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27/02/2019 | FRANCE | N°17/14839

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 27 février 2019, 17/14839


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRÊT DU 27 FÉVRIER 2019



(n° , 18 pages)



N° d'inscription au répertoire général : 17/14839 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3TEF



Sur renvoi après un arrêt de la Cour de Cassation prononcé le 20 Avril 2017 (n° 515 F-D) emportant cassation d'un arrêt rendu par la cour d'appel de PARIS (pôle 5 - chambre 5) le 28 Mai 2015 (RG n° 13/00852), s

ur appel d'un jugement rendu le 29 Novembre 2012 par le tribunal de commerce de LILLE (RG n° 201204645)





DEMANDERESSE À LA REQUÊTE



SARL AZIMUT TRANS

A...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRÊT DU 27 FÉVRIER 2019

(n° , 18 pages)

N° d'inscription au répertoire général : 17/14839 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3TEF

Sur renvoi après un arrêt de la Cour de Cassation prononcé le 20 Avril 2017 (n° 515 F-D) emportant cassation d'un arrêt rendu par la cour d'appel de PARIS (pôle 5 - chambre 5) le 28 Mai 2015 (RG n° 13/00852), sur appel d'un jugement rendu le 29 Novembre 2012 par le tribunal de commerce de LILLE (RG n° 201204645)

DEMANDERESSE À LA REQUÊTE

SARL AZIMUT TRANS

Ayant son siège social : [Adresse 1]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

[Localité 1]

N° SIRET : 487 553 745 (COMPIEGNE)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Ayant pour avocat plaidant : Me Xavier DELPLANQUE-BATAILLE DE MANDELO, avocat au barreau de PARIS, toque : C0202

DÉFENDEURS À LA REQUÊTE

- SASU WALON FRANCE

Ayant son siège social [Adresse 4]

[Adresse 5]

[Adresse 6]

N° SIRET : 615 920 188 (COMPIEGNE)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant : Me Patrick MENEGHETTI, avocat au barreau de PARIS, toque : W14

- MINISTERE PUBLIC

Exerçant ses fonctions : [Adresse 7]

[Adresse 8]

L'affaire a été communiquée au ministère public

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Janvier 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Irène LUC, Présidente de chambre

Monsieur Laurent BEDOUET, Conseiller,

Madame Laure COMTE, Vice-Présidente Placée, rédacteur,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Laure COMTE dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Irène LUC, président et par Madame Cécile PENG, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Walon France, ci-après Walon, est spécialisée dans le transport de véhicules automobiles.

La société Azimut Trans, ci-après Azimut, est spécialisée dans le transport routier.

Le 7 décembre 2005, les sociétés Walon et Azimut ont signé un contrat intitulé « contrat commercial de sous-traitance de transport routier de marchandises », dit « 44 semaines » d'une durée de quatre années, renouvelable par tacite reconduction, à compter du 1er janvier 2006. Son article 9 est rédigé ainsi : « Le présent contrat et ses avenants peuvent être résiliés par l'une ou l'autre des parties par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception moyennant un préavis. La résiliation n'a pas à être motivée et justifiée. Le préavis est de trois mois quand le temps écoulé depuis le début d'exécution du contrat ne dépasse pas deux ans.

Ce préavis est de six mois quand cette durée est supérieure à deux ans ».

Les parties ont ensuite signé quatre avenants au contrat de 2005, les 7 décembre 2005, 23 janvier, 3 mai et 7 juillet 2006 notamment relatifs aux modalités pratiques de la sous-traitance et à la liste des camions qui seraient donnés en location à la société Azimut par la société Walon, ainsi qu'un premier contrat de location de camions appartenant à la société Walon par la société Azimut le 27 avril 2006.

Le 27 avril 2006, les sociétés Walon et Azimut ont aussi signé un autre contrat intitulé « contrat commercial de sous-traitance de transport routier de marchandises », dit « 44 semaines » d'une durée de 21 semaines renouvelable qui prévoyait que « le présent contrat et ses avenants peuvent être résiliés par l'une ou l'autre des parties par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception moyennant un préavis. La résiliation n'a pas à être motivée et justifiée. Le préavis est de trois mois quand le temps écoulé depuis le début d'exécution du contrat ne dépasse pas deux ans. Ce préavis est de six mois quand cette durée est supérieure à deux ans ».

Les 6 juillet 2007, 10 avril, 10, 21 mai, 3, 4, 9, 24 juin 2008, les sociétés Walon et Azimut ont signé des « contrats type de location de véhicule industriel neuf sans chauffeur », lesquels visent en préambule le contrat de sous-traitance de transport routier de véhicules roulants de 2005 les liant par ailleurs, qui prévoient à l'article 11 dernier alinéa « le présent contrat sera résilié de plein droit sans préavis ni indemnité en cas de terminaison ou de rupture pour quelque cause que ce soit et quel que soit l'auteur, du contrat de sous-traitance visé au préambule ».

Par courrier du 30 juin 2008, la société Walon a envoyé un courrier à la société Azimut, dont l'objet est intitulé « dénonciation contrat cadre sous-traitance », rédigé notamment en ces termes :

« Selon l'article 9 du contrat cadre de sous-traitance liant nos deux sociétés signé en date du 1er janvier 2005, celui-ci arrive à échéance le 31 décembre prochain. Nous vous informons de notre souhait de dénoncer ce contrat, notre objectif étant de discuter avec vous de la mise en place d'un nouveau contrat cadre pouvant inclure une prévision d'investissement dans du matériel neuf. Nous sommes déjà en négociation avec plusieurs d'entre vous et si nous ne vous avons pas encore contactés à ce propos, nous vous serions reconnaissants de bien vouloir prendre contact avec Mme [N] [M] (') ».

Les 6 août et 2 octobre 2008, les sociétés Walon et Azimut ont signé des contrat intitulés « contrat type de location de véhicule industriel d'occasion sans chauffeur » lesquels visent toujours en préambule le contrat de sous-traitance de transport routier de véhicules roulants de 2005 les liant par ailleurs, qui prévoient à l'article 11 dernier alinéa « le présent contrat sera résilié de plein droit sans préavis ni indemnité en cas de terminaison ou de rupture pour quelque cause que ce soit et quel que soit l'auteur, du contrat de sous-traitance visé au préambule ».

Par courrier du 20 octobre 2008, la société Azimut a répondu à la société Walon concernant son courrier du 30 juin 2008, que cette dernière avait commis une erreur dans les dates, le contrat se poursuivant jusqu'au 31 décembre 2009, le contrat ayant pris effet au 1er janvier 2006.

En réponse, la société Walon a, par courrier du 17 décembre 2008, reconnu que le contrat prévoyait une durée de quatre années et était renouvelable par tacite reconduction, et faisait également savoir à la société Azimut qu'elle résiliait de manière anticipée le contrat les liant, ce que cette dernière a contesté par lettre du 26 décembre 2008.

Par acte du 3 décembre 2009, la société Azimut a assigné la société Walon devant le tribunal de commerce de Compiègne en paiement de la somme de 6.341.716,48 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du non-respect des 44 semaines garanties.

Par jugement du 20 mars 2012, le tribunal de commerce de Compiègne s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Lille, la société Azimut ayant ensuite formulé une nouvelle demande fondée sur l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce.

Par jugement du 29 novembre 2012, le tribunal de commerce de Lille a :

- débouté la société Azimut de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamné la société Azimut aux dépens en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 69,97 euros.

Saisie en appel par la société Azimut, la cour d'appel de Paris a, par arrêt du 28 mai 2015 :

- infirmé le jugement déféré,

- condamné la société Walon à verser à la société Azimut les sommes de :

* 3.480.444 euros de dommages et intérêts au titre des préjudices résultant de la rupture du contrat,

* 685.599,24 euros au titre du non-respect de la garantie des quarante-quatre semaines pour l'année 2008,

* 70.506,03 euros au titre du non-respect du tarif majoré,

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 3 décembre 2009,

- ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

- condamné la société Walon à verser à la société Azimut la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire,

- condamné la société Walon aux dépens.

Par arrêt du 20 avril 2017, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel du 28 mai 2015 en toutes ses dispositions, après avoir relevé sur le premier moyen : « Mais attendu que l'arrêt relève que si le contrat intitulé « contrat de sous-traitance de transport routier de marchandises » stipule que la société Azimut Trans s'engage à effectuer des transports publics de véhicules roulants, il ne fait référence à aucun transport de marchandises mais à une mise à disposition de véhicules ; qu'il relève, encore, que la facturation concernait non pas des prix de transports de marchandises mais un prix fixé au kilomètre, selon le type de camion utilisé, sous déduction du prix de location ; qu'il retient, enfin, que les contrats de location de camions sont indissociables du contrat de sous-traitance et répondent à une seule opération économique qui consistait pour la société Azimut Trans à mettre à disposition de son loueur les véhicules loués en y associant un chauffeur ; qu'ayant ainsi fait ressortir que le contrat litigieux n'avait pas pour objet le transport, la cour d'appel, sans avoir à effectuer la recherche non demandée invoquée par la première branche, a légalement justifié sa décision d'écarter la prescription d'un an, prévue par l'article L.133-6 du code de commerce pour toutes actions auxquelles le contrat de transport peut donner lieu ; (') », aux motifs d'abord que :

« Attendu que pour condamner la société Walon à payer à la société Azimut Trans les sommes de 3 480 444 euros pour le préjudice résultant de la rupture du contrat et 70 506,03 euros pour le préjudice résultant du non-respect du tarif majoré, outre les intérêts légaux, l'arrêt retient que les parties ont conclu le 7 décembre 2005 un contrat à durée déterminée de quatre ans sans que cette durée soit assortie d'une possibilité de résiliation anticipée ; Qu'en statuant ainsi, alors que le contrat du 7 décembre 2005 stipulait qu'il pouvait être résilié par l'une ou l'autre des parties par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception moyennant un préavis, que cette résiliation n'avait pas à être motivée et justifiée et que le préavis était de trois mois quand le temps écoulé depuis le début d'exécution du contrat ne dépassait pas deux ans et de six mois quand cette durée était supérieure à deux ans, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé » et puis, au visa de l'article 455 du code de procédure civile, que « Attendu que pour condamner la société Walon à payer à la société Azimut Trans la somme de 685 599,24 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect de la garantie d'exploitation de quarante-quatre semaines pour l'année 2008, l'arrêt retient que la société Walon n'apporte aucun élément portant sur l'absence d'exécution de cette garantie contractuelle ; Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Walon qui contestait l'existence de cette garantie contractuelle, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ».

La procédure devant la présente cour a été clôturée le 15 janvier 2019.

Vu les conclusions du 4 janvier 2019 par lesquelles la société Azimut Trans, appelante, invite la cour, au visa de l'article 1134, 1147 et suivants, 1151 à 1162 et suivants, 1161, 1184 et suivants du code civil, L. 442-6, I, 5°, L. 420-2, L. 442-6, I, 2° et 3° du code de commerce, 30-1 et 32 de la CMR, les dispositions du décret n° 2001-658 du 19 juillet 2001, de la loi du 30 décembre 1982, à :

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Lille du 29 novembre 2012,

- dire que la lettre du 30 juin 2008 n'est pas une lettre de résiliation anticipée du contrat de sous-traitance du 7 décembre 2005 mais une lettre annonçant la renégociation d'un nouveau contrat et que la rupture contractuelle est intervenue brutalement sans préavis au 17 décembre 2008, simultanément aux contrats de location des camions Walon le 9 janvier 2009,

- dire que les contrats de location de camions renouvelés en 2008 et les investissements effectués sur demande de la société Walon sont indissociables du contrat de sous-traitance et répondent à une seule opération économique qui consistait en l'externalisation de la gestion des personnels chauffeurs et ensembles routiers de Walon, outre les camions achetés par elle et affectés au service de la société Walon,

- dire que les obligations qui lui étaient imposées pour la mise à disposition de 44 camions avec chauffeurs pour 44 semaines, sans réciprocité et sans engagement de durée ni de volume, constituaient une disproportion importante entre les obligations respectives des parties tels que visé par l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce et entrainent une absence de réciprocité de la clause de résiliation anticipée,

- dire que du fait de l'indivisibilité reconnue par les motifs de la Cour de cassation et la durée déterminée de 4 ans étant une obligation essentielle du contrat, la clause de résiliation anticipée écourtant cette durée doit être déclarée nulle, non écrite et en tous les cas inapplicable du fait de son couplage avec l'absence d'engagement de volume qui en fait une clause léonine,

- prononcer de ce fait l'inopposabilité, l'ineffectivité et / ou la nullité de la résiliation anticipée et de la clause de non engagement de volume au profit exclusif de la société Walon, et les déclarer inapplicables et non écrites,

- dire que le caractère indissociable des contrats oblige à considérer la nullité et l'inapplicabilité de la clause de résiliation anticipée du contrat de sous-traitance compte-tenu de la reconduction simultanée des contrats de location des camions,

- dire qu'en tout état de cause, la société Walon a abusé de l'état de dépendance économique dans laquelle elle l'avait placée en lui imposant les contrats précités dans son intérêt exclusif et dont la poursuite de l'exécution dépendait de son bon vouloir,

- dire que cette résiliation anticipée est contraire à l'obligation essentielle et à l'économie générale de l'ensemble contractuel et fautive,

et statuant à nouveau :

à titre principal sur l'indemnisation de l'exécution contractuelle

- dire qu'elle est recevable et bien fondée en ses demandes dirigées à l'encontre de la société Walon,

- condamner la société Walon à lui régler sous forme de dommages contractuels, les indemnités suivantes :

* 2.866.225 euros euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant de la rupture de l'ensemble contractuel portant sur l'externalisation du service routier de la société Walon,

* 685.599,24 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant du non-respect de la garantie des 44 semaines pour l'année 2008 du contrat du 7 décembre 2005,

* 70.506,03 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant du non-respect du tarif majoré du contrat du 7 décembre 2005,

* 10.447,65 euros, pour le solde des factures d'intervention émises par elle,

subsidiairement, et en tout état de cause sur la rupture brutale,

- dire que la rupture est intervenue le 17 décembre 2008 sans préavis,

- dire abusive et brutale la rupture de la relation commerciale d'externalisation du parc logistique et des chauffeurs de la société Walon portant sur l'ensemble des relations commerciales établies, comprenant le contrat de sous-traitance ainsi que les 20 contrats de location conclus en 2008, et y compris les investissements effectués sur demande de la société Walon pour une durée supérieure à un an et créant une dépendance économique,

- dire que le préavis proposé et reconnu par la société Walon pour ses relations commerciales avec elle était d'un an et le service dédié exclusif de 44 semaines par an,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lille en ce qu'il a admis l'état de dépendance économique à l'égard de la société Walon, mais l'infirmer sur la durée du préavis,

- condamner la société Walon à indemniser la brutalité de la rupture et à lui payer la somme de 2.866.225 euros,

en tout état de cause,

- condamner la société Walon au paiement d'une indemnité de 35.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Etevenard en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- dire que les condamnations prononcées porteront intérêt au taux légal à compter de l'assignation du 3 décembre 2009, outre anatocisme conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

- débouter la société Walon de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

Vu les conclusions du 2 janvier 2019 par lesquelles la société Walon France, intimée, demande à la cour, au visa des articles 6, 9 et 12 du code de procédure civile, 1134 et 1147 anciens du code civil, L. 133-6 et L. 442-6, I, 5° du code de commerce, L. 1432 du code des transports, 30 et suivant de la CMR du 19 mai 1956 et les dispositions du décret n°2003-1295 du 26 décembre 2003, de :

- débouter la société Azimut Trans de ses demandes,

- confirmer le jugement rendu le 29 novembre 2016 par le tribunal de commerce de Lille,

in limine litis, sur la qualification du contrat et la prescription des actions de la société Azimut,

à titre liminaire, sur la nature de l'opération la liant à la société Azimut Trans

sur l'accord des parties pour la qualification du contrat la liant à la société Azimut et sur l'acquisition de la prescription,

- dire que la société Azimut ne conteste pas avoir conclu un contrat de transport de marchandise avec elle,

- dire que la société Azimut et elle ont conclu un contrat de transport de marchandises,

en conséquence sur l'acquisition de la prescription annale,

sur la prescription de l'action relative à la résiliation du contrat

- dire que l'action relative à la résiliation du contrat de transport de marchandise est prescrite,

- débouter la société Azimut de ses demandes,

sur la prescription de l'action relative à la garantie sur 44 semaines en 2008

- dire que l'action relative à la garantie sur 44 semaines est prescrite,

- débouter la société Azimut de ses demandes,

sur la prescription de l'action relative à l'application du tarif majoré

- dire que l'action relative à l'application du tarif majoré est prescrite,

- débouter la société Azimut de ses demandes,

sur la prescription relative au prétendu non-paiement des factures dues

- dire que l'action relative au non-paiement des factures dues est prescrite,

- débouter la société Azimut de ses demandes,

à titre subsidiaire, sur le fond, sur son absence de faute,

sur l'indépendance des contrats,

- dire que la société Azimut et elle ont conclu, d'une part un contrat de sous-traitance et, d'autre part, des contrats de location de camions,

- dire que ces contrats sont interdépendants l'existence des contrats de locations de camions étant subordonnée à celle du contrat de sous-traitance,

sur le respect des conditions relatives à la résiliation

- dire que le délai de préavis relatif à la résiliation stipulé dans le contrat de sous-traitance a été parfaitement respecté par elle,

- débouter la société Azimut de ses demandes,

sur l'absence de dépendance économique de la société Azimut vis-à-vis d'elle,

- dire qu'il n'y a aucun lien de dépendance économique entre la société Azimut et elle,

- dire que la résiliation réalisée par elle n'est pas abusive,

- débouter la société Azimut de ses demandes,

à titre plus subsidiaire, sur les montants de préjudices allégués

sur l'évaluation erronée réalisée par la société Azimut

- dire que l'évaluation réalisée par la société Azimut est erronée,

sur l'évaluation du montant de l'éventuel préjudice subi par la société Azimut

- dire qu'en tout état de cause, le préjudice éventuellement subi par la société Azimut ne saurait excéder la somme de 337.000 euros pour ce qui concerne la résiliation du contrat, sous réserve de la production par la société Azimut des justificatifs concernant le différentiel de frais fixes non absorbés,

- dire que le préjudice éventuellement subi par la société Azimut, pour ce qui concerne la garantie des « 44 semaines » ne saurait excéder la somme de 8.541 euros,

subsidiairement,

- ordonner, si nécessaire, une mesure d'expertise judiciaire afin d'évaluer le préjudice subi par la société Azimut,

en tout état de cause,

- condamner la société Azimut à lui payer la somme de 30.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Azimut au paiement des entiers dépens de la présente instance que Me Lallement recouvrera conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR,

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

A titre liminaire, la cour relève que la société Walon soutient dans le corps de ses conclusions (p.41) que la demande de nullité de la clause de résiliation est une demande nouvelle, qui doit être écartée en vertu de l'article 564 du code de procédure civile. Toutefois, cette demande n'étant pas reprise dans son dispositif, qui seul lie la cour, la cour n'est pas saisie de l'irrecevabilité de ladite demande.

Sur la prescription de l'action et la qualification des contrats liant les parties

La société Walon soutient que les contrats liant les parties doivent être qualifiés de contrats de transport, de sorte que toute demande fondée sur ces contrats est soumise à la prescription annale. Elle en déduit que les demandes de la société Azimut à son égard sont prescrites. Elle explique que la société Azimut, créée en raison de ses difficultés économiques, avait un intérêt dans cette opération qui lui a permis de démarrer son activité sans mobiliser un capital important et d'atteindre rapidement la rentabilité, lui louant une partie de sa flotte de camions, et qu'elle pouvait développer sa propre clientèle. Elle souligne que les parties ont expressément soumis le contrat au régime de la loi du 30 décembre 1982 dite loi « LOTI » régissant le transport de marchandises et que la nature des prestations réalisées par la société Azimut décrite à l'article 2 du contrat de sous-traitance répond à la définition de l'article L. 1432-2 du code des transports. Elle en conclut que le contrat ne porte pas sur la mise à disposition permanente de véhicules avec conducteur. Elle fait aussi valoir que la société Azimut demeurait entièrement libre des conditions et modalités d'exécution de ses prestations.

La société Azimut réplique qu'elle a été contrainte de signer les « contrats de sous-traitance » et de location de camions à la société Walon dans lesquels cette dernière se réservait l'organisation des transports en lui imposant une exclusivité pendant les périodes correspondant à ses périodes d'activité, en l'incitant à investir dans des ensembles routiers neufs devant lui être mis à disposition, et en imposant l'usage exclusif sous sa marque de ses camions loués à cet effet sans chauffeur. Elle allègue que le socle contractuel entre les parties est constitué ensemble et indivisiblement, d'une part, de plusieurs contrats de sous-traitance dans lesquels la société Walon est présentée comme étant l'opérateur de transport, et d'autre part de contrats de location de véhicules appartenant à cette dernière, lesquels ont tous été renouvelés en 2008 pour une période de 4 ans ferme, avec un préavis d'un an en cas de résiliation anticipée. Elle relève que la société Walon et elle étaient liées par des contrats portant sur la mise à disposition de camions avec chauffeurs par elle, alors que la moitié des camions mise à sa disposition lui était louée par la société Walon. Elle en conclut que les deux contrats étaient indissociables. Elle explique qu'en conséquence le délai de prescription de droit commun s'applique au litige en cause.

***

Il convient d'abord de souligner que la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 mais 2015 étant totale, l'ensemble des points demeurent en débat.

Aux termes de l'article L. 1432-2 du code des transports :

« Tout contrat de transport public de marchandises précise :

1° La nature et l'objet du transport ;

2° Les modalités d'exécution du service tant en ce qui concerne le transport proprement dit que les conditions d'enlèvement et de livraison des objets transportés ;

3° Les obligations respectives de l'expéditeur, du commissionnaire, du transporteur et du destinataire ;

4° Le prix du transport ainsi que celui des prestations accessoires prévues ».

En l'espèce, le « contrat commercial de sous-traitance de transport routier de marchandises » du 7 décembre 2005, tout comme celui du 27 avril 2006, stipule d'abord que « Le présent contrat a pour objet de définir la nature et le volume des prestations de transport que l'opérateur de transport confie de façon régulière et significative au sous-traitant et de fixer les conditions dans lesquelles ces opérations sont exécutées conformément aux dispositions de l'article 8 de la loi du 30 décembre 1982 » puis à son article 2-1 « Par le présent contrat, le sous-traitant s'engage à effectuer des transports publics de véhicules roulants sur le territoire national et international. La prestation comprend tant les opérations de transport proprement dites au sens du contrat type sus visé que les opérations connexes et annexes visées audit contrat type ».

Les parties ont également signé un « contrat de location de véhicule industriel sans chauffeur », la société Walon étant le loueur propriétaire des camions et la société Azimut étant le locataire de ces mêmes camions. Il est constant que les camions donnés en location par la société Walon à la société Azimut, correspondant à la moitié de la flotte de cette dernière, devaient être exclusivement mis à la disposition de la société Walon par la société Azimut dans le cadre du contrat de sous-traitance.

Par ailleurs, les contrats de sous-traitance prévoient que « de convention expresse toute créance certaine de l'opérateur de transport sur le transporteur est compensée de plein droit même si elle n'est pas liquide et exigible avec les sommes dues par l'opérateur ou sous-traitant dans le cadre du présent contrat ». Ainsi, les parties ont mis en place contractuellement un système de compensation automatique entre, d'une part, le prix de la location de camions due par la société Azimut à la société Walon et, d'autre part, le prix de la sous-traitance due par la société Walon à la société Azimut Trans. Il ressort des différents échanges entre les parties que la société Walon compensait automatiquement les factures de sous-traitance avec celles de location de camions, notamment en raison d'avaries.

De même, il est établi que les lettres de voiture (pièce 78 Azimut) étaient émises par la société Walon.

Ainsi, il ressort clairement des contrats de sous-traitance et de location de camions et des échanges entre les parties qu'ils étaient interdépendants, ce que ne contestent d'ailleurs pas les parties, et que l'équilibre contractuel de leurs rapports commerciaux ne se limitait pas au seul contrat de sous-traitance, mais, globalement, au regard également des contrats de location de camions. Si deux types de contrats ont été signés de manière séparée entre les parties, les rapports contractuels entre elles forment un tout indivisible et une seule opération économique.

Dès lors, les rapports contractuels entre les parties étant liés, non pas uniquement par le seul prisme du contrat de sous-traitance, mais, plus globalement, au regard de l'équilibre entre les contrats de locations de camions et de sous-traitance indivisibles, ne peuvent se réduire à ceux prévus à l'article L. 1432-2 du code des transports précité et être qualifiés de contrats de transport.

Il n'y a en conséquence pas lieu de faire application de la prescription annale prévue à l'article L. 133-6 du code de commerce propre aux contrats de transport.

Le jugement doit être confirmé pour avoir dans sa motivation rejeté l'exception de prescription s'agissant des demandes formées au titre de la responsabilité contractuelle et de l'article L. 442-6 du code de commerce liées aux conditions de la rupture et il doit être infirmé en ce qu'il a déclaré dans le corps de la décision prescrites les demandes en paiement fondées sur le non-respect de l'exploitation du matériel garantie sur 44 semaines, du tarif « rouge » et du solde de facture, l'ensemble de ces demandes étant fondé sur les relations contractuelles des parties.

Sur la date de la rupture des relations commerciales

La société Azimut soutient que la résiliation de la relation contractuelle par la société Walon est intervenue le 17 décembre 2008 sans lui laisser de préavis. Elle conteste que le courrier de la société Walon du 30 juin 2008 puisse être considéré comme une lettre de rupture, ce courrier lui faisant part de nouvelles négociations, relevant par ailleurs que la date du terme du contrat est erronée.

La société Walon fait valoir qu'elle a fait part de sa volonté non équivoque de résilier le contrat de sous-traitance le 30 juin 2008, ce que d'ailleurs les termes du courrier en réponse de la société Azimut démontrent. Elle en déduit que la société Azimut ne pouvait se méprendre sur la portée de son courrier du 30 juin 2008. Elle explique que la résiliation était un préalable à la renégociation des contrats de sous-traitance.

***

Le courrier du 30 juin 2008 envoyé par la société Walon à la société Azimut, reproduit supra, ne laisse pas de doute quant à son interprétation, tant au regard de son objet clairement identifié « dénonciation contrat cadre sous-traitance », que de son contenu, la société Walon informant sans ambiguïté la société Azimut de son souhait de dénoncer le contrat qui arrive à échéance le 31 décembre 2008 en vertu de l'article 9 du contrat du 7 décembre 2005 afin de renégocier les conditions de leurs rapports commerciaux.

En effet, l'article 9 dudit contrat prévoit clairement la faculté de résiliation à tout moment du contrat, sous réserve de respecter un préavis prédéfini. En se référant à cet article, la société Walon indique clairement utiliser cette faculté de résiliation. La simple erreur quant au terme du contrat ne peut suffire à écarter la portée réelle du courrier. Il convient d'ailleurs de relever que ce n'est que le 20 octobre 2008 que la société Azimut a répondu à la société Walon en lui signifiant cette erreur. En outre, la proposition d'ouverture de négociation n'implique pas nécessairement une poursuite des relations commerciales entre les parties, l'issue de négociations étant par définition incertaine. Cette résiliation contractuelle démontre la prudence de la société Walon quant à la poursuite des relations contractuelles dans l'hypothèse d'un échec de ces négociations.

Enfin, la circonstance que de nouveaux contrats de location de camions aient été conclus postérieurement à la lettre de résiliation pendant la durée de préavis, est sans incidence sur la date de la rupture et la portée du courrier précité, ces contrats permettant la poursuite des relations contractuelles pendant la durée du préavis et étant directement liés, par l'article 11 précité, à la résiliation du contrat de sous-traitance, ceux-ci prenant donc fin avec le contrat de sous-traitance. Le contrat de sous-traitance apparaît dès lors comme constituant le socle de la relation commerciale, les contrats de location de camions dépendant logiquement de cette sous-traitance, ces camions étant exclusivement attribués à la société Walon et ces contrats de location cessant naturellement à la fin du contrat de sous-traitance, le contrat de sous-traitance précisant d'ailleurs que « pendant la durée du préavis, l'économie générale du contrat est maintenue ».

Il y a donc lieu de dire que la date de résiliation du contrat de sous-traitance du 7 décembre 2005 par la société Walon est celle du 30 juin 2008.

Sur la licéité de la résiliation en application de l'article 9 du contrat du 7 décembre 2005

La société Azimut fait valoir que :

- les contrats imposaient une exclusivité de service de 44 semaines, l'obligeant ainsi à dédier les camions à l'usage exclusif de la société Walon, sans aucune contrepartie ni réciprocité puisqu'elle ne disposait d'aucune exclusivité réciproque, d'aucun engagement de volume et d'aucun engagement dans la durée,

- cette clause jumelée à la clause de résiliation anticipée du contrat de sous-traitance générait au profit de la société Walon, la possibilité de rompre le contrat à tout moment selon son bon vouloir, tout en maintenant à sa charge une disponibilité de 44 camions pour 44 semaines sans engagement de volume et sans engagement de durée,

- l'article 9 du contrat de sous-traitance constitue une clause de résiliation anticipée contraire à l'économie générale de l'opération, qui aurait dû lui permettre de couvrir et d'amortir ses investissements en personnels et matériels,

- cette situation caractérise des obligations imposées sans contrepartie équilibrée et, en tout cas, une disproportion importante entre les obligations respectives des parties, la soumettant au bon vouloir de la société Walon et constituant de ce fait une clause léonine et déséquilibrée telle que visée notamment aux articles L. 420-2 et L. 442-6, I, 2° et 3° du code de commerce.

La société Walon explique que :

- l'interdépendance des contrats prévue dès l'origine par les parties est stipulée dans l'intérêt de la société Azimut,

- cette clause permettait de tirer les conséquences du lien d'interdépendance entre les différents contrats, et de prévenir le risque d'un déséquilibre financier au détriment de la société Azimut, qui aurait résulté du maintien des contrats de location de camions et des obligations de paiement corrélatives, en cas de résiliation du contrat de sous-traitance,

- la société Azimut fait une interprétation erronée de la notion d'interdépendance en soutenant que la renégociation du contrat de location de camions intervenue quelques temps avant la résiliation du contrat de sous-traitance impliquait le renouvellement du contrat de transport.

Elle relève que les dispositions invoquées par la société Azimut relatives à l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce ne sont pas applicables, aucun contrat n'ayant été signé après l'entrée en vigueur le 6 août 2008 de la loi dite « LME » du 4 août 2008.

Elle conteste l'application des dispositions des articles L. 442-6, I, 3° et L. 420-2 dudit code aux faits de l'espèce, les conditions n'étant pas réunies.

Sur le déséquilibre significatif

L'article L 442-6, I du code de commerce dispose notamment que :

« Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculé au répertoire des métiers, (') :

2°) de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».

Cet article est issu de la loi dite « LME » du 4 août 2008, entrée en vigueur le 6 août 2008. Il ne peut donc trouver application en l'espèce au motif que la validité de l'article 9 du contrat de sous-traitance du 7 décembre 2005 est contestée au regard de son utilisation par la société Walon pour résilier ledit contrat. La lettre de résiliation datant du 30 juin 2008, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de ladite loi, les dispositions relatives à l'article précité ne peuvent être invoquées dans le cadre de ce litige par la société Azimut.

Sur l'avantage non assorti d'un engagement écrit sur un volume d'achat proportionné

Aux termes de l'article L 442-6, I, 3° du code de commerce, « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers d'obtenir ou de tenter d'obtenir un avantage, condition préalable à la passation de commandes, sans l'assortir d'un engagement écrit sur un volume d'achat proportionné et, le cas échéant, d'un service demandé par le fournisseur et ayant fait l'objet d'un accord écrit ».

Cet article n'a pas vocation à s'appliquer dans les rapports entre les parties, la location des camions ne constituant pas un préalable à la passation de commandes en sous-traitance par la société Walon.

Sur l'abus de dépendance économique

Aux termes de l'article L. 420-2 du code de commerce :

« Est prohibée, dans les conditions prévues à l'article L. 420-1, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées.

Est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur ».

La société Azimut ne précise pas les conditions d'application de ce texte aux faits de l'espèce. En effet, elle ne soutient pas, et partant ne démontre pas, en quoi la société Walon a exploité abusivement une position dominante ou un état de dépendance économique à son égard. Ainsi, il ressort des éléments du dossier que la société Azimut pouvait développer sa clientèle pour la moitié des camions, ceux qu'elle avait à acquérir, étant précisé que pour l'autre partie des camions, les contrats de location prenaient fin en même temps que le contrat de sous-traitance, n'entraînant pas ainsi d'engagement disproportionné du sous-traitant. En outre, un abus à l'égard de la société Azimut imputable à la société Walon n'est pas plus établi : il ressort des échanges entre les parties que l'achat des camions n'était pas imposé mais faisait partie des négociations globales entre les parties relatives à l'équilibre contractuel entre elles.

Sur le caractère léonin de l'article 9 du contrat

La société Azimut ne démontre pas le caractère léonin de l'article 9 dudit contrat de sous-traitance, en ce que l'article 1844-1 du code civil, qui proscrit les clauses léonines, s'applique au statut des sociétés et que les clauses dont il est question n'attribuent pas à la société Walon la totalité des profits liés à l'opération et ne lui font pas prendre en charge toutes les pertes. En effet, l'équilibre de l'opération liée à sa constitution permettait à la société Azimut d'avoir la société Walon comme donneur d'ordre, ayant la qualité de sous-traitante, et de lui louer la moitié des camions nécessaires à son activité, location prenant fin en même temps que le contrat de sous-traitance.

Sur la violation d'une obligation essentielle de l'ensemble contractuel

L'article 9 n'apparaît pas en contradiction avec l'économie générale contractuelle, la société Azimut ne démontrant pas être liée exclusivement à la société Walon, pouvant utiliser les camions non loués à la société Walon mais acquis en propre pour d'autres clients. Dès lors, la faculté de résiliation du contrat avant son expiration, moyennent le respect d'un préavis, n'est pas contraire à l'économie générale de la relation contractuelle des parties, l'achat de camions par la société Azimut n'étant pas imposé contractuellement et ne portant pas sur l'intégralité de la flotte de camions. Les échanges entre les parties en 2007 et 2008 sur ce point sont globaux et font partie des négociations portant sur l'équilibre contractuel global. Ainsi, les demandes de la société Walon d'achat de camions neufs par la société Azimut ne sont pas impératives (pièces Azimut 10 et 11, 12-1, 12-2, 27) et ne sont pas conditionnées à un engagement de poursuite de relations commerciales, alors que ces acquisitions répondaient à des prestations commandées par la société Walon. Ces achats n'imposaient donc pas la poursuite des relations commerciales jusqu'à l'issue de la durée des leasings, ces camions pouvant par ailleurs être utilisés pour d'autres clients que la société Walon. Il convient de relever que les actes de cession des camions dont fait état la société Azimut datent des années 2012 à 2016 alors que la rupture des relations commerciale date du 1er janvier 2009, de sorte qu'il ne peut être fait de lien entre l'achat des camions par elle, la fin des relations commerciales avec la société Walon et leurs reventes par la société Azimut.

Enfin, il apparaît également que la société Walon achetait elle aussi des véhicules neufs qu'elle donnait ensuite en location à la société Azimut (pièce Azimut 14).

En conséquence, la mise en oeuvre de l'article 9 du contrat de sous-traitance liant les parties visant à résilier les relations contractuelles par la société Walon apparaît licite.

Sur la responsabilité contractuelle de la société Walon du fait de la résiliation du contrat

L'article 9 du contrat impose le respect d'un préavis de 6 mois lorsque la durée de la relation contractuelle a durée plus de deux années, comme en l'espèce.

Il a été relevé ci-dessus que la résiliation est intervenue le 30 juin 2008 à effet au 31 décembre 2008, de sorte que le délai de préavis contractuel et les modalités de résiliation contractuelle ont été respectés et que donc aucun abus de la part de la société Walon n'est établi par la société Azimut.

Dès lors, la clause de résiliation ayant été déclarée valable, la société Azimut ne peut se prévaloir d'une garantie d'exploitation de 44 semaines annuelles imposant un préavis d'une année.

Il y a donc lieu de rejeter les demandes formées par la société Azimut de ce chef. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

La société Azimut soutient que la lettre de rupture des relations commerciales établie date du 17 décembre 2008 et qu'elle n'a bénéficié d'aucun préavis. Elle indique qu'au regard de son état de dépendance économique à l'égard de la société Walon, étant en relation exclusive avec cette dernière, elle aurait dû bénéficier d'une durée de préavis d'une année.

La société Walon réplique que la lettre de rupture des relations commerciales établies est celle du 30 juin 2008 et qu'elle a laissé à la société Azimut un délai de préavis de six mois, suffisant au regard de leurs relations commerciales.

***

Aux termes de l'article L 442-6, I, 5° du code de commerce :

« Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (') de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ».

Sur la date de la lettre de rupture

La lettre de rupture des relations commerciales établies est celle du 30 juin 2008 envoyée par la société Walon à la société Azimut.

Sur la brutalité de la rupture

Il ressort de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de la durée de ce préavis au regard des relations commerciales antérieures.

Le délai du préavis suffisant s'apprécie en tenant compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances prévalant au moment de la notification de la rupture. La disposition légale vise expressément la durée de la relation commerciale et les usages commerciaux. Outre ces deux critères légaux, les paramètres suivants sont également pris en compte pour apprécier la durée du préavis à respecter : la dépendance économique (entendue non pas comme la notion de droit de la concurrence, mais comme la part de chiffre d'affaires réalisée par la victime avec l'auteur de la rupture), la difficulté à trouver un autre partenaire sur le marché, de rang équivalent, la notoriété du produit échangé, son caractère difficilement substituable, les caractéristiques du marché en cause, les obstacles à une reconversion, en terme de délais et de coûts d'entrée dans une nouvelle relation, l'importance des investissements effectués dédiés à la relation, non encore amortis et non reconvertibles.

Il ressort des éléments du dossier que les camions exclusivement attribués à la société Walon sont ceux loués par la société Azimut à cette dernière et que les contrats de location prenaient fin en même temps que le contrat de sous-traitance, de sorte que la société Azimut ne peut soutenir, d'une part, être en relation d'exclusivité totale avec la société Walon pour l'ensemble de sa flotte de camions, cette exclusivité n'étant pas contractuelle sur la moitié des camions détenus en propre par la société Azimut, et, d'autre part, subir un préjudice spécifique au regard de ses investissements, les camions loués et attribués à la société Walon lui étant restitués à la fin du contrat de sous-traitance.

Par ailleurs, les usages commerciaux liés au contrat de transport ne peuvent être transposés ici s'agissant d'une relation contractuelle globale qui ne peut être qualifiée de contrat de transport, comme jugé supra.

Au regard de la durée de la relation commerciale établie entre les parties de 2 années et demie à la date de la rupture, du chiffre d'affaires réalisé entre elles de 6.597.665 euros en 2007, seule année entière dont les chiffres sont communiqués et non contestés avant la rupture, et du secteur d'activité, la société Azimut devait bénéficier du délai de 6 mois nécessaire pour se ré-organiser et re-déployer son activité.

Dans ces conditions, la société Azimut ayant bénéficié d'un délai de préavis effectif de 6 mois, la rupture des relations commerciales établies par la société Walon n'est donc pas brutale.

Il y a lieu de rejeter la demande de ce chef. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur les demandes en paiement de factures par la société Azimut

La demande en paiement d'un solde de factures

En l'espèce, la société Azimut sollicite le paiement du solde d'une facture, qui a fait l'objet pour le surplus d'une compensation automatique par la société Walon s'agissant des sommes dues au titre de la location de camions par la première.

La demande en paiement n'est pas prescrite, contrairement à ce que soutient la société Walon, qui n'en conteste pas le principe sur le fond.

Les factures devant être acquittées TTC, il y a lieu d'allouer à la société Azimut la somme de 10.447,65 euros au titre du solde des factures. La société Walon est donc condamnée à payer à la société Azimut la somme de 10.447,65 euros au titre du solde des factures, avec intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2009, date de l'assignation. La capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 nouveau du code civil (ancien article 1154) est de droit lorsqu'elle est demandée. Il doit donc être fait droit à la demande, la société Azimut ayant formé cette demande dans son assignation.

La demande au titre du tarif majoré

La société Azimut soutient que la société Walon lui est redevable du paiement du tarif majoré prévu contractuellement pour les prestations réalisées pendant la période dite « rouge ».

Si, en application des dispositions de l'article L.110-3 du code de commerce, la preuve est libre en matière commerciale, il n'en demeure pas moins que la seule production de factures est insuffisante pour justifier de l'obligation à paiement de la partie à laquelle on les oppose.

L'article 7.1 des avenants est rédigé comme suit :

« Parmi les périodes de forte activité, évoquées à l'article 2 du présent avenant, l'opérateur de transport se réserve le droit de sélectionner 8 semaines dénommées semaines "rouges", pendant lesquelles le sous-traitant se verra appliquer un "tarif majoré". Pour ce faire, l'opérateur de transport préviendra le sous-traitant le jeudi de la semaine précédente, l'obligation étant faite à ce dernier de mettre à disposition les véhicules visés par le contrat ».

Il ne peut être déduit de cette clause une application de droit au tarif majoré pendant 8 semaines annuelles, aucun autre élément que la facture et le contrat n'étant communiqué par la société Azimut. En outre, elle affirme, sans le prouver, qu'elle a sollicité l'application de cette clause pendant l'exécution du contrat et que la société Walon la lui a refusée.

Il y a donc lieu de rejeter la demande de la société Azimut de ce chef.

La demande au titre de la garantie de 44 semaines due pour l'année 2008 pour 44 camions

Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, cette demande de la société Azimut n'est pas prescrite.

En l'espèce, le contrat de sous-traitance prévoit que « le volume d'affaires sur lequel les parties s'engagent est déterminé par avenant », les avenants stipulant que « le volume indicatif de transport qui peut être confié au sous-traitant s'élève à un travail correspondant au minimum à une exploitation du matériel 44 semaines par an et 6 jours sur 7. (') L'opérateur de transport ne s'engage sur aucun volume minimum, ce qui est accepté par le sous-traitant. Néanmoins, afin de faciliter l'organisation de l'entreprise sous-traitante, l'opérateur s'efforcera d'avertir le jeudi de la semaine précédente lorsqu'aucun transport n'est envisagé par le donneur d'ordre de l'opérateur de transport » (c'est la cour qui souligne).

La société Azimut ne peut soutenir sans se contredire que d'un côté le contrat ne prévoit aucun engagement de volume minimum par la société Walon (p.31 de ses conclusions notamment) et d'autre part que cette dernière est liée par une garantie de prestations correspondant à une exploitation de 44 semaines à son égard.

En outre, les dispositions contractuelles ne peuvent être interprétées comme caractérisant un engagement de volume correspondant à 44 semaines annuelles pour chacun des camions faisant l'objet des avenants, alors que le contrat précise que le volume est indicatif et que l'opérateur de transport ne s'engage sur aucun volume minimum.

Enfin et surtout, le contrat pouvant être résilié pendant la durée initiale du contrat de 4 années sous réserve de respecter un préavis de 6 mois, cette garantie invoquée par la société Azimut n'est pas établie.

Dans ces conditions, il y a lieu de débouter la société Azimut de sa demande sur ce point.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Walon doit être condamnée aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Azimut la somme supplémentaire de 20.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par la société Walon.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a déclaré, dans le corps de la décision, prescrites les demandes en paiement fondées sur le non-respect de l'exploitation du matériel garantie sur 44 semaines, du tarif « rouge » et du solde de facture ;

L'INFIRME sur ces points ;

Statuant à nouveau ;

DÉCLARE les demandes en paiement fondées sur le non-respect de l'exploitation du matériel garantie sur 44 semaines, du tarif « rouge » et du solde de facture recevables ;

DÉBOUTE la société Azimut de ses demandes en paiement fondées sur le non-respect de l'exploitation du matériel garantie sur 44 semaines et du tarif « rouge » ;

CONDAMNE la société Walon à payer à la société Azimut la somme de 10.447,65 euros au titre du solde des factures, avec intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2009 ;

DIT que les intérêts dus pour au moins une année entière produiront eux-mêmes intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2009, en application de l'article 1343-2 nouveau du code civil ;

Y ajoutant ;

CONDAMNE la société Walon aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Azimut la somme supplémentaire de 20.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

REJETTE toute autre demande.

Le Greffier La Présidente

Cécile PENG Irène LUC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 17/14839
Date de la décision : 27/02/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°17/14839 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-27;17.14839 ?
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