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14/02/2019 | FRANCE | N°18/19356

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 3, 14 février 2019, 18/19356


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 3



ARRÊT DU 14 FEVRIER 2019



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/19356 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6HMQ





Sur renvoi après cassation partielle, selon l'arrêt rendu le 14 juin 2018 par la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation (pourvois n° R17-13.422 et X17-15.498), de l'arrêt rendu le 12 janvier 2017 par le pô

le 4 chambre 3 de la cour d'appel de Paris (RG 15/17010) sur appel d'un jugement rendu le 27 octobre 2011 5ème chambre 2ème section par le Tribunal de g...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 3

ARRÊT DU 14 FEVRIER 2019

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/19356 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6HMQ

Sur renvoi après cassation partielle, selon l'arrêt rendu le 14 juin 2018 par la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation (pourvois n° R17-13.422 et X17-15.498), de l'arrêt rendu le 12 janvier 2017 par le pôle 4 chambre 3 de la cour d'appel de Paris (RG 15/17010) sur appel d'un jugement rendu le 27 octobre 2011 5ème chambre 2ème section par le Tribunal de grande instance de Paris (RG 07/11396)

DEMANDERESSE À LA SAISINE

Organisme CAISSE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DES NOTAIRES Organisme pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Laurent DELVOLVE de l'AARPI Delvolvé Poniatowski Suay Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : C0542

DEFENDEURS À LA SAISINE

Maître [F] [R] [C]

Né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

SCP [R]

SIRET : [R]6

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentés et ayant pour avocat plaidant Me Gilbert ABOUKRAT de la SELEURL ABOUKRAT CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0470

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Décembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Daniel FARINA, Président, Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Daniel FARINA, Président

Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère

Mme Marie MONGIN, Conseillère, en application de l'ordonnance de Madame La Première Présidente de la Cour d'Appel de PARIS, en date du 07 janvier 2019.

Greffier, lors des débats : Mme Viviane REA

ARRÊT : Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Daniel FARINA, Président et par Viviane REA, Greffière présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique reçu par Maître [J] [J], notaire à Paris, en date des 21 et 28 juillet 1994, intitulé ' bail professionnel', la Caisse de Retraite des Notaires a donné à bail à la SCP [Q] [I] et [O] [D], notaires associés, ainsi qu'à Maître [I] [C], notaire, intervenant en qualité de futur associé de la SCP sus-dénommée, des locaux situés à [Adresse 1], ainsi que deux caves et quatre parkings pour une durée de douze années à compter du 1er janvier 1995 expirant le 31 décembre 2006, moyennant un loyer trimestriel de 450 000 euros.

L'acte précisait que les lieux étaient destinés à l'exercice de l'activité professionnelle de notaire et que le preneur, qui était informé que les lieux étaient jusqu'alors à usage d'habitation, acceptait de faire son affaire de l'obtention des autorisations administratives nécessaires à son installation.

Par acte d'huissier en date du 23 juin 2006, la Caisse de Retraite des Notaires a fait délivrer congé à la SCP [I] [C], notaire associé, titulaire d'un office notarial, à titre personnel et en sa qualité de successeur de la SCP [Q] [I] et [O] [D], notaires associés, à Maître [I] [C], notaire, ainsi qu'à la SCP [Q] [I] et [O] [D], en leur qualité de cosignataires du bail, pour le 31 décembre 2006, terme du bail. Les lieux ont été restitués le 31 décembre 2008.

Soutenant que le bail était en contravention avec les dispositions de l'article L 631-7 du Code de la construction et de l'habitation, Monsieur [I] [C] a fait assigner la Caisse de Retraite des Notaires devant le tribunal de grande instance de Paris, par acte d'huissier en date du 6 août 2007, aux fins de solliciter l'annulation du bail et d'obtenir avec exécution provisoire la condamnation de la Caisse de Retraite des Notaires à lui payer les sommes à parfaire de :

- 1.353.241,34 € au titre de la restitution des loyers et travaux

- 30.000 € au titre du déménagement

- 1.196 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

A titre reconventionnel et dans le dernier état de ses écritures, la Caisse de retraite des notaires a sollicité :

- la fixation à 1.077.722 € hors taxes et charges le montant de l'indemnité d'occupation due par référence à un bail d'habitation au prix du marché selon l'Olap pour la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 2008,

- qu'il soit jugé que Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G] sont conjointement et solidairement redevables envers elle de la somme de 30.079,92 € TTC au titre des charges non payées pour la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 2008,

- qu'il soit ordonné la compensation entre la somme due à la Caisse de retraite des notaires par Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G] au titre de l'occupation des lieux loués pour la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 2008 (1.077.722 € HT) et la somme réglée par la SCP [C] au titre du bail (860.327,94 € HT), soit un solde de 217.394 € HT (260.003,22 € TTC) augmentée des charges non payées pour la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 2008 (30.079,92 € TTC) soit 290.083,14 € TTC à son profit,

- en conséquence que Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G] soient condamnés conjointement et solidairement à lui payer après compensation une indemnité d'occupation pour la jouissance des locaux pendant 14 ans d'un montant de 290.083,14 € TTC couvrant la période du jour d'entrée des lieux au 31 décembre 2008.

Par acte d'huissier en date du 9 juin 2008, la Caisse de Retraite des Notaires a fait assigner Monsieur [J] [J] en garantie. Son successeur et héritier, Monsieur [Q] [J], a été appelé en cause.

Par jugement en date du 27 octobre 2011, le tribunal de grande instance de Paris a:

- débouté Monsieur [I] [C] et la SCP [I] [C], [S] [U] et [X] [G], notaires associés, de l'intégralité de leurs demandes,

- condamné in solidum Monsieur [I] [C] et la SCP [I] [C], [S] [U] et [X] [G], notaires associés, à régler à la Caisse de Retraite des Notaires la somme de 154 460, 54 euros TTC restant due au titre de l'indemnité d'occupation pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 et celle de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire, sauf en ce qui concerne les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum Monsieur [I] [C] et la SCP [I] [C], [S] [U] et [X] [G], notaires associés, aux dépens.

Monsieur [I] [C] et la SCP [I] [C], [S] [U] et [X] [G], notaires associés, ont interjeté appel de ladite décision le 23 novembre 2011.

Par arrêt en date du 28 janvier 2014, la cour d'appel de Paris, Pôle 4 - Chambre 4, a:

- confirmé en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 27 octobre 2011 par le

tribunal de grande instance de Paris,

Y ajoutant,

- débouté la Caisse de Retraite des Notaires de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamné in solidum Maître [I] [C] et la SCP [C] et Associés à payer à la Caisse de Retraite des Notaires la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum Maître [I] [C] et la SCP [C] et Associés à

payer à Maître [Q] [J] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article

700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum Maître [I] [C] et la SCP [C] et Associés aux dépens d'appel.

Par arrêt en date du 10 juin 2015, la cour de cassation a cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 janvier 2014, entre les parties, par la cour de Paris, remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Par arrêt en date du 12 janvier 2017, la cour d'appel de Paris, Pôle 4 chambre 3, a :

- infirmé le jugement attaqué en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- prononcé la nullité du bail des 21 et 28 juillet 1994 conclu entre la Caisse de Retraite des Notaires et la SCP [Q] [I] et [O] [D] et Maître [I] [C],

- constaté que la Cour n'est pas saisie de la demande des appelants en paiement des intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2003 sur le montant des loyers payés,

- condamné la Caisse de Retraite des Notaires à restituer à la SCP [C] et Associés la somme de 801 467,96 euros HT au titre des sommes versées à titre de loyers en exécution du bail annulé des 21 et 28 juillet 1994,

- condamné Maître [C] et la SCP [C] et Associés à payer à la Caisse de Retraite des Notaires la somme de 265 188,77 euros au titre de l'indemnité d'occupation dont elle est redevable pour la période comprise entre le 1er avril 2005 et jusqu'au 31décembre 2008,

- condamné Maître [C] et la SCP [C] et Associés à payer à la Caisse de Retraite des Notaires les charges afférentes à la période comprise entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2008 justifiées et non acquittées,

- ordonné la compensation entre les créances respectives des parties,

- condamné Maître [Q] [J], pris en sa qualité d'héritier de Maître [J] [J], à relever et garantir la Caisse de Retraite des Notaires de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre, en ce les condamnations prononcées au titre des dépens et des frais irrépétibles,

- débouté les parties de toutes autres ou plus amples demandes,

- condamné la Caisse de Retraite des Notaires à payer à la SCP [C] et Associés la somme de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Caisse de Retraite des Notaires aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel pouvant être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Sur pourvois de la Caisse de retraite des notaires et de Monsieur [Q] [J] et par arrêt en date du 14 juin 2018, la cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il condamne M. [C] et la SCP [P]-[G] à payer à la Caisse de retraite des notaires une indemnité d'occupation pour la seule période comprise entre le 1er avril 2005 et le 31 décembre 2008 et en ce qu'il condamne Monsieur [J] à garantir la Caisse de retraite des notaires des condamnations prononcées à son encontre, l'arrêt rendu le 12 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris et elle a remis, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

La Caisse de retraite des notaires a saisi la cour d'appel de renvoi par déclaration du 31 juillet 2018 pour statuer à l'encontre de Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G].

Au dispositif de ses conclusions n° 2 sur renvoi après cassation, notifiées par la voie électronique le 16 novembre 2018, la Caisse de retraite des notaires, demandeur reconventionnel à la procédure et intimée à l'appel interjeté contre le jugement en date du 27 octobre 2011 sollicite de la Cour qu'elle :

S'agissant des conséquences de la nullité du contrat de bail :

- Juge que la prescription quinquennale de l'ancien article 2277 du Code civil ne s'applique pas à la période couverte par l'indemnité d'occupation,

- Juge qu'en application de l'ancien article 1304 du Code civil, la prescription de l'action en demande de restitution de la contrepartie de la valeur de la jouissance des lieux n'a pas commencé à courir avant le prononcé de la nullité du bail, soit le 12 janvier 2017,

- Juge qu'elle a effectué une demande de paiement en justice de l'indemnité d'occupation pour la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 2008, soit la somme de 1.077.722 € HT et hors charge à l'encontre de Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G] en première instance dès le 16 novembre 2007, réitérée par conclusions récapitulatives 7 janvier 2011, soit antérieurement au commencement du cours de la prescription,

- Juge que Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G] sont conjointement et solidairement redevables d'une indemnité d'occupation pour la jouissance des lieux donnés à bail du 1er janvier 1995 au 31 décembre 2008, correspondant au prix des loyers d'habitation qu'ils auraient dû payer pour cette période,

- Juge que le montant de l'indemnité d'occupation due par Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G] doit être établi par référence à un bail d'habitation au prix du marché selon l'Olap, pour la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 2008, soit à la somme de 1.077.722 € HT et hors charges,

- Condamne Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G] à lui payer la somme de 1.077.722€ HT, outre les intérêts au taux légal à compter de la demande initiale en paiement de l'indemnité d'occupation le 16 novembre 2007 ;

S'agissant de l'article 700 du code de Procédure civile et des dépens :

- Condamne solidairement et conjointement Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G] et Monsieur [Q] [J] à lui payer la somme de 25.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction faite à Me Laurent Delvolvé.

Au dispositif de leurs conclusions responsives et récapitulatives n° 2 sur renvoi après cassation, notifiées par la voie électronique le 22 novembre 2018, Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G], sollicitent de la Cour qu'elle :

- Constate que les dispositions de l'article 2277 du Code civil sont applicables aux conséquences de la nullité du bail qui avait été consenti, incluant l'indemnité compensatrice d'occupation des locaux,

- Constate que les locaux ont été libérés le 31 décembre 2008 antérieurement à la période couverte par la prescription,

En conséquence,

- Dise et juge que la période au cours de laquelle l'indemnité compensatrice d'occupation des locaux ne pouvait être demandée que jusqu'au 12 janvier 2012 cette date étant postérieure de quatre années à la libération des locaux le 31 décembre 2008,

- Dise et juge que les locaux ayant été libérés le 31 décembre 2008 aucune demande concernant l'indemnité de jouissance des locaux se situant entre cette date et le 12 janvier 2012 ne le serait qu'à une période prescrite en vertu des dispositions de l'article 2277 du code civil,

- Condamne la Caisse de retraite des notaires à leur restituer la somme de 265 188,77 € qui avait été déduite des loyers qu'ils avaient réglés, augmentées des intérêts légaux calculés sur la période écoulée entre le 17 mars 2017 et la date de règlement de cette somme,

- Déboute la Caisse de retraite des notaires de toutes ses demandes fins et conclusions,

- Condamne la Caisse de retraite des notaires à leur payer la somme de 25.000 euros sur le fondement de l'article 700 dommages et intérêts Code de procédure civile,

- Condamne la Caisse de retraite des notaires aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Gilbert Aboukrat dans les conditions prévues par l'article 699 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture en date du 22 novembre 2018 a été révoquée le 13 décembre 2018 pour être prononcée le 20 décembre 2018 avant l'ouverture des débats.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur les limites de la saisine de la Cour de renvoi

Les parties s'accordent à dire que le différend les opposant toujours ne porte plus sur la nullité du bail définitivement tranchée ni sur le principe des restitutions réciproques résultant de l'effet rétroactif de cette nullité. Il est constaté par ailleurs qu'aucune des parties présentes n'a attrait Monsieur [Q] [J] à la cause.

En conséquence, il reste à la charge de la présente Cour de décider de l'éventuelle prescription de la demande de restitution du bailleur d'une part, de fixer l'ampleur de la restitution par le preneur de l'équivalent de sa jouissance en application du bail annulé d'autre part, ainsi que de trancher les conséquences financières de la solution qui sera retenue.

Sur la prescription alléguée de la demande reconventionnelle d'indemnité d'occupation formée par la Caisse de retraite des notaires en conséquence de la nullité du bail en date des 21 et 28 juillet 1994

Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G] sollicitent le rejet de la demande d'indemnité d'occupation comme étant prescrite pour la période antérieure au 12 janvier 2012.

Ils rappellent que c'est la nature de la créance qui commande l'application de l'article 2277 ancien du Code civil, en dépit du fait que le montant n'en soit pas encore déterminé et qu'il soit demandé de façon globale, comme le prouve une jurisprudence constante qu'ils citent ; ils font valoir que l'indemnité demandée ayant pour objet de compenser le loyer qui n'a pas été payé en contrepartie de l'occupation des lieux qui n'était plus justifiée par le titre annulé, elle relève bien de cette prescription.

Ils s'appuient sur les termes de l'arrêt de cassation en ce qu'il utilise d'adverbe 'avant' à ses motifs qui exposent 'en statuant ainsi, alors que la prescription de l'action en restitution de la contrepartie en valeur de la jouissance des lieux ne pouvait courir avant le prononcé de la nullité du bail, la cour d'appel a violé les textes susvisés', en l'espèce ' l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article 2277 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008" ;

Ils en tirent argument pour soutenir que la haute juridiction en faisant référence à l'article 2277 ancien du Code civil a voulu préciser la période et la durée de son application, de sorte qu'en l'espèce, la prescription de l'action en restitution de la contrepartie de la jouissance des lieux doit commencer à courir rétroactivement à compter du 12 janvier 2017, date d'annulation, et non pas de la demande en paiement comme l'a fait l'arrêt cassé.

A l'appui de sa demande, à l'origine subsidiaire, la Caisse de retraite des notaires fait valoir en substance que le contrat annulé étant remis en cause pour ce qui a été accompli, l'objectif est de rétablir les choses dans l'état où elles se trouvaient avant ledit contrat ; elle considère que le bailleur ayant restitué les loyers versés depuis l'origine du bail annulé, le preneur se doit de restituer le droit de jouissance qui lui avait été accordé sur le bien loué depuis la même date et que cette restitution ne peut avoir qu'un équivalent monétaire prenant la forme d'une indemnité d'occupation.

Elle expose que l'arrêt de cassation sanctionne la cour d'appel en ce qu'elle a limité l'indemnité d'occupation à la période comprise entre le 1er avril 2005 au 31 décembre 2008 par l'utilisation de l'adjectif 'seule' dans son dispositif qui est de casser l'arrêt 'en ce qu'il en ce qu'il condamne

M. [C] et la SCP [P]-[G] à payer à la Caisse de retraite des notaires une indemnité d'occupation pour la seule période comprise entre le 1er avril 2005 et le 31 décembre 2008" alors qu'elle doit être calculée sur la totalité de la durée du bail annulé, soit durant 14 ans à compter du 1er janvier 1995 ;

Elle souligne que les motifs de l'arrêt de cassation selon lesquels «les restitutions consécutives à une annulation ne relèvent pas de la répétition de l'indu, mais seulement des règles de nullité», commandent à la cour de renvoi de dire que l'application de la prescription de l'article 2277 ancien du Code civil est exclue au profit de celle de l'article 1304 ancien de ce code puisqu'il rappelle que la prescription de l'action en restitution de la contrepartie en valeur de la jouissance des lieux ne peut courir avant le prononcé de la nullité du bail.

En réponse aux arguments adverses tendant à l'application de la prescription quinquennale de l'article 2277 du Code civil à compter du 12 janvier 2012, eu égard à la nature de la créance, elle rétorque que sa demande n'est pas une demande en paiement mais en restitution, que la somme sollicitée n'a pas un caractère périodique mais global et indemnitaire, que le montant de cette créance n'est ni déterminé, ni liquide.

Cela étant exposé, il résulte des éléments de la procédure que la Caisse de retraite des notaires a sollicité paiement d'une indemnité d'occupation par conclusions notifiées le 16 novembre 2007 à titre principal pour les années 2007 et 2008 en suite du congé et à titre subsidiaire en cas d'annulation du bail pour les quatorze années d'occupation.

Sur ce, dans le cas où un contrat nul a été exécuté, les parties doivent être remises dans l'état où elles se trouvaient à la date de conclusion du contrat annulé (1ère Civ 4 avril 2001, Bull 103; 3ème Civ 11 juin 2002, Bull 163) ; lorsque cette remise en état se révèle impossible, la partie qui a bénéficié d'une prestation qu'elle ne peut restituer, comme la jouissance d'un bien loué dans le temps, doit s'acquitter du prix correspondant à cette prestation ; la restitution se fait en valeur par le versement d'une indemnité d'occupation correspondant à la valeur locative (3ème Civ 1er juillet 1987,Bull134; Ch. Mixte, 9 novembre 2007, Bull 10; 3ème Civ 24 juin 2009, Bull 155).

L'indemnité de restitution tenant compte par équivalent monétaire de la valeur de jouissance des lieux implique donc qu'elle corresponde à l'entière période de cette occupation, soit à compter du bail annulé, quelle qu'en soit la date.

C'est ce principe qu'a rappelé implicitement la troisième chambre de la cour de cassation au chapeau de son arrêt suivant lequel : 'les restitutions consécutives à une annulation ne relèvent pas de la répétition de l'indu mais seulement des règles de la nullité'.

La Cour de cassation a nécessairement exclu de donner à l'indemnité d'occupation sollicitée le caractère du loyer qui avait été fixé contractuellement puisque le paiement réclamé aurait alors été assimilable à une répétition de l'indu par équivalence, laquelle est soumise à l'application de la prescription de l'article 2277 dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 à compter de la date du paiement.

Elle a nécessairement exclu de considérer que l'indemnité d'occupation a un lien avec une quelconque faute du preneur à utiliser les lieux puisque son bail l'y autorisait, ce qui la différencie de l'indemnité d'occupation due par un ancien locataire se maintenant sans droit ni titre, à laquelle s'applique également la prescription quinquennale de l'article 2277 susvisé, à compter de la demande en paiement.

Les moyens de prescription tirés de l'application de ce texte en raison de la nature de la créance soulevés par Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G] seront rejetés.

L'article 1304 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, mentionné au visa de l'arrêt de cassation dispose que : 'Dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans. Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts..'.

Dans son arrêt la troisième chambre de la cour de cassation a dit que ' la prescription de l'action en restitution de la contrepartie en valeur de la jouissance des lieux ne pouvait courir avant le prononcé de la nullité du bail'.

Il en découle que la prescription quinquennale ne joue que pour l'avenir.

En conséquence, l'action en paiement de l'indemnité d'occupation formée par la Caisse de retraite des notaires à titre reconventionnel devant le Tribunal de grande instance, soit avant l'annulation du bail prononcée par arrêt définitif en date du 12 janvier 2017, n'est pas prescrite.

Le moyen d'irrecevabilité soutenu de ce chef par Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G] est rejeté.

Sur le montant de l'indemnité d'occupation

La Caisse de retraite des notaires sollicite pour les quatorze années d'occupation, paiement de la somme de 1.077.722 HT calculée par référence au prix du loyer d'un local à usage d'habitation selon estimation de l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne, en produisant un tableau comparatif du prix d'un local à usage professionnel, soit 1.633.771 HT selon contrat de ce type consenti pour une même surface dans le même immeuble, et du prix effectivement payé pendant le bail par Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G], soit 954.679,16 HT.

Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G] rappellent en page 12 de leurs écritures que la restitution de la jouissance se fait en valeur par le versement d'une indemnité d'occupation correspondant à la valeur locative qui n'est pas nécessairement celle fixée par le bail annulé et que tel est le cas dans la présente espèce où les locaux ont été loués à titre professionnel alors que leur destination était à usage d'habitation.

En page 18, ils exposent que cette indemnisation, lorsqu'elle est applicable, est calculée sur les valeurs locatives publiées par l'Olap pour la période indemnisable.

Sur ce, dès lors que le bail professionnel annulé portait de mention expresse sur un logement à usage d'habitation, il convient d'appliquer l'évaluation de la valeur locative au prix du loyer d'un logement de cette destination, telle que calculée par l'intimée, étant observé que les appelants ne soulèvent ni contestation, ni argumentation contraire autres que celle tirée de la prescription qui n'a pas été retenue précédemment.

Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G] seront condamnés à payer à la Caisse de retraite des notaires une indemnité de 1.077.722 HT au titre de l'indemnité d'occupation dont ils sont redevables pour la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 2008.

La Caisse de retraite des notaires sollicite que les intérêts de droit courent à compter de la demande en paiement du 16 novembre 2007. Cette demande d'anticipation du point de départ des intérêts complète la demande formulée devant le premier juge.

Le caractère indemnitaire de la condamnation commande que les intérêts courent à compter de l'arrêt qui la prononce.

Sur la demande de remboursement de la somme de 265.88,17 € formée par Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G]

En conséquence de la cassation partielle, Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G] sollicitent le remboursement de l'indemnité d'occupation qu'ils ont été condamnés à payer par l'arrêt en date du 12 janvier 2017 annulé en ce qu'il concernait la période du 1er avril 2005 au 31 décembre 2008.

La solution donnée au présent arrêt emporte le rejet de cette demande, la somme payée devant seulement s'imputer sur la condamnation plus importante présentement prononcée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité commande de condamner in solidum Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G] à payer à la Caisse de retraite des notaires la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter leur demande du même chef.

La demande de condamnation solidaire de Monsieur [Q] [J] formée par la Caisse de retraite des notaires au dispositif de ses conclusions et irrecevable, cette partie n'ayant pas été attraite par le demandeur à la saisine de la Cour de renvoi

En application de l'article 696 du code de procédure civile, Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G] seront condamnés in solidum aux dépens d'appel

PAR CES MOTIFS

La Cour statuantpubliquement,

Vu le jugement rendu le 27 octobre 2011 par le Tribunal de grande instance de Paris,

Vu l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 12 janvier 2017,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 14 juin 2018,

Sur la demande d'indemnité d'occupation restant à trancher

DÉBOUTE Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G] de leur exception d'irrecevabilité de l'action en paiement d'une indemnité d'occupation en contrepartie de la jouissance des lieux en suite de l'annulation du bail des 21 et 28 juillet 1994 ;

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G] à payer à la Caisse de retraite des notaires une indemnité d'occupation mais l'infirme au quantum ;

Statuant de nouveau de ce seul chef et y ajoutant,

CONDAMNE Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G] à payer à la Caisse de retraite des notaires la somme de 1.077.722 euros HT au titre de l'indemnité d'occupation consécutive à l'annulation du bail pour la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 2008 avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt ;

DÉBOUTE Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G] de leur demande de remboursement de la somme de 265.88,17 euros déjà versée de ce chef ;

DÉBOUTE Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G] de leur demande en paiement d'une indemnité de procédure ;

SE DÉCLARE non saisie de la demande en paiement d'une indemnité de procédure à l'encontre de Monsieur [Q] [J] non partie à cette procédure ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G] à verser à la Caisse de retraite des notaires la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [I] [C] et la SCP [P]-[G] aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Laurent Delvolvé, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 18/19356
Date de la décision : 14/02/2019

Références :

Cour d'appel de Paris G3, arrêt n°18/19356 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-14;18.19356 ?
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