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20/02/2019 | FRANCE | N°16/15828

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 20 février 2019, 16/15828


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 20 FÉVRIER 2019



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/15828 - N° Portalis 35L7-V-B7A-B2IOG



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Novembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 12/08685



APPELANTE



Madame [N] [E]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1]

1973 à CHAMBERY (73000)

représentée par Me Agnès CITTADINI, avocat au barreau de PARIS, toque : C2185



INTIMÉE



SCOP SYNDEX

[Adresse 3]

[Adresse 4]

N° SIRET : 719 805 772

re...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 20 FÉVRIER 2019

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/15828 - N° Portalis 35L7-V-B7A-B2IOG

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Novembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 12/08685

APPELANTE

Madame [N] [E]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1973 à CHAMBERY (73000)

représentée par Me Agnès CITTADINI, avocat au barreau de PARIS, toque : C2185

INTIMÉE

SCOP SYNDEX

[Adresse 3]

[Adresse 4]

N° SIRET : 719 805 772

représentée par Me Pauline MORDACQ de l'AARPI ERGON Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0380

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Octobre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carole CHEGARAY, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Graziella HAUDUIN, présidente

Madame Carole CHEGARAY, conseillère

Madame Séverine TECHER, vice-présidente placée

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Laurie TEIGELL, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Graziella HAUDUIN, Président et par Madame Amélie FERRARI, Greffier placé à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [N] [E] a été engagée par la SCOP Syndex suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 janvier 2001, en qualité d'assistante débutante. Son lieu de travail était situé à [Localité 1] (Jura). À compter du 1er avril 2002, elle a été affectée à [Localité 2].

Entre mars 2006 et mars 2007, Mme [E] a bénéficié d'un congé sabbatique. Le 19 mars 2007, en accord avec la société Syndex, elle a démissionné. Elle a ensuite été réembauchée à compter du 1er avril 2009 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de contrôleur validé, avec reprise d'ancienneté au 15 janvier 2001.

Mme [E] a fait l'objet d'arrêts de travail entre les 5 et 30 juillet 2010, entre les 14 et 28 février 2011, entre les 25 mars et 30 août 2011, puis durablement à compter du 17 octobre 2011.

À l'issue d'un examen réalisé le 12 décembre 2011, le médecin du travail a déclaré la salariée inapte à son poste.

Après avoir été convoquée le 4 janvier 2012 à un entretien préalable devant se tenir le 17 janvier suivant, Mme [E] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 20 janvier 2012.

Contestant le bien-fondé de son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de l'intégralité de ses droits, Mme [E] a saisi, le 26 juillet 2012, le conseil de prud'hommes de [Localité 3] qui, par jugement rendu le 22 novembre 2016, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :

- condamné la société Syndex à payer à Mme [E] les sommes suivantes :

* 557 euros à titre de remboursement de la cotisation à l'ordre des experts-comptables pour l'année 2012,

* 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que les condamnations de nature contractuelle et/ou conventionnelle produisaient intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et que les condamnations indemnitaires produisaient intérêts au taux légal à compter du jugement,

- ordonné la capitalisation des intérêts échus depuis au moins une année,

- condamné la société Syndex à remettre à Mme [E] un solde de tout compte ainsi qu'une attestation Pôle emploi conformes au jugement,

- ordonné l'exécution provisoire,

- fixé la moyenne des trois derniers salaires à la somme de 5 830,64 euros,

- débouté Mme [E] du surplus de ses demandes,

- et condamné la société Syndex aux dépens.

Le 16 décembre 2016, Mme [E] a interjeté appel du jugement.

Par conclusions transmises le 4 septembre 2018 par voie électronique, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [E] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ses condamnations à paiement,

- l'infirmer pour le surplus,

- condamner la société Syndex à lui payer les sommes suivantes :

* 5 933,71 euros nets à titre de rappel de salaire et 593,37 euros nets au titre des congés payés afférents,

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation des règles d'application du forfait annuel en jours,

* 557 euros à titre de remboursement de la cotisation à l'ordre des experts-comptables,

* 427,72 euros à titre de remboursement de la cotisation CAVEC,

* 34 983 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

* 17 492 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1 749,20 euros au titre des congés payés afférents,

* 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

* 25 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'article L. 1152-4 du code du travail,

* 70 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, à tout le moins pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la remise 'des documents' conformes à l'arrêt,

- ordonner la capitalisation des intérêts.

Par conclusions transmises le 11 septembre 2018 par voie électronique, auxquelles il est expressément fait référence, la société Syndex sollicite la confirmation du jugement sauf en ses condamnations à paiement, le rejet de toutes les demandes de l'appelante et la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.

La clôture de l'instruction est intervenue le 12 septembre 2018 et l'affaire a été plaidée le 25 octobre 2018.

MOTIFS

Sur le harcèlement moral

Avant la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, le salarié disposait d'un délai de trente ans pour intenter une action personnelle ou mobilière ;

À compter de cette loi, il a été prévu que l'action personnelle ou mobilière devait être intentée avant le délai de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de ladite loi, soit à compter du 19 juin 2008 ;

En l'espèce, Mme [E] invoque des faits de harcèlement dès son embauche ;

Son action en réparation de faits de harcèlement dont elle dit avoir été victime devait être intentée devant le conseil de prud'hommes, avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, soit avant le 19 juin 2008, dans le délai de trente ans, qui expirait en 2031 ;

Ne l'ayant pas été et ledit délai, qui a commencé à courir en 2001, n'étant pas expiré le 19 juin 2008, son action pouvait encore être intentée dans le délai de cinq ans qui a commencé à courir à compter du 19 juin 2008, la durée du délai ayant commencé à courir et la durée du délai applicable sous l'empire de la loi nouvelle n'excédant pas la durée prévue par la loi antérieure ;

Or, l'action de Mme [E] a été intentée dans le respect de ces règles dès lors que le délai de prescription expirait le 19 juin 2013 et qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes le 26 juillet 2012 ;

Dans ces conditions, aucune prescription de faits ne peut être utilement opposée à Mme [E] ;

L'article L. 1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Selon l'article L. 1154-1 du même code, dans sa version en vigueur, lorsque survient un litige relatif à l'application de cette disposition, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

En l'espèce, Mme [E], dont la relation d'ordre privé entre 2003 et 2004 avec M. [Y] [T], autre salarié de la société Syndex qui a été son tuteur au début de la relation de travail, est un fait constant, établit objectivement, indépendamment, en premier lieu, des sept attestations qu'elle verse au débat de membres de son entourage qui rapportent, au-delà des constatations faites sur son état de santé pendant la relation susvisée ou postérieurement, pour certains, des faits qu'elle leur a relatés mais dont ils n'ont pas été les témoins directs, celle établie par son compagnon, M. [R] [R], n'ayant pas de force probatoire du fait de ses liens avec l'appelante, en deuxième lieu, des attestations de MM. [J] [I] et [X] [B], anciens salariés de la société Syndex qui n'ont pas travaillé sur le même lieu de travail que l'appelante et qui n'exposent pas avoir personnellement constaté les faits qu'ils décrivent quant aux conditions de travail de Mme [E], étant observé que le premier a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave le 19 février 2010 et que le second a conclu une convention de rupture le 27 janvier 2010, en troisième lieu, des sollicitations dirigées par les délégués du personnel vers l'employeur sur la base des seules déclarations de l'intéressée, en quatrième lieu, de l'ensemble des doléances adressées par la salariée, en ce compris des faits de harcèlement sexuel qu'elle aurait subis entre 2001 et 2002, non corroborées par des éléments objectifs, en cinquième lieu, des faits qui se seraient déroulés pendant le congé sabbatique, puis entre la démission et la réembauche de Mme [E] :

- que, en juin 2004, à l'occasion d'une réunion du comité d'établissement, M. [T] lui a coupé la parole et a répondu à sa place, ce qui ressort du témoignage de M. [L] [H], salarié de la société Syndex, qui a estimé ces interventions effectuées de 'façon déplacée, autoritaire, déplaisante et rabaissante',

- que, le 29 décembre 2009, M. [T] lui a adressé, par message téléphonique écrit, à 15h22, une proposition impliquant un échange en dehors du lieu de travail en ces termes : 'Bonjour [N], Accepterais tu de déjeuner ou de dîner avec moi un de ces jours' [Y] [T]', à quoi elle a répondu, à 21h20, en ces termes : 'Tu as demandé l'autorisation à ta femme' Je t'ai répondu sur le mail syndex', ce qui a été suivi d'une nouvelle question de M. [T], à 22h54, en ces termes 'Et tu dis quoi sur le mail de Syndex', laissée sans réponse,

- que cet échange a été suivi de courriels au terme desquels Mme [E] a présenté ses excuses à M. [T] pour sa 'boutade' en lui indiquant qu'il n'était pas opportun pour eux de déjeuner ou dîner ensemble eu égard à leur passé commun, mais qu'elle était ouverte à la discussion et à l'écoute pour améliorer leur situation professionnelle 'devant une bière au pire... mais rien de plus', et en lui adressant des voeux pour la fin d'année, ce qui a été suivi d'une acceptation par M. [T] en ces termes : 'Un jour, peut-être autour d'une bière au pire...' et d'un échange de voeux, ce qui ressort de copies d'écran de téléphone et de courriels, ainsi que d'un procès-verbal de constat d'huissier,

- que, le 12 juillet 2010, elle a présenté par courriel des demandes d'information à deux salariés de la société Syndex, dont M. [T], sur le périmètre d'une mission qui lui était proposée, qui sont demeurées sans réponse,

- que, le 10 février 2011, la société Syndex lui a proposé une mobilité, qu'elle a refusée par lettre du 20 avril 2011,

- que, le 20 mars 2011, Mme [A] [C], salariée devant gérer son portefeuille d'activités, conformément à ce qui était prévu à l'issue de la mesure de médiation mise en place après enquête sur les faits de harcèlement moral qu'elle avait dénoncés au cours de l'été 2010, lui a indiqué qu'elle n'était plus responsable de groupe, ce dont il se déduisait qu'elle ne se chargerait plus de la gestion de ses missions,

- que, le 5 septembre 2011, des missions impliquant un travail avec deux salariés, M. [O] [L], sur le comportement duquel elle s'est plainte à la suite d'incidents qui se seraient déroulés en juillet 2010 et janvier 2011, et M. [R] [U], avec lequel elle ne souhaitait pas travailler en raison de grimaces qu'il lui aurait faites en la rencontrant depuis plusieurs mois, lui ont été proposées ;

Elle n'a communiqué aucune attestation des salariés qui auraient, selon elle, été témoins des altercations dont elle prétend avoir été victime ;

Mme [E] démontre, par ailleurs :

- au soutien des certificats médicaux produits :

* qu'elle a été régulièrement suivie par un psychiatre entre avril 2003 et septembre 2005, suivi au terme duquel elle a abordé sa situation amoureuse avec un collègue de travail entre janvier et juin 2004,

* ainsi que par un médecin généraliste entre avril 2004 et septembre 2005 pour des symptômes en lien, selon elle, avec son milieu professionnel, un autre médecin généraliste ayant diagnostiqué, en avril 2004, un syndrome dépressif,

* qu'elle a ensuite été suivie à compter de mars 2005 par un médecin spécialisé dans les troubles digestifs et gynécologiques, qui l'a orientée, le 25 mars 2011, vers un psychiatre, lequel a considéré, le 7 mai 2011, qu'elle présentait une symptomatologie typique des personnes ayant été victimes de harcèlement moral au travail, et conseillé, le 24 novembre 2011, au médecin du travail qui l'interrogeait de déclarer la salariée inapte définitivement à son poste,

* puis qu'elle a été suivie en psychothérapie à compter de mai 2008,

- au regard des attestations de paiement de la caisse primaire d'assurance maladie, qu'elle a fait l'objet d'arrêts de travail en 2005, 2010 et 2011, notamment entre les 5 et 30 juillet 2010, entre les 14 et 28 février 2011, entre les 25 mars et 30 août 2011, puis durablement à compter du 17 octobre 2011,

- au visa de la fiche de visite de reprise établie le 6 septembre 2011 par le médecin du travail, qu'elle était apte sous surveillance, les missions en binôme étant à favoriser, mais pas en coopération et dans le champ de compétence, les déplacements importants étant à éviter,

- enfin, sur la base de la fiche de visite établie le 12 décembre 2011 par le médecin du travail, qu'elle a été déclarée inapte au poste dans cette entreprise en une seule visite, pour danger immédiat pour la santé, et qu'une étude de poste réalisée le 11 octobre 2011 ne permettait pas à ce dernier de formuler une proposition de reclassement dans ladite entreprise.

Mme [E] établit, au travers de ces éléments, des faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

Les premiers juges ont retenu à juste titre :

- que la première enquête réalisée par l'employeur à la suite des faits dénoncés par la salariée avait révélé uniquement des difficultés liées à la nature et à la gestion des relations professionnelles existant entre Mme [E] et M. [T] en résonance avec des considérations d'ordre privé,

- que la mesure de médiation avait, à l'issue de cette enquête, permis la mise en place d'une organisation et de règles de fonctionnement et de communication de nature à apaiser lesdites relations,

- que la seconde enquête réalisée à la suite d'une nouvelle dénonciation avait fait ressortir des décisions résultant des préconisations de la médecine du travail et des relations professionnelles tendues voire conflictuelles entretenues par Mme [E] avec une part importante des salariés de son service se manifestant notamment par un isolement et un refus de travailler avec certains ou de se voir confier des missions, ce qui rendait l'établissement de son emploi du temps très complexe pour l'employeur,

- que les certificats médicaux produits se limitaient à rapporter les propos et le ressenti de la salariée,

- que l'inspection du travail, saisie par Mme [E], n'avait donné aucune suite à son intervention après réception des explications et justifications communiquées par l'employeur,

- et qu'aucune procédure n'avait été diligentée par l'intéressée en vue de faire reconnaître le caractère professionnel de son inaptitude ;

La cour constate, en effet, indépendamment de la partialité alléguée des questions posées, sur les faits précédemment retenus et ceux discutés dans le cadre des enquêtes susvisées, au cours desquelles, même sans que cela fut exhaustif, de nombreux salariés, parmi lesquels Mmes [C], [T] [H], [K] [H] et [P] [J], puis MM. [T], [L], [U], [C] [F] et [I] [Y], dont ceux, en conséquence, mis en cause par Mme [E], ont été entendus, notamment :

- que M. [T] n'avait pas insisté après qu'elle ait refusé une sortie avec lui, cette proposition s'expliquant par leur histoire personnelle commune, laquelle était d'ailleurs en cours lors de l'incident relaté en juin 2004, étant observé que Mme [E] elle-même avait surenchéri à cet égard en proposant à l'intéressé d'aller boire un verre 'au pire',

- que ce dernier l'avait soutenue pour lui permettre d'accomplir un stage en dehors de l'entreprise et qu'il avait répondu à ses demandes sur la gestion de ses missions tant que cela entrait dans ses attributions, étant rappelé que, le 12 juillet 2010, Mme [E] était en arrêt de travail,

- qu'elle-même était souvent agressive à son égard,

- que l'intéressée n'avait jamais été évincée des informations relatives au processus dit 'émergence', ce qui est corroboré même par M. [Y], avec lequel elle entretenait de bonnes relations,

- que Mme [E] ne disait pas bonjour et ne parlait pas à tous les salariés, alors qu'aucun élément objectif, tel un précédent incident, ne justifiait une telle attitude, et qu'elle ne respectait pas des règles de politesse de base, ce qui avait pu expliquer les incidents survenus avec M. [L],

- qu'elle ne souhaitait pas travailler avec les nouveaux intervenants,

- qu'il était difficile de lui attribuer des missions, au vu de ses refus motivés par ses relations à d'autres salariés et ses ressentis personnels, mais également des restrictions médicales issues de la visite de reprise du 6 septembre 2011,

- que Mme [E] interprétait les comportements de chacun en leur prêtant de mauvaises intentions qu'ils n'avaient pas, comme ce fut le cas, notamment, dans le contexte susvisé de dénonciations, enquête et médiation, du sifflotement de M. [T] en janvier 2011 alors qu'elle passait près de lui et d'un autre salarié et qui, loin de lui être destiné pour la dénigrer avait pour seul but de cacher la gêne de ce dernier, ou encore des rictus de crispation de M. [U] qu'elle avait pris pour des grimaces,

et relève, par ailleurs :

- qu'une proposition de mutation a également été adressée à M. [T], comme cela résulte des indications données par M. [U] [M], salarié élu délégué du personnel dans un courriel du 17 février 2011, ce qui permet de considérer que la proposition adressée à Mme [E] avait pour objet de trouver une solution neutre et non de l'exclure personnellement,

- et qu'un relais de Mme [C] a été assuré pour la gestion du portefeuille de Mme [E] dès lors qu'après son départ en arrêt de travail en mars 2011 et sa reprise en septembre 2011, Mme [H] s'est chargée de lui attribuer des missions ;

Au vu des explications et pièces ainsi fournies, la société Syndex démontre que les agissements dénoncés par Mme [E] étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral ;

Il s'en déduit qu'aucun harcèlement moral n'est établi ;

Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les demandes d'indemnisation pour harcèlement moral et violation de l'article L. 1152-4 du code du travail, étant observé que l'employeur a, dès qu'il a été informé des dénonciations de la salariée, diligenté une enquête et pris des mesures pour améliorer la situation ;

Sur le rappel de salaire

Mme [E] part du postulat selon lequel le solde de son compteur au 31 décembre 2010 était définitif en faisant valoir que ses arrêts de travail en 2011 étaient imputables à l'employeur, ce qui est erroné dès lors qu'aucun harcèlement moral n'a été retenu et qu'il n'y a donc pas lieu de faire abstraction de ses résultats pour l'année 2011 ;

À l'aune de cet éclairage, la cour constate :

- en ce qui concerne le rappel de prime pour l'année 2010, que la société Syndex a fait observer, sans être contredite utilement sur ce point, avoir réglé à la salariée, à l'occasion de la rupture du contrat de travail, une somme de 1 773,20 euros bruts correspondant à la prime de résultat du groupe entre le 1er janvier et le 31 décembre 2010, comme cela ressort du bulletin de paie d'avril 2012, égale à la somme de 1 084,78 euros nets, ce dont il se déduit qu'aucun rappel de prime n'est dû à Mme [E] de ce chef,

- s'agissant de la provision pour congés payés, que la somme de 2 773,62 euros qu'elle réclame a été débitée en 2010 mais a fait l'objet d'une nouvelle écriture sur compteur en 2011, de sorte qu'aucun rappel ne lui est davantage dû de ce chef, étant relevé qu'à l'occasion de la rupture du contrat de travail, elle a été réglée de 26 jours de congés payés et ainsi remplie de ses droits,

- pour ce qui est de l'arrêt de travail dont Mme [E] a fait l'objet en juillet 2010, qu'aucune somme n'a été prélevée par l'employeur au titre de ce mois à la lecture du bulletin de paie de juillet 2010, de sorte que la salariée n'a subi aucune perte de salaire de ce chef,

- enfin, que les prélèvements indus allégués par Mme [E] au titre des indemnités de transport ne sont pas démontrés sur la base des états analytiques produits sans production de tous les bulletins de paie correspondants ;

Compte tenu de l'ensemble des éléments ainsi recueillis, la cour juge, comme le conseil de prud'hommes, que Mme [E] doit être déboutée de sa demande de rappel de salaire ;

Sur les dommages-intérêts pour violation des règles d'application du forfait annuel en jours

Selon l'article L. 3121-46 du code du travail, dans sa version applicable, un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié ;

En l'espèce, la société Syndex ne démontre pas avoir organisé l'entretien annuel prévu par le texte susvisé ;

Pour autant, Mme [E] n'explicite ni ne démontre le préjudice qui en serait résulté pour elle, étant observé notamment, comme l'ont fait les premiers juges, qu'elle n'a réclamé aucun rappel de salaire sur heures supplémentaires ;

Sa demande d'indemnisation de ce chef est donc rejetée et le jugement attaqué est confirmé en son rejet ;

Sur le travail dissimulé

Selon l'article L. 324-10 alinéa 1 ancien du code du travail, applicable aux faits de l'espèce, devenu par la suite L. 8221-5, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne physique ou morale qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations, notamment, n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions législatives et réglementaires en vigueur ;

L'article L. 324-11-1 alinéa 1 ancien du code du travail, applicable aux faits de l'espèce, devenu par la suite L. 8223-1, dispose que le salarié auquel un employeur a eu recours en violation des dispositions de l'article L. 324-10 a droit en cas de rupture de la relation de travail à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, à moins que l'application d'autres règles légales ou de stipulations conventionnelles ne conduise à une solution plus favorable ;

La dissimulation d'emploi salarié n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle ;

En l'espèce, Mme [E] a été déclarée par la société Syndex jusqu'au 19 mars 2007, puis à nouveau à compter du 1er avril 2009 ;

Elle a, par ailleurs, été déclarée par la société J. [C] et associés entre le 20 mars 2006 et le 31 mars 2009 pour y effectuer un stage de professionnalisation ;

Il résulte des pièces produites, notamment des courriels de Mme [E] datés de décembre 2005 et du 8 février 2007, ainsi que d'un courrier de la société Syndex daté du 28 février 2007, que, entre le 20 mars 2007 et le 31 mars 2009, l'appelante était liée à la société J. [C] et associés par un contrat de travail et que, dans le cadre d'un contrat de collaboration conclu entre cette société et la société Syndex, elle réalisait une majorité de prestations pour le compte de cette dernière, ce montage ayant été mis en place sur sa proposition ;

Au regard de ces éléments, il ne peut être considéré que Mme [E] établit la dissimulation d'activité qu'elle invoque ni une intention en ce sens de la part de la société Syndex.

Le jugement entrepris, qui a rejeté sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, est donc confirmé ;

Sur la rupture du contrat de travail

Compte tenu des développements qui précèdent sur le harcèlement moral et en l'absence de tout autre moyen mettant en cause utilement le bien-fondé du licenciement, il y a lieu de rejeter les demandes relatives à la rupture du contrat de travail, soit les demandes d'indemnité pour licenciement nul, à tout le moins pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, comme l'ont fait à juste titre les premiers juges ;

Sur le remboursement des cotisations à la CAVEC et à l'ordre des experts-comptables

La charte des experts-comptables au sein de la société Syndex prévoit, en son article 3.2.2, que les cotisations à la CAVEC et à l'ordre des experts-comptables sont prises en charge par la société pour ses experts-comptables salariés ;

Il résulte des pièces produites que Mme [E] s'est acquittée personnellement de sa cotisation à l'ordre des experts-comptables pour l'année 2012 pour la somme de 557 euros alors qu'elle n'est sortie des effectifs de la société Syndex qu'en avril 2012 et qu'en conséquence, cette dernière aurait dû prendre en charge ladite cotisation ;

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont alloué la somme de 557 euros à Mme [E] en remboursement de la cotisation à l'ordre des experts-comptables, le jugement étant également confirmé en ses dispositions relatives aux intérêts dus sur cette somme et à leur capitalisation, dans les conditions de l'article 1343-2 nouveau du code civil ;

En revanche, aucun élément ne permet de considérer que Mme [E] a dû assumer personnellement la prise en charge de ses cotisations à la CAVEC entre janvier et avril 2012 ni qu'elle aurait fait l'objet d'une ponction indue de ce chef sur son solde de tout compte, lesdites cotisations figurant sur les bulletins de paie de la période comme c'était le cas auparavant ;

Dans ces conditions, c'est à juste titre qu'elle a été déboutée de sa demande de remboursement de ce chef en première instance ;

Sur la remise 'des documents' conformes

La demande de remise de 'documents' conformes n'étant ni explicitée ni justifiée, elle doit être rejetée, comme l'ont fait les premiers juges ;

Sur les autres demandes

Chacune des parties succombant à l'instance, il est justifié de faire masse des dépens d'appel et de condamner chacune à en assumer la charge par moitié ;

Chacune des parties devra, par ailleurs, conserver la charge des frais exposés dans le cadre de la présente procédure non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Ajoutant,

Fait masse des dépens d'appel, condamne chacune des parties à en assumer la charge par moitié et laisse à chacune la charge des frais exposés dans le cadre de la présente procédure non compris dans les dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 16/15828
Date de la décision : 20/02/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°16/15828 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-20;16.15828 ?
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