un montant de 1 106,07 € soit au total 23 277,56 €

- les salaires perçus en 2013 pour un montant de 25 369 € (selon avis d'imposition et avant déduction de 10 % pour frais réels)

- les salaires perçus en 2014 pour un montant de 23 213 €

soit la somme totale de 71 859,56 €

- les arrérages échus à compter du 7 février 2012 au 31 août 2018 et le capital représentatif des arrérages à échoir de la pension d'invalidité selon attestation du 6 septembre 2018 pour un montant de 88 150,42 € (103 765,42 € - 15 615 €).

La perte de gains professionnels futurs de la victime s'élève donc à la somme de 773 309,17 €.

* incidence professionnelle

Mme [Z] sollicite la somme totale de 305 287,26 € à deux titres :

- au titre de la perte de droits à la retraite, elle fait valoir que n'ayant pu obtenir de réponse de la CNAV et de l'AGIRC-ARRCO, elle s'est adressée à un actuaire, le cabinet VB expertise, afin qu'une reconstitution de sa carrière soit effectuée, dont il ressort un manque à gagner de 882 € par mois pour une retraite prise à 67 ans alors qu'une simulation faite sur le site de l'AGIR-ARRCO fait état d'une perte de 990 €, et réclame la somme de 205 287,26 € à ce titre après capitalisation viagère,

- au titre de la nécessité d'abandonner son poste, elle soutient que ce préjudice lié à la privation d'un épanouissement professionnel et à une dévalorisation sociale existe même si elle est indemnisée du fait qu'elle ne peut plus travailler, et le chiffre à la somme de 100 000 €.

La société Décathlon et la société Zurich concluent à la confirmation de l'indemnisation de ce poste de préjudice à hauteur de 20 000 € et subsidiairement, estiment que l'indemnisation ne saurait, au vu de la note du cabinet [L] en réponse à celle du cabinet VB expertise, excéder la somme de 37 626 € au titre de la perte des droits à la retraite qu'elles acceptent de verser en cas d'infirmation du jugement entrepris sur ce poste de préjudice.

1. L'incidence professionnelle constituée par l'obligation, pour la victime, de devoir abandonner la profession précédemment exercée, a fortiori lorsqu'elle a été choisie, laquelle est un facteur d'intégration sociale, constitue un préjudice spécifique et distinct de la perte totale de gains professionnels futurs.

En outre, il serait inéquitable de conditionner l'indemnisation de l'incidence professionnelle à la persistance de l'exercice d'une activité professionnelle et de traiter ainsi plus durement les victimes ayant dû renoncer à travailler que celles pouvant conserver une activité professionnelle.

Dès lors que les séquelles de l'accident de ski ont contraint Mme [Z] à abandonner son activité professionnelle alors qu'il peut être présumé comme elle le soutient qu'elle y consacrait la majeure partie de sa vie n'étant pas mariée et n'ayant pas d'enfant, l'indemnisation de cette incidence professionnelle, susceptible d'être subie durant environ 8 ans compte tenu de l'âge de la victime lors de sa consolidation, est liquidée à la somme de 5 000 €.

2. Concernant la demande afférente à la perte de droits de retraite, le préjudice susceptible d'être indemnisable est égal à la différence entre le montant de la pension de retraite à laquelle la victime aurait pu prétendre sans la survenance de l'accident et celui qu'elle percevra effectivement.

2. 1. En premier lieu, conformément aux articles R.351-27 et R.351-29 du code de la sécurité sociale, le montant de la retraite des salariés de droit privé est égal à 50 % du salaire moyen revalorisé des 25 années les plus avantageuses, pris en compte dans la limite du plafond de la sécurité sociale.

En deuxième lieu, en vertu de l'article L.351-3 § 1° du code de la sécurité sociale, les périodes pendant lesquelles la victime a bénéficié d'une prestation d'invalidité sont prises en considération en vue de l'ouverture du droit à pension.

En troisième lieu, la cour a retenu que Mme [Z], née en 1956, aurait pris sa retraite à 63 ans, âge où elle aurait bénéficié de 166 trimestres de cotisations pour obtenir une retraite à taux plein, en application de l'article L.161-17-3 § 4° du code de la sécurité sociale. Ayant commencé à travailler en 1974, elle avait cotisé 109 trimestres au titre de la retraite du régime général avant l'accident et 145 en 2015, ainsi qu'il ressort du relevé de carrière qu'elle verse aux débats.

Sans la survenance de l'accident, l'assiette de calcul de sa pension de retraite (25 années) aurait inclus une durée de 9 années (de l'âge de 54 ans correspondant à l'année 2011 où elle a arrêté de travailler à celui de 63 ans pour l'ouverture des droits à la retraite) pouvant être présumées comme les plus avantageuses pour elle compte tenu de l'érosion monétaire future, ainsi que les 16 années antérieures les plus avantageuses.

Il peut également être présumé que Mme [Z] aurait perçu un salaire annuel brut au moins équivalant au salaire de référence retenu jusqu' au 31 décembre 2019 (âge de sa retraite à 63 ans) soit 113 446  € nets et 147 366 € bruts, lequel est supérieur au plafond de la sécurité sociale qui était de 35 352 € en 2011 et constitue la limite de la prise en charge.

Après revalorisation en application des articles R.351-29 § I et L.351-11 du code de la sécurité sociale, le montant du salaire annuel moyen (SAM) brut des 25 années les plus avantageuses peut être calculé la manière suivante :

- salaires perçus durant les 16 années les plus avantageuses antérieures à l'arrêt de son travail soit de 1993 à 2010 (les années 2000 et 2001 moins avantageuses n'étant pas prises en compte) dans la limite du plafond de la sécurité sociale et au vu du relevé de carrière :

année

coeff revalor

sal. plafond

salaire annuel réel

sal. revalor plafonné

1993

1,395

149 820 F

149 820,00 F

31 861,68 €

1994

1,370

153 120 F

153 120,00 F

31 979,90 €

1995

1,354

155 940 F

155 940,00 F

32 188,51 €

1996

1,321

161 220 F

171 600,00 F

32 467,31 €

1997

1,307

164 640 F

164 640,00 F

32 804,66 €

1998

1,293

169 080 F

185 049,00 F

33 328,47 €

1999

1,278

173 640 F

205 956,00 F

33 830,25 €

2000

1,271

176 400 F

161 210,00 F

2001

1,246

179 400 F

0,00 F

2002

1,219

28 224 €

28 224,00 €

34 405,06 €

2003

1,199

29 184 €

29 184,00 €

34 991,62 €

2004

1,180

29 712 €

29 712,00 €

35 060,16 €

2005

1,160

30 192 €

30 192,00 €

35 022,72 €

2006

1,139

31 068 €

31 068,00 €

35 386,45 €

2007

1,120

32 184 €

32 184,00 €

36 046,08 €

2008

1,108

33 276 €

33 276,00 €

36 869,81 €

2009

1,099

34 308 €

34 308,00 €

37 704,49 €

2010

1,089

34 620 €

34 620,00 €

37 701,18 €

TOTAL 551 648,35 €

- salaire annuel moyen de 35 352 € revalorisé à 38 144,81 € pour les 9 années complémentaires : ( de 2011 à 2019 compris) : 343 303,29 €

- retraite annuelle brute : 551 648,35 + 343 303,29 / 25 ans x 50 % = 17 899,03 €

- retraite nette : 16 574,51 € après déduction du coefficient de 7,40 % pour les prélèvements sociaux tel que le mentionne le cabinet BV expertise ( CGG/CRDS 7,0 % + CASA 0,3 %).

Au vu du salaire annuel moyen revalorisé calculé par le cabinet VB expertise qui sera perçu par Mme [Z] en tant que bénéficiaire d'une pension d'invalidité soit 32 820 €, la retraite du régime général (hors régime complémentaire) qu'elle percevra s'élèvera à la somme de 16 410 € bruts (32 820 x 50 %) soit 15 195,66 € nets après soustraction de 7,40 % au titre des prélèvements sociaux.

La perte annuelle de retraite au titre du régime général est donc de 1 378,85 € (16 574,51 - 15 195,66). Après capitalisation selon l'euro de rente viagère d'une femme de 63 ans en application du barème de la Gazette du Palais publié en 2017, la perte de droits à la retraite du régime général s'élève à la somme de 30 973,11 € (1 378,85 € x 17,526).

2.2. Le relevé de retraite complémentaire versé aux débats permet de calculer qu'au cours des trois années de référence (2006, 2008 et 2009), Mme [Z] a acquis 149,52 points ARRCO et 3 610 points AGIRC (tranche B et C).

En 2010, elle a acquis 150,21 points ARRCO et ne subit aucune perte et 2 528 points AGIRC soit une perte de 1082  points,

En 2011,elle a acquis 0,02 point ARRCO soit une perte de 149,50 points et 1850 points AGIRC soit une perte de 1 760 points,

En 2012, elle a acquis 144,51 points ARRCO soit une perte de 5,01 points et 120 points AGIRC soit une perte de 3 490 points,

En 2013, elle a acquis 15,44 points ARRCO soit une perte de 134,08 points et 0 point AGIRC soit une perte de 3 610 points,

En 2014, elle a acquis 144, 54 points ARRCO soit une perte de 4,98 points et 0 point AGIRC soit une perte de 3 610 points,

soit un sous-total de 293,57 points ARRCO et 13 552 points AGIRC.

La valeur du point ARRCO étant de 1,2513 € en 2018 et celle du point AGIRC de 0,4352 €, la perte est de 6 265,27 € ( 367,34 + 5  897,83) soit 5 801,64  € nets après imputation des prélèvements sociaux pour 7,40 %.

A compter de 2015 et jusqu'au 31 décembre 2019, la perte de  points ARRCO est de 935,47 € (149,52 x 5 ans x 1,2513 €) et la perte de points AGIRC est de 7 855,36 € (3 610 x 5 ans x 0,4352 €) soit une perte brute de 8 790,83 € et nette de 8 140,30 €.

La perte nette totale de 13 941,94 € (5 801,64 + 8 140,30) doit être capitalisée selon l'euro de rente viagère d'une femme de 63 ans selon le barème précité (22,463) pour un montant de 313 177,80 € au titre de la retraite complémentaire.

La perte totale au titre des droits à la retraite s'élève à la somme de 344 150,91 €

Le montant total de l'évaluation de l'incidence professionnelle est de 349 150,91 € mais la cour étant saisie par la demande de la victime, il lui sera alloué la somme de 305 287,26 € qu'elle réclame au titre de l'incidence professionnelle.

Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

* déficit fonctionnel temporaire

Le docteur [P] a fixé le déficit fonctionnel temporaire comme suit :

partiel de classe 3 (50 %) pendant 3 mois

partiel de classe 1 (10 %) pendant 3 mois.

Le docteur [N] a retenu un déficit fonctionnel temporaire total pendant les périodes d'hospitalisation du 4 au 9 février 2007 et du 7 au 9 juillet 2008 mais a indiqué qu'il n'existait pas d'incapacité temporaire partielle.

Cela est toutefois en contradiction avec ses constatations puisque d'évidence, Mme [Z] a subi un déficit fonctionnel temporaire :

- partiel de classe 3 (50 %) du 10 février au 31 mars 2007 période où elle ne pouvait pas poser le pied par terre,

- partiel de classe 2 (25 %) du 1er avril au 15 juillet 2007 où elle a recommencé l'appui avec des cannes,

- un déficit fonctionnel temporaire de classe 2 après l'ablation du matériel du 10 juillet au 15 septembre 2008, période où elle s'est de nouveau déplacée avec des cannes,

- pas de déficit fonctionnel temporaire pendant les autres périodes.

Sur la base de 25 € par jour, ce préjudice doit être indemnisé pour la somme de 3 262,50 € se décomposant comme suit :

1ère période :

04/02/2007

Taux

total

09/02/2007

6 jours

100 %

150,00 €

31/03/2007

50 jours

50 %

625,00 €

15/07/2007

106 jours

25 %

662,50 €

07/07/2008

358 jours

0 %

0,00 €

09/07/2008

2 jours

100 %

50,00 €

15/09/2008

68 jours

25 %

425,00 €

1 912,50 €

2ème période :

3 mois x 750 € x 50 % = 1 125 €

3 Mois x 750 € x 10 % = 225 €

* souffrances endurées

Lors de la 1ère expertise, le docteur [N] a fixé les souffrances endurées à 4/7 en tenant compte de la fracture, de son caractère ouvert, des deux interventions chirurgicales (ostéosynthèse et ablation du matériel) et du retentissement psychologique.

Lors de l'expertise en aggravation, le docteur [P] a côté les nouvelles souffrances endurées à 4,5/ 7 en retenant les souffrances physiques liées à la fracture de la malléole, aux suites opératoires, aux nombreuses séances de rééducation et au syndrome fémoro patellaire très algique, et les souffrances psychiques ayant nécessité la prise régulières de traitements psychotropes.

Ces souffrances endurées justifient l'octroi de la somme de 35 000 € réclamée en infirmation du jugement entrepris.

* préjudice esthétique temporaire

Mme [Z] fait valoir à juste titre que les premiers juges ont alloué la somme de 1 500 € dans la motivation de leur décision mais ont omis de reprendre cette condamnation dans le dispositif de leur décision.

Les parties s'accordent sur une indemnisation pour ce montant d'un préjudice côté à 2/7.

Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

* déficit fonctionnel permanent

Mme [Z] réclame la somme de 40 000 € et demande que soit retenu au titre de l'atteinte à l'intégrité physique et psychique un taux de 20 % (10 + 10) car le taux retenu par le second expert correspond au seul nouveau déficit fonctionnel permanent en aggravation.

Les intimées répondent que les premiers juges ont fait une lecture exacte du rapport du docteur [P] qui a évalué le taux à 10 %.

Ce taux a été fixé à 10 % lors de la 1ère expertise et le docteur [P] a pris soin lors de la seconde expertise de préciser que le nouveau taux, relatif à la seule aggravation, était de 10 %.

Ce poste de préjudices sera évalué à la somme de 36 000 € en infirmation du jugement.

* préjudice esthétique permanent

Ce préjudice a été estimé à 2/7 en 2009 en raison d'une cicatrice de 25 cm et d'une légère boiterie et à 3/7 en 2014 en tenant compte d'une boiterie plus accentuée.

Mme [Z] ajoute à juste titre que doit également être pris en compte l'importante prise de poids (plus de 30 kg) en lien avec son absence d'exercice physique et son syndrome dépressif. Il lui sera alloué la somme de 15 000 € en infirmation du jugement.

* préjudice d'agrément

Mme [Z] demande la somme de 40 000 € à ce titre en faisant valoir qu'elle était active et sportive et a dû abandonner non seulement le ski et la randonnée qu'elle pratiquait mais également les voyages sportifs ou/et culturels nécessitant de longues marches qui étaient sa passion, pour des voyages de repos au bord d'une plage dans un hôtel.

Il ressort clairement des quatre passeports produits aux débats, des cartes postales nombreuses adressées à sa mère, des photographies de son appartement emplis de livres et de guides de voyages ainsi que d'objets décoratifs de tous les pays et des attestations produites par une amie et des membres de sa famille que Mme [Z] était passionnée par les voyages qu'elle organisait elle-même et qu'elle a fait le tour du monde. Or, ses séquelles physiques l'empêchent désormais d'effectuer les voyages sportifs et/ou culturels qui constituaient la passion de sa vie de femme célibataire, sans enfant et bénéficiant d'une aisance financière.

Par ailleurs, il ne peut être contesté qu'elle pratiquait le ski, compte tenu des circonstances de l'accident dont elle subit de lourdes séquelles.

Ce poste de préjudice sera réparé par l'octroi de la somme de 35 000 € en infirmation du jugement.

* préjudice sexuel

Le préjudice sexuel recouvre trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : une atteinte aux organes sexuels, un préjudice lié à l'acte sexuel (libido, frigidité, impuissance) ou une atteinte de la fonction de reproduction.

En l'espèce, seul un des aspects est atteint partiellement puisque le docteur [P] a retenu que la prise de médicaments à visée psychotrope avait un effet négatif sur la baisse de la libido. Ce poste de préjudice a été justement indemnisé par l'octroi de la somme de 2 000 €.

Sur les créances des tiers payeurs :

La société Décathlon et la société Zurich soulèvent l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 2] venant aux droits de la CRAMIF alors que la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 2] était déjà constituée et que les ' deux CPAM' forment toutes deux une demande au titre de la pension d'invalidité. Elles ajoutent que la réclamation de la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 2] dans ses conclusions du 6 septembre 2018 telle qu'elle est formulée revient à leur réclamer deux fois le montant de la pension d'invalidité, que l'indemnité forfaitaire de gestion n'est due qu'une seule fois par dossier qu'il y ait appel ou non et que la caisse primaire d'assurance maladie ne peut réclamer que l'actualisation du montant de cette indemnité pour 11 €.

La caisse primaire d'assurance maladie [Localité 2] rétorque à juste titre qu'elle intervient aux droits de la CRAMIF laquelle ne réclame plus aucune somme en son nom propre et qu'elle ne demande pas deux fois le paiement de la pension d'invalidité et de l'indemnité forfaitaire mais que la condamnation prononcée en première instance au profit de la CRAMIF doit être confirmée à son profit en tenant compte de la cession de créance intervenue entre elles.

En conséquence, la société Décathlon et la société Zurich seront condamnées

in solidum à lui verser, en ce qu'elle vient aux droits de la CRAMIF :

-la somme de 83.204,73 € au titre des arrérages versés du 2 août 2010 au 31 août 2018 et les arrérages à échoir du 1er septembre 2018 jusqu'à la date de substitution d'une pension de retraite servie par la CNAV au fur et à mesure de leur échéance, à moins qu'elles ne préfèrent s'en libérer par le paiement du capital représentatif des arrérages à échoir qui s'élève à la somme de 20.560,69 €, avec intérêts à compter du 7 décembre 2018, date de la première demande pour les arrérages échus à cette date et à compter de chaque échéance pour les arrérages échus postérieurement,

- une indemnité forfaitaire de gestion portée à la somme de 1.066 €, correspondant à son montant au 1er janvier 2018.

La capitalisation des intérêts échus pour une année entière à compter du 7 décembre 2018 sera ordonnée.

Le recours subrogatoire de la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 2] en ce qui concerne sa créance initiale n'est pas contesté et doit être confirmé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les dépens d'appel doivent incomber à la société Décathlon et la société Zurich, parties perdantes.

La demande en cause d'appel de Mme [Z] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera accueillie en son principe et son montant de même que celle de la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 2].

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

condamné in solidum la société Décathlon et son assureur la société Zurich insurance public limited compagny à payer à Mme [Z] une somme de

4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné in solidum la société Décathlon et la société Zurich insurance public limited compagny à payer à la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 2] la somme de 121 620,53 € avec intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2008 pour la somme de 3 742,59 €, à compter du 29 décembre 2009 pour la somme de 4 084,44 €, du 2 décembre 2011 pour la somme de 8 404,14 €, à compter du 11 septembre 2015 pour la somme de 44 140,82 €, à compter de leur engagement pour les prestations futures ou si la société Décathlon et son assureur optent pour un versement en capital sur la somme de 77 479,71€, ainsi que la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné in solidum la société Décathlon et la société Zurich insurance public limited compagny aux dépens ;

Infirme le jugement en ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau, dans cette limite,

Condamne in solidum la SAS Décathlon France et la société Zurich insurance public limited compagny à payer à Mme [G] [Z] les sommes suivantes, en réparation de son préjudice corporel, provisions et sommes versées en exécution provisoire du jugement non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus :

- dépenses de santé actuelles

11 769,21 €

- frais divers restés à charge

4 294,30 €

- assistance par tierce personne

2 667,43 €

- perte de gains professionnels

109 410,19 €

- dépenses de santé futures

52 870,17 €

- frais de logement adapté

15 253,23 €

- frais de véhicule adapté

27 775,28 €

- assistance par tierce personne

150 197,65 €

- perte de gains prof. futurs

773 309,17 €

- incidence professionnelle

305 287,26 €

- déficit fonctionnel temporaire

3 262,50 €

- souffrances endurées

35 000,00 €

- préjudice esthétique temporaire

1 500,00 €

- déficit fonctionnel permanent

36 000,00 €

- préjudice esthétique permanent

15 000,00 €

- préjudice d'agrément

35 000,00 €

- préjudice sexuel

2 000,00 €

Condamne in solidum la SAS Décathlon France et la société Zurich insurance public limited compagny à payer à la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 2] :

la somme de 83 204,73 € au titre des arrérages versés du 2 août 2010 au 31 août 2018 et les arrérages à échoir du 1er septembre 2018 jusqu'à la date de substitution d'une pension de retraite servie par la CNAV au fur et à mesure de leur échéance, à moins qu'elles ne préfèrent s'en libérer par le paiement du capital représentatif des arrérages à échoir qui s'élève à la somme de 20 560,69 €, avec intérêts à compter du 7 décembre 2018, date de la première demande pour les arrérages échus à cette date et à compter de chaque échéance pour les arrérages échus postérieurement ;

une indemnité forfaitaire de gestion portée à la somme de 1 066 € ;

Ordonne la capitalisation des intérêts de cette créance échus pour une année entière à compter du 7 décembre et pour la première fois, le 7 décembre 2019 ;

Condamne in solidum la SAS Décathlon France et la société Zurich Insurance public limited compagny aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la SAS Décathlon France et la société Zurich insurance public limited compagny à payer à Mme [G] [Z] la somme de 5 000 € et à la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 2] celle de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 17/04069
Date de la décision : 11/03/2019

Références :

Cour d'appel de Paris C3, arrêt n°17/04069 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-11;17.04069 ?
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