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20/02/2019 | FRANCE | N°17/06589

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 20 février 2019, 17/06589


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 20 FÉVRIER 2019



(n° 2019/107, 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 17/06589 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B26L5



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Février 2017 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° J2017000071





APPELANTE



SELARL PHARMACIE [D] prise en la personne

de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS d'Évry sous le numéro 490 981 685

[Adresse 4]

[Localité 8]



Représentée par Me Jean-Christophe HYEST, avocat au barreau de PARIS, toqu...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 20 FÉVRIER 2019

(n° 2019/107, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/06589 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B26L5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Février 2017 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° J2017000071

APPELANTE

SELARL PHARMACIE [D] prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS d'Évry sous le numéro 490 981 685

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Jean-Christophe HYEST, avocat au barreau de PARIS, toque : G0672

INTIMÉES

SA CRÉDIT LYONNAIS prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de Lyon sous le numéro 954 509 741

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Gachucha COURREGE de la SELARL M&C Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0159

SA INTERFIMO prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 702 010 513

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Denis-Clotaire LAURENT de l'AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R010

SARL CABINET SECCA prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de Versailles sous le numéro 419 541 990

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Représentée par Me Claire-Marie QUETTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0459

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Décembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Françoise CHANDELON, Présidente de chambre

Madame Pascale LIEGEOIS, Conseillère

Madame Pascale GUESDON, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs CRUZ

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Françoise CHANDELON, Présidente de chambre et par Anaïs CRUZ, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

La Selarl Pharmacie [D], dont le gérant est Mme [P] [O] épouse [D], a été créée le 10 juillet 2006 pour acheter et exploiter une officine pharmaceutique sise à [Localité 8].

La vente est intervenue par acte sous seing privé du 8 juin 2006, suivant une promesse du 2 mars précédent, sous la condition suspensive d'enregistrement de la déclaration d'exploitation de la Selarl par la préfecture rapidement levée, pour un prix de 3 950 000 €, hors stock.

Celui-ci a été financé à hauteur de 3 823 000 € par un prêt de la société Le Crédit Lyonnais (LCL), d'une durée de 12 ans, au taux nominal de 2,3% garanti par un cautionnement de la société Interfimo.

En proie à des difficultés de trésorerie, la Selarl a sollicité d'Interfimo, le 26 mai 2008, un différé d'amortissement de 18 mois.

Cet organisme l'a accepté le 6 juin 2008 et par avenant du 4 juillet 2008, LCL et la Selarl ont modifié les termes de leur contrat pour y introduire une période de différé d'amortissement, du 18 juillet 2008 au 18 décembre 2009.

Par requête du 5 janvier 2009 (mentionnant par erreur « 2008 »), la Selarl a sollicité du président du tribunal de commerce d'Évry l'ouverture d'une procédure de conciliation pour négocier avec ses principaux créanciers, LCL/Interfimo outre un fournisseur, la société Alliance Heathcare.

Sa demande a été accueillie par ordonnance du 12 janvier 2009.

Le 2 juillet 2009, elle a demandé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, ordonnée par décision du 6 suivant.

Le 20 juin 2011, le tribunal de commerce d'Évry a arrêté un plan de sauvegarde, résolu par jugement du 11 février 2013 admettant la Selarl au bénéfice du règlement judiciaire.

La période d'observation a été prolongée à plusieurs reprises avant qu'un plan de redressement par voie de continuation soit adopté le 29 septembre 2014, Maître [X] [L] étant désigné commissaire à l'exécution du plan.

Par jugement du 16 octobre 2017, le juge de l'expropriation a fixé l'indemnité due à la Selarl, expropriée par ordonnance du 15 décembre 2014, prise en exécution d'un arrêté du 3 juin 2014, à la somme de 3 081 614 €.

A l'audience, son conseil a précisé que la pharmacie était fermée depuis le mois d'août 2018.

C'est dans ce contexte que par exploit du 7 septembre 2010, la Selarl, estimant les sociétés LCL/Interfimo responsables de ses difficultés, a engagé la présente procédure, sollicitant une indemnisation de 2 713 373 €.

Le 12 avril 2012, Interfimo a appelé en intervention forcée la société Secca, expert comptable rédacteur du prévisionnel ayant déterminé prêteur de deniers et caution à accepter le financement demandé.

Par jugement du 15 février 2017, le tribunal de commerce de Paris a :

joint les instances,

accueilli l'intervention volontaire de Me [L] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan, constaté la fin de sa mission comme mandataire judiciaire et de celle d'administrateur conférée à Me [W],

débouté LCL et Interfimo de leur demande d'irrecevabilité des demandes en application des dispositions de l'article L650-1 du code de commerce -la qualifiant de « fin de non recevoir »- au motif que la Selarl serait redevenue in bonis,

débouté la Selarl et Me [L] de toutes leurs demandes, notamment celles fondées sur un manquement par les banque et caution à leur obligation de mise en garde, condamnant la Selarl à verser à chacune d'elles une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté LCL et Interfimo de leur appel en garantie contre la société Secca, les condamnant à lui verser une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 27 mars 2017, la Selarl a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions du 22 octobre 2018, elle demande à la cour :

d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes,

de condamner in solidum les sociétés LCL et Interfimo à lui verser 2 713 373 € de dommages-intérêts outre une indemnité de 50 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour manquement à son obligation de mise en garde estimant être un emprunteur non averti ayant contracté un prêt entraînant un endettement excessif,

subsidiairement, si la cour devait juger les dispositions de l'article 650-1 du code de commerce applicables, constater que les intimés ont commis une fraude lui permettant d'engager leur responsabilité ;

Dans ses dernières écritures du 24 septembre 2018, la société Interfimo conclut principalement à l'irrecevabilité des demandes de la Selarl et de Me [L], subsidiairement à son débouté et à la confirmation du jugement.

Elle sollicite très subsidiairement la garantie de la société Secca du chef de toute condamnation pouvant être prononcée à son endroit et réclame une indemnité de 30 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures du 17 août 2017, LCL conclut dans les mêmes termes et sollicite l'indemnisation de ses frais irrépétibles à hauteur de 7 000 €.

Dans ses dernières écritures du 5 octobre 2017, la société Secca sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les sociétés LCL et Interfimo de leur appel en garantie.

Exposant n'avoir pas commis de faute dans l'établissement du prévisionnel fourni, elle sollicite de tout succombant une indemnité de 30 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 octobre 2018.

CELA ÉTANT EXPOSÉ

LA COUR

Considérant qu'aux termes de l'article L.650-1 du code de commerce, lorsqu'une procédure collective est ouverte, « les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnés à ceux ci » ;

Considérant qu'une procédure collective s'analyse comme un placement sous contrôle judiciaire d'une société en proie à des difficultés ;

Que le redressement judiciaire est l'une des trois procédures réglementées par le code de commerce qui se solde soit par une poursuite de l'activité, soit par une liquidation par voie de cession, soit par une liquidation par réalisation des actifs ;

Considérant qu'en l'espèce, l'entreprise a été jugée viable et un plan ordonné dont le terme est fixé au 29 septembre 2024 ;

Qu'un « contrôleur judiciaire » dénommé commissaire à l'exécution du plan doit en surveiller la mise en 'uvre jusqu'à son terme ne permettant pas à la juridiction consulaire d'estimer la procédure clôturée pour rejeter l'application des dispositions du texte précité dont l'objet est de limiter la responsabilité des créanciers ;

Considérant par ailleurs que les dispositions susvisées ne s'analysent pas en une « fin de non recevoir », définie par l'article 122 du code civil, dès lors que pour repousser les prétentions du débiteur, la juridiction saisie doit se livrer à un examen au fond ;

Considérant encore qu'en raison de la généralité de ses termes, ce texte s'applique à l'ensemble des concours consentis par un créancier, peu important, notamment, la nature des rapports de droit existant entre les parties ou la date de l'engagement ;

Que la Selarl ne peut en conséquence soutenir que les dispositions de ce texte sont réservées aux hypothèses de soutien abusif mettant en jeu la responsabilité délictuelle du banquier et qu'elles ne concernent pas le manquement contractuel qu'elle dénonce, à savoir une violation de son obligation de mise en garde ;

Considérant toutefois que la responsabilité des créanciers suppose, aux termes de ce texte que le concours consenti soit en lui même fautif, de sorte que le tribunal pouvait se prononcer sur cette question, une réponse négative rendant sans objet le point de savoir si une des autres conditions posées par ce texte, fraude, immixtion ou prise de garanties disproportionnées était remplie ;

Considérant qu'un crédit est fautif lorsqu'il est accordé à une entité qui n'a pas les capacités financières de le rembourser et prend le risque d'un endettement excessif sans mise en garde de l'établissement prêteur alors que l'emprunteur ne peut s'en convaincre lui même soit en raison de son inexpérience soit parce que la banque détient sur le bien à financer des informations privilégiées auxquels il n'a pas accès ;

Considérant qu'en l'espèce, la Selarl soutient exclusivement que sa gérante était profane et le crédit excessif ;

Mais considérant qu'il résulte des pièces produites que Mme [D], âgée de 48 ans en 2006, avait déjà assuré la gestion de deux officines, l'une au Cameron de 1993 à 1999, l'autre à [Localité 9] (Seine et Marne) de 2001 à 2005 ;

Qu'elle avait contracté un prêt (auprès du Crédit Agricole) pour l'achat de l'officine de [Localité 9] qu'elle soldera lors de sa revente -dans le cadre de son projet sur [Localité 8]- ;

Que son curriculum vitae précise encore qu'elle a porté le chiffre d'affaires de sa précédente officine de 929 878 € (2010) à 1 668 331 € (2005) ;

Qu'il résulte encore de ses écritures qu'elle employait alors quatre salariés ;

Considérant qu'il résulte de ces seuls éléments que Mme [D] n'était en aucune manière profane et que sa connaissance du secteur pharmaceutique, son expérience en matière de gestion, notamment des ressources humaines et de prêt ne saurait être remis en cause du seul fait de la différence d'échelle entre le fonds de [Localité 9] et celui de [Localité 8] ;

Considérant que la Selarl ne démontre pas davantage que le prêt pouvait entraîner un endettement excessif de la Selarl.

Qu'un tel constat ne résulte pas du prévisionnel établi par la société Secca et dont la cour a pu se convaincre du sérieux, les données, nécessairement arrêtées avec Mme [D], prenant en compte les résultats du précédent exploitant en les projetant dans l'avenir en fonction des données publiées sur le secteur concerné et du plan de gestion de la gérante, le cabinet d'expertise comptable mandaté ne pouvant, comme il le soutient dans des conclusions -démontrant sur quelles bases a été rédigé le prévisionnel-, prévoir, notamment, la démission des 3 salariés ayant la plus grande ancienneté, l'absentéisme anormalement élevé du personnel, un investissement coûteux dans un système d'automatisation de distribution de médicaments ou, plus tard, les travaux de rénovation de la zone ayant supprimé des dizaines d'emplacements de stationnement proches, tous éléments ayant contribué à la baisse démontrée du chiffre d'affaires ;

Qu'il doit d'ailleurs être constaté que tout en critiquant dans de longs développements le manque de prudence du prévisionnel, reprenant l'essentiel d'un des rapports déposé par [B] [C], « audit » de 61 pages révisant les prévisions selon ses propres critères sans même avoir suscité les observations de son rédacteur, force est de constater que Mme [D] ne recherche pas la responsabilité de la société Secca alors même qu'elle a été mise en cause par Interfimo dans le cadre de cette instance ;

Et considérant que même à supposer que certaines prévisions aient été optimistes, il n'appartiendrait pas à LCL ou à Interfimo d'en assumer la responsabilité, ces dernières n'ayant pas, sauf anomalie manifeste, inexistante en l'espèce, à vérifier les éléments fournis par les emprunteurs pour les convaincre de financer leur projet ;

Qu'il sera encore observé que BNP Paribas, dont il peut être supposé qu'elle était en possession des mêmes éléments a également donné un accord de prêt ;

Considérant que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a considéré que LCL et Interfimo n'ont pas commis de faute en accordant ce crédit ;

Considérant, à titre surabondant, la Selarl évoquant une fraude des intimés consistant en une dépossession de l'opération par des professionnels qui lui ont délivré une prestation clé en main, au déblocage des fonds alors que son apport personnel de 800 000 € n'était pas versé, à l'encaissement sans son accord d'une somme séquestrée à la suite de la vente de son fonds précédent qu'il convient de rappeler que ces griefs, certains concernant des tiers à la procédure, ne caractérisent pas l'intention malveillante ou l'utilisation de moyens déloyaux destinés à surprendre un consentement ou à obtenir un avantage indu avec l'intention d'échapper à l'application d'une loi impérative ou prohibitive seules à même de constituer une fraude au sens du texte précité ;

Considérant ainsi que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions, la Selarl étant condamnée à verser à chaque intimé une indemnité de 7 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Condamne la Selarl Pharmacie [D] au paiement d'une indemnité de 7 000 € à chacune des sociétés intimées Interfimo, Le Crédit Lyonnais et Secca sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ainsi qu'aux dépens ;

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 17/06589
Date de la décision : 20/02/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°17/06589 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-20;17.06589 ?
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