La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/02/2019 | FRANCE | N°17/15850

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 26 février 2019, 17/15850


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 5 - Chambre 1





ARRÊT DU 26 FÉVRIER 2019





(n° 033/2019, 11 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/15850 -


N° Portalis 35L7-V-B7B-B35QP





Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juin 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/04721

>





APPELANTE





SA [...]


Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 403 411 473


Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés [...]





Représentée...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRÊT DU 26 FÉVRIER 2019

(n° 033/2019, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/15850 -

N° Portalis 35L7-V-B7B-B35QP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juin 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/04721

APPELANTE

SA [...]

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 403 411 473

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés [...]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée de Me Doina MILINCEANU de la SCP HYEST & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P311

INTIMÉS

Monsieur C... T...

Né le [...] à Paris

De nationalité française

[...]

[...]

Représenté par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Assistée Me Michael MAJSTER de l'ASSOCIATION CARRERAS, BARSIKIAN, ROBERTSON & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R139

SA KUIV PRODUCTIONS

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 314 683 012

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège [...]

[...]

Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Assistée de Me Lamiel BARRET KRIEGEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C2099

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Janvier 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur David PEYRON, Président de chambre

Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère

M. François THOMAS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

Contradictoire

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par David PEYRON, Président de chambre et par Karine ABELKALON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La société [...] (ci-après, la société [...]) est une société audiovisuelle spécialisée dans la production et la distribution de programmes télévisuels.

La société KUIV PRODUCTIONS (ci-après, la société KUIV), est une société de production audiovisuelle qui produit essentiellement des films à caractère documentaire depuis 1980.

Suivant contrat du 21 avril 2008, elle a produit, en association avec la société CARRIMAGES 4, un film documentaire réalisé par Monsieur C... T..., intitulé Einsatzgruppen, les commandos de la mort, dont la durée initiale était de 90 minutes.

Le 3 juin 2008, la société KUIV et la société [...] ont conclu un accord de distribution exclusive portant sur ce film documentaire, pour une durée de cinq années à compter de la date d'acceptation du PAD (prêt à diffuser) par le distributeur.

Ce film documentaire retrace, pour la première fois, l'histoire des massacres des juifs en Europe de l'est à partir de 1941, en dehors des camps d'extermination, par les 'Einsatzgruppen'. Il a été diffusé pour la première fois sur les antennes de FRANCE 2 les 16 et 23 avril 2009, en seconde partie de soirée, dans l'émission Infrarouge.

La livraison du PAD à la société [...] est intervenue le 30 avril 2009.

A compter de cette date, des difficultés sont apparues entre les parties, la société KUIV reprochant à la société [...] un manquement de diligence dans l'exécution de ses obligations contractuelles de distributeur, et finalement l'absence de toute vente du film et de toute reddition de comptes au bout de plusieurs mois, la société [...] contestant ces griefs et invoquant, de son côté, des fautes de la société KUIV, notamment une modification du format du documentaire intervenue sans son accord.

C'est ainsi que le 31 mars 2011, après une tentative de rapprochement entre les parties en décembre 2009, la société KUIV, constatant qu'aucune vente n'avait été réalisée en plus de deux années, a notifié à la société [...] son souhait de reprendre l'intégralité de ses droits sur le documentaire et l'a mise en demeure de lui restituer le matériel nécessaire à la distribution du film.

Le 16 janvier 2014, la société [...] a écrit à la société KUIV pour se plaindre du renouvellement par cette dernière des droits de FRANCE TELEVISION sans qu'elle en ait été avertie. Le 11 février 2014, la société [...] a écrit de nouveau à la société KUIV en sollicitant la copie du contrat passé avec FRANCE 2.

Le11 mars 2015, la société KUIV a assigné la société [...] devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins notamment de voir juger que le contrat de distribution avait pris fin le 30 avril 2014 et de voir condamner la défenderesse à lui verser des dommages et intérêts pour inexécution du contrat de distribution et à lui rembourser une subvention versée par le Centre national de la cinématographie (CNC). La société KUIV a assigné également Monsieur T... mais sans former de demandes à son encontre.

Par un jugement du 15 juin 2017, le tribunal a :

jugé que le contrat intitulé 'mandat de distribution' signé entre les sociétés KUIV et [...] a pris fin le 29 avril 2014,

jugé que ce contrat a été exécuté de manière fautive par la société [...],

ordonné à la société [...] de restituer à la société KUIV l'intégralité du matériel de distribution et ainsi les PAD 4 x 45 minutes et 2 x 90 minutes dans les trois versions française, internationale et anglaise,

condamné la société [...] à verser :

à la société KUIV la somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de distribution,

à M. T... la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil,

débouté la société KUIV de sa demande en remboursement d'une subvention à hauteur de 2 880 euros,

condamné la société [...] aux dépens et au paiement à verser, au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

à la société KUIV la somme de 4 000 euros,

à M. T... la somme de 2 000 euros.

La société [...] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions numérotées 6, transmises le 7 janvier 2019, elle demande à la cour :

à titre principal :

d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société KUIV de sa demande en remboursement d'une subvention à hauteur de 2880 euros,

de juger que le contrat de distribution a bien été renouvelé le 14 février 2014,

de juger que la société KUIV PRODUCTIONS a inexécuté de manière fautive le contrat de distribution en fraudant les droits de son distributeur,

de juger que M. T... n'apporte pas la preuve d'un quelconque préjudice,

en conséquence :

de débouter la société KUIV PRODUCTIONS et de M. T... de l'intégralité de leurs demandes, et notamment la demande de résiliation judiciaire, aux torts exclusifs de la société [...],

de condamner la société KUIV PRODUCTIONS à lui verser la somme de 45 510 € au titre de sa commission, outre celle de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour avoir porté atteinte de mauvaise foi à la substance même des obligations des parties au visa de l'article 1134 alinéa 3 et 1147 du code civil,

d'ordonner la remise du matériel saisi à la société [...],

de rejeter la demande de dommages-intérêts de M. T... au visa de l'article 9 du code de procédure civile et de l'article 1353 du code civil,

à titre subsidiaire :

de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de distribution aux torts exclusifs de la société KUIV PRODUCTIONS et de condamner cette dernière à lui verser par conséquent la somme de 65 670 €, outre celle de 10 000 € pour avoir frauduleusement manqué aux obligations du contrat,

en toute hypothèse,

de condamner la société KUIV PRODUCTIONS à lui verser la somme de 45 510 € au titre de sa commission, outre celle de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour avoir porté atteinte de mauvaise foi à la substance même des obligations des parties au visa de l'article 1134 alinéa 3 et 1147 du Code civil,

de condamner la société KUIV PRODUCTIONS et M. T... à lui verser, chacun, la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions numérotées 3, transmises le 26 décembre 2018, la société KUIV demande à la cour :

à titre principal,

de confirmer le jugement et ainsi de juger que le mandat de distribution signé avec la société [...] en date du 3 juin 2008 est expiré le 30 avril 2014,

à titre subsidiaire,

de prononcer la résiliation du mandat de distribution du 3 juin 2008

y ajoutant et en toute hypothèse :

de condamner la société [...] :

à lui verser la somme de 150 000 € à titre de dommages-intérêts pour inexécution du contrat de distribution,

à lui restituer l'intégralité du matériel de distribution et ainsi les PAD 4 x 45 minutes et 2 x 90 minutes dans les trois versions française, internationale et anglaise,

à lui verser la somme de 2 880 € à titre de remboursement de la subvention CNC,

à lui verser la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

de débouter la société [...] de ses demandes.

Dans ses uniques conclusions, transmises le 15 novembre 2017, M. T... demande à la cour :

de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, notamment en ce qu'il a :

constaté que les manquements contractuels graves et réitérés de la société [...] sont constitutifs d'une faute civile délictuelle à son égard,

condamné la société [...] à lui régler à la somme de 10 000 euros au titre de l'atteinte portée à ses droit patrimoniaux et du préjudice moral qu'il a subi,

en toute hypothèse :

de débouter la société [...] de l'ensemble de ses demandes dirigées à son encontre,

de condamner la société [...] à lui régler à la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est du 8 janvier 2019.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées ;

Sur les demandes de la société KUIV

Considérant qu'à la demande de la société KUIV de confirmation du jugement en ce qu'il a dit que le contrat de distribution conclu entre les sociétés KUIV et [...] a pris fin le 29 avril 2014, la société [...] oppose que le contrat de distribution a été régulièrement renouvelé en l'absence de toute exécution fautive de sa part ;

Sur la fin du contrat de distribution et la demande de restitution du matériel de distribution

Considérant que la société [...] fait valoir qu'elle a valablement, le 14 février 2014, levé l'option qui lui était ouverte, prévue à l'article 11 du contrat de distribution, lui permettant de décider le renouvellement du contrat pour une nouvelle durée de 5 ans et que ce contrat n'a donc pas pu être rompu unilatéralement par la société KUIV, laquelle ne pouvait donc prétendre à la restitution des matériels nécessaires à la distribution du film ; que la société appelante demande en conséquence la restitution des matériels ;

Considérant que le 'mandat de distribution' signé entre les parties le 3 juin 2008 prévoit que la durée du mandat est de 5 ans à compter de la date d'acceptation du PAD par le distributeur (article 6) et prévoit une option selon laquelle 'Le distributeur a la première option pour renouveler ses droits à la fin de la durée de la licence' (article 11) ;

Qu'il est constant que le PAD ayant été accepté par la société [...] le 30 avril 2009, le contrat devait prendre fin, en l'absence de reconduction, le 29 avril 2014 ; que par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 février 2014, la société [...] a indiqué qu'elle entendait 'conformément à l'article 11 du contrat, lever l'option pour renouveler [ses] droits sur' le documentaire et que par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 mars 2014, la société KUIV, invoquant notamment l'absence totale de ventes du documentaire après deux années d'exploitation, a indiqué reprendre l'intégralité de ses droits et réclamé la remise du matériel de distribution ;

Qu'en l'absence d'éléments nouveaux fournis en appel, c'est par des motifs pertinents et exacts, tant en fait qu'en droit, adoptés par la cour, que le tribunal a estimé que l'article 11 du mandat de distribution ne pouvait s'analyser en une clause de tacite reconduction du mandat mais en une clause de préférence donnée au distributeur pour d'éventuelles négociations entre les parties dans le cadre de la conclusion d'un nouveau contrat, éventualité qui ne pouvait qu'être exclue en l'état des relations entre les parties et de la volonté clairement manifestée par la société KUIV de ne pas poursuivre les relations contractuelles, et qu'il a, par conséquent, dit que le contrat avait pris fin le 29 avril 2014 et condamné la société [...] à restituer le matériel de distribution à la société KUIV ;

Que le jugement sera confirmé de ces chefs ;

Qu'il sera néanmoins précisé que la société [...] justifie que par ordonnance du 27 mars 2018, le magistrat délégué par la première présidente de cette cour a déclaré irrecevable sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 15 juin 2017 en ses dispositions relatives à la restitution de l'intégralité du matériel de distribution (soit les PAD 4x45 minutes et 2x90 minutes dans les trois versions française, internationale et anglaise) au motif qu'au vu d'un procès-verbal d'huissier de justice, ce matériel avait fait l'objet d'une remise volontaire et que ces matériels avaient été transportés chez le conseil de la société KUIV ; qu'au demeurant, la société KUIV ne conteste pas avoir obtenu la restitution du matériel;

Sur l'inexécution fautive des obligations contractuelles nées du contrat de distribution

Considérant que la société [...] conteste toute inexécution fautive de sa part du contrat de distribution et soutient que les fautes contractuelles de la société KUIV sont en revanche avérées ; qu'elle fait valoir que le contrat de distribution ne mettait à sa charge aucune obligation de résultat, ne comportant aucun objectif chiffré à atteindre, que la société KUIV avait reconnu les difficultés d'une distribution à l'international et qu'elle même a tout mis en oeuvre pour assurer la meilleure exposition du documentaire ; que selon elle, c'est la société KUIV qui a empêché la distribution du documentaire, en lui adressant en toute mauvaise foi des reproches infondés dès le début de la relation contractuelle, en lui livrant le matériel avec retard, en modifiant sans son accord le format du film, en lui retirant autoritairement l'exclusivité de la commercialisation du film, en lui dissimulant des ventes réalisées directement par elle (contrats avec YLE, PLANETE, FRANCE TELEVISIONS...) et en refusant de rétrocéder une partie des commissions y afférentes ;

Que la société KUIV répond que la société [...] n'a satisfait à aucune de ses obligations contractuelles, qu'il s'agisse de l'accomplissement de sa mission de commercialisation et de distribution ou de son obligation de rendre des comptes à son mandant, et que si elle-même a réalisé des ventes directement, c'est en vertu d'un accord de co-distribution conclu entre les parties en raison de la totale inertie du distributeur ;

Considérant qu'en vertu du contrat de distribution conclu le 3 juin 2008, deux obligations pesaient sur la société [...], mandataire : assurer la commercialisation du film (article 4 du contrat) et rendre des comptes au producteur mandant, cette dernière obligation, non expressément prévue au contrat comme l'observe la société [...], résultant cependant de l'article 1993 du code civil qui dispose que tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion ;

Qu'il est constant que la société [...] n'a réalisé aucune vente du documentaire ; qu'elle avance qu'elle a pourtant mis en oeuvre plusieurs moyens pour y parvenir - distribution de 'flyers', de 'news letters' et de 'screeners', présence sur des marchés français et internationaux, mise à la disposition de clients d'une plate-forme permettant de visionner les oeuvres de son catalogue - mais se borne, pour tenter d'établir la réalité de ses efforts, à verser des échanges de courriels, certains en langue portugaise, non traduits, et peu compréhensibles pour la cour, desquels il ressort qu'un représentant de la société RMC a pu visionner le film sur son site (sa pièce 11), et trois autres courriels concernant la communication d'un login à M.D... [...] pour la participation à un salon MIPCOM 2009 (courriel non daté - pièce 16), l'inscription de la société KUIV - et non de la société CARRERE - à une manifestation 'Sunny Side of the Docs' et la transmission par la société KUIV à la société [...] d'une jaquette de DVD en vue de la réalisation d'un 'flyer' (pièces 17 et 18) ; que ces seuls éléments ne sont pas de nature à rapporter la preuve de moyens suffisants mis en oeuvre par la société [...] pour mener à bien sa mission ;

Que de son côté, la société KUIV produit plusieurs courriels adressés à la société [...] entre la fin avril 2009 et septembre 2009 pour réclamer des compte-rendus de prospection et de vente et déplorer des erreurs concernant un projet de flyer, l'absence du distributeur à un salon (salon 'K... [...] ), des problèmes de factures non réglées ou encore les difficultés pour trouver un interlocuteur au sein de la société [...] (pièces 8 à 12) ;

Que par ailleurs, comme le tribunal l'a relevé, la société [...] n'a respecté son obligation de rendre des comptes au mandant que très tardivement et après relances ;

Considérant que la société [...] argue d'empêchements ou de difficultés imputables à la société KUIV qui l'auraient empêchée de remplir ses obligations ;

Que le contrat prévoyait une présentation du film en un seul épisode selon deux formats définis : 1x90 mn et 1x52 mn (article 3) et une livraison du matériel de diffusion par le producteur mandant le 31 janvier 2009 (article 10-3) ; que par un courriel du 30 janvier 2009, la société KUIV a informé la société [...] qu'à la suite d'un accord intervenu avec FRANCE 2, le format du film avait changé et que le film serait livré fin mars au lieu de fin janvier ; que la société [...] alors pris note des modifications annoncées (ses courriels des 2 février 2009) sans exprimer d'opposition, pas plus qu'à la livraison du PAD ni ultérieurement, sauf, comme l'a relevé le tribunal, en 2014 quand il s'est agi du sort des relations contractuelles entre les parties et de la reconduction du contrat au-delà de son terme ;

Que par un courriel du 14 décembre 2009, la société KUIV rappelait à la société [...] un accord intervenu entre elles à la suite d'une réunion tenue le 9 décembre, selon lequel elle-même allait assurer également la commercialisation du film, les deux partenaires devant se tenir 'informées mutuellement de leurs avancées respectives en matière de commercialisation afin de ne pas se porter préjudice mutuellement' et faire un bilan au 30 juin 2010 afin de prendre éventuellement la décision de continuer la 'co-commercialisation' (pièce 15 de la société KUIV) ; que sont également versés un courriel de la société [...] à la société KUIV du 27 avril 2013 pour évoquer l'échange des relevés d'exploitation respectifs des deux entités et un courrier du 29 juillet 2013 dans lequel la société [...] demande si, 'conformément au contrat de distribution', la société KUIV a effectué des ventes, qui sont de nature à établir que le distributeur avait acquiescé à cette co-distribution ; que la société [...] ne peut donc arguer du fait que la société KUIV lui aurait autoritairement retiré l'exclusivité de la commercialisation du film ;

Que l'échange de courriels du 25 janvier 2010 à propos de la vente du film à la société finlandaise YLE par la société KUIV ne permet pas de déterminer si, comme l'affirme la société [...], cette vente a été portée à sa connaissance tardivement, la société KUIV contestant ce reproche en expliquant de façon circonstanciée, dans sa réponse, les circonstances de cette vente dont elle prétend que sa partenaire était informée ; que la vente conclue avec la société PLANETE l'a été en 2008, soit avant la remise du PAD à la société [...] marquant le début de l'exécution du contrat de distribution et la société KUIV indique, sans être démentie, qu'il s'est agi d'un pré-achat de droits - ce que confirment les termes du courrier de la société PLANETE du 3 avril 2008 - en vue de permettre le financement du film, une telle vente n'entrant pas dans les recettes d'exploitation ; que du reste, le 'pré-achat' par PLANETE et par FRANCE2 est expressément mentionné dans l'annexe 1 du contrat de distribution du 3 juin 2008 ;

Qu'il ressort cependant des pièces au dossier que la société KUIV a, courant 2013, revendu les droits sur le documentaire à FRANCE TELEVISIONS sans en avoir préalablement tenu informée la société [...], laquelle s'en est émue dans un courrier du 16 janvier 2014 ; qu'ainsi, la société KUIV n'a pas respecté l'accord dont elle se prévaut, résultant de l' 'avenant' conclu en décembre 2009 par lequel les parties ont convenu d'une 'co-commercialisation' mais en s'engageant à se tenir 'informées mutuellement de leurs avancées respectives en matière de commercialisation' ; que la société KUIV ne s'explique pas sur cette vente réalisée en 2013 auprès de FRANCE TELEVISIONS ; que la portée de sa faute doit cependant être relativisée puisque la vente des droits à FRANCE TELEVISIONS est intervenue à une date où la société [...] avait largement montré ses défaillances dans la distribution du documentaire, n'ayant réalisé aucune vente alors que la société KUIV avait, elle, procédé à trois ventes comme elle en justifie ;

Que dans ces conditions, ce seul manquement de la société KUIV ne conduit pas la cour à remettre en cause l'analyse du tribunal qui a retenu l'inexécution fautive par la société [...] de ses obligations contractuelle vis-à-vis de la société KUIV, s'agissant notamment de l'obligation essentielle d'assurer la diffusion du film ;

Que le comportement de la société KUIV devra toutefois être pris en compte dans l'appréciation de son préjudice et du montant des dommages et intérêts devant lui être alloués ;

Considérant que l'exécution fautive du contrat de distribution par la société [...] a entraîné un préjudice direct pour la société KUIV qui a été privée de rémunérations sur les bénéfices tirées des ventes du documentaire ;

Qu'au vu des éléments produits et des circonstances examinées ci-avant, le montant de dommages et intérêts alloués à la société KUIV sera ramenée à 40 000 € ;

Que le jugement sera réformé en ce sens ;

Considérant par ailleurs que le sens de cet arrêt conduit à confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par la société [...] du fait de l'inexécution par la société KUIV de ses obligations contractuelles, la société appelante ne démontrant pas au demeurant le préjudice résultant pour elle de l'unique manquement relevé à l'encontre de sa cocontractante ;

Sur la restitution de la subvention du CNC

Considérant que c'est pour de justes motifs, adoptés par la cour, que le tribunal a rejeté la demande de la société KUIV tendant au remboursement par la société [...] de la subvention d'un montant de 2 880 € versée par le CNC ;

Sur les demande de M. T...

Considérant que M. T... sollicite, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, la réparation du préjudice résultant pour lui des manquements de la société [...] à ses engagements contractuels concernant la commercialisation du film ; qu'il fait valoir qu'il a subi à la fois un manque à gagner du fait d'une exploitation du film restée très en deçà de ce qui pouvait être attendu, et une atteinte à son droit moral d'auteur ;

Que la société [...] oppose qu'elle n'est pas liée contractuellement à M. T..., qu'ayant parfaitement exécuté le contrat de distribution, elle ne peut avoir commis une quelconque faute délictuelle à l'égard de ce dernier qui, en tout état de cause, ne démontre nullement son préjudice ;

Considérant qu'une faute contractuelle peut causer un préjudice à un tiers au contrat et constituer une faute délictuelle à son égard ;

Qu'en l'espèce, comme le tribunal l'a retenu, la faute contractuelle commise par la société [...] à l'égard de son cocontractant, la société KUIV, constitue une faute délictuelle vis-à-vis du réalisateur, M. T..., en ce qu'elle lui a causé un préjudice au moins patrimonial du fait d'une moindre exploitation de son oeuvre ;

Que les premiers juges ont procédé à une exacte appréciation du préjudice de M. T... en lui allouant la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts ;

Que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Sur la demande de la société [...] en paiement de commissions sur les ventes réalisées par la société KUIV

Considérant que la société [...] demande le paiement de commissions dues sur les ventes effectuées par la société KUIV, soit la totalité des commissions sur les ventes conclues avec les sociétés [...], PLANETE (8 000 € + 15 000 €) pour lesquelles elle indique qu'elle détenait la distribution exclusive et 50 % de celles sur les ventes conclues avec CESZKA TELEVIZE et FRANCE TELEVISIONS (22 510 €), comme il lui a été promis par sa cocontractante ;

Que la société KUIV s'oppose en faisant valoir que le contrat de mandat ne prévoyait pas que le fruit des ventes réalisées par l'un des co-distributeur reviennent intégralement à l'autre et que la société [...] ne saurait lui réclamer la totalité des commissions alors qu'elle a dû pallier ses carences ; qu'elle indique que lorsqu'elle est devenue co-distibuteur aux côtés de la société [...], il a été convenu que la commission distributeur devrait être partagée par moitié entre les parties ;

Considérant qu'il résulte du contrat de distribution du 3 juin 2008 que la commission du distributeur devait être de 30 % sur les sommes encaissées pour les ventes en Europe et de 25 % pour les ventes réalisées en France ;

Que cependant, comme il a été dit, le mandat de distribution exclusive accordé par la société KUIV à la société [...] le 3 juin 2008 a été modifié en décembre 2009, de l'accord mutuel des parties, afin de permettre à la société KUIV de commercialiser également le film ; que dans le courriel précité du 14 décembre 2009, évoquant l'avenant et l'accord de co-distribution qui en découle, la société KUIV indique que 'toute vente sur l'Europe initiée par Kuiv et signée par elle donnera lieu à un partage de la commission à 50/50 entr Kuiv et [...]' ; que la société KUIV ne conteste pas la réalité de cet accord de partage des commissions par moitié ;

Que le contrat conclu avec la société PLANETE constituant, comme il a été dit, un pré-achat de droits et n'entrant pas dans les recettes d'exploitation, aucune commission n'est due par la société KUIV ;

Qu'ainsi, la société [...] peut prétendre au versement de commissions au titre des contrats en Europe par la société KUIV, soit avec les sociétés FRANCE TELEVISIONS, YLE et CESZKA TELEVIZE, et ce, pour un montant global de 6 740 € (5 000 € + 1 200 € + 540 €), au vu du relevé d'exploitation de la société KUIV versé au débats (sa pièce 14) et en tenant compte du partage par moitié de la commission prévue en décembre 2009 ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Considérant que les sociétés [...] et KUIV, qui succombent chacune pour partie, partageront entre elles la charge des dépens d'appel et garderont celle de leurs frais irrépétibles exposés devant la cour, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées ;

Que la somme qui doit être mise à la charge de la société [...] au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. T... peut être équitablement fixée à la somme de 4 000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement si ce n'est en ce qu'il a condamné la société [...] à payer à la société KUIV la somme de 60 000 € à titre de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la société [...] à payer à la société KUIV la somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts,

Constate que le matériel de distribution a été restitué à la société KUIV,

Y ajoutant,

Condamne la société KUIV à payer à la société [...] la somme de 6 740 € au titre des commissions dues sur les ventes réalisées par la société KUIV avec les sociétés FRANCE TELEVISIONS, YLE et CESZKA TELEVIZE,

Partage les dépens d'appel entre les sociétés [...] et KUIV,

Condamne la société [...] à payer à M. [...] la société de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE PRÉSIDENT LE GREFFIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 17/15850
Date de la décision : 26/02/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I1, arrêt n°17/15850 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-26;17.15850 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award