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28/02/2019 | FRANCE | N°17/00078

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 28 février 2019, 17/00078


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9



ARRÊT DU 28 FÉVRIER 2019



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/00078 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2J3E



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Novembre 2016 - Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 15/01182





APPELANTE :



SCI FG IMMOBILIER, agissant en la personne de son gé

rant, domicilié audit siège

en cette qualité

Immatriculée au RCS de CRETEIL sous le numéro 399 328 055

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1]



Représentée par Me B...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 28 FÉVRIER 2019

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/00078 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2J3E

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Novembre 2016 - Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 15/01182

APPELANTE :

SCI FG IMMOBILIER, agissant en la personne de son gérant, domicilié audit siège

en cette qualité

Immatriculée au RCS de CRETEIL sous le numéro 399 328 055

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Benoît HENRY de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

Représentée par Me Alexandre DE PLATER, avocat au barreau de PARIS, toque: E395

INTIMÉE :

SCP CP [M] [Y] [R] [I], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro [B]

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Représentée par Me Christophe BERARD, avocat au barreau de PARIS, toque: R44

COMPOSITION DE LA COUR :

    En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 janvier 2019, en audience publique, devant Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre, Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère et Madame Aline DELIERE, Conseillère.

    Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

              Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre

Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère

Mme Aline DELIERE, Conseillère

           Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Elodie RUFFIER

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre et par Madame Hanane AKARKACH, Greffière présente lors du prononcé.

*****

FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte du 1er avril 2011 et à la suite d'un premier bail en date du 11 avril 2007 qui ne concernait qu'une partie des locaux situés [Adresse 3], la SCI FG Immobilier a donné à bail à la société Arvem un immeuble d'une superficie d'environ 951 m2 moyennant un loyer annuel hors taxes de 399.686,88 euros.

Les loyers étant demeurés impayés pour un montant de 153.743,80 euros, suivant procès-verbal d'huissier de justice du 21 janvier 2013, la SCI FG Immobilier, avait alors fait procéder à une saisie entre les mains de la banque.

Puis, par jugement du 24 janvier 2013, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société Arvem et a désigné la SCP [M] [Y] [R] [I], prise en la personne de Me [C] [Y], en qualité d'administrateur judiciaire, avec une mission de surveillance.

La société bailleresse a alors déclaré sa créance pour un montant de 218'357,62 euros, laquelle a été admise à hauteur de 214'551,62 euros à titre privilégié et à hauteur de 3800 euros à titre provisionnel.

L'article sept du bail prévoyait que « le loyer défini aux conditions particulières est payable d'avance et par trimestre les 1er janvier, avril, juillet et octobre, le premier paiement devant être le 1er juillet 2008. »

La trimestrialité de loyer n'ayant pas été payée le 1er janvier 2013, par courrier du 20 février 2013 le conseil de la bailleresse a informé l'administrateur judiciaire de ce que le loyer n'avait pas été payé pour la période postérieure au jugement d'ouverture et lui a indiqué que, pour la période du 25 janvier 2013 au 28 février, celui-ci s'élevait à la somme de 44'040,50 euros.

Puis, le 22 février 2013, la société Arvem a adressé à l'administrateur judiciaire copie d'un courrier de son propre conseil du 21 février 2013 , où il était indiqué que « la société SCI FG immobilier accepte une résiliation anticipée du bail sans indemnité et un déménagement à compter du 1er avril 2013.

En revanche elle ne pratique aucun abandon de créances concernant des loyers arriérés."

Par courrier du 10 avril 2013, le conseil de la SCI bailleresse écrivait à l'administrateur judiciaire : « je ne puis que vous confirmer l'entretien téléphonique que j'ai eu avec votre assistante, voici au moins trois semaines, aux termes duquel je vous alertais sur le fait que la société Arvem depuis le jugement de sauvegarde qui a été rendu, n'a procédé au règlement d'aucune somme quelconque au titre de ses avis d'échéances.

La dette de la société Arvem devient donc tout à fait considérable.

Je vous avoue ne pas me l'expliquer, alors que l'accumulation d'une telle dette locative semble en tout point contraire avec la procédure de sauvegarde dont elle bénéficie. »

L'administrateur judiciaire, qui dans un premier temps n'avait pas répondu aux relances relatives au paiement du loyer, a écrit le 10 avril 2013 à la société bailleresse pour lui indiquer qu'elle souhaitait organiser une réunion très prochainement afin de discuter d'une éventuelle résiliation amiable des locaux et du sort des loyers postérieurs depuis l'ouverture de la sauvegarde.

Cependant, aucune suite n'a été donnée à ce courrier et c'est ainsi que le 10 mai 2013 le conseil de la bailleresse a écrit au juge-commissaire en faisant valoir que l'administrateur judiciaire avait parfaitement conscience du montant considérable de la dette locative et a sollicité son intervention pour faire cesser la situation.

Entre-temps, par jugement du 6 mai 2013, sur requête de l'administrateur judiciaire, la procédure de sauvegarde a été convertie en redressement judiciaire et la SCP [M] [Y] [R] [I] a à nouveau été désignée administrateur judiciaire, avec cette fois-ci une mission d'assistance.

Par courrier du 21 mai 2013, le conseil de la SCI bailleresse a, à nouveau, écrit à l'administrateur judiciaire en se plaignant de son silence et lui a demandé encore si elle entendait poursuivre l'exécution du bail, ou si elle entendait le résilier et dans cette dernière hypothèse a sollicité que soit fixé un rendez-vous de constat des lieux de sortie et de remise des clés, lui demandant également le paiement par retour des loyers impayés depuis le jugement d'ouverture soit 74'018,04 euros.

Le 30 mai 2013, la SCP [M] [Y] [R] [I], ès qualités a écrit à la SCI bailleresse qu'elle entendait renoncer à la poursuite du bail. Le conseil de la bailleresse lui a alors écrit le 5 juin 2013 qu'il avait pris bonne note de ce qu'à ce jour les locaux n'avaient pas encore été déménagés et qu'ils seraient libérés dans une quinzaine de jours et lui a demandé d'organiser un rendez-vous, afin que soit dressé un constat des lieux et qu'il soit procédé à la remise des clés.

Aucune réponse ne lui fut adressée et c'est ainsi que le conseil de la bailleresse a adressé un courrier le 12 juillet 2013 au liquidateur judiciaire en sollicitant la remise des clés et un constat de sortie des lieux.

En effet par jugement du 9 juillet 2013, le tribunal de commerce de Paris avait prononcé la liquidation judiciaire de la société Arvem, avait mis fin à la mission de la SCP [M] [Y] [R] [I], et avait désigné Me [C] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par décision du 17 juillet 2013, le juge commissaire du tribunal de commerce de Paris a admis la créance déclarée le 20 février 2013 par la SCI FG Immobilier auprès du mandataire judiciaire, à hauteur de 218,357,62 euros, dont 214.557,62 euros à titre privilégié et 3.800 euros à titre provisionnel.

Le 19 août 2013, le liquidateur judiciaire a alors écrit au conseil de la bailleresse pour lui indiquer qu'il n'entendait pas s'opposer à la restitution des locaux, mais qu'il convenait d'attendre qu'un inventaire soit effectué par un commissaire-priseur.

En définitive ce n'est que par courrier du 30 septembre 2013 que les commissaires-priseurs ont écrit à la SCI FG immobilier pour lui envoyer les clés des locaux loués.

Par courrier du 23 juillet 2014, l'avocat de la SCI FG Immobilier a informé la SCP [M] [Y] [R] [I] qu'elle entendait examiner les conditions de la mise en cause de sa responsabilité professionnelle, faisant observer qu'elle n'avait reçu aucun loyer depuis l'ouverture de la procédure collective de la société débitrice et soulignant que les locaux n'avaient été libérés que le 30 septembre 2013.

Par jugement du 16 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Paris a débouté la SCI FG Immobilier de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SCP [M] [Y] [R] [I], a débouté cette dernière de sa demande de dommages et intérêts et a condamné la SCI FG immobilier aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI FG Immobilier a interjeté appel de ce jugement le 23 décembre 2016.

Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 2 janvier 2019, la SCI FG Immobilier demande à la cour, au visa des articles 1104 (anciennement 1134 alinéa 3), 1120 nouveau, 1382 devenu 1240 du code civil, des articles L.622-1, L.622-13 dans sa rédaction applicable à l'époque, L.622-14, L.631-12, L.631-14 et L.641-12 du code de commerce et de l'ensemble des pièces communiquées, de la recevoir en son appel.

Y faisant droit, de':

- confirmer la décision en ce qu'elle a débouté la SCP [M] [Y] [R] [I] de ses demandes de dommages intérêts,

- réformer la décision dont appel pour le surplus.

Statuant à nouveau, de':

- débouter la SCP [M] [Y] [R] [I] de toutes ses demandes fins et conclusions, de son appel incident et aussi de celle qu'elle a formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que la SCP [M] [Y] [R] [I], en envisageant seulement l'éventuelle résiliation du bail consenti, a manifesté sa décision de le poursuivre jusqu'à sa résiliation,

- dire que la SCP [M] [Y] [R] [I] n'a pas exécuté ses obligations de bonne foi,

- dire que la SCP [M] [Y] [R] [I] a failli à son obligation de surveillance et d'assistance,

- dire que la SCP [M] [Y] [R] [I] ne s'est pas assurée que la société Arvem respectait notamment ses obligations conventionnelles,

- dire que la SCP [M] [Y] [R] [I] ne s'est pas assurée de ce que les prévisionnels de trésorerie ' présentés comme des « brouillons » - qu'elle a commandés et qu'elle détenait les 26 février 2013 et 22 mars 2013, étaient respectés en ce que le règlement des loyers était budgété pour être payés mensuellement,

- dire que la SCP [M] [Y] [R] [I] ne s'est pas assurée du paiement des avis d'échéances malgré l'importance de leur montant,

- dire que la SCP [M] [Y] [R] [I] a poursuivi le bail consenti faisant notamment expressément référence, dans son courrier du 10 avril 2013 à une « éventuelle résiliation amiable du bail''»,

- dire que la SCP [M] [Y] [R] [I] a poursuivi l'exécution de ce bail sans s'assurer que la société Arvem disposait des fonds nécessaires au paiement des loyers,

- dire que la SCP [M] [Y] [R] [I] n'a pas organisé la restitution des locaux suite au jugement de redressement judiciaire en date du 6 mai 2013 alors qu'à la fois sa requête du 25 avril 2013 et son rapport du 29 avril 2013 concluaient à l'absence de perspective d'un plan de redressement,

- dire que la SCP [M] [Y] [R] [I] a engagé sa responsabilité personnelle du fait des fautes commises dans la mission que lui a confiée le Tribunal dans le cadre de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société Arvem,

- condamner la SCP [M] [Y] [R] [I] à lui payer la somme de 337 357,89 € titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- condamner la SCP [M] [Y] [R] [I] au paiement d'une somme de 18.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la SCP [M] [Y] [R] [I] de son appel incident et d'une manière générale, de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la SCP [M] [Y] [R] [I] aux entiers dépens de la présente instance et de ses suites.

Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 20 novembre 2018, la SCP [M] [Y] [R] [I], prise en la personne de Me [C] [Y], demande à la cour, au visa de l'article 1382, désormais 1240, du code civil, de dire que la SCI FG Immobilier ne fait la démonstration d'aucun préjudice en lien causal avec une faute de sa part, puisque n'en ayant commis aucune. En conséquence, elle lui demande de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la SCI FG Immobilier de toutes ses demandes et l'a condamnée au titre des frais irrépétibles et dépens, et, l'infirmant pour le surplus et y ajoutant, de condamner la SCI FG Immobilier à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, professionnel et procédure abusive et 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE,

1. Sur la responsabilité de l'administrateur judiciaire

- Sur les fautes de l'administrateur judiciaire

La SCI FG Immobilier fait valoir que l'administrateur judiciaire était tenu de s'assurer que son administrée respecte les obligations légales et conventionnelles lui incombant. Ainsi, elle soutient qu'il a manqué à ses obligations en optant, au moins tacitement, pour la poursuite du bail sans régler les loyers et donc sans disposer des fonds nécessaires. Elle lui reproche de ne pas avoir répondu à ses courriers l'alertant dès le 22 février 2013 de ce que le loyer n'était pas payé.

Elle rappelle que s'agissant d'un contrat de bail , la mise en demeure de prendre partie sur la poursuite du bail est inopérante, que le bailleur est paralysé par le délai de répit de 3 mois et que c'est dans ce cadre qu'elle a informé l'administrateur du défaut de paiement des loyers et lui a proposé la résiliation anticipée du bail sans indemnité et sans poser aucune autre condition, contrairement à ce qui est allégué par l'administrateur judiciaire.

Elle souligne que l'administrateur judiciaire a laissé la situation en l'état pendant près de 3 mois, laissant les loyers impayés s'accumuler et que ce n'est que le 10 avril 2013 qu'elle a accepté, de discuter d'une résiliation amiable du bail. Elle rappelle que ce n'est finalement que le 4 juin 2013, en dépit de nombreuses relances, que l'administrateur judiciaire l'a informée de ce qu'il entendait renoncer à la poursuite du contrat de bail, indiquant que les locaux seraient libérés sous quinzaine, alors qu'en réalité ce n'est que le 30 septembre 2013 que le commissaire priseur nommé lors de la conversion de procédure lui a restitué les clés des locaux. Elle soutient par conséquent que l'administrateur judiciaire a commis une faute en ne restituant pas les lieux à la date d'effet de résiliation du bail, tout retard étant de nature à engager sa responsabilité.

Elle ajoute qu'elle-même n'a pas concouru à son propre préjudice, qu'elle n'a, à aucun moment, fait preuve de désintérêt à l'égard de sa créance et qu'elle ne pouvait solliciter l'acquisition de la clause résolutoire qu'à compter du 25 avril 2013, ce qu'elle s'est abstenue de faire puisque l'administrateur judiciaire ayant évoqué par courrier du 10 avril 2013 la résiliation éventuelle du bail et indiqué organiser une réunion à cette fin. Cependant ce courrier n'a pas été suivi d'effet et ce n'est que par courrier du 30 mai 2013, réceptionné le 4 juin suivant, qu'il a indiqué décider de ne plus poursuivre le bail, tout en précisant que les clés lui seraient rendues dans un délai de 15 jours, ce qui ne fut pas le cas.

Elle lui reproche donc tout à la fois d'avoir poursuivi le contrat de bail sans disposer des fonds nécessaires au paiement des loyers et de s'être abstenue de restituer les clés alors qu'elle avait pris la décision de résilier le bail.

De son côté, l'administrateur judiciaire soutient n'avoir commis aucune faute, puisque, ainsi que l'a relevé le tribunal :

- il ne résulte pas du dossier qu'il ait opté pour la poursuite du contrat de bail,

- sa renonciation au contrat de bail 18 semaines après l'ouverture de la procédure collective ne peut être considérée comme tardive alors qu'il existait des perspectives de redressement au vu des rapports des 26 février et 22 mars établis par le cabinet Grant Thorton

- pour sa part, la bailleresse n'avait pas demandé la résiliation du bail,

- aucune restitution tardive ne peut lui être imputée alors que la liquidation est intervenue à peine un mois après la notification de la renonciation.

L'administrateur judiciaire ajoute qu'il ne lui appartenait pas de procéder au règlement des loyers et charges puisqu'il y avait d'abord une mission de surveillance au cours de la procédure de sauvegarde, puis d'assistance dans la procédure de redressement et qu'il appartenait donc à la société Arvem de procéder au paiement des loyers et charges.

Il ajoute qu'il n'a donné à la SCI bailleresse aucune assurance que ce soit sur le paiement des loyers, d'autant que le contrat de bail s'est poursuivi en dehors de toute option de sa part.

Il considère qu'il n'y a pas eu de poursuite tacite du contrat de bail en l'absence de paiement des loyers, ni de renonciation au contrat de bail. Selon lui, il appartenait uniquement à la bailleresse, seule en charge de ses intérêts, d'agir en paiement des loyers ou en résiliation du bail, ce dont elle s'est abstenue.

Il en conclut que n'ayant pas opté pour la poursuite du contrat, il n'avait pas à s'assurer que la prestation promise au bailleur pourrait être fournie, d'autant que la procédure présentait des perspectives encore favorables au vu des rapports prévisionnels établis les 26 février par le cabinet Grant Thornton.

Il ajoute que le retard éventuel dans la résiliation résulte de négociations qui n'ont pu aboutir dans la mesure où l'appelante faisait du paiement des loyers courants un préalable à la négociation et qu'aucune restitution ne peut lui être imputée alors que la liquidation est intervenue à peine un mois après la notification de la renonciation au bail. Il précise enfin que ce n'est que le 21 mai 2013 que la SCI FG Immobilier a sollicité qu'il se prononce sur le sort du contrat de bail, lui répondant dix jours plus tard qu'il entendait renoncer à sa poursuite.

S'agissant de la remise tardive des clés, l'administrateur judiciaire fait valoir qu'à compter du prononcé de la liquidation judiciaire, il ne disposait plus des pouvoirs nécessaires pour procéder à un déménagement ce qui aurait permis la remise des clés et la restitution des locaux.

Il convient de souligner qu'en cas d'ouverture d'une procédure collective, le contrat de bail d'un immeuble utilisé pour l'activité de l'entreprise se poursuit conformément à l'article L622- 13, I et II du code de commerce et se résilie en application de l'article L622-14 du même code.

Selon l'article L622-13, II du code commerce, au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l'administrateur s'assure au moment où il demande l'exécution du contrat, qu'il disposera des fonds nécessaires pour assurer le paiement en résultant. S'il s'agit d'un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l'administrateur y met fin s'il apparaissait qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant, ces dispositions s'appliquant quelque soit la mission confiée à l'administrateur judiciaire.

En l'espèce, dès le 20 février 2013, le conseil de la bailleresse a informé l'administrateur judiciaire de ce que le loyer n'avait pas été payé pour la période postérieure au jugement d'ouverture et lui en a précisé le montant, indiquant que, pour la période du 25 janvier 2013 au 28 février, celui-ci s'élevait à la somme de 44'040,50 euros.

Ainsi, alors que dès cette date l'administrateur judiciaire était informé du non paiement des loyers, il s'est abstenu de répondre à la bailleresse, laquelle lui a fait part par courrier du 10 avril suivant que le montant des loyers impayés continuait à augmenter.

Par ailleurs, bien que le conseil de la société bailleresse ait indiqué qu'il n'était pas opposé à une résiliation amiable du bail sans indemnité, l'administrateur judiciaire est resté taisant sur ce point et ce n'est que le 10 avril 2013 qu'il lui a écrit qu'il allait organiser une réunion pour envisager la résiliation du bail, sans que ce courrier ne soit suivi d'aucun acte de sa part puisque aucune réunion n'a été organisée.

Si l'administrateur judiciaire n'a qu'une obligation de moyens de s'assurer que la trésorerie de la société sous procédure permettra d'honorer les échéances des contrats continués, il convient de relever qu'en l'espèce, dès le 20 février 2013, soit moins d'un mois après l'ouverture de la procédure collective, il était informé par la bailleresse du défaut de paiement des loyers, et qu'il n'a pas répondu à son courrier et ne démontre pas avoir interrogé la société Arvem sur ce défaut de paiement.

Par ailleurs, si la société Arvem était dans l'incapacité de régler ses loyers, il apparaît que celle-ci était en état de cessation des paiements et l'administrateur judiciaire aurait alors dû immédiatement mettre fin à la procédure de sauvegarde puisqu'une telle procédure ne peut être ouverte qu'en l'absence d'état de cessation des paiements.

Les documents financiers émanant de la société Grant Thornton démontrent que dès l'ouverture de la procédure de sauvegarde la trésorerie comptable apparaissait négative à hauteur de 84'000 euros et que la trésorerie ne serait positive qu'à condition toutefois que les refacturations de charges soient payées par la société Bioéthic.

Il convient de relever que les documents émis par la société Grant Thornton sont des « Draft », qui ne sont donc pas des documents définitifs, qui sont émis au conditionnel, et qu'il est fait état de l'importance des loyers et charges locatives de l'ordre de 35'000 euros par mois et de négociations en cours pour quitter les locaux du [Adresse 4].

Or il apparaît que, dès le mois de février 2013, le bailleur avait donné son accord pour une résiliation amiable du bail sans indemnité, étant précisé qu'il n'entendait pas renoncer aux loyers impayés, mais contrairement aux affirmations de l'administrateur judiciaire, la résiliation du contrat n'était pas subordonnée au paiement préalable des loyers impayés : en effet dans le courrier du 21 février 2013 du conseil de la société débitrice il était précisé que « la société SCI FG immobilier accepte une résiliation anticipée du bail sans indemnité et un déménagement à compter du 1er avril 2013.

En revanche elle ne pratique aucun abandon de créances concernant des loyers arriérés.", duquel on ne peut déduire que la résiliation amiable du bail était subordonnée au paiement préalable des loyers.

Aucune réponse concrète ne fut donnée par l'administrateur judiciaire à la proposition de résiliation amiable du bail, qui apparaissait pourtant nécessaire au vu des documents prévisionnels de la société Grant Thornton et il n'y procéda que le 30 mai 2013, c'est-à-dire plus de cinq mois après l'ouverture de la procédure collective.

Il s'ensuit que la résiliation du bail apparaissait nécessaire dès l'ouverture de la procédure collective compte tenu du coût trop élevé des loyers et charges, mais que l'administrateur pourtant informé de cette nécessité, n'y a pas procédé et ne s'est pas soucié du défaut du paiement des loyers, alors qu'en application de l'article L622-13,II il devait y mettre fin s'il lui apparaissait que la société débitrice ne disposait pas des fonds nécessaires pour payer les loyers.

C'est en vain que l'administrateur fait valoir qu'il n'a pas opté de façon claire pour la continuation du contrat de bail, celle-ci s'étant opérée de façon implicite puisqu'il a choisi de ne pas le résilier et de laisser continuer l'exploitation de la société débitrice dans les lieux.

Plus précisément, alors que la question de la résiliation du bail lui était posée dès le mois de février, il a choisi de ne pas lui répondre, tout en laissant s'accumuler le montant des loyers impayés dans une procédure de sauvegarde.

De son côté, la société bailleresse, qui n'avait pas le pouvoir de mettre en demeure l'administrateur judiciaire d'opter pour la continuation ou non du contrat en cours, et dont l'action était paralysée par le délai d'attente de trois mois prévu à l'article L622-14, 2° du code de commerce, a, dès l'origine, averti l'administrateur judiciaire du défaut de paiement des loyers, a pris l'initiative de lui proposer une résiliation amiable, sans qu'aucune réponse n'ait été apportée à l'ensemble de ses courriers.

Il ne peut être reproché à la société bailleresse ne pas avoir entamé une procédure judiciaire de résiliation du bail passé ce délai de trois mois, c'est-à-dire à compter du 25 avril 2013, puisqu'à cette date l'administrateur judiciaire lui avait écrit qu'il envisageait la résiliation amiable du bail et qu'il a pris cette décision définitive fin mai 2013, de sorte qu'une procédure engagée après le 25 avril 2013 n'aurait pas permis une résiliation antérieure à cette date.

Enfin, alors qu'il avait pris la décision de résilier le bail et promis de restituer les clés dans un délai de quinzaine, aucune clé ne fut restituée à la société bailleresse jusqu'à la fin de son mandat, c'est-à-dire jusqu'au 9 juillet 2013, date du jugement du tribunal de commerce de Paris prononçant la liquidation judiciaire de la société Arvem.

Il s'ensuit que l'administrateur judiciaire a agi en violation des dispositions de l'article L622-13 du code de commerce, alors qu'il ne rapporte la preuve qu'un plan sérieux était réellement envisagé pendant la poursuite du bail, mais qu'au contraire il apparaissait dès l'ouverture de la procédure collective, nécessaire de procéder à la résiliation du bail en raison du montant trop élevé des loyers eu égard à l'activité de l'entreprise.

En conséquence, l'administrateur judiciaire a commis une faute, dont il doit réparation.

- Sur le préjudice et le lien de causalité.

La SCI FG Immobilier soutient que le préjudice résultant de l'ensemble de ces fautes correspond au montant des sommes dues depuis la date d'ouverture de la procédure de sauvegarde jusqu'au 30 septembre 2013, date à laquelle les locaux lui ont enfin été restitués à savoir le montant de la déclaration de créances, 659.613,57 euros, déduction faite de la somme de 218.357,62 euros (dette locative antérieure au jugement de sauvegarde), puis de celle de 20.000 euros (provision pour frais d'enlèvement des biens abandonnés sur place) et enfin de celle de 90.168,06 euros (dépôt de garantie) et augmentée de celle de 6.480 euros (frais d'enlèvement) soit la somme totale de 337.357,89 euros.

L'administrateur judiciaire soutient que l'appelante est irrecevable et à tout le moins infondée à alléguer, pour la période postérieure au 9 juillet 2013 un préjudice évalué à 148.930,52 euros dès lors qu'il avait perdu tous pouvoirs et fonctions avec le jugement de liquidation judiciaire.

De plus, il fait valoir que quelle que soit la période considérée, le préjudice allégué en demande n'équivaudrait pas à la somme des loyers d'occupation et charges dus contractuellement par la société preneuse, mais, s'agissant d'une action tendant à l'allocation de dommages-intérêts délictuels, à la simple perte d'une chance d'avoir pu relouer pendant la période litigieuse alors qu'aucun élément du dossier et des pièces communiquées ne prouve que l'appelante aurait pu ou voulu relouer pendant la période litigieuse.

Il convient de relever que la responsabilité de l'administrateur ne peut être retenue pour le défaut de paiement des loyers et charges qu'à compter du 24 janvier 2013, date du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, jusqu'au 9 juillet 2013, date de la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire, mettant fin à son mandat.

Le loyer annuel était d'un montant de 399.686,88 euros, outre une provision sur charges de 50.550 euros, soit un total annuel de 450.236,88 euros hors taxes.

Les fautes commises par l'administrateur judiciaire ont entrainé un défaut de paiement des loyers pendant 5 mois et demi, ce qui correspond à des loyers et charges d'un montant total de 206.358,57 euros hors taxes.

En ne mettant pas immédiatement fin au contrat de bail, l'administrateur a fait perdre à la SCI FG Immobilier une chance de relouer ses locaux.

Si cette dernière ne fournit aucun élément sur la conclusion d'un nouveau bail, sur sa date et sur le montant des loyers, il convient cependant de relever que le loyer conclu avec la société débitrice était d'environ 420 euros hors taxes le m2, ce qui n'apparaît pas trop élevé pour des locaux situés [Adresse 5].

Cependant, il convient également de tenir compte de ce que des locaux d'une telle superficie ne trouvent pas immédiatement preneur et, compte tenu de ces éléments, il convient de retenir une perte de chance de relouer les locaux équivalente à 70% du montant des loyers et charges.

En conséquence, le jugement sera infirmé , le préjudice de la SCI FG Immobilier sera fixé à la somme de 144.450,99 euros arrondi à 144.450 euros et la SCP [M] [Y] [R] [I] sera condamnée au paiement de cette somme.

2. Sur l'appel incident de l'administrateur judiciaire aux fins d'allocation de dommages- intérêts pour préjudice professionnel, moral et procédure abusive

L'administrateur judiciaire soutient que l'appelante a agi abusivement en mettant en doute de manière injustifiée et dans des termes déplacés lui causant un préjudice professionnel et moral dont il entend solliciter la réparation.

Cependant, les prétentions de la SCI FG Immobilier ayant été accueillies, la SCP [M] [Y] [R] [I] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts et le jugement confirmé sur ce point.

3. Sur les dépens et frais hors dépens.

La SCP [M] [Y] [R] [I] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 7.000 euros pour frais hors dépens exposés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté la SCP [M] [Y] [R] [I] de ses demandes de dommages intérêts,

L'INFIRME pour le surplus.

Statuant à nouveau,

CONSTATE que la SCP [M] [Y] [R] [I] a commis une faute en s'abstenant de mettre fin au bail liant la société Arvem, dont elle était l'administrateur judiciaire, et la SCI FG Immobilier et de restituer les clés, alors que les loyers n'étaient pas payés,

CONDAMNE la SCP [M] [Y] [R] [I] à payer à la SCI FG Immobilier une somme de 144.450 euros en réparation du préjudice subi,

LA CONDAMNE aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 7.000 euros pour frais hors dépens exposés en première instance et en appel.

La Greffière La Présidente

Hanane AKARKACH Michèle PICARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 17/00078
Date de la décision : 28/02/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°17/00078 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-28;17.00078 ?
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