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06/03/2019 | FRANCE | N°15/03322

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 06 mars 2019, 15/03322


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE


délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS











COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 2 - Chambre 1





ARRET DU 06 MARS 2019





(n° 95 , 12 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/03322 - N° Portalis 35L7-V-B67-BVWPN





Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Décembre 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/08954






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APPELANTS





Monsieur E... I... F...


[...]


[...]





né le [...] à NEUILLY SUR SEINE (92)





Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PA...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 06 MARS 2019

(n° 95 , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/03322 - N° Portalis 35L7-V-B67-BVWPN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Décembre 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/08954

APPELANTS

Monsieur E... I... F...

[...]

[...]

né le [...] à NEUILLY SUR SEINE (92)

Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Ayant pour avocat plaidant Me Alexis DE LIEPVRE de la SCP LACOURTE RAQUIN TATAR, avocat au barreau de PARIS, toque : R0176

Monsieur M... B... pris en son nom personnel et en qualité de liquidateur de la SCP M... B...

[...]

né le [...] à BOULOGNE BILLANCOURT (92)

Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Marie-José GONZALEZ RIOS, avocate au barreau de Paris, Toque P499.

MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD

[...]

Représentés par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Ayant pour avocat plaidant Me Guillaume REGNAULT de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P133

INTIMES

Maître M... B... pris en son nom personnel et en qualité de liquidateur de la SCP M... B...

[...]

SCP M... B... , représenté par son liquidateur Maître M... B...,

[...]

Représentés et ayant pour avocat plaidant Me Marie-José GONZALEZ RIOS, avocate au barreau de Paris, Toque P499.

SELARL SMJ prise en la personne de Maître J... G...

[...]

Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Thierry SERRA de la SELARL SERRA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0280

SA VERSANTIS agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [...]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Ayant pour avocat plaidant Me Alexis DE LIEPVRE de la SCP LACOURTE RAQUIN TATAR, avocat au barreau de PARIS, toque : R0176

MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. [...]

INTERVENANTE

SELARL SMJ prise en la personne de Maître J... G...,

agissant es qualité de liquidateur judiciaire des sociétés SI2P et STEEMA suivant jugement du Tribunal de Commerce de Créteil en date du 25 avril 2012, et des SCI LES GAUDINELLES, de la SCI LE CHÂTEAU D'ORGEMONT, la SCI LES ETANGS, de la SCI LE RUCAER suivant arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 28 mai 2015 en lieu et place de Maître T... R..., Mandataire judiciaire.

[...]

Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Marie-José GONZALEZ RIOS, avocate au barreau de Paris, Toque P499.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Novembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Christian HOURS, Président de chambre

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

Mme Anne de LACAUSSADE, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Mme Marie-Claude HERVE dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Nadyra MOUNIEN

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Christian HOURS, Président de chambre et par Lydie SUEUR Greffière présente lors du prononcé.

*****

Entre septembre 2006 et décembre 2007, F... a consenti à cinq sociétés d'un même groupe, six prêts pour un montant total de 18 millions et demi d'euros selon actes authentiques établis par maître B..., notaire. Ces prêts d'une durée moyenne de 8 mois, accordés moyennant un intérêt de 18%, étaient destinés à assurer le démarrage de différentes opérations de construction de résidences-service. En 2008, maître B... a également établi au profit de F... deux actes d'affectation hypothécaires en remboursement des prêts consentis à deux des sociétés en cause.

F... a cédé ses créances à la société de droit luxembourgeois Versantis dont il est le principal associé, par actes authentiques des 7 et 8 mai 2010. La société Versantis a acquis des parts dans le capital des sociétés emprunteuses.

Les sociétés emprunteuses ont fait l'objet de procédures collectives et la selarl SMJ a, en définitive, été désignée en qualité de mandataire liquidateur dans le cadre d'une unique procédure. La société Versantis a déclaré une créance de 22 323 000 €.

F... a intenté une action en responsabilité professionnelle contre maître B..., la SCP B... et la société MMA assurances iard, assureur du notaire. La société Versantis est intervenue volontairement à l'instance. Par un jugement dont appel, du 24 décembre 2014, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré F... irrecevable à agir, a dit que la société Versantis était recevable à agir, a dit que maître B... avait manqué à ses obligations professionnelles, qu'il était responsable du préjudice subi par la société Versantis correspondant à une perte de chance de 50% de ne pas subir le défaut de remboursement des prêts, a rejeté la demande en paiement de la société Versantis de la somme de 1 852 813,92 € à titre de dommages-intérêts et sur la fixation du préjudice, a sursis à statuer dans l'attente du résultat de la répartition à la suite des opérations de liquidation des cinq sociétés emprunteuses.

Maître B... ainsi que les MMA ont formé appel du jugement le 11 février 2015 et F... a formé appel le 11 juin 2015. Les deux instances ont été jointes.

De son côté, la SMJ a intenté en décembre 2016 une action en responsabilité contre les héritiers du notaire décédé, les MMA, F... et la société Versantis devant le tribunal de grande instance de Paris pour des fautes graves ayant contribué à la création de l'insuffisance d'actifs.

Par un arrêt du 9 mai 2018, la cour a déclaré recevable l'intervention volontaire de la selarl SMJ devant la cour d'appel.

Par une ordonnance du 3 juillet 2018, le conseiller de la mise en état a débouté la SMJ de sa demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal de grande instance de Paris dans l'instance qu'elle a engagée.

Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 22 novembre 2018, les ayants droit de maître B... ainsi que Tiphaine B... en qualité de liquidatrice de la SCP M... B... demandent à la cour de prendre acte de leur intervention volontaire, d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que maître B... a manqué à ses obligations professionnelles et a dit qu'il est responsable du préjudice subi par la société Versantis correspondant à une perte de chance évaluée à 50% de ne pas subir le défaut de remboursement des prêts, le confirmer en ce qu'il a déclaré F... irrecevable en ses demandes, a rejeté la demande de la société Versantis au paiement de la somme de 1 852 813,92 € à titre de dommages-intérêts, juger que le notaire n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité civile professionnelle sur le fondement de l'article 1382 du code civil, de constater l'absence de faute, l'absence de préjudice actuel et certain et l'absence de lien de causalité entre une hypothétique faute et le préjudice allégué, de débouter F... et la société Versantis de toutes leurs demandes,

très subsidiairement, de dire la perte de chance très faible eu égard au comportement de F... et à ses motivation, dire qu'en tout état de cause les intérêts conventionnels ne sauraient être constitutifs d'un préjudice indemnisable; de confirmer le jugement en ce qu'il a sursis à statuer dans l'attente des résultats de la répartition à la suite de la liquidation des sociétés emprunteuses, de débouter F... et la société Versantis de toutes autres prétentions, de les condamner à payer aux intervenantes la somme de

10 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 23 novembre 2018, la société MMA demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré F... irrecevable en ses demandes et a rejeté la demande de la société Versantis au paiement de la somme de 1 852 813, 92€ à titre de dommages-intérêts, d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que maître B... a manqué à ses obligations professionnelles et a dit qu'il est responsable du préjudice subi par la société Versantis, correspondant à une perte de chance évaluée à 50% de ne pas subir le défaut de remboursement des prêts, de juger qu'aucune faute n'est démontrée, qu'il n'existe aucun lien de causalité entre les manquements reprochés à maître B... et les préjudices allégués, de juger qu'aucune perte de chance n'est caractérisée et que la société Versantis et/ou F... ne justifient d'aucun préjudice né et actuel et subsidiairement que cette perte de chance est minime vu les manquements de F... aux droits duquel vient la société Versantis, dire que les intérêts conventionnels ne sauraient être constitutifs d'un préjudice indemnisable,

très subsidiairement, de confirmer le jugement en ce qu'il a sursis à statuer dans l'attente de l'issue des opérations de liquidation des sociétés emprunteuses, de débouter la société Versantis et F... de toutes leurs prétentions, de les condamner à lui payer la somme de 50 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 20 novembre 2018, la société Versantis demande à la cour de confirmer le jugement du 24 décembre 2014 en ce qu'il l'a déclarée recevable, en ce qu'il a dit que maître B... a manqué à ses obligations professionnelles et en ce qu'il a jugé que les fautes de maître B... sont à l'origine du préjudice qu'elle a subi, infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de 2 073 837,78 € à titre de dommages-intérêts, sauf à parfaire, en réparation de son préjudice matériel, d'infirmer le jugement en ce qu'il a évalué le préjudice subi par elle à la perte de chance évaluée à 50% de ne pas subir le défaut de remboursement, de condamner in solidum les ayants droit de maître B..., la SCP M... B... et la société mma à lui payer la somme de 28 353 890 € à titre de dommages-intérêts (sauf si la cour décidait d'allouer cette somme à F... à titre de dommages-intérêts) sauf à parfaire en réparation de son préjudice matériel, outre la somme de

2 277 859,80 € visée ci-dessus, juger qu'après paiement des sommes ci-dessus à son profit ou à celui de F..., les ayants droit de maître B..., la SCP M... B... et la société MMA seront subrogés dans les droits de la société Versantis au titre des réglements qui pourraient intervenir à l'issue des procédures de liquidation des sociétés emprunteuses, de debouter la SMJ de l'intégralité de ses demandes, de débouter les ayants droit de maître B..., la SCP M... B... et la société MMA de leurs demandes, de les condamner in solidum à lui payer la somme de 100 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 20 novembre 2018, F... demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déclaré irrecevable à agir, de déclarer ses demandes recevables et bien fondées, de dire que maître B... a manqué à ses obligations professionnelles, de dire que les fautes qu'il a commises sont à l'origine des préjudices subis par le concluant, de condamner in solidum les ayants droit de maître B..., la SCP M... B... et la société MMA à lui payer la somme de 28 353 890 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel qu'il a subi, de juger qu'après paiement des sommes ci-dessus à son profit ou à celui de F..., les ayants droit de maître B..., la SCP M... B... et la société MMA seront subrogés dans les droits de la société Versantis au titre des règlements qui pourraient intervenir à l'issue des procédures de liquidation des sociétés emprunteuses, de les condamner in solidum à lui payer la somme de 100 000 € au titre du préjudice moral qu'il a subi, de les débouter de leurs plus amples demandes, en tout état de cause de les condamner in solidum à lui payer la somme de 100 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 22 novembre 2018, la selarl SMJ demande à la cour de juger que la société Versantis n'a pas qualité à agir à l'encontre de maître B... et de la scp M... B... dès lors qu'elle ne justifie pas d'un préjudice personnel distinct de celui de la collectivité des créanciers, de juger que seule la SMJ ès qualités de mandataire liquidateur des sociétés emprunteuses a qualité à agir au nom et dans l'intérêt des créanciers pour obtenir réparation d'un préjudice commun à tous les créanciers, de dire en conséquence que la société Versantis est irrecevable à agir, son action ne correspondant qu'à une demande en réparation de la fraction qui lui est personnelle d'un préjudice collectif, subsidiairement, d'ordonner le sursis à statuer jusqu'au résultat de l'affaire pendante devant le tribunal de grande instance de Paris en responsabilité civile des différents intervenants dont le notaire,

Subsidiairement si le cour ne retenait pas l'irrecevabilité à agir de la société Versantis et ne faisait pas droit à la demande de sursis à statuer, de dire que la SMJ justifie d'un intérêt à agir en simulation à l'encontre de l'acte de cession de créance fondant les demandes de la société Versantis, de dire que conformément à l'article 564 du code de procédure civile, la survenance ou la révélation d'un fait constitue une exception à la prohibition des demandes nouvelles, de dire que le fait pour la SMJ ès qualités d'avoir été informée qu'au stade de l'instance pendante devant la cour de l'existence de l'action en responsabilité fondée sur une cession de créance simulée et de l'existence d'une contre-lettre portant sur l'acte simulé jusqu'à là caché de la liquidation judiciaire constitue bien la révélation d'un fait rendant recevable sa demande en inopposabilité de la cession litigieuse, vu l'article 1321 ancien du code civil, vu la reconnaissance par les parties à l'acte ostensible, cession de créance, de la dissimulation par fausse apparence de leur accord véritable à l'acte occulte destiné à modifier et annuler les stipulations de l'acte ostensible de juger que la cession de créance de F... à la société Versantis est entachée de fraude et repose sur une cause illicite, de juger que ladite cession est nulle ou à tout le moins inopposable à la liquidation judiciaire des sociétés emprunteuses et de condamner F... et la société Versantis à payer à la SMJ ès qualités la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en réservant les dépens.

MOTIFS DE LA DECISION :

Les ayants droit de maître B... et la scp concluent tout d'abord à l'irrecevabilité des demandes de F... en raison de la cession de créances qu'il a consentie en mai 2010 à la société Versantis selon acte établi par maître B..., dans lequel il est indiqué que le prix de cession soit 20 075 000 € a été payé directement du cessionnaire au cédant en dehors de la comptabilité du notaire, contre bonne et valable quittance. Elles font valoir que F... ne peut prétendre ne pas avoir reçu paiement du prix et se prévaloir à ce titre d'une attestation de la société Versantis qu'il contrôle totalement.

Elles contestent ensuite la faute du notaire retenue par le jugement et consistant à avoir manqué à son obligation d'information lors de la conclusion des contrats en n'alertant pas le prêteur des risques tenant au fait que la commercialisation des lots était aléatoire et à l'insuffisance de garanties prévues en raison notamment de la faible valeur des terrains. Elles déclarent que le notaire n'est intervenu que pour la signature des actes et qu'il ne s'est pas immiscé dans les opérations immobilières et n'a pas participé aux négociations entre les parties. Elles rappellent que le notaire n'a pas à effectuer des recherches sur l'opportunité économique d'une opération ni à informer l'acquéreur des risques d'échec d'un programme immobilier. Elles considèrent ainsi que maître B... n'avait pas à conseiller le prêteur sur les risques économiques de l'opération et les aléas liés à la commercialisation. Elles font également valoir que pour trois des cinq opérations immobilières, les insuffisances de garantie sont inexistantes et que la société Versantis a été admise comme créancier hypothécaire à la liquidation des sociétés emprunteuses. Elles ajoutent en reprenant les termes du jugement entrepris que F... ne pouvait ignorer le caractère risqué des prêts qu'il consentait et que traduit le taux d'intérêt élevé alors qu'au surplus, il a continué à accorder son crédit à trois des sociétés à une date à laquelle il savait que les 1ers prêts parvenus à échéance n'étaient pas remboursés.

Enfin, les ayants droit de maître B... et la scp M... B... contestent l'existence d'un préjudice actuel et certain alors que les créances de la société Versantis ne font pas l'objet d'une admission définitive. Elle font valoir que le lien de causalité entre une éventuelle perte de chance d'être remboursé et la faute imputé au notaire n'est pas démontré alors que le non remboursement est dû à la déconfiture des sociétés civiles emprunteuses et qu'il appartenait à F... de s'assurer de leur solvabilité.

Sur le quantum, elles soutiennent que F... n'aurait pas pu investir dans une autre opération moyennant un taux d'intérêt de 18% sans risques importants. Elles concluent en dernier lieu à titre subsidiaire à une forte réduction de la perte de chance en raison du comportement de F....

La société MMA conclut également à l'irrecevabilité des demandes de la société Versantis en relevant que celui-ci n'a pas effectué de déclaration de créance dans les liquidations des sociétés emprunteuses. Elle ajoute que si cette cession est fictive,F... a lui-même perdu ses droits dans le cadre des liquidations judiciaires du fait de son propre comportement et il ne saurait en faire grief au notaire.

Elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société Versantis de sa demande fondée sur son avance en compte courant pour laquelle maître B... n'est pas intervenu et en ce qu'il a écarté certains griefs ( absence d'indication du TEG, la réalisation d'opérations de banque).

La société MMA conteste également le manquement du notaire à son obligation d'information et déclare que celui-ci ne peut avoir à supporter des risques que F... a délibérément acceptés alors qu'il était à même de les apprécier. Elle ajoute que F... n'a jamais mis en oeuvre les hypothèques, ce qui démontre que pour lui ces garanties n'étaient pas déterminantes et exonère le notaire de sa responsabilité.

La société MMA reprend également les contestations émises par les ayants droit de maître B... en ce qui concerne la réalité du préjudice et le lien de causalité.

F... conclut à la recevabilité de ses demandes en faisant valoir qu'il n'a pas été payé du prix de la cession en raison du non-remboursement des prêts. Il déclare apporter la preuve du non paiement du prix malgré la mention figurant dans l'acte notarié. Il soutient que la cession est valable même si le paiement a été différé et que la présente action visant à faire disparaître le trouble qu'il subit, il a à la fois qualité et intérêt à agir.

S'agissant des fautes imputables au notaire, F... déclare que celui-ci avait connaissance du caractère frauduleux des opérations immobilières en cause, en raison de son implication à leurs différents stades, qu'il a manqué à son devoir de conseil, ainsi que l'a retenu le jugement entrepris, en n'attirant pas son attention sur les risques inhérents à la nature des opérations immobilières en cause (pour les trois derniers prêts, le notaire n'a émis aucune réserve alors que la défaillance des sociétés emprunteuses était déjà avérée ) et sur l'insuffisance de garanties prises pour assurer le remboursement des prêts. F... énonce également une absence d'information sur la réglementation sur le monopole des établissements de crédit et il fait valoir qu'informé à ce sujet, il aurait seulement conclu un contrat de prêt. Il relève enfin l'absence de taux effectif global.

S'agissant du préjudice matériel, F... soutient qu'il est égal à la somme de prêts consentis, déduction faite des quelques remboursements et augmentée des intérêts restant dus. Il fait valoir que le fait de disposer d'une action contre un tiers n'est pas de nature à priver la perte de chance invoquée de son caractère actuel et certain et qu'il n'aurait pas été intéressant économiquement de provoquer la vente des biens hypothéqués. Il conteste avoir pu lui-même participer à son propre préjudice. F... sollicite également l'indemnisation d'un préjudice moral alors que sa confiance s'est trouvé abusée.

La société Versantis fait valoir qu'elle est intervenue en première instance pour réclamer l'indemnisation du préjudice qu'elle subit en raison de la perte de l'avance en compte courant qu'elle a effectuée au profit de la SCI Les Gaudinelles en 2010, en complément des prêts accordés par F.... Elle ajoute que si F... ne peut prétendre à l'indemnisation de son préjudice en raison de la cession intervenue, elle intervient alors en qualité de cessionnaire et d'ayant droit de ce dernier. S'agissant de l'avance en compte d'un montant de 1, 7 million, elle déclare qu'elle a été effectuée hors l'intervention du notaire mais afin d'accélérer le démarrage du projet immobilier et de conserver une chance à F... d'être remboursé et qu'il existe donc un lien suffisant avec la faute reprochée au notaire . Elle conclut donc à la recevabilité de son intervention à ce titre.

Elle conteste la fin de non-recevoir soulevée par la SMJ et tenant à la nature du préjudice qu'elle allègue. Elle soutient que la perte de chance qu'elle subit constitue un préjudice personnel distinct de l'impossibilité de recouvrer sa créance en raison de la procédure collective de son débiteur. Elle rappelle qu'elle agit en qualité d'ayant droit de F... sur un fondement délictuel et qu'elle réclame l'indemnisation du préjudice personnel consistant à avoir consenti des prêts en étant déterminée par l'attitude du notaire. Elle reprend pour le surplus les moyens et arguments de F.... Elle s'oppose à la demande de sursis à statuer formée par la SMJ dans l'attente de l'action en responsabilité que celle-ci a exercée devant le tribunal de grande instance de Paris. Elle fait également valoir que la demande de la SMJ tendant à voir déclarer nulle ou inopposable la cession de créance est irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile. Elle soutient qu'elle est également malfondée alors que la SMJ n'apporte pas la preuve de l'existence d'un acte occulte, d'une fraude ou du caractère illicite de la cause.

La SMJ soulève l'irrecevabilité des actions de la société Versantis qu'elle agisse au titre de l'avance en compte courant qu'elle a consentie à la SCI Les Gaudinelles ou en sa qualité de cessionnaire de la créance de F.... Elle invoque l'article L622-20 al 1er du code de commerce, faisant valoir que la défense des intérêts collectifs des créanciers

et la reconstitution du gage commun de ceux-ci relèvent de la mission du liquidateur. La SMJ expose que le préjudice de la société Versantis est une fraction du passif collectif dont l'apurement est assuré par le gage commun des créanciers et qu'il dépend d'ailleurs des opérations de liquidation. Subsidiairement elle sollicite le sursis à statuer jusqu'au résultat final de l'action en responsabilité pendante devant le tribunal à l'encontre du notaire, de F... et de la société Versantis destinée à obtenir une somme égale à l'insuffisance d'actifs des sociétés emprunteuses.

Plus subsidiairement, la SMJ fait valoir que la cession consentie par F... à la société Versantis constitue une simulation au préjudice des créanciers, est nulle ou à tout le moins inopposable à la liquidation. Pour répondre au moyen tiré de l'article 564 du code de procédure civile et de la nouveauté de sa demande, elle soutient qu'un événement nouveau lui a été révélé puisqu'elle n'a appris l'existence de cette procédure fondée sur la cession de créance simulée et d'une contre-lettre qu'au stade de l'appel.

Pour établir la simulation et l'existence d 'une contre-lettre la SMJ fait valoir que la création de la société Versantis n'avait d'autre objet que de faire échapper F... au risque d'une condamnation pénale pour exercice illégal de la profession de banquier, que le prix n'a pas été payé et que F... se décrit lui-même comme le bénéficiaire effectif de la société Versantis. Elle considère que cette cession présente un caractère frauduleux et demande à ce qu'elle soit déclarée inopposable à la collectivité des créanciers.

1 - Sur les demandes de F... :

F... exerce une action en responsabilité délictuelle contre le notaire pour obtenir l'indemnisation du préjudice financier consistant en l'absence de paiement de la créance cédée à la société Versantis en raison du non remboursement des prêts et celle du préjudice moral né de la trahison de la confiance qu'il avait accordée à maître B....

Cette action est recevable qu'autant que F... justifie d'un intérêt personnel à agir.

L'intérêt à agir est présent lorsque F... sollicite l'indemnisation d'un préjudice moral lié à ses relations avec maître B....

Par ailleurs, il appartient à F... de démontrer la réalité du préjudice financier qu'il allègue ainsi que le lien de causalité direct avec la faute éventuelle du notaire; néanmoins, la défaillance dans la preuve de l'existence de ces deux éléments constitutifs de la responsabilité, aura pour effet de rendre son action mal-fondée mais non pas irrecevable, F... justifiant d'un intérêt à agir à l'encontre du notaire dès lors qu'il déclare subir un préjudice personnel.

Pour établir la réalité d'un préjudice financier, F... doit faire la preuve qu'il n'a pas reçu le prix prévu par l'acte de cession de créance conclu avec la société Versantis les 7 et 18 mai 2010 malgré les mentions de l'acte notarié indiquant que le prix est payé comptant directement au cédant, hors la comptabilité du notaire.

Pour ce faire, il verse aux débats une attestation des administrateurs de la société Versantis ainsi qu'un extrait de la comptabilité de cette dernière au 31 décembre 2010. Néanmoins le jugement du tribunal de commerce de Créteil du 15 novembre 2016 rendu dans la procédure de liquidation judiciaire de la société SI2P (produit par F... en pièce 115) mentionne que : 'la société Versantis verse aux débats le relevé de compte courant de F... dans ses livres, que la créance de F... au titre de la cession mentionnée ci-dessus forme une ligne dudit compte courant, que l'inscription au compte courant vaut paiement 'ainsi que le soutenait cette dernière.

Ainsi les éléments de preuve versés aux débats par la société Versantis qui ne font pas état de cette inscription en compte courant, sont incomplets ou insuffisamment précis et ils échouent à apporter la preuve contraire aux mentions de l'acte notarié sur le paiement du prix.

Ainsi le préjudice allégué par F... tenant au défaut de paiement de sa créance par la société Versantis n'étant pas établi, il doit être débouté de sa demande au titre de l'indemnisation de son préjudice financier.

2 - Sur la recevabilité de l'action de la société Versantis :

La société Versantis réclame l'indemnisation du préjudice résultant du défaut de paiement de sa créance en compte courant dans les comptes de la SCI Les Gaudinelles et de celui résultant du défaut de remboursement des prêts consentis par F..., objets de la cession de créance des 7 et 18 mai 2010, en raison de la faute commise par le notaire qui leur a fait perdre une chance de ne pas octroyer ces crédits aux sociétés emprunteuses faisant l'objet des procédures collectives.

Les manquements au devoir de conseil reprochés au notaire concernent uniquement les relations entre F... et maître B... et ne sont pas constitués à l'égard des sociétés emprunteuses ni de leurs créanciers.

Le préjudice qui en résulte à savoir la perte de chance de ne pas contracter avec les sociétés emprunteuses est un préjudice personnel que la société Versantis, en sa qualité d'ayant droit de F..., est seule à pouvoir invoquer et l'action en responsabilité que cette dernière poursuit, ne vise pas à reconstituer le gage collectif des créanciers des sociétés emprunteuses mais à indemniser ce préjudice qui est distinct du montant des créances irrecouvrées même si celui-ci en constitue une base d'évaluation.

Aussi il y a lieu de retenir que l'action de la société Versantis ne viole pas les dispositions de l'article L622-20 du code de commerce et qu'elle n'est pas irrecevable à ce titre.

La SMJ demande également à la cour de déclarer la cession de créance entre F... et la société Versantis nulle ou à tout le moins inopposable à la liquidation judiciaire des sociétés SI2P, Steema, Les Gaudinelles, Le chateau d'Orgemont, Le Rucaer, Les étangs.

Cette demande n'a pas été soumise à la juridiction du premier degré et est irrecevable devant la cour en raison de sa nouveauté. En effet, elle n'est pas la conséquence de la révélation d'un fait concernant la cession de créance en cause, peu important que le liquidateur judiciaire n'ait pas eu connaissance de la procédure devant le tribunal de grande instance de Paris ayant abouti au jugement entrepris.

Enfin la cour, reprenant les motifs de l'ordonnance du conseiller de la mise en état rejette la demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision devant être rendue par le tribunal de grande instance de Paris dans l'instance initiée par la SMJ.

3 - Sur les manquements de maître B... à son devoir d'information et de conseil :

- lors des actes de prêt :

Deux griefs ont été écartés par le jugement. Celui tenant au défaut d'indication d'un taux effectif global n'est pas susceptible d'engager la responsabilité du notaire en raison de l'absence de préjudice qui lui soit corrélé. Les motifs exposés par le jugement sont repris par la cour.

Le second grief tenant au défaut d'information sur les dispositions des articles L511-5 et L571-3 du code monétaire et financier et l'interdiction d'effectuer des opérations de banque à titre habituel a également été écarté par le tribunal en raison de l'absence de préjudice dès lors qu'aucun élément n'indique que ces dispositions auraient été invoquées et qu'un risque réel de condamnation pesait sur F....

Celui-ci fait cependant valoir que s'il avait reçu une information à ce titre, il aurait consenti uniquement un prêt.

Le nombre d'opérations de crédit réalisées par F... auprès de cinq sociétés différentes en l'espace d'une année aurait dû conduire le notaire à aviser F... des risques de voir cette activité être considérée comme habituelle et de se voir reprocher une infraction à l'article L511-5 du code monétaire et financier.

Si lors des contrats de prêts successifs, le notaire avait attiré l'attention de F... sur les risques liés à l'interdiction d'effectuer des opérations de crédit à titre habituel, celui-ci aurait pu renoncer à se livrer à tout le moins aux dernières d'entre elles de peur de commettre une infraction ou encore rechercher une solution juridique, telle que la création de plusieurs sociétés, qui lui aurait permis d'éviter toute incrimination sans renoncer à ces opérations de crédit desquelles il escomptait un intérêt de 18%.

Compte tenu de l'existence d'une alternative, la perte de chance de renoncer à conclure certains des contrats de prêts doit être considérée comme minime mais néanmoins indemnisable.

La société Versantis reproche également au notaire de n'avoir pas attiré son attention sur les risques de non remboursement des prêts et de non paiement des intérêts dans les délais convenus ainsi que sur l'insuffisance des garanties affectées au remboursement des prêts. Le jugement entrepris a retenu ces deux manquements.

Au préalable il convient de relever que maître B... a participé à la quasi-totalité des actes juridiques sur lesquels reposait l'opération immobilière des Gaudinelles ( rédacteur du bail à construction, des contrats de réservation, des ventes en l'état futur d'achèvement, du règlement de copropriété) et a également réalisé des actes pour les autres opérations immobilières (VEFA pour l'opération de la société SI2P à [...], acquisition du château d'Orgemont par la SCI éponyme). maître B... était ainsi impliqué de façon importante dans l'ingénierie juridique de ces opérations immobilières, néanmoins il ne ressort pas des pièces versées aux débats qu'il ait eu l'initiative des prêts consentis par F... ou qu'il soit intervenu dans leur négociation. Cependant il y a lieu de retenir que dans un jugement rendu le 22 mars 2018 dans une instance engagée par un acquéreur en VEFA d'un bien vendu par la SCI Les Gaudinelles, qui se plaignait d'irrégularités affectant la garantie intrinsèque, le tribunal de grande instance de Tours a jugé que maître B... savait ou devait savoir que le financement du programme ne reposait en réalité que sur le produit des ventes à conclure.

S'agissant du premier grief, les actes de prêt mentionnaient que le remboursement des intérêts devait être effectué sur les premiers appels de fonds des ventes à intervenir (prêts Les Gaudinelles, le chateau d'Orgemont) ou les premiers prix de vente (les autres prêts) et F... reproche à maître B... de ne pas l'avoir avisé de ce que le remboursement des sommes prêtées et le paiement des intérêts dépendaient de l'obtention de nouveaux concours financiers, elle-même déterminée par la bonne commercialisation des biens tandis que les appels de fonds auprès des acquéreurs devaient servir au paiement des travaux.

A la lecture des contrats, l'investisseur pouvait espérer être immédiatement bénéficiaire des sommes versées par les acquéreurs au fur et à mesure de la réalisation des ventes alors que celles-ci doivent être affectées au paiement des travaux et que seules l'intervention des banques et l'obtention de nouveaux prêts - liées à une bonne commercialisation et réalisation des programmes immobiliers en cause - permettaient de rembourser les crédits de démarrage consentis par F.... Ainsi la rédaction de ces clauses rendait nécessaire la délivrance par le notaire d'informations sur leur portée exacte et la nature du risque encouru compte tenu de la nécessité de nouveaux concours bancaires et il appartenait ensuite à l'investisseur d'apprécier les chances de réussite de ces opérations. Le manquement du notaire qui ne justifie pas de la délivrance de ces informations est donc constitué.

En revanche, il ne peut être reproché au notaire de ne pas avoir attiré l'attention de F... sur le fait qu'il consentait de nouveaux crédits ( prêts 4,5 et 6) alors que les premiers prêts n'étaient pas remboursés. Cette circonstance était nécessairement connue du prêteur et il lui appartenait d'apprécier le risque d'insolvabilité que ces inexécutions contractuelles soustendaient.

S'agissant du deuxième grief lié à l'insuffisance de garantie, il convient de rappeler que :

- le 1er prêt du 15 septembre 2006 de 3 500 000 € à la SCI Les Gaudinelles était garanti par une hypothèque à inscrire sur les constructions à édifier, étant précisé que la SCI n'était pas propriétaire du terrain appartenant à la commune mais titulaire d'un bail à construction,

- le 2eme prêt du 30 novembre 2006 de 3 700 000 € à la SCL Le château d'Orgemont était garanti par une hypothèque inscrite sur le château acquis au moyen des fonds prêtés,

- le 3ème prêt du 29 décembre 2006 de 4 800 000 € à la sarl SI2P était garanti par une hypothèque sur des lots de copropriété dans un ensemble immobilier situé à [...] (Ain),

- le 4ème prêt du 10 octobre 2007 de 2 300 000 € à la SCI Les Etangs est garanti par une hypothèque sur les parcelles de terrains acquises sur la commune de [...] du [...] (Mayenne),

- le 5ème prêt du 10 octobre 2007 de 2 300 000 € à la SCI Le Rucaer est garanti par une hypothèque sur les parcelles de terrains acquises sur la commune de Pabu (Côtes d'Armor),

- le 6ème prêt du 10 décembre 2007 de 1 500 000 € à la SCI Les Gaudinelles était garanti par une hypothèque sur les biens immobiliers en cours de construction.

Chaque acte de prêt stipulait en outre que : ' le prêteur s'engageait dès à présent à donner aux frais de l'emprunteur qui s'y oblige, mainlevée de l'inscription lui profitant sur les lots qui seront créés dès que le prix correspondant aux lots dégrevés aura été acquitté à hauteur de la somme appelée compte tenu de l'avancement des travaux entre les mains du notaire rédacteur.'

F... et la société Versantis n'ont pas pu mettre en oeuvre les garanties résultant de ces hypothèques en raison de la survenance des procédures collectives; néanmoins, la société Versantis a effectué des déclarations de créance en qualité de créancier hypothècaire et avant de statuer sur l'inefficacité de ces sûretés, il est nécessaire de connaître les sommes qui lui reviendront à ce titre et en conséquence de surseoir à statuer dans l'attente de la fin des opérations de liquidation judiciaire sur l'appréciation de cette faute et sur celle de la perte de chance subie soit de renoncer aux opérations de prêt soit de l'envisager à d'autres conditions.

Enfin comme l'a jugé le tribunal, pour les fautes d'ores et déjà retenues à l'encontre du notaire, le préjudice qui en est résulté est encore inconnu dans la mesure ou les opérations de liquidation judiciaire ne sont pas achevées et que les sommes qui reviendront en définitive à la société Versantis sont ignorées. Aussi il y a lieu également au titre du préjudice de surseoir à statuer.

- lors de l'avance en compte courant à la société Les Gaudinelles :

Au cours de l'année 2010, la société Versantis a consenti à la SCI Les Gaudinelles dans laquelle elle était devenue associée, une avance en compte courant de 1704 444, 58€. Elle expose qu'elle a consenti ce prêt pour essayer de minimiser les dommages causés par le notaire lors des prêts consentis par F....

Néanmoins comme l'a relevé le tribunal, la société Versantis ne peut reprocher au notaire cette prise de risque alors qu'elle a agi hors son intervention, à une date où elle connaissait pertinemment le risque de non remboursement des crédits consentis à la SCI et la situation de celle-ci. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 24 décembre 2014, sauf en ce qu'il a débouté la société Versantis de sa demande d'indemnisation au titre de l'avance en compte courant à la SCI Les Gaudinelles,

Statuant à nouveau :

Déclare l'action de F... recevable,

Le déboute de sa demande en indemnisation de son préjudice financier,

Y ajoutant:

Déclare l'action de la société Versantis recevable, au regard de l'article L622-20 du code de commerce,

Déclare irrecevable comme nouvelle la demande de la SMJ tendant à voir déclarer la cession de créance nulle ou inopposable à la liquidation des sociétés SI2P, Steema, Les Gaudinelles, Le chateau d'Orgemont, Le Rucaer, Les étangs,

Rejette la demande de sursis à statuer de la SMJ dans l'attente de la décision du tribunal de grande instance de Paris dans l'instance initiée par celle-ci,

Dit que maître B... a manqué à son obligation d'information et de conseil en n'informant pas F... sur les risques de réalisation d'opérations de crédit à titre habituel et de non-remboursement de ses créances,

Sursoit à statuer sur l'appréciation de la faute tenant au défaut d'information sur l'inefficacité des sûretés, l'appréciation de la perte de chance et l'évaluation du préjudice financier de la société Versantis et le préjudice moral de F... jusqu'à la fin des opérations de liquidation judiciaire des sociétés emprunteuses,

Réserve les dépens et les frais irrépétibles.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 15/03322
Date de la décision : 06/03/2019

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°15/03322 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-06;15.03322 ?
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