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05/02/2019 | FRANCE | N°17/11451

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 05 février 2019, 17/11451


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE


délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 2 - Chambre 1





ARRET DU 05 FEVRIER 2019





(n° 54 , 13 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/11451 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3PMA





Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Avril 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/14789





APPELANTE




>SNC FINANCIERE DE L'ETOILE prise en la personne de son gérant


[...]





Représentée par Me Patricia X... de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056


Ayant pour avocat pla...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 05 FEVRIER 2019

(n° 54 , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/11451 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3PMA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Avril 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/14789

APPELANTE

SNC FINANCIERE DE L'ETOILE prise en la personne de son gérant

[...]

Représentée par Me Patricia X... de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Ayant pour avocat plaidant Me Patricia M... , avocat au barreau de TOULOUSE,

INTIMES

Maître K... Y...

[...]

né le [...] à REIMS (51)

SCP GILLES OURY - L... Z... - K... Y... - JEAN - A... G...

[...]

N° SIRET : 784 350 035

Représenté par Me Thomas B... de la SCP B... & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0499

Ayant pour avocat plaidant Me Stéphanie C... de la SCP B... & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0499

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Novembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

M. Christian HOURS, Président de chambre

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

Mme Anne de LACAUSSADE, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Christian HOURS dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Nadyra MOUNIEN

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Christian HOURS, Président de chambre et par Lydie SUEUR, Greffière présent lors du prononcé.

*****

Par arrêté en date du 28 mars 2007, le Magasin aux vivres de l'arsenal royal de [...] (Charente Maritime), vaste corps de bâtiments classés aux monuments historiques, commandé par le roi Louis XIV à l'architecte Le Vau, a été inscrit en totalité au titre des monuments historiques, bâtiments et sol des parcelles BI 0038 et BI 0132, quai aux vivres, sur lesquelles il se situe.

Le 8 janvier 2009, un projet de réhabilitation, d'agrandissement et de transformation du Magasin aux vivres en résidence hôtelière avec spa, restaurant et pub, logements résidentiels, espaces collectifs (cour et parking souterrains) et casino, le tout pour une surface hors oeuvre nette totale (SHON) de 9555 m², a été autorisé par un arrêté portant permis de construire (ou permis initial), délivré par la ville de [...], sous le numéro PC 017299 0800024.

Un état descriptif de division (EDD), faisant référence à un projet architectural, a été dressé, tandis que la réhabilitation de l'édifice était pensée par corps de bâtiments dénommés A, C, D, F et G d'une part et bloc E, salles de séminaires et restaurant, d'autre part.

Par deux arrêtés des 29 janvier (PC 017299 0800024/01) et 9 février 2009 (PC 017299 0800024/02), le permis de construire a fait l'objet de modifications et rectifications de forme.

Par arrêté du 18 décembre 2009, le préfet de Charente-Maritime a déclaré d'utilité publique les travaux de réhabilitation d'une partie du Magasin aux vivres de [...] (les bâtiments A, C, D, F et G).

Par décision du 25 janvier 2010, le ministre du budget a délivré l'agrément prévu à l'article 156 bis du code général des impôts à l'opération de division de l'immeuble constituant le commissariat aux vivres de la ville de [...].

Le permis de construire a fait l'objet d'une prorogation, suivant arrêté du 22 novembre 2011.

Un compromis de vente, sous conditions suspensives, a été régularisé les 12 et 13 septembre 2011 entre les sociétés Serigny et les Bords de Charente, venderesses et la SNC Financière de l'Etoile, acquéreuse, la date de réitération de l'acte étant fixée au plus tard le 30 novembre 2011.

Avant la signature de cet acte, les sociétés Serigny et les Bords de Charente avaient autorisé la SNC Financière de l'Etoile à demander à la municipalité de [...] de lui transférer le permis de construire concernant cet ensemble immobilier.

Par acte sous-seing privé du même jour, la SNC Financière de l'Etoile s'engageait à demander l'annulation de ce transfert de permis de construire si la signature de l'acte authentique n'intervenait pas avant le 30 novembre 2011.

Le permis de construire a fait l'objet d'un transfert partiel au bénéfice de la Société financière de l'Etoile, laquelle devenait bénéficiaire du permis initial et des droits à construire y afférents pour les seuls bâtiments ou blocs A, C, D, F et G.

Ce transfert partiel et la prorogation du permis de construire initial ont été ensuite confirmés par deux arrêtés en date du 22 novembre 2011, délivrés aux deux bénéficiaires du permis, soit la Société Financière de l'Etoile d'une part (arrêté PC 017299 0800024/T2) et les sociétés les Bords de Charente et Sérigny, d'autre part, (arrêté PC 017299 0800024/M1 pour le bloc E, les salles de séminaires et restaurant).

Compte tenu de l'absence de l'acquéreur au rendez-vous de signature fixé le 30 novembre 2011, sommation d'avoir à se présenter, le 8 décembre 2011, en l'étude de Me E..., notaire à Niort, lui a été délivrée, qui a débouché sur un procès-verbal de carence, F..., gérant de la société Financière de l'étoile, s'étant présenté mais ayant refusé de réitérer l'acte de vente.

Les sociétés Serigny et les Bords de Charente ont, le 13 avril 2012, fait assigner d'heure à heure la société Financière de l'Etoile et M. F..., gérant, devant le juge des référés du tribunal de commerce de La Rochelle pour qu'il enjoigne sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la signification de l'ordonnance, à la société Financière de l'Etoile prise en la personne de M. F... d'avoir à signer la demande de transfert de permis de construire du 18 janvier 2012 et d'opérer toutes démarches utiles aux fins d'opérer transfert du permis de construire à leur profit.

Par ordonnance du 18 avril 2012, le juge des référés du tribunal de commerce de La Rochelle a, pour l'essentiel, reçu les sociétés Serigny et les Bords de Charente en leurs demandes et enjoint sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance, la société Financière de l'Etoile prise en la personne de M. Pascal F... d'avoir à signer la demande de transfert de permis de construire du 18 janvier 2012 et d'opérer toutes démarches utiles aux fins d'opérer transfert du permis de construire n°0l72990800024 au profit des sociétés Serigny et les Bords de Charente.

Par arrêt du l2 avril 2013, la cour d'appel de Poitiers a déclaré irrecevable l'appel interjeté par la société Financière de l'Etoile contre cette ordonnance.

Par ordonnance de référé du 13 septembre 2012, le président du tribunal de commerce de La Rochelle a essentiellement condamné la société Financière de l'Etoile au paiement de la liquidation de l'astreinte prononcée le 18 avril 2012 et fixée à 1000 euros par jour de retard, calculée à compter du 18 avril 2012 et actualisée au jour de la présente ordonnance et l'a enjointe sous une nouvelle astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance, d'avoir à signer la demande de transfert de permis de construire du 18 janvier 2012 et d'opérer toutes démarches utiles aux fins d'opérer transfert du permis de construire n°0l72990800024 au profit des sociétés Serigny et les Bords de Charente, se réservant le droit de liquider cette nouvelle astreinte à titre provisoire.

Par arrêt du 16 septembre 2014, la cour d'appel de Poitiers a confirmé cette ordonnance du 13 septembre 2012, sauf en ce qu'elle avait enjoint, sous une nouvelle astreinte de 1000 euros par jour de retard, la SNC Financière de l'Etoile d'avoir à signer la demande de transfert de permis de construire et opérer toutes démarches aux fins du transfert de permis, estimant à cet égard que la lettre du maire de [...] du 08 novembre 2012 mettait nécessairement fin au litige, puisqu'il en découlait que les sociétés Serigny et les Bords de Charente étaient restées titulaires du permis de construire.

Les sociétés venderesses ont par ailleurs fait sommation à la SNC Financière de l'Etoile de leur verser la somme de 440 000 euros correspondant au montant de la clause pénale stipulée au compromis de vente en cas de défaillance de l'acquéreur.

Par jugement du 10 juin 2014, les sociétés venderesses ont été déboutées de leur demande afférentes à l'acquisition à leur profit de la clause pénale, le tribunal de grande instance de la Rochelle ayant considéré qu'elles devaient être privées de toutes prétentions à ce titre dans la mesure où elles n'avaient pas fourni de garantie sur la réalisation des parkings.

Dès le 1er mars 2013, Me K... Y..., notaire [...] , associée de la SCP Gilles Oury, L... Z..., K... Y... et Jean-François G..., a reçu l'acte authentique de vente, au prix de 6 350 000 euros, par les sociétés Serigny, les Bords de Charente, les [...], [...] et les Quais aux Vivres, d'une part, à la société Magasin aux vivres, d'autre part, des lots dont elles étaient propriétaires constituant l'ancien Magasin aux vivres de l'arsenal royal de [...], composé de sept bâtiments.

Le vendeur s'obligeait à effectuer, dès après la signature, les formalités de transfert de permis de construire, de sorte que l'acquéreur se trouve titulaire de l'autorisation sans délai.

Il s'obligeait à transférer également à l'acquéreur le bénéfice du permis de construire modificatif en cours d'instruction, suivant demande du 7 janvier 2013, établi conjointement avec l'acquéreur et déposé en mairie, ayant donné lieu à un récépissé en date du 8 janvier 2013.

Par arrêté du 23 juillet 2013, la commune de [...] a transféré à la société Magasin aux vivres le permis modificatif du 10 avril 2013 visant à réhabiliter, agrandir et transformer des bâtiments sis Quai aux vivres, en vue de la création de 249 logements et d'un restaurant-pub.

Par jugement du 23 mars 2016, le tribunal administratif, sur la demande de la société Financière de l'Etoile en annulation de cet arrêté, a considéré que le permis de construire délivré initialement le 8 janvier 2009, puis prorogé pour ses deux parties respectives par les arrêtés du 22 novembre 2011, avait, en l'absence de travaux suffisants, perdu sa validité le 8 janvier 2013 et que, dès lors, il n'y avait pas lieu de se prononcer sur la légalité de l'arrêté du 23 juillet 2013 portant transfert de ce permis au bénéfice de la société Magasins aux vivres, ainsi que de la décision portant rejet implicite du recours gracieux formé le 19 septembre 2013.

Sur appel de la société Financière de l'Etoile contre cette décision dont elle demandait l'annulation, ainsi que la condamnation de la commune de [...] à lui verser 10000 000 euros, la cour administrative d'appel de Bordeaux, par arrêt du 5 juillet 2018, a estimé que, à supposer les arrêtés des 10 avril et 23 juillet 2013 et celui du 10 novembre 2014 illégaux, la circonstance que la vente du terrain d'assiette du projet a été consentie le 1er mars 2013 à la société Magasins aux vivres à un prix qui tiendrait compte des autorisations d'urbanisme existantes ne constitue pas, pour l'appelante, qui n'a jamais été propriétaire du terrain d'assiette du projet, un préjudice en lien avec les illégalités alléguées qu'aurait commises la commune, lesquelles sont de plus postérieures à la vente. Elle a considéré que les pertes de bénéfices ou le manque à gagner dont faisait état la société Financière de l'Etoile n'était qu'éventuelle et a jugé que les requêtes de l'appelante devaient être rejetées.

Dès le 8 octobre 2014, la SNC Financière de l'Etoile avait fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris Me Y... et la SCP de notaires à laquelle elle appartient, afin de rechercher sa responsabilité civile professionnelle en tant que rédacteur de l'acte de vente du 1er mars 2013, cet acte ayant selon elle été passé en fraude de ses droits dans la mesure où elle indiquait avoir été titulaire d'un « droit de construire» et en indemnisation.

Par jugement du 26 avril 2017, le tribunal de grande instance de Paris :

- a déclaré recevable l'action engagée par la société Financière de l'Etoile à l'encontre de Me K... Y... et de la SCP Oury Z... Y... G... ;

- a débouté ladite société de l'ensemble de ses demandes ;

- l'a condamnée à payer à Me K... Y... et à la SCP Oury Z... Y... G... la somme de 3500 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- l'a condamnée aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- l'a condamnée à payer à Me K... Y... et à la SCP Oury Z... Y... G... la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- a ordonné l'exécution provisoire de la décision.

La société Financière de l'Etoile, qui a interjeté appel de cette décision, demande à la cour, aux termes de ses dernières conclusions du 22 octobre 2018 :

- de constater qu'en sa qualité de bénéficiaire du PC n°0172990800024/T2, tiers lésé non appelée à l'acte, elle est recevable et bien fondée en ses prétentions ; en conséquence, de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il admet sa recevabilité à agir en responsabilité à l'encontre de Me Y..., auteur de l'acte litigieux ;

- sur le fond, de le réformer en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de :

- juger que Me Y... a commis une faute professionnelle de nature à engager sa responsabilité professionnelle à son égard pour avoir manqué tant à son devoir d'authentification qu'à son devoir de garantir l'efficacité d'un acte manifestement irrégulier ;

- constater la réalité et l'importance de son préjudice direct et juger qu'en recevant l'acte du 1er mars 2013, Me Y... a permis et occasionné le préjudice dénoncé, en lien direct et certain avec ses agissements fautifs ;

- juger Me Y... et l'Office notarial de Mes Oury/Z.../Y... et G..., responsables de son préjudice ;

- condamner Me Y... solidairement avec l'Office notarial à réparer l'intégralité des préjudices causés, soit la somme de 10000000 euros, assortie des intérêts légaux à compter de l'acte litigieux intervenu en fraude de ses droits ;

- les condamner solidairement à lui payer la somme de 10000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance ;

- en tout état de cause, débouter Me Y... et l'Office notarial de leur demande reconventionnelle à son encontre ;

- constater ainsi qu'en agissant en responsabilité professionnelle à l'encontre de l'officier ministériel en charge de la vente de l'immeuble et du projet la concernant, elle n'a fait qu'user de sa qualité de justiciable et invoquer son droit à un procès juste et équitable ; qu'en conséquence aucun abus de droit ne peut être retenu à son encontre ; qu'en conséquence il n'y a pas lieu de la condamner au paiement de quelque indemnité que ce soit au bénéfice des défenderesses ;

- rejeter toute demande de condamnation au profit de Me Y... et de l'Office notarial sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les condamner aux entiers dépens de l'instance dont distraction, pour ceux la concernant, au profit de Me Patricia X... ' Selarl 2H Avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières écritures du 22 octobre 2018, Me Y... et l'office notarial auquel elle appartient demandent à la cour de confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a déclaré recevables les demandes formulées par la SNC Financière de l'Etoile à l'encontre de Me Y... et la SCP Oury Z... Y... G... et, statuant à nouveau, de :

- juger irrecevables les demandes de la SNC Financiere de l'Etoile faute de justifier d'un intérêt légitime à agir ;

- en tout état de cause, juger qu'ils n'ont commis aucune faute dans le cadre de leurs fonctions de nature à engager leur responsabilité professionnelle ; que l'appelante ne fait pas la démonstration de l'existence d'une faute du notaire qui soit à l'origine pour elle d'un préjudice certain, réel et actuel pouvant lui ouvrir droit à réparation ; en conséquence, débouter l'appelante de l'intégralité de ses demandes, de ses prétentions indemnitaires et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'appelante à leur payer la somme complémentaire de 20000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la procédure abusive diligentée à leur encontre ;

- condamner l'appelante à leur payer la somme de 10000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'appelante aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Thomas B... qui pourra les recouvrer directement en application de l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE,

Considérant que la société Financière de l'Etoile, appelante, soutient que :

- la vente litigieuse, pour laquelle les diligences de Me Y..., notaire ayant reçu l'acte, sont mises en cause, portait clairement sur l'ensemble immobilier, le permis de construire et les actes subséquents, c'est à dire sur l'assiette foncière de l'ensemble immobilier dont s'agit mais aussi et de manière déterminante sur le projet d'aménagement et l'économie de l'opération ;

- dans son récent arrêt du 5 juillet 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé que l'acte litigieux passé par Me Y... est directement à l'origine de son préjudice ; seule l'intervention de Me Y... a occasionné son exclusion de l'opération de réhabilitation de l'ensemble immobilier vendu en cours de validité au moment de l'acte en l'état des autorisations d'urbanisme et agrément ;

- les deux arrêtés municipaux du 29 novembre 2011, indissociables, délivrés à deux bénéficiaires distincts, la SNC Financière de l'Etoile et les seules sociétés Serigny et Les Bords de Charente, en vue de la réalisation de l'opération, confirment et précisent, de manière claire, les droits à construire de chacun des deux bénéficiaires ; il s'agit de décisions d'urbanisme de nature à garantir la réalisation du projet de réhabilitation de l'ensemble immobilier dans le respect du projet voulu et figé par l'Autorité administrative et l'EDD, qui permet de le décrire strictement ;

- à l'examen des deux arrêtés, versés aux débats dès la première instance, la cour ne pourra que constater l'existence de ces deux autorisations et tirer toutes conséquences de l'absence de l'une d'entre elles dans l'acte de vente litigieux ; il est ainsi fait grief au notaire d'avoir ignoré un des deux arrêtés du 29 novembre 2011, précisément l'arrêté portant le numéro PC 017299 0800024/T2, délivré sur le terrain d'assiette au bénéfice de la SNC Financière de l'Etoile et d'avoir passé l'acte de vente litigieux en toute connaissance de cause ;

- par cet acte notarié, Me Y... a permis, sous sa responsabilité professionnelle, la vente en sus des terrains, de droits à construire que l'appelante détenait en majeure partie, en sa qualité définitivement reconnue et autorisée de porteur du projet de réhabilitation des blocs A, G, F, C et D, à l'insu de cette dernière et hors sa présence à l'acte, soit une vente au mépris de ses droits, lui causant un lourd préjudice ;

- le maire lui-même, dans le prolongement de cet EDD, rappelait encore les droits de l'appelante, le 6 février 2013, de manière expresse et pour les besoins de la sécurité de la vente passée que : « aucun recours contentieux n'a été formulé dans les délais requis en mairie à l'encontre des arrêtés de prorogation délivrés le 22 novembre 2011 pour les permis de construire n°01729908000024M1 pour les Sarl les Bords de Charente et Serigny et n°0172990800024T2 pour la SNC Financière de l'Etoile et qu'aucune procédure de retrait n'a été engagée à l'encontre de cet arrêté » ;

- les procédures alors en cours lors de la signature de l'acte, ayant opposé les sociétés venderesses à l'appelante ne consacrent aucune faute de cette dernière dans son impossibilité d'acquérir ;

- l'acte de vente litigieux se fonde à tort sur le courrier du maire du 8 novembre 2012, lequel n'a pas retiré à la SNC Financière de l'Etoile son autorisation d'urbanisme définitive (article L422-1 du code de l'urbanisme) ; cette décision personnelle du maire, Bernard H..., incompétent en matière d'urbanisme, n'annule pas et ne remplace pas l'arrêté exprès et non tacite de permis de construire en date du 22 novembre 2011 délivré à la société Financière de l'Etoile ;

- il est surprenant de relever qu'après avoir évoqué cette « décision », l'acte de vente litigieux revienne chronologiquement en arrière pour faire état « d'une » prorogation du permis de construire, laquelle a été prononcée par deux arrêtés conjoints et non un seul, en date du 22 novembre 2011 ;

- l'acte litigieux n'a pu qu'à tort constater l'absence de transfert des droits de l'appelante avant même la délivrance d'une décision expresse et concomitante, parfaitement régulière et définitive, prise par le maire au nom de la commune et autorisant le projet de réhabilitation, objet de la présente vente litigieuse avec les parcelles d'assiette ;

- seul l'acte de vente litigieux est à l'origine des autorisations illégales subséquentes toutes contestées et à l'origine de son éviction du projet vendu avec les terrains d'assiette ;

- la ville de [...] a délivré ainsi un premier arrêté modificatif sous le numéro PC017299 0800024/05 en date du 10 avril 2013, à des sociétés non bénéficiaires du permis initial prorogé soit les sociétés la Pérouse, les [...], les quais aux vivres (seules les sociétés Sérigny et Bords de Charente étant titulaires de l'arrêté de prorogation du permis initial), modifiant substantiellement le projet initial (abandon de la construction du casino, des salles de séminaires et de la résidence hôtelière) ; elle a ensuite délivré un deuxième arrêté hâtivement délivré sous le numéro PC 017299 0800024/T6, le 23 juillet 2013, autorisant les seules sociétés bénéficiaires dudit modificatif à transférer leur autorisation d'urbanisme au bénéfice d'une société nouvelle la société Magasin aux vivres ; cet arrêté a encore été suivi d'une autorisation d'urbanisme de transfert à nouveau cette fois au bénéfice de l'AFUL du Commissariat de la Marine le 14 novembre 2014 ;

- l'appelante a alors saisi le tribunal administratif de Poitiers d'un recours pour excès de pouvoir contre le transfert du permis de réhabilitation de l'ensemble immobilier, situé Quai aux vivres, pris, en suite de l'arrêté modificatif illégal, en fraude du projet autorisé et délivré au vu de l'acte notarié présentement contesté, en ce compris ses droits à construire s'agissant des bâtiments A, C, D, F et G ; informée à l'occasion de la transaction immobilière, intervenue sur la foi d'un modificatif ayant transformé radicalement le projet immobilier initial de surcroît contraint par un agrément fiscal, la société demanderesse a entendu dénoncer par un recours de plein contentieux à l'encontre de la commune de [...] cette véritable dénaturation du projet ; or de nouveau le projet immobilier devait faire l'objet d'une ultime décision de transfert délivrée cette fois au bénéfice de l'AFUL du Commissariat de la Marine sous le n°PC 017299 0800024/T07, qui a été également contestée par l'appelante devant la juridiction administrative, les trois procédures administratives étant actuellement pendantes devant la cour administrative d'appel de Bordeaux, après que le tribunal administratif de Poitiers a constaté la péremption des autorisations d'urbanisme dès le 8 janvier 2013 ;

- ces arrêtés de transfert et modificatif de projet n'ont pu intervenir qu'en suite de l'acte notarié portant cession de l'ensemble de ses droits à construire sans qu'elle ait été appelée à intervenir à l'acte ;

- l'acte de vente du 1er mars 2013, en faisant disparaître l'arrêté du 22/11/2011 de l'appelante, l' a privée de la possibilité de vendre son permis définitif et les droits à construire y afférents ;

- la non réalisation de la vente des terrains n'a pas fait disparaître l'autorisation d'urbanisme définitivement accordée à l'appelante et son droit à participer à la réalisation immobilière d'envergure projetée et vendue dans le cadre de l'acte passé par Me Y...;

- l'appelante, non appelée à l'acte de vente, n'a pas pu percevoir la quote-part du prix de vente lui revenant au titre du projet de réhabilitation autorisé dont elle est partiellement titulaire ; à ce préjudice justifié s'ajoute la perte de chance de réaliser le projet ;

- l'appelant est incontestablement bénéficiaire d'un permis de construire numéroté PC 017299 0800024/T2, lequel n'a jamais été annulé puisque, par un arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 16/09/2014, postérieur à l'acte litigieux, elle était condamnée sous astreinte à signer un transfert de permis et que la lettre du maire de [...] n'a pas pu revenir sur une situation juridique définitive, créée par décision du conseil municipal de la ville, seul compétent ;

- sa qualité, son intérêt à agir, comme le fondement de son action en responsabilité à l'encontre du notaire ayant reçu l'acte litigieux, tiennent à son implication historique dans un projet d'urbanisme global, pour lequel elle est bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme indissociable des droits à construire cédés par les sociétés venderesses avec l'assiette foncière à l'occasion de la vente litigieuse après avoir fait échec à ce qu'elle achète le foncier correspondant à ses droits à construire ;

- la seule conséquence pouvant être tirée du fait qu'elle a toujours refusé de restituer le permis de construire est qu'elle n'a jamais entendu renoncer à l'opération ;

- dès lors qu'il n'est pas contestable que le permis de construire qui lui avait été délivré n'avait pas été restitué ou transféré au jour de la vente litigieuse, Me Y... était tenue de constater que les sociétés venderesses ne pouvaient transférer à l'acquéreur, plus de droits qu'elles n'en avaient sur le projet, de sorte que Me Y..., tenue d'assurer la sécurité de la vente et du projet immobilier global de réhabilitation assis sur l'assiette foncière vendue, aurait dû l'appeler à l'acte ;

- Me Y... a commis une faute en actant une convention qui viole ses droits en ce qu'elle emporte la vente des droits à construire dont elle était seule titulaire, tiers lésée, pour être l'unique propriétaire d'un permis de construire exprès et définitif portant sur la majeure partie de l'ensemble immobilier cédé selon arrêté de permis de construire définitif du 22 novembre 2011 (PC0172990800024/T2) ; elle n'a pas procédé à toutes les vérifications requises dans le cadre d'un acte authentique qu'elle recevait ; elle a omis d'annexer notamment à l'acte du 1er mars 2013, l'arrêté n°PC 0172990800024/T2, lequel est pourtant expressément mentionné à l'article 2 de l'arrêté n°PC0172990800024/M1 pris le même jour, soit le 22 novembre 2011 ;

- en choisissant de ne viser dans l'acte litigieux que la lettre du maire de [...], pourtant dénuée de portée juridique et en omettant le deuxième permis délivré concomitamment à l'appelante, aux fins de proroger le projet d'urbanisme autorisé dans son ensemble, Me Y... a manifestement ignoré en toute connaissance de cause les droits de l'appelante ;

- la faute de Me Y... apparaît manifeste dès lors que l'attestation du maire, délivrée en vue de la vente litigieuse et pour les besoins de celle-ci, non seulement retire toute portée au courrier simple antérieur du 8/11/2012 (lequel ne porte que sur un permis tacite), mais réaffirme clairement les droits de l'appelante, précisant clairement l'existence de deux autorisations expresses : « aucun recours contentieux n'a été formulé dans les délais requis en mairie à l'encontre des arrêtés de prorogation délivrés le 22 novembre 2011 pour les permis de construire n°01729908000024M1 pour les SARL les Bords de Charente et Sérigny et n°01729908000024T2 pour la SNC Financière de l'Etoile et qu'aucune procédure de retrait n'a été engagée à l'encontre de cet arrêté » ;

- par ailleurs, en acceptant d'acter cette rémunération supplémentaire de M. I..., architecte ayant présenté l'acquéreur aux venderesses, sans en vérifier le fondement, Me Y... n'a pas établi un acte sincère et complet, engageant sa responsabilité d'officier ministériel ;

- Me Y... a encore commis une faute grave en actant l'ouverture des travaux en cours; le juge administratif, à la lumière des autorisations d'urbanisme autorisant sous condition la prorogation du projet de construction, comme d'ailleurs à l'examen de la date du procès-verbal de constat d'huissier annonçant le démarrage des travaux la veille de la caducité du permis, consacre la caducité du projet depuis le 8 janvier 2013 ; cette caducité aurait dû emporter le refus clair et circonstancié de Me Y... de régulariser une transaction impossible ;

- l'engagement de transfert consigné dans l'acte par les diligences de Me Y... n'a pu donner plein effet à la vente, créant ipso facto un préjudice dommageable considérable pour l'appelante, seule à même de pouvoir transmettre ses droits à construire sur le reste des bâtiments de cet ensemble immobilier ;

- s'agissant du permis modificatif déposé conjointement par les deux parties à l'acte, il a pour objet de supprimer le projet de casino, les salles de séminaires et la résidence hôtelière, soit la moitié des destinations autorisées et visées spécifiquement dans le cadre strict de l'agrément fiscal délivré par Bercy ;

- le défaut d'investigation et les manquements de Me Y... dans l'exercice de ses fonctions de notaire associée au sein de l'office notarial sont seuls directement à l'origine de l'impossibilité pour elle de réaliser l'opération et de vendre ses droits à construire ;

- la cour administrative d'appel de Bordeaux considère et fonde sa décision d'écarter toute responsabilité de la ville de [...], auteur des autorisations d'urbanisme délivrées, en relevant que lesdites autorisations subséquentes évinçant la SNC Financière de l'Etoile sont postérieures à l'acte litigieux, lequel est donc à l'origine du préjudice subi par cette dernière;

- son préjudice correspond à la quote-part du prix libéré par le nouveau bénéficiaire des droits sur la partie de son projet, objet de son autorisation d'urbanisme, qui lui a été retiré illégalement, correspondant à une SHON autorisée au titre des blocs A, D, F, C, G de 9500 m², soit une perte nette de 4908542 euros ; le même ensemble immobilier, vendu initialement en l'état 900000 euros, a finalement été vendu par un promoteur-vendeur à un promoteur-acquéreur pour la somme de 6350 000 euros avec le projet de réhabilitation ;

- au delà du préjudice direct tenant à l'éviction de la vente litigieuse, d'une perte réelle de chance dans la réalisation de l'opération du fait des engagements et partenariats souscrits en vue de la réalisation d'une opération garantie par la volonté de la ville de [...] d'encourager une opération globale, d'ailleurs autorisée par les permis indissociables M1 et T2, l'examen du provisionnel permet de démontrer que le prix total de revente de tous les appartements, une fois l'immeuble « découpé en lots privatifs » a été arrêté à un montant de 19 104960 euros ; agissant en qualité de marchand de biens, elle s'est engagée auprès de son partenaire Direct Produit à lui rétrocéder une commission calculée non seulement sur le prix de revente des lots, mais également sur les travaux d'aménagements également précisément estimés lors de l'élaboration du prévisionnel ; déduction faite de cette commission et des divers frais engagés, la revente des lots en fonction des surfaces créées devait lui rapporter un bénéfice net de 10 000000 d'euros environ, d'où un préjudice total équivalent à cette somme ;

- son préjudice n'a rien à voir avec la propriété des terrains d'assiette du projet mais avec le projet et la réalité de l'autorisation définitive qui lui a été délivrée, lui accordant des droits importants et valorisant l'ensemble immobilier vendu ;

- la cour administrative d'appel de Bordeaux, revenant sur la validité du projet a rappelé l'antériorité de l'acte litigieux et son caractère déterminant dans la disparition de ses droits à construire ; seul cet acte est bien directement et exclusivement à l'origine de tous les préjudices qu'elle subit, alors qu'elle n'a pas pu faire valoir ses droits sur son permis dans la réhabilitation de la majeure partie du projet immobilier cédé, l'acte litigieux prévoyant expressément un transfert de permis impossible et un modificatif de permis illégal car modifiant substantiellement le projet soumis à agrément fiscal ;

Considérant que les notaires intimés répliquent que :

- l'appelante ne justifie pas de l'existence d'un intérêt légitime à agir, en l'absence de tout titre juridique, de toute qualité ;

- elle avait signé un compromis de vente portant sur les biens appartenant aux sociétés Serigny et les Bords de Charente, au mois de septembre 2011 et n'a pas été en mesure de financer l'opération et de signer l'acte de réitération de la vente, ce qui a conduit à la régularisation d'un procès-verbal de carence, de sorte qu'elle n'a jamais acquis un quelconque droit de propriété sur l'immeuble ;

- elle invente un nouveau concept juridique et part du principe qu'elle serait titulaire d'un «droit à construire», qui serait distinct du droit de propriété de l'assiette du projet de construction, sans toutefois préciser sur quel texte légal elle se fonde, ce droit résultant selon elle d'un « transfert partiel tacite » en sa faveur du permis de construire initial, délivré le 8 janvier 2009 ; or, par décision du 8 novembre 2012, le maire de [...] a rappelé qu'il n'existait aucune décision de transfert partiel tacite de permis de construire au profit de l'appelante et que les titulaires du permis de construire demeuraient, par conséquent, les mêmes sociétés que celles ayant fait la demande de permis initiale, cette décision n'ayant pas fait l'objet d'une quelconque contestation par la société Financière de l'Etoile qui, au contraire, s'en est prévalue dans le cadre de la procédure devant la cour d'appel de Poitiers, afin d'échapper à la fixation d'une nouvelle astreinte à son encontre;

- l'appelante ne peut dans ces conditions se contredire au détriment d'autrui ;

- la société Financière de l'Etoile part du postulat selon lequel elle serait détentrice d'un «droit à construire» sur des biens dont elle n'a jamais été propriétaire, ce qui est grossièrement erroné puisqu'en droit de l'urbanisme, le droit de construire est attaché au terrain et non à la personne ; le permis de construire a un caractère réel dans la mesure où il détermine la constructibilité d'un terrain et non les prérogatives de son propriétaire ; l'appelante ne peut se prévaloir d'aucun droit « personnel » résultant d'un quelconque permis de construire ;

- au regard des dispositions susvisées de l'article L.600-1-2 nouveau du code de l'urbanisme, l'appelante apparaît également irrecevable à contester la légalité du transfert de permis modificatif autorisé postérieurement à la vente, par arrêté du 23 juillet 2013 ;

- le permis modificatif transféré n'a jamais compté la société Financière de l'Etoile parmi ses bénéficiaires ; l'appelante ne peut non plus soutenir que le transfert de permis serait illégal au motif qu'il supprimerait tous ses « droits à construire », le transfert litigieux n'ayant pu la priver d'aucun « droit à construire », puisqu'elle n'a jamais été bénéficiaire du permis modificatif transféré ;

- il résulte des deux arrêts du tribunal administratif de Poitiers du 23 mars 2016, versés aux débats par l'appelante, que le tribunal, saisi par celle-ci de demandes d'annulation des arrêtés de transfert de permis des 23 juillet 2013 et 14 novembre 2014, a dit n'y avoir lieu de statuer sur les requêtes relatives aux transferts de permis, après avoir constaté que le permis de construire initial était devenu caduc ;

- Me Y... a été requise de recevoir l'acte de vente par les sociétés Serigny, les Bords de Charente, les [...], [...], des lots dont elles étaient propriétaires, composant un ensemble immobilier comprenant 7 corps de bâtiments constituant l'ancien Magasin aux vivres de l'arsenal royal de [...], bâtiments portant les appellations A B C D E F et G ; rien ne justifiait qu'elle refuse de prêter son concours et d'instrumenter, ce qui aurait été fautif car elle est tenue par l'article 3 de la loi du 25 Ventôse An XI ; - au paragraphe « permis de construire », l'acte comporte des déclarations complètes et précises du vendeur, relatives au permis de construire octroyé par arrêté du 8 janvier 2009, aux modifications et rectifications des 29 janvier et 9 février 2009, à l'arrêté de prorogation du 22 novembre 2011 et au caractère définitif du permis de construire d'origine ; le vendeur déclare, par ailleurs, qu'il résulte d'un courrier du maire de [...] du 8 novembre 2012, annexé à l'acte, l'absence de décision de transfert partiel tacite, de sorte que les « titulaires du permis de construire initial demeurent par conséquent les mêmes sociétés que celles qui ont déposé la demande de permis initiale »;

- au paragraphe « transfert de permis de construire», le vendeur a pris des engagements à l'égard de l'acquéreur en vue du transfert du permis de construire obtenu ; l'acte stipule que le vendeur s'oblige à effectuer dès après la signature des présentes les formalités de transfert de permis de construire, de sorte que l'acquéreur se trouve titulaire de ladite autorisation, sans délai ; une copie de l'imprimé Cerfa n° 1341202, dûment complété par le vendeur tel qu'il sera adressé par lui dès ce jour en mairie est annexé aux présentes ; à cet égard, le vendeur s'oblige à transférer également à l'acquéreur le bénéfice du permis de construire modificatif actuellement en cours d'instruction, suivant demande du 7 janvier 2013 établie conjointement avec l'acquéreur et déposée en mairie ainsi qu'il résulte du récépissé en date du 8 janvier 2013 ; des copies de ces documents sont demeurées ci-annexées ; l'acquéreur déclare faire son affaire des obligations d'affichage prescrites par la loi, à l'effet de rendre les arrêtés modificatifs et de transfert définitifs ; le vendeur a remis à l'acquéreur, ce jour, l'ensemble des documents, échanges de courriers, contrats ou tout autre document de quelque nature que ce soit liés à la maîtrise d'ouvrage » ;

- à aucun moment l'acte reçu par Me Y... n'a eu pour objet la cession d'autre chose que la propriété de l'ensemble immobilier ; aux termes de l'acte, les venderesses ont pris des engagements à l'égard de l'acquéreur afin de permettre à celui-ci d'obtenir le transfert à son profit du permis de construire et son modificatif ;

- si, contrairement à ce qu'elle a pourtant soutenu devant la cour d'appel de Poitiers, la SNC Financiere de l'Etoile était vraiment titulaire de droits sur le permis de construire, l'acte de vente de l'ensemble immobilier reçu par Me Y..., ne l'aurait nullement empêchée de se prévaloir de ces droits à l'égard de l'acquéreur du bien immobilier ;

- les parties à l'acte du 1er mars 2013 n'ont jamais formulé un quelconque grief à l'encontre des notaires dont l'acte, qui ne portait que sur le transfert de la propriété du bien immobilier désigné dans l'acte, a été parfaitement efficace ; les déclarations des parties qui ont été mentionnées n'engagent pas la responsabilité du notaire ; en outre, par décision en date du 8 novembre 2012, le maire de [...] a rappelé qu'il n'existait aucune décision de transfert partiel tacite de permis de construire au profit de l'appelante et que les titulaires du permis de construire demeuraient, par conséquent, les mêmes sociétés que celles qui ont déposé la demande de permis initiale ; l'appelante ne peut sérieusement contester la légalité de la décision du maire constatant l'inexistence d'un transfert tacite partiel du permis de construire, alors même qu'elle s'est prévalue de cette décision devant la cour d'appel de Poitiers, afin d'échapper à la fixation d'une nouvelle astreinte à son encontre ;

- l'appelante ne fait nullement la démonstration que les venderesses ne pouvaient transférer la propriété de leur bien, ni qu'elle aurait dû intervenir à l'acte, étant observé que la société Financière de l'Etoile n'a pas cherché à faire annuler l'acte ;

- il résulte des jugements rendus le 23 mars 2016 par le tribunal administratif de Poitiers, saisi de contestations, par la SNC Financière de l'Etoile, des arrêtés du 14 novembre 2014 portant transfert de permis, postérieurs à la vente, que le permis de construire initial en date du 8 janvier 2009, prorogé par arrêtés du 22 novembre 2011, a perdu sa validité le 8 janvier 2013, en l'absence de travaux suffisants ;

- seul l'acquéreur aurait pu éventuellement reprocher à Me Y... de ne pas l'avoir alerté sur de prétendus risques qui résulteraient d'une violation des termes de l'agrément délivré par le ministère du budget et de la prétendue illégalité du permis de construire modificatif ; en outre, l'appelante est mal fondée à prétendre que le dépôt de permis modificatif visant à la suppression du casino et d'un niveau de parking contreviendrait à l'agrément fiscal délivré le 25 janvier 2010 par Bercy et exposerait les acquéreurs à un risque, le notaire n'ayant pas à se faire juge de la régularité de ces arrêtés ; les contestations de la société Financière de l'Etoile relatives à l'agrément fiscal, outre le fait qu'elles sont infondées, ne sauraient concerner les notaires ; en tout état de cause, les modifications intervenues entre le permis de construire modificatif et le permis de construire initial ne sont pas de nature à compromettre sa validité ;

- le permis de construire modificatif, qui ne comporte ni modification d'implantation, ni modification de volume ou de hauteur des bâtiments, ni de majoration de surface de plancher, ni de modification du nombre de niveaux, ni de l'aspect général des bâtiments, n'a fait l'objet d'aucun recours des tiers et est devenu définitif ;

- l'appelante, qui a expressément reconnu, dans le cadre de la procédure en liquidation d'astreinte, qu'elle n'était détentrice d'aucun droit, ne peut valablement soutenir, par opportunité, une chose et son contraire, dans différentes procédures, de sorte qu'elle ne justifie d'aucun préjudice pour la perte de droits à construire qu'elle ne détient pas ; bénéficiaire d'un compromis de vente, sa carence est à l'origine de la non-réitération par acte authentique de la vente à son profit, de sorte qu'elle est seule à l'origine du préjudice qu'elle invoque ; il en va de même pour le préjudice invoqué de manque à gagner ;

- la poursuite en appel de la procédure abusive de la société Financière de l'Etoile justifie l'augmentation des dommages et intérêts alloués par les premiers juges ;

Considérant que la société Financière de l'Etoile, qui reproche une faute à Me Y..., qui a passé un acte où l'appelante estime avoir disposé de droits qui ont été ignorés, est recevable à agir ;

Considérant que le notaire est tenu d'informer et d'éclairer les parties, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets des actes auxquels il prête son concours ; qu'il lui appartient de remplir sa mission de façon efficace et d'appliquer au dossier les textes adéquats ; qu'il doit démontrer, en outre, qu'il a effectivement rempli son obligation de conseil à l'égard de ses clients ;

Considérant que la société Financière de l'Etoile n'est pas partie à l'acte, ne justifie pas l'avoir contesté ni avoir engagé la responsabilité d'une des parties pour un manquement à son égard ;

Considérant que l'efficacité de l'acte n'a pas été remise en cause par l'une des parties qui n'ont par ailleurs adressé aucune critique au notaire instrumentaire ;

Considérant que la société Financière de l'Etoile a été pendant un moment bénéficiaire d'un compromis de vente portant sur certains lots du Commissariat aux vivres ; que si le bénéfice du permis de construire qui avait été obtenu par les venderesses devait lui être transféré dès avant la signature de l'acte authentique, elle s'était engagée le même jour à demander l'annulation de ce transfert de permis de construire si la signature de l'acte authentique n'intervenait pas dans le délai prévu ;

Considérant qu'il n'est pas contestable que la réitération de l'acte authentique n'est jamais intervenue, peu en important les raisons, de sorte que conformément à son engagement, la société Financière de l'Etoile perdait le bénéfice du permis de construire ;

Considérant qu'il importe peu que cette perte de ses droits sur le permis de construire résulte de la demande d'annulation de transfert qu'elle devait faire et qu'elle a été condamnée à effectuer ou bien de la décision du maire de [...] de faire droit, le 8 novembre 2012, au recours gracieux de M. J..., concernant l'opération 'le Magasin aux vivres' et de constater l'absence de décision de transfert partiel tacite de permis de construire au profit de la société Financière de l'Etoile, les titulaires du permis de construire demeurant par conséquence les mêmes sociétés que celles qui ont déposé la demande de permis initial ;

Considérant qu'il convient de souligner que la société Financière de l'Etoile, dans la procédure en appel de la décision du président du tribunal de commerce de La Rochelle devant la cour d'appel de Poitiers s'appuyait elle-aussi sur la décision du maire de [...] et l'absence de transfert du permis de construire pour en déduire qu'elle n'avait pas à demander l'annulation de son transfert ; qu'elle ne saurait dès lors se contredire au détriment de la même partie ;

Considérant encore que le tribunal administratif de Poitiers, qui n'a pas été infirmé, a estimé, pour ce qui le concernait, que le permis de construire litigieux était devenu caduc, faute pour ses titulaires d'avoir engagé dans les délais légaux des travaux suffisants pour interrompre les délais d'engagement des opérations de construction ;

Considérant en définitive que la société Financière de l'Etoile qui n'a jamais été propriétaire du terrain d'assiette du projet auquel étaient attachés des autorisations d'urbanisme au transfert desquelles elle est censée avoir renoncé à son bénéfice si tant est qu'il a bien eu lieu, ainsi qu'elle le concédait elle-même devant la cour d'appel de Poitiers, n'est pas fondée à reprocher à Me Y... d'avoir instrumenté la vente du Magasin aux vivres, ainsi qu'elle en a été requise et de ne pas l'avoir appelée à l'acte ; qu'elle doit être déboutée de ses demandes,

Considérant que c'est également à juste titre que, compte tenu des décisions déjà rendues et de la position qu'elle avait adoptée devant la cour d'appel de Poitiers, le tribunal a retenu que la société Financière de l'Etoile avait commis un abus en recherchant la responsabilité du notaire instrumentaire ;

Considérant que le jugement doit dès lors être confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que la société Financière de l'Etoile devra verser à Me Y... et à la SCP de notaires une somme supplémentaire de 1 500 euros au titre de l'appel qui doit également être regardé comme abusif, la décision entreprise ayant clairement analysé la situation ;

Considérant enfin que la société Financière de l'Etoile devra verser à Me Y... et à la SCP de notaires la somme de 5000 euros pour compenser les frais qu'elle a exposés en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'elle devra en outre supporter les dépens d'appel, avec possibilité de recouvrement direct au profit de Me Thomas B..., conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 26 avril 2017 ;

Y ajoutant, condamne la société Financière de l'Etoile à payer à Me K... Y... et à la SCP Oury Z... Y... G... une somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif, la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais irrépétibles exposés en cause d'appel et à supporter les dépens avec possibilité de recouvrement direct au profit de Me Thomas B..., conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 17/11451
Date de la décision : 05/02/2019

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°17/11451 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-05;17.11451 ?
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