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01/02/2019 | FRANCE | N°17/03319

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 01 février 2019, 17/03319


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 11



ARRÊT DU 01 FEVRIER 2019



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/03319 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2VCS



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Janvier 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/12606





APPELANTE



Association AVEA LA POSTE

prise e

n la personne de ses représentant légaux



[...]



représentée par Me Frédérique X..., avocat postulant du barreau de PARIS, toque : K0065

assistée de Me Grégoire Y..., avocat plaidant du bar...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRÊT DU 01 FEVRIER 2019

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/03319 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2VCS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Janvier 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/12606

APPELANTE

Association AVEA LA POSTE

prise en la personne de ses représentant légaux

[...]

représentée par Me Frédérique X..., avocat postulant du barreau de PARIS, toque : K0065

assistée de Me Grégoire Y..., avocat plaidant du barreau de PARIS

INTIMEE

SARL IOCEAN

prise en la personne de ses représentant légaux

[...]

N° SIRET : 438 843 872 (Montpellier)

représentée par Me Emmanuelle E... C2J, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : K0089

assistée de Me Olivier Z..., avocat plaidant du bareau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Décembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

Madame Michèle D... A..., Présidente de la chambre

Madame Françoise BEL, Président de chambre

Madame Agnès COCHET-MARCADE, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Saoussen HAKIRI.

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle D... A..., Présidente et par Madame Saoussen HAKIRI, Greffière présente lors de la mise à disposition.

FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

L'association Avea la Poste (ci-après Avea) est une association ayant pour objet l'organisation et la gestion des séjours de vacances des enfants des agents de la Poste et de ses filiales.

La société Iocean est une société de société d'ingénierie et de conseil informatique qui développe des solutions spécifiques de progiciels de gestion.

Les parties sont entrées en relations d'affaires à compter du mois d'août 2009 pour diverses prestations informatiques et ont souscrit le 7 septembre 2009 un contrat portant sur la refonte du Système d'information opérationnel de l'Avea.

Au mois de février 2013, l'Avea a fait part à la société Iocean de sa volonté de proposer à ses usagers un nouveau système informatique permettant de s'inscrire directement en ligne sur son site internet. Elle a émis un cahier des charges le 4 juillet 2013 et a mis en concurrence plusieurs prestataires, dont la société Iocean.

Le 23 juillet 2013 le président d'Avea a accepté sous diverses réserves la proposition commerciale adressée par la société Iocean pour un montant de 143.041 euros HT.

Par courrier en date du 6 août 2013, l'Avea a informé la société Iocean de l'impossibilité de donner suite à la proposition commerciale du 19 juillet 2013 et a sollicité d'Iocean concernant la maintenance d'Aris, l'envoi d'une proposition commerciale pour une maintenance corrective jusqu'au 30 septembre suivant.

Par lettre du 20 septembre 2013, la société Iocean a vainement mis en demeure l'Avea d'exécuter le contrat signé le 23 juillet 2013, l'Avea répondant le15 octobre 2013 qu'aucun contrat ne s'était formé entre les parties, que la rupture des pourparlers était justifiée et que la société Iocean, par son comportement, lui avait causé un préjudice important.

Par assignation en date du 14 août 2014, la société Iocean a assigné devant le tribunal de grande instance de Paris l' Avea aux fins d'obtenir paiement de la somme de 171.649,20 euros TTC en exécution forcée du contrat conclu entre les parties.

Par jugement du 5 janvier 2017 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a notamment condamné l'association Avea au payement de dommages et intérêts d'un montant de 50.000 euros au titre de la rupture fautive des négociations, de 32.995 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies et débouté l'Avea de ses demandes reconventionnelles en dommages et intérêts.

Le tribunal a jugé que l' engagement souscrit le 23 juillet 2013 doit s'analyser en un accord partiel ou en un contrat préparatoire qui obligeait chacune des parties à poursuivre de bonne foi les négociations des conditions futures non encore acquises et que l'association Avea a rompu sans motif légitime les négociations en violation de l'accord souscrit le 23 juillet 2013 et a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle, sous la forme d'une perte de chance évaluée à 50.000 euros, en l'absence de démonstration de tout autre préjudice.

Le tribunal a retenu que les sociétés étant en relations régulières et stables depuis quatre années, Iocean pouvait raisonnablement s'attendre à une continuité de flux d'affaires, de sorte qu'il apparaît qu' Avea a rompu de manière brutale ses relations commerciales avec Iocean et a déterminé le délai minimal de préavis auquel pouvait s'attendre la société Iocean à quatre mois.

Il a fixé, compte tenu d'un chiffre d'affaires moyen sur les trois dernières années réalisé par la société Iocean avec Avea, de 197.731 euros, d'un taux de marge à prendre en considération de 50 %, à 32.955 euros le préjudice subi de la rupture brutale.

La mauvaise foi de Iocean n'étant pas avérée dans les négociations et son action en indemnisation ne présentant aucun caractère abusif, la demande d'indemnisation formée par l'Avea n'est pas fondée.

L'association Avea a relevé appel le 13 février 2017.

****

Vu les conclusions notifiées et déposées le 24 août 2017 par l'association Avea La Poste aux fins de voir la Cour :

Vu les articles 1101, 1134 et 1382 (ancien) du Code civil,

Vu l'article L.442-6 I 5° du Code de commerce,

Infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 5 janvier 2017;

Statuant à nouveau :

Dire et juger que les pourparlers engagés entre la société Iocean et l'association Avea La POSTE ne se sont pas concrétisés par la formation d'un contrat,

En conséquence,

Débouter la société Iocean de ses demandes au titre d'une prétendue responsabilité contractuelle de l'association Avea la Poste ,

Débouter la société Iocean de son appel incident ;

Sur l'indemnisation accordée pour rupture abusive des pourparlers :

A titre principal :

Dire et juger que l'association Avea la Poste n'a commis aucune faute en rompant unilatéralement les pourparlers engagés avec la société Iocean dès lors que cette rupture était fondée sur une raison légitime,

En conséquence,

Débouter la société Iocean de sa demande d'indemnisation au titre d'une prétendue rupture abusive des pourparlers

A titre subsidiaire :

Dire et juger que le préjudice subi du fait d'une rupture abusive des pourparlers ne peut consister dans la perte de chance de réaliser des gains que permettait d'espérer la conclusion du contrat projeté ;

Dire et juger que la société Iocean n'apporte aucun élément probant justifiant avec précision l'existence d'un préjudice en relation avec la rupture des pourparlers ;

En conséquence,

Débouter la société Iocean de sa demande formée au titre d'une prétendue rupture brutale des pourparlers,

Sur l'indemnisation accordée pour rupture brutale des relations établies :

Dire et juger que la société Iocean ne saurait se prévaloir d'une relation commerciale établie avec l'association Avea la Poste ;

Dire et juger que la majorité des contrats entre la société Iocean et l'association Avea la Poste a été maintenue pendant environ 5 mois,

En conséquence :

Débouter la société Iocean de sa demande formée au titre d'une prétendue rupture brutale de relations commerciales,

Sur la déloyauté de la société Iocean lors des pourparlers :

Dire et juger que la société Iocean a fait preuve de déloyauté et a commis une faute en essayant de tromper son partenaire lors des pourparlers engagés entre les parties,

En conséquence :

Condamner la société Iocean à payer la somme de 25 000 euros à l'association Avea la Poste en réparation du préjudice causé par la déloyauté de la société Iocean dans les pourparlers ;

En tout état de cause :

Débouter la société Iocean de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et de son appel incident,

Condamner la société Iocean à payer à l'association Avea la Poste , la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamner la société Iocean aux entiers dépens d'instance dont distraction au profit de Maître X... en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

La partie appelante fait valoir l'absence de formation d'un contrat, la bonne foi d'Avea, l'incapacité totale d'Iocean de tenir les délais convenus, l'absence de faute commise lors de la rupture des pourparlers, l'absence de relations commerciales établies.

****

Vu les conclusions notifiées et déposées le 29 juin 2017 par la société Iocean aux fins de voir la Cour :

Vu les articles 1134, 1142 et 1147, 1184, 1243 anciens du Code civil applicables à la cause,

L. 442-6 du code de commerce, et subsidiairement l'article 1382 ancien du même code,

Débouter l'Avea la Poste de l'intégralité de ses moyens, fins et prétentions.

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble des demandes de la société Iocean.

A titre principal sur la responsabilité contractuelle de l'Avea la Poste :

Condamner l'Avea la Poste au paiement de la somme de 143.041 € hors-taxes, soit 171.649,20 euros TTC au titre de l'exécution forcée du marché conclu avec la SARL Iocean.

Subsidiairement, condamner l'Avea la Poste au paiement de la somme de 143 041 € hors-taxes, soit 171.649,20 euros TTC à titre de dommages et intérêts contractuels.

Plus subsidiairement, condamner l'Avea la Poste au paiement de la somme de 71.572 euros au titre de la marge perdue par Iocean sur le marché litigieux.

En toute hypothèse condamner l'Avea la Poste au paiement d'une somme de 30.000 € au titre de sa responsabilité contractuelle à titre de réparation de son préjudice lié à la résiliation fautive du marché.

A titre subsidiaire, sur la responsabilité délictuelle de l'Avea la Poste,

Dire et juger que l'Avea la Poste s'est rendue l'auteur d'une rupture abusive de pourparlers et confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'Avea la Poste au paiement d'une somme de 50.000 € en réparation des préjudices subis par la SARL Iocean.

Dire et juger que l'Avea la Poste a engagé sa responsabilité du chef de l'article L442-6 du code de commerce du fait de la résiliation brutale des relations établies entre les parties depuis 2009 ;

En conséquence, condamner l'Avea la Poste au paiement d'une somme de 102.982 euros représentant la moitié du chiffre d'affaires annuel moyen réalisé entre les parties sur les 3 dernières années et à titre subsidiaire en calculant la marge brute perdue sur le chiffre d'affaires perdu sur une durée de six mois (102 982 €) sur la base d'un taux de marge de 50 %, soit une somme de 51 491 euros.

En toute hypothèse,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'Avea la Poste au paiement de la somme de 4 500 € au titre de l'article 700 du CPC en 1ère instance.

Y ajoutant, condamner l'Avea la Poste au paiement de la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du CPC en cause d'appel.

Condamner l'Avea la Poste aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELAS C2J agissant par Me Emmanuelle B... dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La société Iocean soutient à titre principal qu'un contrat a été conclu entre les parties, résilié de façon fautive ; elle fait valoir à titre subsidiaire une rupture fautive des pourparlers; elle excipe d'une rupture relations commerciales établies concernant des relations nouées à compter de 2009.

Vu l'ordonnance de clôture du 14 juin 2018,

MOTIFS

La Cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.

1. Sur la prétention à la responsabilité d'Avea à la suite de l'échec de la réalisation d'un nouveau système informatique :

Il n'est pas valablement contestable que l'appelante a mis en concurrence plusieurs prestataires informatiques pour l'automatisation de son site internet, dont elle justifie par la production de courriels et document en provenance de tiers (Thalès) et qu'elle a diffusé aux candidats intéressés son cahier des charges le 4 juillet 2013 pour obtenir une proposition financière de leur part.

Iocean a fait parvenir à Avea une proposition commerciale le 19 juillet 2013, puis le 23 juillet 2013 à 8h23, proposition actualisée au vu des échanges entre les parties le 22 juillet en ce qui concerne le 'backlog : qui liste les fonctionnalités du projet', le courriel comprenant la 'proposition commerciale: charges et budget du projet' comprenant la mention 'bon pour commande' et le 'backlog : qui liste les fonctionnalités du projet'.

La proposition commerciale litigieuse a été signée par le représentant d'Avea, accompagnée des mentions suivantes :« Nous retenons la proposition de lotissement des fonctionnalités afin qu'une version allégée puisse être livrée dans les délais et l'inscription en ligne être opérationnelle le 15 octobre 2013.

Cette proposition commerciale est acceptée sous réserve de la signature d'un contrat (basé sur le contrat initial) listant également les articles suivants :

- La propriété entière de tous les développements faits pour l'Avea la Poste ;

- Une garantie permettant la maintenance corrective avec des engagements sur les délais de correction ;

- Une obligation de performance d'un temps de réponse conforme au marché (instantané) y compris en cas de forte sollicitation aussi bien sur l'intranet que sur l'internet via le Web service ;

- Pour garder l'indépendance du site internet et avoir un référencement naturel les Web services fourniront des fichiers XML, sauf certains Web services indispensables en temps réel (disponibilité, paiement en ligne) ».

La proposition commerciale a été renvoyée par courriel à 16h50, avec la formulation 'veuillez trouver ci-joint la proposition signée avec les réserves énoncées lors de notre réunion téléphonique de début d'après-midi..'

Il a été accusé réception de la 'commande assortie des réserves' par courriel du 23 juillet 2013 à 17h, mention étant faite du traitement des réserves le jour même.

Des rencontres et des échanges de courriels ont eu lieu ensuite entre les parties.

Par courrier du 6 août 2013 adressé à 12h35, Avea a informé la société Iocean de l'impossibilité de donner suite à la proposition commerciale du 19 juillet 2013 en raison de l'incapacité, annoncée par Iocean, à tenir les délais sur lesquels cette société s'était engagée, alors qu'il s'agissait d'un élément essentiel de l'engagement.

Elle a sollicité, concernant la maintenance d'Aris, l'envoi d'une proposition commerciale pour une maintenance corrective jusqu'au 30 septembre suivant.

En réponse à 14h03 Iocean a répliqué que le courrier ne tenait pas compte de la proposition réactualisée du matin et a adressé un 'backlog par lot-V3, et planning prévisionnel' mis à jour, à16h40.

Sur le moyen tiré de la résiliation fautive de la convention du 23 juillet 2013:

La signature apposée par Avea sur le 'bon pour commande' du 19 juillet 2013 est assortie d'un certain nombre de réserves portant sur le planning d'intervention et la date de mise en production d'une version allégée, ainsi que d'autres demandes.

Or malgré les échanges entre les parties, Iocean n'a pas modifié la proposition initiale, ainsi , elle n'a pas transmis le contrat, dont la rédaction est mentionnée au courriel d'Iocean du 21 juillet 2013, lequel doit comporter notamment 'la mise en place d'une garantie, pour traiter les retours de développement, la définition précise du 1er lot qui sera mis en production le 15 octobre afin de permettre une inscription en ligne simplifiée, la mise en place d'un planning complet de réalisation pour l'ensemble du projet', le contrat devant comporter les mentions demandées expressément par Avea et reprises dans son courriel du 22 juillet 2013, les seules modifications apportées par Iocean intéressant le 'backlog'.

Iocean a continué à apporter des modifications après signature de la proposition en découpant les fonctionnalités en quatre lots, ainsi qu'il résulte du courriel de Iocéan ( Christophe C...) du 31 juillet 2013.

Elle a ensuite organisé un nouveau planning ainsi qu'un nouveau backlog, selon courriel d'Iocean du 6 août 2013.

La mention de la délivrance du lot 1 pour mise en production au 15 octobre 2013 dans la proposition datée du 19 juillet n'est pas suffisante, compte tenu des incertitudes sur les autres fonctionnalités et leurs dates de livraison, donnant lieu à divers échanges entre les parties dont les résultats n'ont pas été actés dans une nouvelle proposition par Iocean, en particulier un contrat écrit reprenant un certain nombre de conditions, portant sur des garanties, pour caractériser un consentement dépourvu d'équivoque sur l'intégralité de la proposition adressée dans les termes du 19 juillet accompagnée d'un backlog actualisé, de sorte que c'est vainement qu'Iocean soutient qu'Avea en apposant sa signature accompagnée de réserves précises, a accepté l'ensemble des mentions de la proposition commerciale comportant les éléments essentiels du contrat répondant au cahier des charges détaillé élaboré par Avea et, que le contrat souscrit a été exécuté par Avea ce que ne constitue pas l'envoi par Iocean d'une facture d'acompte.

Il résulte des éléments ci-dessus le débouté de la prétention à la résiliation fautive de la convention du 23 juillet 2013.

Sur le moyen tiré de la rupture de pourparlers :

L'intimée soutient que la rupture des pourparlers est fautive lorsqu'elle n'est motivée que par des points de désaccord mineurs, lorsque la rupture intervient au cours de pourparlers qui auront duré un temps appréciable, et lorsque la rupture a été brutale.

Elle ajoute que la rupture par Avea ne repose sur aucun fondement et que les griefs formulés à son encontre sont inexacts particulièrement le non-respect de la mise en place d'une inscription simplifiée pour le 15 octobre 2013.

L'appelante fait valoir que la rupture des pourparlers fondée sur une raison légitime n'était pas fautive, même à un stade avancé.

En l'espèce, après envoi de la proposition du 19 juillet 2013, les parties ont poursuivi leurs échanges, retranscrits par des courriels versés aux débats, sur les modifications apportées au projet et les demandes d'Avea.

Par courrier du 6 août 2013 adressé par mail à Iocean à 12h35, Avea a informé Iocean que 'par suite de l'annonce par Iocean de l'incapacité de tenir les délais dans lesquels elle s'était engagée, de développer le minimum d'éléments nécessaires au lancement des inscriptions en ligne pour le 15 octobre (2013) prochain', être 'dans l'impossibilité de donner suite à la proposition commerciale du 19 juillet 2013 que nous avions subordonnée à la conclusion d'un contrat définitif, ce qui en l'état ne peut être envisagé'.

L'appelante fait valoir une perte de confiance à raison d'un décalage dans la mise en place de certains fonctionnalités, telle la fonctionnalité « création de compte famille », auparavant incluse dans le lot 1 , et désormais incluse dans le lot n°2, dont la livraison est décalée. Toutefois elle ne justifie pas de la réalité d'autres décalages faisant obstacle au lancement des inscriptions en ligne pour le 15 octobre 2013.

Or résulte des productions d'Iocean, en particulier les courriels des 21, 23, 31 juillet 2013, 2 et 6 août 2013, et des plannings communiqués à Avea, que Iocean a toujours confirmé qu'elle était en mesure de respecter la mise en production d'une version allégée permettant les inscriptions en ligne dès le 15 octobre 2013. Le découpage en quatre lots n'est pas en lui-même un motif légitime d'une rupture sans préavis, dès lors que la date engageante du 15 octobre 2013 est maintenue.

Il s'ensuit que le moyen de ce que le décalage bouleversait totalement l'économie du projet et attestait que Iocean n'était pas en mesure de satisfaire la condition déterminante pour l'Avea de mise en production au 15 octobre 2013, n'est pas démontré et doit être écarté.

Le seul grief notifié dans le courrier de rupture du 6 août n'est pas un motif légitimant une rupture sans préavis dans le contexte d'une négociation réalisée dans des délais extrêmement serrés, Avea n'ayant en effet communiqué aux candidats son cahier des charges qu'à la date du 4 juillet 2013, dans une période de commencement des congés d'été, ainsi qu'Iocean lui en faisait part dans son courriel du 19 juillet 2013.

La réponse d'Iocéan le 6 août 2013 à 16h40 au courrier qu'Avea venait de lui adresser, proposant de renforcer son équipe et de remettre à jour le planning pour réaliser des fonctionnalités que l' Avea souhaitait voir incluses dans le lot 1, dont la livraison portait sur moins d'une semaine de décalage, témoigne d'un comportement réactif et diligent de l'intimée pour répondre aux demandes d'Avea.

L'intimée justifie que l'ajout en lot 1 de diverses fonctionnalités pour les conseillers, en l'espèce : 'consultation de séjour « à regarder pour plus tard », saisie d'un montant supérieur au prix de l'acompte, mail automatique de confirmation de commande, consultation des commandes avec filtrage, relance des familles selon critère, envoi d'un duplicata de facture par email, suivi des sélections de la famille, rôle agent qualité, rôle marketing, rôle pour chaque responsable de service, rôle compta ;' concerne des fonctionnalités mineures, dont la livraison intervenait au demeurant dès la semaine 44 soit du 28 octobre au 31 octobre 2013, soit dans un délai très proche de la date de livraison du lot 1.

S'agissant du contrat, il appartenait à Avea de le réclamer expressément à Iocean pour qu'elle le communique dans un délai déterminé assorti des conditions de garantie posées par Avea, celle-ci ne démontrant pas de réticence d'Iocean pour répondre à ses demandes, d'autant que la rédaction d'un tel contrat avait été réalisée lors de la prestation de refonte du système informatique en 2009, ce qui laissait présumer des relations de confiance depuis lors permettant la poursuite des négociations pendant le délai nécessaire.

Il résulte de l'ensemble des éléments ci-avant, qu'en adressant un courrier de fin de relations dans les conditions du courrier du 6 août 2013 litigieux , l'Avea ne s'est pas comportée comme un négociateur normalement prudent et diligent qui ne pouvait que notifier la fin des pourparlers, mais a fait la preuve d'un comportement précipité et brutal dépourvu de toute légitimité, étranger à la liberté de contracter, revêtant un caractère fautif engageant sa responsabilité délictuelle d'autant plus que Iocean avait déjà engagé des frais pour le développement des améliorations au système antérieur qu'elle avait élaboré.

Le jugement est confirmé par substitution de motifs.

Sur l'indemnisation sollicitée :

L'appelante s'oppose à l'indemnisation autres que les frais occasionnés.

L'intimée sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné Avea à payer la somme de 50.000 euros, représentant les frais engagés et la perte de chance d'obtenir le contrat.

Il résulte des productions de l'intimée, que celle-ci justifie des frais de personnel exposés pour la réalisation du cahier des charges et toutes les demandes de l'Avea à hauteur de 24.975 euros et d'une perte de chance de souscrire le contrat , l'occurrence de réalisation étant dans cette situation exempte de faute, très forte, établissant un préjudice que la cour évalue au vu des éléments objectifs versés aux débats à la somme de 25.025 euros , de sorte que le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné l'Avea à payer la somme de 50.000 euros.

2. Sur la rupture brutale des relations commerciales établies :

Aux termes de l'article L442-6 I 5° du Code de commerce : 'Engage la responsabilité de son auteur et l' oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commercant, industriel on artisan : () 5°) De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminé, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d' inexécution par l' autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ».

Les relations se sont nouées entre les parties à compter du mois d' août 2009, pour la fourniture de prestations de services informatiques d'hébergement, de développement en matière de communication, d'étude d'optimisation des performances, d'astreintes, de dépannages, de formations jusqu'en 2013 et la signature d'une convention de refonde du système informatique le 7 septembre 2009.

Il n'est pas justifié par Avea que les prestations souscrites résultaient d'appels d'offre.

S'agissant de relations stables procurant à Iocean un chiffre d'affaires annuel de :

- 151.412 euros HT pour l'exercice 2009/2010,

- 212.688 euros HT pour l'exercice 2010/2011,

- 253.595 euros HT pour l'exercice 2011/2012

- 126.912 euros HT pour l'exercice 2012/2013,

il en résulte que ces relations présentent le caractère de relations commerciales établies, Iocean pouvant légitimement croire à la poursuite de ces relations.

Avea mettant fin à toute commande à compter du 1er septembre 2013 sans avoir notifié à Iocean un préavis avant de mettre fin à la relation commerciale, les relations ont pris fin à cette date.

Compte tenu de la durée de quatre années des relations entre les parties, le tribunal a valablement fixé le délai de préavis non-délivré à quatre mois.

Iocean établit avoir réalisé un chiffre d'affaires moyen de 197.731 euros sur trois années et d'un taux de marge brute de 50%, de sorte que c'est à bon droit que le tribunal a fixé à 32.955 euros le préjudice subi par l'intimée, montant que la cour confirme.

Autres demandes :

L'appelante succombant dans ses prétentions, c'est à bon droit que le premier juge a débouté l'Avea de sa demande d'indemnisation pour des faits de déloyauté et comportement fautif d'Iocean lors des pourparlers entre les parties, de sorte qu'en l'absence d'élément nouveau, ce rejet est confirmé.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME avec substitution de motifs le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'association Avea la Poste à payer à la société Iocean la somme de 50.000 euros ;

LE CONFIRME pour le surplus ;

Vu l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE l'association Avea la Poste à payer à la société Iocean la somme de 10.000 euros ;

REJETTE toute demande autre ou plus ample;

CONDAMNE l'association Avea la Poste aux entiers dépens recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 17/03319
Date de la décision : 01/02/2019

Références :

Cour d'appel de Paris J2, arrêt n°17/03319 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-01;17.03319 ?
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