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19/02/2019 | FRANCE | N°17/00883

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 19 février 2019, 17/00883


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS








COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 6 - Chambre 3





ARRÊT DU 19 Février 2019





(n° , 12 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/00883 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2N3Z





Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Décembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes de VILLENEUVE SAINT GEORGES - section encadrement - RG n° 557/2015








APPELANTE



Mme P... H...


[...]


[...]


comparante en personne, assistée de Me Diane LEMOINE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1145








INTIMEE


SA AEROPORTS DE PARIS


N° SIRET : 555 016 628


[...]




repr...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 19 Février 2019

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/00883 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2N3Z

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Décembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes de VILLENEUVE SAINT GEORGES - section encadrement - RG n° 557/2015

APPELANTE

Mme P... H...

[...]

[...]

comparante en personne, assistée de Me Diane LEMOINE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1145

INTIMEE

SA AEROPORTS DE PARIS

N° SIRET : 555 016 628

[...]

représentée par Me Alexandra LORBER LANCE de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020,

substituée par Me Charlotte CAREL

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 décembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de Chambre

Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

Greffier : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- par mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de Chambre et par Madame ... FARHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

Madame P... H..., engagée par la société AEROPORTS DE PARIS à compter du 1er mai 1996, en qualité de coordinateur de projet, a saisi le Conseil de prud'hommes de demandes tendant à obtenir le paiement, notamment, de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination et divers rappels de salaire.

Par jugement du 5 décembre 2016, le Conseil de prud'hommes de VILLENEUVE SAINT GEORGES a débouté Madame H... de ses demandes.

Madame H... en a relevé appel.

Par conclusions récapitulatives du 1er octobre 2018, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, Madame H... demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner la société AEROPORTS DE PARIS à lui payer les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter de la saisine, soit le 25 août 2015 :

- 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi du fait de la non reconnaissance de son statut en tant que maître d''uvre et discrimination salariale,

- 68.207,40 € à titre de rappel de salaires dû pour la période du 25 août 2012 au 31 août 2018,

- 6.820,74 € au titre des congés payés afférents,

- 5.169,05 € au titre de l'intéressement 2014 à 2017,

- 7.623,37 € au titre de la participation 2014 à 2017,

- 50.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour atteinte à la sécurité et à la santé

- 127.129,10 € au titre de la perte de revenus subie sur la période de mars 2015 au 31 août 2018, - 12.712,91 € au titre des congés payés afférents.

Madame H... demande 2GALEMENT d'ordonner à la société AEROPORTS DE PARIS de lui remettre des bulletins de paie conformes à l'arrêt sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document, et de condamner la société à lui verser 3.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives du 24 septembre 2018, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société AEROPORTS DE PARIS demande de confirmer le jugement, de débouter Madame H... de ses demandes, et de la condamner à lui verser 4.000,00€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

****

MOTIFS

Sur la demande de dommages et intérêts pour non reconnaissance du statut de maître d'oeuvre et discrimination salariale

Madame H... sollicite 10.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi du fait de sa non reconnaissance en tant que Maître d''uvre (1) et de la discrimination salariale dont elle s'estime victime (2).

1 Sur la non reconnaissance du statut de maître d'oeuvre

En l'espèce, Madame H... a été recrutée sur le poste de Coordinateur de projet à compter du mois de mai 1996. Néanmoins, la salariée produit plusieurs éléments de nature à démontrer qu'en réalité elle occupait les fonctions de Maître d'oeuvre depuis le mois d'avril 2012.

Il ressort en particulier du courriel du 27 mars 2012, ainsi que du courrier du 29 mars 2012 que la société a expressément annoncé à Madame H... qu'elle se voyait confier les fonctions de Maître d'oeuvre à compter du mois d'avril 2012.

Les deux courriers sont ainsi rédigés : '...Elle assurera dans un premier temps la maîtrise d'oeuvre...'

'...A compter du 23 avril 2012 vous êtes mutée à INAO pour assurer la maîtrise d'oeuvre...'

Par ailleurs, un certain nombre de documents internes à l'entreprise et établis par la société désignent expressément Madame H... comme Maître d'oeuvre. Tel est le cas notamment :

- des fiches de contrôle et de diffusion internes à INA des 24 septembre 2012 et 13 septembre 2013,

- du 'tableau de bord projet' du 11 avril 2014,

- de l'ordre de service n°10 aux termes duquel Madame H... signe en qualité de Maître d'oeuvre,

- du courriel du 25 juin 2013, aux termes duquel Madame H... reprend l'ensemble des affaire de Monsieur S..., Maître d'oeuvre muté dans un autre service la DMO JONCTION,

- du procès verbal des opérations préalables à la réception du 30 juin 2014aux termes duquel Madame H... signe en qualité de Maître d'oeuvre,

- du courriel du 25 août 2014, aux termes duquel Monsieur Q... demande une réunion sur le conventionnement des affaires dont Madame H... est Maître d'oeuvre,

- des plans de charge INA - prévision P2 2013 et 2014

La réalité des fonctions de Maître d'oeuvre de Madame H... est donc établie et par ailleurs reconnue par la société aux termes de ses écritures dans le cadre de la présente instance.

En effet, les écritures de la société AÉROPORTS DE PARIS sont ainsi rédigées : '... En réalité, il est établi qu'à l'occasion de la mobilité de Madame H... au sein de la Direction de projet INAO [ingénierie et Architecture Affaires Intermédiaires Orly] au mois de mars 2012, le manager de cette unité [Monsieur G... F...] a ponctuellement confié à la salariée [coordonnateur de projets] des petits projets voire, par la suite, des projets de taille moyenne de Maître d''uvre tout en lui assurant un réel accompagnement pour l'aider à mener à bien ses activités...'.

'...La société est tout à fait prête à lui appliquer le titre de « Maître d''uvre » si elle le souhaite...'

En outre, la société AÉROPORTS DE PARIS a reconnu aux termes d'un courrier du 25 février 2015 que Madame H... s'était vu confier les missions d'un Maître d'oeuvre. En effet, le courrier est ainsi rédigé : '...Monsieur F... vous a expliqué qu'il vous avait placée en situation de maître d'oeuvre sur des projets de tailles moyennes et vous a accordé dans ce cadre une large autonomie d'expression...'

Enfin, la société AÉROPORTS DE PARIS a reconnu aux termes d'un courrier adressé au conseil de Madame H... le 2 juin 2015 que l'intéressée a été placée en situation de Maître d'oeuvre. En effet, le courrier est ainsi rédigé : '...Après étude approfondie des missions réalisées par Madame H... nous sommes en mesure de vous confirmer que cette denière a bien été placée à plusieurs reprises en situation de Maître d'oeuvre et que nous sommes tout à fait disposer à modifier sa fonction si elle le souhaite...'

Il résulte de ce qui précède que Madame H... a assumé les fonctions de Maître d'oeuvre depuis le mois d'avril 2012 et ce, jusqu'en 2015. Pourtant ni sa qualification ni sa rémunération n'ont été modifiées en conséquence, ainsi que celà résulte notamment des bulletins de salaire, et ce, en dépit de nombreuses demandes de l'intéressée en ce sens.

En effet, dans le cadre de la fixation des objectifs des cadres pour l'année 2013, Madame H... a apporté un commentaire dont il ressort qu'elle demande à être traitée comme un Maître d'oeuvre en termes de communications internes et de rémunération.

En effet, le commentaire est ainsi rédigé : '...Je souhaite souligner qu'en tant que coordinateur de projet/cadre mes objectifs sont les mêmes que mes collègues Maître d'oeuvre/cadre supérieur et qu'il m'est encore bien plus compliqué de dérouler un management transversal efficace d'une part par manque de légitimité et d'autre part par manque d'informations sur notre entreprise, les notes de décisions ou d'informations générales ne parvenant pas aux cadres ayant des responsabilités identiques à celles des cadres supérieurs. Je souligne également qu'à atteinte d'objectifs équivalente un maître d'oeuvre aurau ne rémunération supérieure à celle d'un coordinateur de projet...'

En outre, le 5 septembre 2014, Madame H... a écrit un courriel aux termes duquel elle réitère sa volonté de voir sa classification et sa rémunération évoluer conformément aux fonctions qu'elle exerce réellement.

En effet, ce courriel est ainsi rédigé : '...Je dois vous faire part également de ma difficulté à accepter la question des objectifs annuels' En effet à cette heure la nature et les niveaux des objectifs fixés à un Maître d'oeuvre ou à moi même sont identiques. A atteint d'objectif à un niveau identique le maître d'oeuvre se verra allouer une rémunération variable supérieure d'environ 70% à la mienne. Le montant de mon portefeuille d'affaires en terme de frais d'assistance à M..., de frais d'études et de suivi de travaux est pourtant d'un montant équivalent à ceux de mes collègues Maîtres d'oeuvre...'

Il résulte de ce qui précède qu'en dépit de demandes répétées de la salariée et de la connaissance de l'employeur de ce que Madame H... exerçait les fonctions de Maître d'oeuvre sans bénéficier, ni de la qualification, ni de la rémunération afférentes, l'intéressée ayant été maintenue au poste et à la rémunération de Coordinateur de projet pendant près de 3 ans, de sorte qu'elle en a effectivement subi un préjudice moral qu'il y a lieu de réparer à hauteur de 5.000,00 euros.

2 Sur la discrimination salariale

Par application de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

L'article L1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 ; au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, Madame H... n'invoque aucun élément listé à l'article L1132-1 sur le fondement duquel elle aurait été discriminée de sorte qu'elle ne présente aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte.

Il y a donc lieu de la débouter de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

Sur la demande de rappels de salaire d'août 2012 à août 2018

Dans la mesure où elle aurait dû bénéficier de la qualification de Maître d'oeuvre, Madame H... soutient avoir perçu une rémunération inférieure à celle à laquelle elle aurait pu prétendre au regard de la rémunération de son collègue Maître d'oeuvre, Monsieur V....

En application du principe 'à travail égal, salaire égal' énoncé par les articles L.2261-22-II-4, L. 2771-1-8 et L. 3221-2 du code du travail, l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés pour autant que ceux-ci sont placés dans une situation identique.

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, et il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

En l'espèce, Madame H... produit des éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération dans la mesure où elle fait valoir qu'elle relève de l'échelon 495 et Monsieur V... de l'échelon 605 alors qu'ils étaient tous les deux Maître d'oeuvre statut cadre au sein d'INAO « Affaires intermédiaires » sous les ordres de Monsieur F....

Il appartient donc à la société de rapporter la preuve d'éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant cette différence d'échelon.

Or, en l'absence de moyen nouveau et de pièce nouvelle, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges, relevant que les échelons sont attribués au regard du profil des salariés en termes de formation initiale et d'expérience professionnelle, que Monsieur V... justifiait d'une formation initiale de type Bac+4 'Maîtrise de sciences et techniques en électricité', avait été embauché directement au statut 'Cadre' par la société, justifiait d'une expérience professionnelle de 30 ans dans le domaine de l'ingénierie d'affaires électriques, dont 10 années acquises avant son embauche par la société, que pour sa part Madame H... justifiait d'une formation initiale de type Bac+2 'IUT Technique de commercialisation", avait été embauchée au statut 'Maîtrise'et que par le biais de formation financée par la société elle a pu évoluer en interne et acquérir le statut 'Cadre' en 2009, que Madame H... et Monsieur V... ne géraient pas les mêmes types de projets, ce dernier gérant les 'grands projets" (affaires complexes supérieures à 6 millions d'euros), ont dit que Monsieur V... et Madame H... n'étaient pas placés dans une situation identique de sorte que l'intéressée ne pouvait revendiquer le même échelon que Monsieur V....

Par ailleurs, à défaut de se comparer à d'autres collègues Maître d'oeuvre, Madame H... ne démontre pas avoir perçu une rémunération inférieure à celle de ses collègues Maître d'oeuvre.

En tout état de cause, la société explique que la qualification de Maître d'oeuvre est sans incidence sur l'échelon attribué et fait valoir à l'appui que Messieurs X... (échelon 415), Y... (échelon 485) et K... (échelon 470) occupent tous trois les fonctions de « Maître d''uvre » mais sont placés sur des échelons de rémunération inférieurs à celui de Madame H... (échelon 495).

En conséquence, bien que Madame H... soit fondée à demander la qualification de Maître d'oeuvre, elle n'est pas fondée à demander une revalorisation corrélative de son échelon dans la mesure où la société démontre, d'une part, que la différence de rémunération constatée entre Madame H... et Monsieur V... ne résulte pas de leur intitulé de poste et, d'autre part, que la qualification de Maître d'oeuvre est sans incidence sur l'échelon attribuée.

Il y a donc lieu de débouter Madame H... de sa demande en rappels de salaire.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande relative à l'intéressement

Dans la mesure où Madame H... revendique ici le même intéressement que Monsieur V... alors qu'il résulte des développements précédents qu'ils n'étaient pas placés dans une situation identique de sorte que la différence d'intéressement est justifiée, il y a lieu de débouter l'intéressée de cette demande.

Le jugement sera confirmé.

Sur la demande relative à la participation

Dans la mesure où Madame H... revendique ici la même participation que Monsieur V... alors qu'il résulte des développements précédents qu'ils n'étaient pas placés dans une situation identique de sorte que la différence de participation est justifiée, il y a lieu de débouter l'intéressée de cette demande.

Le jugement sera confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts pour atteinte à la sécurité et à la santé

Madame H... sollicite la somme de 50.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à la sécurité et à la santé aux motifs qu'elle était en souffrance du fait qu'elle a été placée sous la subordination de Madame T... alors que ceci n'est pas prévu par la fiche de poste du Maître d'oeuvre (1) et qu'elle a été mise au placard au retour de son arrêt maladie (2).

La dégradation de son état de santé étant établie par la production de nombre de certificats médicaux, de prescriptions médicales et d'arrêts de travail, un syndrôme anxio-dépressif ayant été diagnostiqué à Madame H..., il y a lieu de recherche si cet état est dû à un manquement de l'employeur.

Sur le placement sous la subordination de Madame T...

Madame H... soutient avoir été rétrogradée dans la mesure où elle a été placée sous la subordination de Madame T..., Maître d'oeuvre, alors qu'elle est Maître d'oeuvre également et qu'une telle subordination n'est pas prévue par la fiche de poste du Maître d'oeuvre.

En l'espèce, il résulte d'un courriel du 18 mars 2014 que Monsieur F..., supérieur hiérarchique de Madame H..., face à une surcharge de travail a délégué ses fonctions à Madame T... de sorte que cette situation ne saurait s'analyser en une rétrogradation de Madame H... qui conserve son poste, l'ensemble de ses missions et son autonomie.

En réalité, le suivi de l'activité de Madame H... se voyait confiée davantage à Madame T... et moins à Monsieur F... afin d'alléger ce dernier dans ses fonctions.

En effet, le courriel du 18 mars 2014 est ainsi rédigé : '...La montée en charge de l'Extension et de la Jonction ne me permet plus de poursuivre avec la même disponibilité et l'efficacité souhaitable ce suivi. C'est pourquoi, j'ai envisagé de demander à ... récemment promue et à qui je souhaite donner plus de responsabilités d'encadrement de se substituer à moi dans ce rôle...'

Ceci est confirmé par un courriel de Madame T... à Madame H... en date du 27 août 2014 ainsi rédigé : '...Concernant notre future collaboration, elle ne doit pas être un sujet d'inquiétude pour toi : je ne ferai que reprendre le relais d'G... comme il l'a souhaité pour alléger sa charge. Tu gardes la maîtrises de tes dossiers et tu restes le point d'entrée pour les clients. Je serai là pour t'aider à prendre du recul en cas de difficultés (il y a plus d'idées dans deux têtes que dans une) et t'appuyer en cas de problèmes liés aux manques de programmes, de ressources ou de décisions pour produire...'

L'employeur n'a commis aucun manquement à cet égard.

Au surplus, il ressort des courriels échangés entre Mesdames T... et H... qu'elles entretenaient d'excellents rapports, courtois et bienveillants.

A titre d'illustration, Madame T... a écrit à Madame H... en date du 27 août 2014 : '...Ne te fais pas de soucis pour les dossiers, donne la priorité à ta santé (...) Soigne toi bien. Tu peux m'appeler quand tu veux je ne veux pas t'importuner en t'appelant...'

Enfin, Madame H... expressément informé Madame T... que celle-ci n'était en aucun cas responsable de la dégradation de son état de santé par courriel du 31 octobre 2014.

En effet, ce courriel est ainsi rédigé . '...Bonjour ..., Je te remercie pour cette annulation et pour le temps que tu m'as accordé hier. Je te réitère le fait que tu n'as aucune responsabilité dans la situation et que mon mal être n'a aucun lien avec toi. Je souhaite qu'un jour nous puissions travailler ensemble dans des conditions plus sereines. Je suis certaine que tu pourras rejoindre C... dans la gestion de son beau projet. Merci à toi...'

En définitive, Madame H... ne démontre pas une quelconque situation conflictuelle qui aurait pu être à l'origine de la dégradation de son état de santé.

Ainsi il n'est pas démontré qu'à cet égard, la société a manqué à son obligation de sécurité et de santé.

Sur la 'mise au placard'

Madame H... soutient avoir été mise au placard entre le 28 octobre 2014, date de son retour d'arrêt maladie, et le 1er décembre 2014, date de sa mutation au sein de l'N.... Elle soutient que cette mise au placard a perduré suite à sa mutation jusqu'en mars 2015, date de sa rechute en arrêt maladie.

A l'appui, Madame H... produit plusieurs courriels aux termes desquels elle a alerté son employeur qu'elle ne se voit confier aucune activité, ses relevés d'heures par l'outil de gestion interne à l'entreprise et des courriels de la direction, dont il ressort qu'elle a été mise en 'heures improductives' et l'attestation d'un collègue, Monsieur F....

En l'espèce, il ressort de deux courriels des 28 et 29 octobre 2014 rédigés par Madame H... qu'au lendemain de son retour d'arrêt maladie, le 27 octobre 2014, elle n'a pu retrouver aucun de ses dossiers.

En effet, les courriels sont ainsi rédigés : '...Bonjour G..., lors de notre échange d'hier tu m'as informé que les affaires que j'avais en charge avant mon arrêt maladie me sont retirées...'

'... Bonjour, Je viens d'échanger avec G... F... qui m'a informé que les affaires que j'avais en charge avant mon arrêt sont maintenant suivies par ... T... et I... W..., et, que mon intégration chez N... devra se faire via les affaires en portefeuilles chez N......'.

En l'espèce, il n'apparaît pas anormal que, durant l'arrêt maladie de Madame H..., ses dossiers aient été confiés à Madame T... dans un souci de continuité de l'activité et que, à son retour d'arrêt maladie, l'intéressée n'ait pas encore retrouvé l'ensemble de ses dossiers,.

Cependant, Madame H... a par la suite réitéré ses courriels auprès de l'employeur pour l'informer qu'elle ne se voyait plus confier d'activité postérieurement à son retour d'arrêt maladie.

En effet, il ressort du courrier du 3 décembre 2014, qu'à cette date, soit près de deux mois après son retour d'arrêt maladie, la situation était inchangée et que Madame H... était inactive.

En effet, le courrier est ainsi rédigé : '...Le secrétariat me demande ce jour de saisir mes heures dans notre outil de gestion des imputations d'heures par affaires pour la période du 28 octobre 2014 date de mon retour d'arrêt maladie jusqu'à ce jour. Pour ce faire merci de bien vouloir me communiquer le numéro d'OI pour mes heures improductives, les affaires que j'avais en gestion avant mon arrêt maladie m'ayant été retirées et n'ayant pas eu une nouvelle activité confiée. Pourriez-vous m'indiquer également à quel moment je retrouverai une situation d'emploi normale dans l'entreprise...'.

Par courrier du 9 décembre 2014, Madame H... a été mutée au sein de l'INA5 ORLY en qualité de Coordinateur de projet.

Bien qu'à la suite de sa mutation dans un nouveau service, il ne soit pas anormal que Madame H... ne se soit pas vu immédiatement confier toutes les missions correspondant à son nouveau poste, afin que son intégration prenne le temps de se réaliser, il résulte de l'étude de l'ensemble des pièces produites que Madame H... est demeurée inactive jusqu'au 20 mars 2015, date de sa rechute en arrêt maladie.

Ceci ressort du courriel du 3 février 2015 aux termes duquel Madame H... signale à son nouveau supérieur hiérarchique, Monsieur D..., qu'elle n'a pas d'activité à rendre compte.

En effet, ce courriel est ainsi rédigé : '...Bonjour A..., je prend note de ta demande mais je n'ai pas de tableau de bord à te transmettre n'ayant pas d'affaire en charge...'

Par ailleurs, il ressort des courriels des 9 et 30 mars 2015 que Monsieur D... communique à Madame E..., responsable de la saisie des feuilles d'heures, la répartition des heures de présence de Madame H....

Il en résulte que la quasi totalité de ses heures de présence sont affectées à un ordre interne appelé 'improductif/sous charge', ce qui révèle sa 'mise au placard'.

En effet, ces deux courriels sont ainsi rédigés : '...Pour le retard de saisie d'heures de P... du 5 janvier au 13 février 2015, soit 223 heures, je propose la répartition suivante :

- 20 heures sur OI 690099 soit 2.5 jours RTT

- 8 heures sur OI 690095 soit 1 jour CP

- 195 heures sur OI 690097, OI improductif...'

'...Pour le retard de saisie de P... je propose le suivant :

Semaine 10 :

-1.5 heures sur 2554470

-1.5 heures sur 255156

-le reste en improductif/sous charge

Semaine 11 :

-1.5 heures sur 2554470

-1.5 heures sur 255156

-le reste en improductif/sous charge

Semaine 12 :

-1.5 heures sur 2554470

-1.5 heures sur 255156

-le reste en improductif/sous charge...'

Il résulte de la lecture de ces deux courriels que, sur la semaine du 2 au 20 mars 2015, Madame H... n'a travaillé que 9 heures.

Ces deux courriels doivent être lus à la lumière de l'attestation de Monsieur F..., supérieur hiérarchique de Madame E... dont il ressort qu'à son retour d'arrêt maladie en octobre 2014, Madame H... s'est vue retirer ses missions et que, suite à sa mutation en décembre 2014, elle est demeurée inactive jusqu'au mois de mars 2015. Monsieur F... ajoute qu'un retard de saisie dans les feuilles d'heures des salariés occasionne tout au plus une erreur comptable, mais en aucun cas ne modifie le reflet de la réalité des fonctions exercées par un salarié. Il suit de là que la société ne saurait se prévaloir pour se défendre d'un retard dans la saisie des heures de Madame H....

En effet l'attestation de Monsieur F... est ainsi rédigée : '...J'ai pu au retour d'arrêt maladie de Madame H... en octobre 2014, constater que les décisions prises ont conduit à lui retirer ses affaires. J'ai pu personnellement constater son inactivité, son bureau était vide pendant des mois et je l'ai vue dépérir psychologiquement. (...) Je peux donc affirmer que j'ai personnellement constaté la mise au placard de Madame H... (...) D'ailleurs, les feuilles d'heures fournies par Madame H... correspondent exactement à la réalité de son manque de travail. (...) Madame H... devait transmettre ses feuilles d'heures à Madame E... dont j'étais le responsable direct. (...) Quoi qu'il en soit qu'il y ait retard de saisie ou non le contenu des feuilles d'heures de chacun restait identique et en aucune manière un retard de saisie ne peut modifier le reflet de l'activité du salarié en temps réel. En l'espèce, j'atteste que les feuilles d'heures saisies par Madame E... dont j'étais le responsable direct représente bien les heures de travail effectuées par Madame H... à savoir pour la période du 9 décembre 2014 au 20 mars 2015, 2.83 heures de travail par semaine...'

Il résulte de ce qui précède que le manquement de l'employeur relativement à la 'mise au placard' de Madame H... est établi et il est démontré que le maintien de Madame H... en inactivité d'octobre 2014 à mars 2015, soit pendant près de 5 mois a contribué à dégrader l'état de santé de Madame H..., qui a à plusieurs reprises alerté l'employeur sur le mal être qu'elle ressentait à ne point se voir confier de missions.

Il s'ensuit un préjudice moral qu'il y a lieu de réparer à hauteur de 10.000,00 euros.

Sur la demande de rappels de salaires de 2015 à 2018

Aux termes de l'article R.1234-4 du code du travail, le salaire mensuel brut de référence est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

1° Soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement,

2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.

Ainsi, à l'appui des bulletins de paie couvrant la période du mois de décembre 2014 au mois de février 2015, le salaire moyen mensuel brut de référence doit être fixé à 5.073,80 euros.

Le statut du personnel précise en son article 38 que, tout salarié comptant au moins un an d'ancienneté à AEROPORTS DE PARIS a droit (') s'il compte 3 ans de présence ou davantage à une indemnité servie de telle sorte que pour une période de 12 mois consécutifs, le salarié conserve le bénéfice de sa rémunération intégrale pendant 180 jours ; En outre, pour les affections de longue durée (')une indemnité destinée à maintenir la rémunération intégrale du salarié est servie pendant une période de 3 ans calculée de date à date pour chaque affection (').

Madame H... soutient que son salaire n'a pas été maintenu durant son arrêt maladie de mars 2015 à août 2018, lequel pourtant peut recevoir la qualification d'affection de longue durée. Elle demande donc un rappel de salaire à hauteur du différentiel que l'employeur aurait du lui verser pour maintenir son salaire, étant pris en compte le salaire versé par AXA, la caisse de prévoyance.

Dans la mesure où le salaire de référence de Madame H... est égal à 5.073,80 euros, elle est fondée à demander le paiement des sommes suivantes selon le calcul ci dessous :

Période

Salaire

mensuel brut

Salaire

mensuel brut

perçu

Salaire

mensuel brut

versé par

AXA

(prévoyance)

Perte de revenu

Mars 2015

5.073,80

8.291,13 €

0 €

0 €

Avril 2015

5.073,80

4.365,84 €

0 €

707,96

Mai 2015

5.073,80

2.251,83 €

0 €

2.821,97

Juin 2015

5.073,80

3.029,78 €

0 €

2.044,02

Juillet 2015

5.073,80

7.203,35 €

0 €

0 €

Août 2015

5.073,80

3.066,52 €

0 €

2.007,28

Septembre 2015

5.073,80

1.426,62 €

0 €

3.647,18

Octobre 2015

5.073,80

7.514,52 €

0 €

0 €

Novembre 2015

5.073,80

3.017,03 €

0 €

2.056,77

Décembre 2015

5.073,80

7.510,38 €

0 €

0 €

Janvier 2016

5.073,80

3.043,07 €

0 €

2.030,73

Février 2016

5.073,80

3.070,77 €

0 €

2.003,03

Mars 2016

5.073,80

3.200,88 €

0 €

1.872,92

Avril 2016

5.073,80

3.098,80 €

0 €

1.975,00

Mai 2016

5.073,80

5.529,52 €

0 €

0 €

Juin 2016

5.073,80

7.274,30 €

0 €

0 €

Juillet 2016

5.073,80

3.373,54 €

0 €

1.700,26

Août 2016

5.073,80

3.052,78 €

0 €

2.021,02

Septembre 2016

5.073,80

3.052,78 €

0 €

2.021,02

Octobre 2016

5.073,80

5.014,88 €

0 €

58,92

Novembre 2016

5.073,80

3.052,78 €

0 €

2.021,02

Décembre 2016

5.073,80

7.990,56 €

0 €

0 €

Janvier 2017

5.073,80

3.079,15

0 €

1.994,65

Février 2017

5.073,80

3.107,40 €

0 €

1.966,40

Mars 2017

5.073,80

3.283,35 €

0 €

1.790,45

Avril 2017

5.073,80

3.132,30 €

0 €

1.941,50

Mai 2017

5.073,80

3.166,11 €

0 €

1.907,69

Juin 2017

5.073,80

7.273,38 €

0 €

0 €

Juillet 2017

5.073,80

3.123,49 €

0 €

1.950,31

Août 2017

5.073,80

3.073,94 €

0 €

1.999,86

Septembre 2017

5.073,80

3.090,45 €

0 €

1.983,35

Octobre 2017

5.073,80

3.180,97 €

0 €

1.892,83

Novembre 2017

5.073,80

3.173,10 €

0 €

1.900,70

Décembre 2017

5.073,80

8.036,46 €

0 €

0 €

Janvier 2018

5.073,80

0 €

1.983,86 €

3.089,94

Février 2018

5.073,80

0 €

1.983,86 €

3.089,94

Mars 2018

5.073,80

2.350,00 €

1.983,86 €

739,94

Avril 2018

5.073,80

0 €

1.983,86

3.089,94

Mai 2018

5.073,80

0 €

1.983,86 €

3.089,94

Juin 2018

5.073,80

1.767,83 €

1.983,86 €

1.322,11

Juillet 2018

5.073,80

40,89 €

0 €

5.031,91

Août 2018

5.073,80

3,93 €

0 €

5.069,87

Total perte de revenus

72.840,43

Il y a donc lieu de condamner la société au paiement de la somme de 72.840,43 euros outre la somme de 7.284,04 à titre de congés payés y afférents.

Sur la demande de remise de bulletins de salaire conformes

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande tendant à la remise de bulletins de salaire conformes est fondée et il y est fait droit dans les termes du

dispositif.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société AEROPORT DE PARIS à payer à Madame H... la somme de :

- 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non reconnaissance de la qualification de Maître d'oeuvre

- 10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

- 72.840,43 euros à titre de rappel de salaire de 2015 à 2018

- 7.284,04 euros à titre de congés payés y afférents

DIT que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt ;

ORDONNE la remise par la société AEROPORTS DE PARIS à Madame H... de bulletins de paye conformes au présent arrêt ;

DIT n'y avoir lieu à prononcer une astreinte,

Vu l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société AEROPORTS DE PARIS à payer à Madame H... en cause d'appel la somme de 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties du surplus des demandes,

LAISSE les dépens à la charge de la société AEROPORTS DE PARIS.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 17/00883
Date de la décision : 19/02/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°17/00883 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-19;17.00883 ?
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