Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 18 FÉVRIER 2019
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/19840 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4K7Q
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Septembre 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/12301
APPELANT
Monsieur [Y] [K]
Demeurant [Adresse 8]
[Adresse 8]
né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 4]
Représenté par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055
Représenté par Me Frédéric DE BAETS, avocat au barreau de NICE
INTIME
LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS
Pôle Fiscal Parisien 1, Pôle Juridictionnel Judiciaire
Ayant ses bureaux [Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Décembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 25 novembre 2013, Monsieur [Y] [K] a fait l'objet de la part de la direction nationale des vérifications de situations fiscales, sur le fondement de l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales, d'une demande d'informations et de justifications relative à l'origine et aux modalités d'acquisition d'avoirs figurant sur des comptes ouverts en Suisse dans les livres de la société HSBC au nom d'une société Penfield Limited pour un montant de 4 423 362 dollars des Etats~Unis en mai 2006.
Les éléments fondant cette demande étaient issus d'une procédure d'information judiciaire suivie au tribunal de grande instance de Nice à la suite de la plainte déposée par l'administration fiscale le 14 décembre 2010 et de l'information judiciaire au terme de laquelle [Y] [K] était renvoyé devant le tribunal correctionnel de Nice par ordonnance en date du 30 octobre 2015, notamment pour s'être, au titre des années fiscales 2006 à 2009, frauduleusement soustrait a l'établissement ou au payement des impôts sur le revenu en dissimulant volontairement une part des sommes sujettes à l'impôt, en l'espèce notamment en déposant ses fonds sur des comptes bancaires étrangers non déclarés, faits prévus et reprimés par les articles 1741, 1742 et 1750 du code général des impôts.
Après l'envoi d'une mise en demeure du 3 février 2014, estimant que les réponses fournies par [Y] [K] à sa demande d'informations et de justifications étaient insuffisantes, l'administration fiscale a mis en oeuvre la procédure de taxation d'office prévue par l'article L. 71 du livre des procédures fiscales. Elle a tenu pour établi qu'[Y] [K] était titulaire de comptes bancaires détenus directement dès 2003, puis, à partir de 2005, par l'intermédiaire de la société Penfield Limited.
Par une proposition de rectification du 16 avril 2014, elle a taxé ces avoirs aux droits de mutation à titre gratuit sur la valeur connue la plus élevée de ceux figurant dans les comptes au cours des dix années précédant l'envoi de la demande d'informations ou de justifications, soit un rappel en droits de 2 078 334 euros non assorti de l'intérêt de retard.
Par courrier du 26 mai 2014 en réponse aux observations formulées par [Y] [K] les 29 avril, 15 et 20 mai 2014, l'administration a maintenu les rectifications proposées.
Les droits rappelés ont été mis en recouvrement le 9 juillet 2014.
La réclamation contentieuse formée par Monsieur [Y] [K] le 2 septembre 2014 a été rejetée par l'administration fiscale par décision du 21 juillet 2015.
Par exploit d'huissier du 19 août 2015, Monsieur [K] a assigné l'administration fiscale devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de dégrevement
Par jugement du 13 septembre 2017, le tribunal de grande instance de Paris a débouté Monsieur [Y] [K] de ses demandes et l'a condamné aux entiers dépens.
Monsieur [Y] [K] a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions signifiées le 23 novembre 2018, M. [K] demande à la cour de constater que l'administration fiscale fonde son redressement sur des preuves fabriquées à partir de documents volés ; qu'elle ne rapporte pas la preuve de la détention par [Y] [K] d'avoirs détenus ou utilisés à l'étranger ; de constater la déloyauté de l'administration fiscale dans l'administration de la preuve fondant son argumentaire et, en conséquence, de réformer le jugement rendu entrepris.
Il demande à la cour de le recevoir en son appel de déclarer non fondé en totalité l'avis de mise en recouvrement pour un montant de 2 078 334 euros au titre des droits d'enregistrement-donation faisant suite à la proposition de rectification du 16 avril 2014 et de prononcer la décharge de l'imposition et des pénalités contestées à son encontre.
Il sollicite la condamnation de l'Etat à payer à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions signifiées le 22 mai 2018, le directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris demande à la cour de débouter M. [K] de toutes ses demandes et de confirmer le jugement entrepris et de condamner M. [K] en tous les dépens de première instance et d'appel et verser à l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE,
Sur l'absence de réponse aux observations du contribuable
M. [K] prétend que l'administration n'a pas respecté l'article L.57 du livre des procédures fiscales en répondant de manière générale, sans jamais prendre en considération, ni les motifs, ni les faits qui lui étaient exposés ; qu'elle a répondu par des 'copier/coller' et que le rejet des observations du contribuable n'est pas motivé en violation de l'article L.57 du livre des procédures fiscales. Il soutient qu'il n'aurait pas dû faire l'objet de la procédure de taxation d'office de l'article L.71 du livre des procédures fiscales puisqu'il avait répondu de manière détaillée et systématique aux observations de l'administration.
L'administration fiscale réplique que les réponses fournies par M. [K] étaient insuffisantes ; qu'aucun élément pertinent et précis n'a permis d'expliquer les informations transmises par les services de polices et qu'en tout état de cause, elle a répondu aux explications fournies par M. [K] ; que la mise en oeuvre de l'article L. 71 était légitime.
Ceci étant exposé, l'administration fiscale a, le 25 novembre 2013, adressé à M. [K] une demande d'informations et de justifications sur des avoirs détenus ou utilisés à l'étranger et non déclarés, conformément aux dispositions de l'article 23 du livre des procédures fiscales ; que suite aux réponses faites par M. [K] à cette demande et à la mise en demeure du 3 février 2012, l'administration qui a considéré que M. [K] n'avait fourni aucun élément susceptible d'expliquer les informations précises et vérifiées par les services de police détenues par la banque HSBC Private Bank, a légitimement recouru à la procédure de taxation d'office prévue à l'article L 71 du livre des procédures fiscales qui précise qu'en cas d'absence de réponse ou à défaut de réponse suffisante aux demandes d'informations ou de justifications de l'administration fiscale, la personne est taxée d'office dans les conditions prévues à l'article 755 du code général des impôts.
En tout état de cause, la proposition de rectification du 16 avril 2014 et la décision de rejet du 21 juillet 2015 répond aux exigences de motivation de l'article 57 du livre des procédures fiscales dès lors qu'elles contiennent clairement la nature du redressement envisagé, le montant de celui-ci et des motifs suffisamment explicites pour permettre au contribuable d'engager une discussion contradictoire avec l'administration et présenter utilement ses observations ce que M. [K] a fait, l'administration y ayant réponse de manière motivée.
La cour confirmera le jugement entrepris en ce qu'il a écarté le moyen tiré de l'absence de réponse aux observations du contribuable.
Sur le fond
M. [K] prétend que l'administration ne peut fonder ses rehaussements sur les fichiers informatiques de la banque HSBC, notamment sur les pièces cotées D28 à D30, ces documents ayant une origine indéterminée. Elle fait valoir que les témoignages de [H] [F] qui a affirmé avoir volé les fichiers, sont contradictoires et donc peu fiables et que les procédures d'impositions fondées sur des éléments obtenus de façon illicite comme le vol, sont nulles.
Il soutient que les pièces de la procédure D28, D29 et D 30 constituent un montage informatique élaboré par l'administration avec la coopération de M. [F] ; que cette affirmation est basée sur le contenu de certains procès-verbaux d'audition de M. [F], indiquant qu'il a coopéré avec l'administration ; qu'aucune partie au procès ne peut fabriquer ou forger ses propres preuves et ensuite s'en prévaloir : que ces preuves sont donc irrecevables ; que l'administration a eu connaissance de la substance des fichiers HSBC 10 mois avant la perquisition de M. [F] ; que la perquisition n'a été qu'un prétexte afin de pouvoir exploiter les fichiers et que l'administration fiscale a violé le principe de de loyauté en affirmant que les pièces étaient issues d'une communication fondée sur l'article L 101 du livre des procédures fiscales et ainsi que cela ressort des procès-verbaux d'auditions de M. [F] et des déclarations du procureur de la république.
Il fait valoir que la société Penfield Limited a été dissoute en 2003, ce qui empêche matériellement qu'elle puisse ouvrir en 2005 un compte au profit de M. [K], argument dont n'a pas tenu compte l'administration ce qui prouve sa mauvaise foi.
M. [K] suppose que son nom est mentionné sur ces fichiers HSBC Suisse, à la suite du transfert des données à caractère personnel des clients de HSBC France, en dehors de l'Union Européenne ; ce transfert de données faisant suite à une autorisation de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL).
M. [K] prétend que l'administration n'a pas rapporté la preuve que son train de vie était sans proportion avec ses revenus et son patrimoine, en utilisant des éléments objectifs et recevables.
Il fait valoir que la somme de 471 francs suisses n'implique pas la détention illégale de fonds à l'étranger ; que son voyage en Polynésie française est issu de fonds provenant d'un compte ouvert à la Caisse d'Epargne en France ; qu'il a réglé ses différentes factures (comme l'achat de pneus) par de l'argent en liquide, provenant de plusieurs comptes bancaires français et de deux héritages qu'il n'a pas déclarés.
L'administration objecte que les fichiers HSBC ont été transmis à l'administration fiscale les 9 juillet 2009, 2 septembre 2009 et 12 janvier 2010 par le procureur de la république du tribunal de grande instance de Nice, sur le fondement de l'article L 101 du livre des procédures fiscales ; que la Cour de cassation a admis dans des arrêts du 27 novembre 2013 et 28 septembre 2016 que des redressements pouvaient être fondées sur ces fichiers HSBC : qu'un rapport de la commission des finances a conclu à la recevabilité des preuves apportées par les fichiers HSBC à la suite d'une exploitation matérielle des données par l'administration ; que les pièces cotées D28 à D30 sont donc recevables.
Elle ajoute que les fichiers HSBC ont permis de démontrer que M. [K] était associé au fonctionnement de deux comptes bancaires, ouverts dans la banque HSBC, sous la dénomination Penfield Limited, notamment grâce aux informations détenues par HSBC concernant M. [K], et les nombreux intermédiaires bancaires avec lesquelles il avait échangé : que concernant la prétendue dissolution de la société Penfield Limited en 2003, le document versé aux débat ne permet pas d'identifier les personnes associés et donc de certifier qu'il s'agit bien de la même société qui a ouvert le compte ; que la société n'a pas encore fait l'objet d'une liquidation judiciaire et bénéficie toujours de la personnalité morale ; que la présence du nom de M. [K] dans les données à caractère personnel des clients HSBC Suisse démontre son implication dans la mesure ou les transferts autorisés par la CNIL sont entourés de garanties, comme les clauses contractuelles types, garantissant un niveau de protection élevée et qu'il est peu probable que le nom de M. [K] apparaisse sur un fichier Suisse, à la suite d'un transfert en dehors de l'Union européenne d'un fichier français.
L'administration fiscale souligne, qu'à l'exception du voyage en Polynésie française, de nombreux éléments laissent à penser que le train de vie de M. [K] est financé par des sommes provenant de l'étranger ; qu'il a réglé de nombreuses dépenses de plusieurs milliers d'euros, alors que l'activité de retrait d'argent sur son compte bancaire est faible ; que la perquisition menée à son domicile a permis de trouver la somme de 471 francs suisses, alors que l'ensemble de ses comptes bancaires analysés de 2006 à juin 2012 ne fait pas apparaître d'opérations de changes à l'étranger.
Ceci étant, il n'est pas contesté que les données informatiques versées au soutien de la plainte de l'administration fiscale contre M. [K] dont des extraits ont été transmis à l'appui de la proposition de rectification avaient été dérobées par M. [F], ancien informaticien salarié de la filiale suisse de la banque HSBC. Ces pièces ont été obtenues par la perquisition légalement effectuée au domicile de M. [F] à [Localité 9] le 20 janvier 2009 dans le cadre de l'exécution d'une commission rogatoire internationale délivrée à l'initiative des autorités judiciaires helvétiques et ont fait l'objet d'une communication régulière à l'administration fiscale les 09 juillet 2009, 02 septembre 2009 et 12 janvier 2010, conformément aux dispositions des articles L 101 et L 135 du livre des procédures fiscales. Il n'est d'ailleurs pas établi que l'administration fiscale aurait confectionné les pièces litigieuses ni participé directement ou indirectement à la leur production, le rapprochement et le décryptage des données informatiques ne pouvant s'analyser comme une confection d'éléments de preuve par une autorité publique. Ces données ne peuvent donc pas constituer des preuves illicites.
En tout état de cause, les propositions de rectification de l'administration fiscale sont fondées non seulement sur les documents qui lui ont été transmis par l'autorité judiciaire provenant d'une perquisition régulièrement effectuée mais aussi sur les éléments tirés de l'enquête pénale pour fraude fiscale diligentée à l'encontre de M. [K], notamment sur les éléments saisis lors de la perquisition régulièrement effectuée à son domicile ainsi que sur ses propres déclarations et d'autres mis en examen, et dont la régularité n'a pas été mise en cause ;
C'est pas des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a jugé que les pièces D 28 et D30 révélaient que M. [K] était avec son épouse lié au profil de client Delanvin 22 ouvert le 21 janvier 2003 et clos le 18 avril 2005 ; qu'il a été également associé à partir du 10 mars 2005 au fonctionnement de deux comptes bancaires ouverts dans les livres de la banque HSBC sis à [Localité 6] sous la dénomination Penfield Limited ; que la société Aforge Capital Management sis à [Localité 6] était elle-même liée aux profils de client Delavin 22 et Penfield Limited, disposant d'un pouvoir d'administration illimité sur les comptes ; que ces renseignements sont corroborés par les élements de l'enquête pénale ; qu'a été confirmée l'exactitude des renseignements personnels détenus par la banque HSBC Private Bank (numéros de carte d'identité et de passeport) ; que si la CNIL a autorisé la société HSBC France à transférer des données à caractère personnel hors de l'Union européenne, la Suisse ne fait pas partie des pays vers lesquel de tels transferts ont été autorisés ; que M. [K] en produit pas d'attestion de la banque précisant qu'il n'y aurait ouvert aucun compte ; que M. [K] ne justifie pas, par la en langue étrangère qu'il produit, que la société Penfield Limited aurait été radiée.
Enfin, la proposition de rectification fait état de nombreux paiements en liquide euros non reliés aux mouvements d'espèces des comptes bancaires du ménage et d'une somme de 471,90 francs suisses retrouvé à son domicile alors qu'aucune opération de change ni aucun retrait à l'étranger n'a été réalisée entre 2006 et juin 2012, ce qui confirme l'existence de comptes ouverts à l'étranger ; que M. [K] n'établit pas l'existence en France de comptes bancaires inconnus de l'administration qu'ils utiliserait pour leurs dépenses quotidiennes ; qu'il n' a souscrit aucune déclaration de don manuel d'un montant de 50 000 euros.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a estimé que l'ensemble de ces éléments corroborent les renseignements repris dans la synthèse individuelle portant le numéro de personne 5090169832 et qu'était établie l'existence d'avoir détenus à l'étranger dans les livres de la banque HSBC sise à [Localité 6] et débouté M. [K] de ses prétentions tendant à la décharge de l'imposition mise à sa charge.
M. [K] succombant en son appel sera condamné aux dépens de la présente procédure et débouté de sa demande d'indemnité de procédure. Il sera condamné, sur ce même fondement, à payer à l'administration fiscale, la somme de 3 000 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 13 septembre 2017 en toutes ses dispositions ;
CONDAMNE Monsieur [Y] [K] aux dépens d'appel ;
DEBOUTE Monsieur [Y] [K] de sa demande d'indemnité de procédure ;
CONDAMNE Monsieur [Y] [K] à payer à Monsieur le directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris, la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS