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21/02/2019 | FRANCE | N°18/07955

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 21 février 2019, 18/07955


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS








COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 6 - Chambre 2





ARRÊT DU 21 Février 2019





(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/07955 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B557V





Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 09 Avril 2018 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° 18/00288








APPELANT


M. N... W...


né le [...]

à Jaffa (SRI LANKA)


[...]


représenté par Me Anne-laure ARCHAMBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : R079, avocat postulant


représentée par Me Virginie VARAS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant








INTIM...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 21 Février 2019

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/07955 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B557V

Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 09 Avril 2018 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° 18/00288

APPELANT

M. N... W...

né le [...] à Jaffa (SRI LANKA)

[...]

représenté par Me Anne-laure ARCHAMBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : R079, avocat postulant

représentée par Me Virginie VARAS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMEE

SASU TFN PROPRETE ILE DE FRANCE

N° SIRET : 339 718 421

[...]

[...]

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

représentée par Me Camille MARTY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0392, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 décembre 2018 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant

Monsieur François LEPLAT, Président

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur François LEPLAT, Président

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

Madame Monique CHAULET, Conseiller

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François LEPLAT, Président et par Madame FOULON, Greffier.

************

Statuant sur l'appel interjeté le 21 juin 2018 par M. N... W... d'une ordonnance de référé rendue le 9 avril 2018 par le conseil de prud'hommes de Paris lequel, saisi par l'intéressé de demandes tendant essentiellement à la cessation du harcèlement moral dont il se dit victime, au paiement d'une indemnité provisionnelle à ce titre et à l'annulation de sa mutation sur un autre site, a':

- pris acte que la SAS TFN PROPRETE ILE DE FRANCE s'engageait à décaler l'horaire de prise de service de M. N... W... de 15 minutes, soit de 17h à 17h15,

- dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes,

- condamné la SAS TFN PROPRETE ILE DE FRANCE aux dépens,

Vu les conclusions transmises le 20 août 2018 par M. N... W..., appelant, qui demande à la cour de':

- déclarer son appel recevable,

- infirmer l'ordonnance entreprise,

statuant à nouveau,

- ordonner la cessation du harcèlement moral,

- condamner la société TFN Propreté à lui verser la somme de 1 500 € à titre d'indemnité provisionnelle,

en conséquence,

- annuler la décision de mutation prise à son encontre,

- le rétablir dans ses anciennes conditions de travail sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la décision «'du tribunal'»,

en tout état de cause,

- condamner la société TFN Propreté à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

Vu les conclusions transmises le 4 septembre 2018 par la société par actions simplifiée TFN PROPRETE ILE DE FRANCE, intimée, qui demande à la cour de':

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

- condamner M. N... W... à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

La cour faisant expressément référence aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 30 novembre 2018,

SUR CE, LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Dans le cadre du transfert conventionnel de son contrat de travail à durée indéterminée, M. N... W... a été embauché à compter du 1 février 2014 par la société TFN PROPRETE ILE DE FRANCE à temps partiel (65 heures par mois) en qualité d'agent de service, niveau AS, échelon 1, catégorie A, moyennant un salaire brut mensuel de 633,75 €, pour travailler sur le même site que précédemment': VEOLIA WATERS [...] .

La relation de travail est régie par la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés.

Par lettre du 22 septembre 2017, l'employeur a proposé au salarié une nouvelle affectation sur le site AUCHAN OKABE [...] à compter du 9 octobre 2017.

Par courrier de son avocat du 6 octobre 2017, M. N... W..., après avoir rappelé qu'il aurait l'âge de la retraite dans moins de deux ans et qu'il était affecté sur le site VEOLIA depuis 1983, a refusé cette nouvelle affectation en l'analysant comme une modification de ses conditions de travail et une sanction déguisée dans un contexte de harcèlement moral.

Par courrier du 11 octobre 2017, l'employeur a maintenu sa décision de changement d'affectation.

Placé à compter du 9 octobre 2017 en arrêt maladie, M. N... W... n'a pas rejoint son nouveau poste de travail.

Les courriers adressés par son avocat les 13 novembre et 7 décembre 2017 à l'employeur n'ont pas mis un terme au litige.

C'est dans ces conditions que le 7 mars 2018, M. N... W... a saisi en référé le conseil de prud'hommes de Paris de la procédure qui a donné lieu à l'ordonnance entreprise.

MOTIFS

A titre liminaire, il doit être rappelé qu'en application de l'article R 1455-6 du code du travail, la formation des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Sur le harcèlement moral et le changement d'affectation':

L'article L'1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L'1152-2, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L'1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. N... W... se prévaut des faits suivants':

- des conflits de hiérarchie avec Mme S... qui ont été à l'origine de la sanction disciplinaire qui lui a été infligée le 2 mars 2016, procédure à l'occasion de laquelle il a également signalé un défaut de matériel';

- la désactivation de son badge le 4 septembre 2017 le confrontant à des difficultés d'usage d'un badge temporaire';

- la proposition de nouvelle affectation sans qu'il soit consulté préalablement';

- le défaut de réponse à son conseil';

- l'envoi par l'employeur de deux mises en demeure de justifier de son absence depuis le 9 octobre 2017 en dépit de la transmission régulière de ses arrêts de travail.

La sanction notifiée le 30 mars 2016 ' une mise à pied disciplinaire de deux jours ' fait suite à un précédent avertissement en date du 7 juillet 2014 pour des faits similaires d'insubordination du salarié à l'endroit de son chef d'équipe Mme I... S... que celle-ci avait signalés dans un rapport du 24 avril 2014.

Elle a donné lieu les 5 et 14 avril 2016 à un unique échange de courriers entre l'employeur et le conseil du salarié, qui n'a eu aucune suite.

A cette époque, il est justifié en outre que le salarié n'a bénéficié d'aucun arrêt de travail.

Aucun élément tangible ne permet de relier ces incidents à la décision prise par l'employeur le 22 septembre 2017 d'affecter M. N... W... sur le nouveau site dont il a été déclaré adjudicataire à compter du 1er septembre 2017.

Le défaut de matériel (sacs poubelle et poubelles), non documenté, n'est pas davantage significatif.

Ces éléments ne laissent pas présumer d'agissements constitutifs de harcèlement moral.

Les circonstances dans lesquelles le badge de l'intéressé a été désactivé restent indéterminées, la société VEOLIA indiquant dans un courriel électronique du 9 octobre 2017 que le badge de M. N... W... a été désactivé le 30 août 2017 car il avait été déclaré perdu et que son annulation totale avait été programmée le 6 octobre 2017 à la fin du service de l'intéressé.

Ce fait est insuffisant pour faire présumer du harcèlement moral allégué.

La nouvelle affectation imposée au salarié procède du pouvoir de direction de l'employeur et ne saurait s'analyser comme une modification substantielle du contrat de travail compte tenu de la localisation des deux sites sur lesquels M. N... W... a été successivement affecté avec des horaires de travail identiques, peu éloignés l'un de l'autre et à égale distance de son domicile, étant observé de surcroît que devant les premiers juges l'employeur s'est engagé s'il était besoin à décaler de 15 minutes l'horaire de prise de service sur le site AUCHAN.

Le trouble manifestement illicite à ce titre n'est donc pas établi.

En revanche, il est établi qu'en dépit des arrêts de travail régulièrement transmis par le salarié dont elle a accusé réception les 12, 18, 25 octobre, 8 et 28 novembre 2017, la société TFN PROPRETE ILE DE FRANCE lui a néanmoins adressé les 2 novembre et 1er décembre 2017, sous plis recommandés avec avis de réception, deux mises en demeure d'avoir à justifier de son absence depuis le 9 octobre, en le menaçant, à défaut, d'envisager à son encontre une sanction pouvant aller jusqu'à la rupture de son contrat de travail.

La cour relève en outre que dans la seconde mise en demeure, l'employeur prétend que son premier courrier du 2 novembre est resté sans réponse, alors que l'avocat du salarié lui a répondu sur ce point par lettre recommandée avec avis de réception en date du 13 novembre 2017.

Le fait pour l'employeur de solliciter à deux reprises par plis recommandés avec avis de réception auprès d'un salarié en arrêt maladie les documents justifiant de son absence sous peine d'une éventuelle mesure de licenciement, alors qu'ils sont déjà en sa possession, laisse présumer l'existence d'un harcèlement moral.

A cet égard, la société TFN PROPRETE ILE DE FRANCE ne dit mot dans ses conclusions au sujet des deux lettres de mise en demeure incriminées et a fortiori ne justifie d'aucun élément objectif de nature à justifier leur envoi.

Si selon toute vraisemblance l'arrêt de travail qui a débuté le 9 octobre 2017 est lié au changement d'affectation, il est manifeste que les faits ultérieurs de harcèlement moral tels que la cour les a caractérisés sont à l'origine au moins pour partie de la prolongation de l'arrêt de travail jusqu'au 15 décembre 2017.

Dès lors, M. N... W... a subi un préjudice psychologique en relation avec ces faits de harcèlement moral, qui sera réparé par l'allocation d'une provision de 1 500 € à titre de dommages-intérêts, l'obligation de l'employeur à ce titre n'étant pas sérieusement contestable au sens des dispositions de l'article R 1455-7 du code du travail.

Compte tenu de l'ensemble des développements qui précèdent, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'indemnité provisionnelle et statuant à nouveau sur ce point, de condamner la société TFN PROPRETE ILE DE FRANCE à payer par provision à M. N... W... la somme de 1 500 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral.

Sur les frais irrépétibles et les dépens':

L'ordonnance entreprise sera également infirmée en ce qu'elle a statué sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance.

Il apparaît équitable d'allouer à M. N... W... la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés depuis l'introduction de la procédure de référé.

La société TFN PROPRETE ILE DE FRANCE qui est déclarée débitrice de son salarié n'obtiendra aucune indemnité sur ce fondement et supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'indemnité provisionnelle et en ce qu'elle a statué sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance';

Statuant à nouveau sur ces points et y ajoutant,

Condamne la société TFN PROPRETE ILE DE FRANCE à payer par provision à M. N... W... la somme de 1 500 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral';

Dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus';

Condamne la société TFN PROPRETE ILE DE FRANCE à payer par provision à M. N... W... la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés depuis l'introduction de la procédure de référé';

Condamne la société TFN PROPRETE ILE DE FRANCE aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 18/07955
Date de la décision : 21/02/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°18/07955 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-21;18.07955 ?
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