Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRET DU 13 FEVRIER 2019
(n° , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/06660 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3I6T
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Avril 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F14/15746
APPELANTE
Société KARIN MODELS
[...]
Représentée par Me Roland X..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0310
INTIMÉ
Monsieur D...
[...]
Représenté par Me Antoine Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0463
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Décembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Bruno BLANC, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M. Bruno BLANC, président
Mme Soleine HUNTER-FALCK, conseillère
M. Olivier MANSION, conseiller
Greffière, lors des débats : Mme Clémentine VANHEE
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Bruno BLANC, Président et par Clémentine VANHEE, Greffière présente lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. Z... (le salarié) a été engagé le 2 mai 1983 par contrat à durée indéterminée en qualité de coursier par la société Karin models (l'employeur).
Il a été licencié le 24 juillet 2014 pour motif économique.
Estimant ce licenciement infondé, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes qui, par jugement du 7 avril 2017 a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur au paiement de diverses sommes.
L'employeur a interjeté appel le 2 mai 2017.
Il conclut à l'infirmation du jugement, sauf sur le rejet de la demande de dommages et intérêts pour défaut de formation et sollicite le remboursement des sommes versées en exécution dudit jugement, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du prononcé du présent arrêt, et paiement de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le salarié demande la confirmation du jugement sauf sur le paiement des sommes de :
- 76 896 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 5 000 € de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de formation,
- 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties échangées par RPVA les 13 et 14 novembre 2018.
MOTIFS :
Sur le licenciement :
Le salarié conteste son licenciement économique faute pour l'employeur de lui avoir adressé une lettre exposant les motifs économique du licenciement, ainsi qu'une violation de l'obligation de reclassement et de l'obligation de formation et d'adaptation, enfin, en soulignant l'absence de difficultés économiques.
Sur le premier point, il convient de relever que l'article L. 1233-15 du code du travail dispose que lorsque l'employeur décide de licencier un salarié pour motif économique, notamment pour un licenciement individuel, il lui notifie le licenciement par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre ne peut être expédiée moins de sept jours ouvrables à compter de la date prévue de l'entretien préalable de licenciement auquel le salarié a été convoqué.
Par ailleurs, l'employeur est tenu de proposer au salarié pour lequel il envisage un tel licenciement de proposer le bénéfice d'un contrat de sécurisation professionnelle et ce en application de la convention Unedic du 19 juillet 2011 agréée par arrêté du 6 octobre 2011.
Si à la date prévue pour l'envoi de la lettre de licenciement, le délai de réflexion de 21 jours dont dispose le salarié n'est pas expiré, l'employeur doit lui adresser une lettre recommandée avec avis de réception lui rappelant la date d'expiration de ce délai et précisant, qu'en cas de refus de ce contrat, cette lettre constituera la notification du licenciement.
Cependant, il a été jugé que la forme prise par l'information importe peu dès lors qu'elle est donnée en temps utile.
En l'espèce, il est établi que la lettre datée du 24 juillet 2014 (pièce n°15) fait état d'un motif économique à savoir la suppression du poste en raison de la transmission par voie électronique de tous les plis et ce à la demande des clients de l'agence et que cette lettre aurait été remise au salarié contre décharge.
Cet entretien a été précédé d'une convocation le 15 juillet 2014 (pièce n°14) indiquant que le salarié dispose d'un délai de 21 jours à compter du 1er septembre 2014 et donc expirant le 22 septembre 2014 pour faire connaître sa réponse à l'acceptation ou non d'un contrat de sécurisation professionnelle. Celui-ci a été accepté le 19 septembre 2014 (pièce n°7), d'où la lettre de l'employeur en prenant acte avec fixation de la date de la rupture et rappel de la priorité de réembauche (pièce n°22).
M. A... atteste que la lettre du 24 juillet a été remise en main propre au salarié contre décharge, même s'il n'a pas signé cette lettre ou une décharge distincte (pièces n°16 et 46).
Par lettre du 19 septembre 2014 (pièce n°6), l'employeur précise au salarié qu'aucune lettre de licenciement ne lui a été adressée, ce qui ne permet donc pas de retenir la lettre du 24 juillet 2014 comme lettre de notification de licenciement.
Cependant, même si l'employeur qualifie cette lettre de 'projet' délivrée 'à titre conservatoire', il justifie de sa remise par l'attestation précitée de Mme A....
Cette lettre, remise à l'issue de l'entretien préalable, vaut information suffisante sur le motif économique allégué et l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle a donc entraîné la rupture du contrat à l'expiration du délai de 21 jours.
Il en résulte que l'information donnée conduit à rejeter le moyen du salarié.
Sur le deuxième point, il incombe à l'employeur de démontrer qu'il a respecté l'obligation de reclassement prévue à l'article L. 1233-4 du code du travail.
L'employeur ne manque pas à l'exécution de cette l'obligation s'il justifie de l'absence de poste disponible, à l'époque du licenciement, dans l'entreprise, ou s'il y a lieu dans le groupe auquel elle appartient.
En l'espèce, il s'agit d'une société ne faisant pas partie d'un groupe et qui, au moment du licenciement, comportait 16 salariés (pièce n°43).
Il est établi par une note d'information (pièce n°11) remise en main propre le 16 juin 2014, corroboré par l'avis du 24 juin 2014 de M. B..., délégué du personnel consulté, qu'il n'y avait pas de poste disponible, même après formation (pièce n°12).
Sur le troisième point, le salarié se prévaut d'une violation par l'employeur de son obligation de formation et d'adaptation.
Cependant, dans le cas d'un licenciement pour motif économique, si l'employeur a l'obligation d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi, au besoin en leur assurant une formation complémentaire, il ne peut lui être imposé d'assurer la formation initiale qui leur fait défaut.
En l'espèce, l'employeur a pour activité sociale un agence de modèle et de mannequins et emploie, outre deux coursiers pour la livraison des books et documents, des mannequins et modèles ainsi que des bookers chargés de l'élaboration des books et portfolios, ainsi que des vidéos ou documents présentant les modèles.
Il en résulte que l'employeur ne pouvait se voir imposer une formation initiale sur l'élaboration des documents susvisés, de sorte que le manquement allégué n'est pas établi.
Sur le dernier point, il convient de relever que le motif économique est constitué lorsque des mutations technologiques entraînent la suppression de tout ou partie des tâches d'un salarié, même si la compétitivité de l'entreprise n'est pas menacée, s'agissant d'un motif économique autonome de licenciement.
L'employeur démontre que le nombre de livraisons par coursier a diminué de façon importante par un tableau récapitulatif du nombre de courses (pièce n°5), conforté par l'attestation de M. C... (pièce n°7), client, qui précise qu'il demande l'envoi des books et portfolios exclusivement par mails.
Par ailleurs, la mutation technologique par l'envoi de documents en pièces jointes par mail ou messages électroniques est une réalité dans les sociétés numériques.
Il en résulte que le licenciement pour motif économique est fondé ce qui implique l'infirmation du jugement et le rejet des demandes du salarié comme celle de remboursement sous astreinte des sommes versées au titre de l'exécution provisoire, l'infirmation du jugement suffisant à justifier ce remboursement.
Sur l'obligation de formation et d'adaptation de l'employeur :
L'employeur ne démontre pas avoir respecté son obligation résultant des dispositions de l'article L. 6321-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable et ce à partir de la date où cette obligation lui incombait.
Toutefois, le salarié ne prouve pas l'existence d'un préjudice présent ou futur, direct et certain résultant de ce manquement, dès lors que sont ignorées tant sa situation actuelle notamment quant au bénéfice d'une retraite que la poursuite éventuelle d'une activité professionnelle par l'intermédiaire d'une société Travel bag qu'il a créée en 2011 (pièce n°42), de sorte que sa demande sera rejetée et le jugement confirmé.
Sur les autres demandes :
Les demandes formées au visa de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
Le salarié supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :
- Confirme le jugement du 7 avril 2017 uniquement en ce qu'il rejette la demande de M. Z... en paiement de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation d'adaptation et de formation ;
- L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau sur les autres chefs :
- Rejette les demandes de M. Z... ;
Y ajoutant :
- Rejette les autres demandes ;
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
- Condamne M. Z... aux dépens de première instance et d'appel ;
LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT