RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 30 Janvier 2019
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/07606 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BY5IC
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Mars 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 09/11026
APPELANT
M. Gregory X...
Domicilié chez Me Grégoire Y...
[...]
né le [...] à MONTCY NOTRE DAME (08090)
représenté par Me Grégoire Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : D0621
INTIMEES
Société EURONEXT PARIS
100 Palais de la Bourse
[...]
représentée par Me Marie-hélène Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0438 substitué par Me Sophie A..., avocat au barreau de PARIS
Société LIFFE ADMINISTRATION AND MANAGEMENT, société de droit anglais
[...]
ANGLETERRE
représentée par Me Claire B..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0008 substitué par Me Charles C..., avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 Novembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:
Madame Sandra ORUS, Présidente
Madame Carole CHEGARAY, Conseillère
Madame Séverine TECHER, Vice-Présidente Placée
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Fanny MARTIN, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Sandra ORUS, Présidente et par Madame Amélie FERRARI, Greffier placé à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. Grégory X... a été engagé par la société de droit anglais LIFFE administration and management suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 13août 2001, en qualité d''account manager', chargé de clientèle.
Dans le dernier état de la relation contractuelle, il occupait un emploi de directeur commercial Europe du marché des produits dérivés.
Par lettre du 10 juin 2009, M. X... a été licencié pour motif économique.
Contestant le bien-fondé de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de l'intégralité de ses droits, M. X... a saisi, le 17août 2009, le conseil de prud'hommes de Paris au fond et en référé.
Par ordonnance en date du 23 novembre 2009, la formation de référé a dit n'y avoir lieu à référé.
Par jugement rendu le 31mars 2011, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes, statuant au fond, a débouté M. X... de toutes ses demandes et l'a condamné aux dépens. Les sociétés Euronext Paris et LIFFE administration and management ont également été déboutées de leur demande présentée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur appel interjeté par M. X... le 31 octobre 2011, la cour d'appel de Paris a, par arrêt rendu le 3avril 2014:
- déclaré ledit appel recevable,
- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Life administration and management,
- jugé que l'employeur unique de M. X... était la société LIFFE administration and management,
- jugé que le droit applicable tant à l'exécution qu'à la rupture du contrat de travail liant M. X... et la société LIFFE administration and management était le droit anglais,
- confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait débouté M. X... de toutes ses demandes dirigées contre la société LIFFE administration and management et contre la société Euronext Paris,
- laissé à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles,
- et condamné M. X... aux dépens.
Saisie d'un pourvoi formé par M. X..., la Cour de cassation a, par arrêt rendu le 13janvier 2016, cassé et annulé cette décision, mais seulement en ce qu'elle avait dit le droit anglais seul applicable à l'exécution et à la rupture du contrat de travail liant M. X... à la société LIFFE et rejeté les demandes formées à l'encontre de celle-ci au motifque la cour d'appel, en se déterminant par des motifs inopérants, sans rechercher dans quel État le salarié accomplissait habituellement son travail et, dans l'hypothèse où le salarié accomplissait habituellement son travail en France, si les dispositions impératives du droit français en la matière n'étaient pas plus favorables que celles du droit du Royaume-Uni choisi par les parties dans le contrat de travail, n'avait pas donné de base légale au regard de l'article 6 § 1 et § 2 de la Convention de Rome du 19juin 1980 relative aux obligations contractuelles.
M. X... a saisi la cour d'appel de renvoi par déclaration déposée au greffe le 26avril 2016.
Par conclusions déposées le 21 novembre 2018, visées par le greffier et développées oralement, auxquelles il est expressément fait référence, M. X... demande à la cour de:
- à titre principal :
* reconnaître l'existence d'un contrat de travail tacite le liant à la société Euronext Paris,
* condamner la société Euronext Paris à lui payer les sommes suivantes:
. 141 044,27 euros à titre de dommages-intérêts pour non-paiement de la participation 2002-2009,
. 54 683 euros bruts à titre de rappel de salaire sur rémunération variable 2009,
. 89 193,73 euros nets à titre de dommages-intérêts pour non-application du forfait-jours,
. 439 999,97 euros nets à titre d'indemnité de départ totale prévue au plan de sauvegarde de l'emploi 2009,
. 22 000 euros au titre de l'aide à la création d'entreprise,
. 15 000 euros au titre de l'aide à la formation,
. 90 037,50 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de proposition du congé de reclassement,
. 21 999,98 euros à titre de dommages-intérêts en raison de l'absence de mention de la priorité de réembauchage,
. 395 999,64 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 21 999,98 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire de la relation de travail,
* ordonner à la société Euronext de lui remettre une attestation Pôle emploi, des bulletins de paie et un certificat de travail conformes,
* juger la loi française applicable à sa relation de travail avec la société LIFFE administration and management,
* condamner la société LIFFE administration and management à lui payer les sommes suivantes:
. 87 999,99 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
. 395 999,64 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 54 683 euros bruts à titre de rappel de salaire sur rémunération variable 2009,
. 21 999,98 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture vexatoire de son contrat de travail,
- à titre subsidiaire :
* reconnaître l'existence d'un co-emploi entre les sociétés LIFFE administration and management et Euronext Paris en application du droit français,
* condamner solidairement les sociétés LIFFE administration and management et Euronext Paris à lui payer les sommes suivantes:
. 141 044,27 euros à titre de dommages-intérêts pour non-paiement de la participation 2002-2009,
. 54 683 euros bruts à titre de rappel de salaire sur rémunération variable 2009,
. 89 193,73 euros nets à titre de dommages-intérêts pour non-application du forfait-jours,
. 439 999,97 euros nets à titre d'indemnité de départ totale prévue au plan de sauvegarde de l'emploi 2009,
. 22 000 euros au titre de l'aide à la création d'entreprise,
. 15 000 euros au titre de l'aide à la formation,
. 90 037,50 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de proposition du congé de reclassement,
. 21 999,98 euros à titre de dommages-intérêts en raison de l'absence de mention de la priorité de réembauchage,
. 395 999,64 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 21 999,98 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire de la relation de travail,
* condamner solidairement les sociétés LIFFE administration and management et Euronext Paris à lui remettre une attestation Pôle emploi, des bulletins de paie et un certificat de travail conformes,
* juger les dispositions impératives de la loi française applicables à la relation de travail le liant à la société LIFFE administration and management,
* condamner la société LIFFE administration and management à lui payer les sommes suivantes:
. 87 999,99 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
. 54 683 euros bruts à titre de rappel de salaire sur rémunération variable 2009,
- en tout état de cause, condamner solidairement les sociétés LIFFE administration and management et Euronext Paris à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Par conclusions déposées le 21 novembre 2018, visées par le greffier et développées oralement, auxquelles il est expressément fait référence, la société LIFFE administration and management sollicite de la cour:
- à titre principal, qu'elle déboute M. X... de toutes ses demandes, en retenant:
* que le litige est limité aux seules demandes de M. X... dirigées contre elle,
* qu'il doit être fait application du droit anglais au contrat de travail, conformément au choix des parties sur ce point,
* que M. X... ne peut prétendre sérieusement qu'il exerçait ses fonctions habituellement en France,
* qu'au terme de son contrat de travail, M. X... a renoncé aux dispositions de toute convention collective,
* que M. X... n'est pas fondé à se prévaloir de l'article 6 § 1 de la Convention de Rome ni de l'article 49 de convention collective nationale de la bourse,
* que M. X... n'est pas fondé en sa demande de rémunération variable,
- à titre subsidiaire, s'il était retenu que M. X... a exercé ses fonctions habituellement en France, qu'elle dise le droit anglais seul applicable dès lors qu'il offre une protection équivalente aux dispositions impératives du droit français et qu'elle déboute M. X... de ses demandes,
- à titre plus subsidiaire, qu'elle dise que M. X... n'est pas fondé en ses demandes, même en appliquant la loi française, qu'elle le déboute de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement, qu'elle limite le quantum de cette indemnité, qu'elle le déboute de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire, d'indemnité de licenciement, une telle indemnité lui ayant déjà été versée en application de la loi anglaise, et de rappel de rémunération variable pour 2009,
- qu'elle condamne M. X... à lui payer la somme de 8000 euros au titre de ses frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.
Par conclusions déposées le 21 novembre 2018, visées par le greffier et développées oralement, auxquelles il est expressément fait référence, la SA Euronext Paris sollicite:
- in limine litis, le renvoi de M. X... devant le tribunal de grande instance de Paris sur sa demande présentée au titre de la participation, la juridiction prud'homale n'étant pas compétente pour en connaître,
- à titre principal, une déclaration d'irrecevabilité des demandes de M. X... dirigées contre elle, en retenant que l'arrêt rendu le 3avril 2014, qui a considéré la société LIFFE administration and management comme employeur exclusif du salarié, n'a pas été cassé sur ce point et a donc l'autorité de la chose jugée et en écartant les moyens nouveaux inopérants en vertu du principe de concentration des moyens,
- à titre subsidiaire, le rejet des demandes de M. X... pour défaut de lien contractuel avec elle, par le biais d'un contrat de fait comme par celui d'un co-emploi,
- à titre infiniment subsidiaire, si un co-emploi était reconnu et si la loi française était reconnue applicable, le rejet de toutes les demandes de M. X..., au motif qu'elles sont injustifiées,
- en tout état de cause, la condamnation de M. X... à lui payer les sommes de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 5000 euros au titre de ses frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.
MOTIFS
Sur l'exception d'incompétence matérielle
L'article 480 du code de procédure civile dispose que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche. Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4 ;
Dans l'arrêt rendu le 3 avril 2014, la cour d'appel de Paris, autrement composée, saisie, in limine litis, comme le conseil de prud'hommes l'avait été en première instance, par la société LIFFE administration and management ainsi que par la société Euronext Paris d'une exception d'incompétence matérielle au profit du tribunal de grande instance de Paris s'agissant de la demande présentée au titre de la participation de M. X... aux résultats de l'entreprise, sur le fondement des articles L.3326-1 et R.3326-1 du code du travail, a expressément rejeté ladite exception, les premiers juges ayant omis de statuer sur cette prétention ;
Cette disposition de l'arrêt, qui n'a été ni discutée devant la Cour de cassation, ni censurée par elle, est désormais définitive ;
La société Euronext Paris ne peut, en conséquence, sans se heurter à l'autorité de la chose jugée prévue par l'article 480 susvisé, soulever à nouveau ladite exception, ce qui conduit à déclarer cette prétention irrecevable ;
Sur la recevabilité des demandes dirigées contre la société Euronext Paris
Dans le cadre de son appel initial du jugement rendu le 31 mars 2011, M. X... avait saisi la cour d'appel de demandes tendant, notamment, à voir reconnaître l'existence d'un contrat de travail le liant à la société Euronext Paris et d'une situation de co-emploi entre cette dernière et la société LIFFE administration and management ;
Dans son arrêt du 3 avril 2014, la cour d'appel de Paris, autrement composée, a expressément jugé que l'employeur unique de M. X... était la société LIFFE administration and management, en retenant, dans ses motifs, notamment, que la société Euronext Paris n'avait pas le statut de co-employeur et qu'aucun lien de subordination entre M. X... et cette société n'était démontré, et débouté, en conséquence, comme l'avaient fait les premiers juges, l'appelant de ses demandes dirigées contre la société Euronext Paris ;
En limitant la cassation uniquement au rejet des demandes dirigées contre la société LIFFE administration and management, la Cour de cassation n'a pas censuré les juges du fond sur les dispositions qui précèdent relatives à la société Euronext Paris, qui sont donc définitives.
Par ailleurs, l'invitation délivrée par cette juridiction dans les motifs de son arrêt en vue de rechercher le lieu de travail habituel de M. X... ne permet pas de retenir que l'appelant n'a pu faire valoir tous ses moyens en temps utile ;
En effet, ses conditions de travail étaient connues de lui dès sa saisine initiale de la juridiction prud'homale, de sorte qu'il lui appartenait de soumettre au débat tous les moyens et preuves y afférents, et il ne fait la démonstration d'aucun événement postérieur ou circonstance nouvelle après l'adoption des dispositions susvisées ;
Dans ces conditions, comme le soutiennent les intimées, M. X... n'est pas recevable en ses demandes dirigées contre la société Euronext Paris dans la présente procédure, lesquelles se heurtent à l'autorité de la chose jugée prévue par l'article 480 du code de procédure civile;
Sur le bien-fondé des demandes dirigées contre la société LIFFE administration and management
L'article 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 relative aux obligations contractuelles dispose:
- en son premier paragraphe, que, nonobstant les dispositions de l'article 3, relatif à la liberté de choix, dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du présent article,
- en son second paragraphe, que, nonobstant les dispositions de l'article 4, relatif à la loi applicable à défaut de choix, et à défaut de choix exercé conformément à l'article 3, le contrat de travail est régi:
a) par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s'il est détaché à titre temporaire dans un autre pays,
ou
b) si le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur,
à moins qu'il ne résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable ;
En l'espèce, le contrat de travail signé le 15 août 2001 par la société LIFFE administration and management, dont les pièces produites établissent qu'elle est une société de droit anglais ayant son siège social à Londres, et M. X... stipule que la loi applicable à leur relation est le droit anglais ;
Dans ledit contrat, qui n'a subi aucune modification par la suite en dépit des évolutions fonctionnelles de M. X..., il est expressément indiqué que le salarié travaillera dans les locaux de la [...] et à Londres, ainsi que dans d'autres lieux où la société exerce également ses activités, qu'il rendra compte de son activité au responsable du service 'account management' et qu'il devra se rendre régulièrement à des réunions de service à Londres ;
La fréquence des déplacements de M. X... dans ces différents lieux de travail n'a pas été précisée ;
Indépendamment du statut de travailleur détaché temporairement, aucun élément ne permettant de retenir que M. X... avait ce statut, étant précisé que le Règlement (CE) n°593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) ne peut servir de fondement au cas d'espèce dès lors que le contrat litigieux est antérieur à l'entrée en vigueur de ce texte, et au-delà des stipulations susvisées du contrat de travail, les pièces produites font ressortir que M. X... accomplissait habituellement son travail en France ;
En effet, M. Paul D..., qui a travaillé pour le compte de la société LIFFE administration and management entre 1993 et 2003, en qualité de responsable des ventes internationales, atteste de ce que M. X... a été recruté par cette société afin de travailler à Paris et qu'il était basé en permanence dans cette ville ;
M. Karim E..., qui a travaillé pour le compte de la société Euronext Paris entre 2004 et 2010, déclare, pour sa part, que M. X... était présent en permanence sur le site parisien de la société Euronext Paris ;
M. X... produit au débat diverses pièces corroborant l'existence d'une activité soutenue en France:
- un courriel daté du 18 juin 2003 faisant mention d'une réunion hebdomadaire avec des salariés exclusivement français, à laquelle il devait participer, sous l'égide de M. Georges F..., qui était, en 2006, membre du directoire de la société Euronext Paris, en 2009, secrétaire général de cette société,
- des courriels datés des 9 août et 27 novembre 2002 faisant ressortir deux réunions avec des salariés français auxquelles il devait participer,
- un courriel daté du 17 février 2004 évoquant l'établissement d'un badge d'accès dans les locaux d'Euronext à son profit,
- un compte-rendu de réunion tenue le 22 mars 2004 à Paris, à laquelle M. X... était présent,
- un courriel daté du 30 juin 2004 faisant état d'une réunion des équipes de Paris, à laquelle il avait été convié,
- deux lettres datées des 5 août et 30 septembre 2004 précisant à deux salariées, l'une, récemment mutée, l'autre, nouvellement engagée, qu'elles exerceraient leurs fonctions sous l'autorité de M. X..., la seconde s'étant vu indiquer qu'elle travaillerait au siège de la société Euronext Paris situé [...],
- des lettres adressées à des salariés comportant comme adresse expéditrice celle des locaux de la société Euronext Paris situés [...] ayant été signées les 17mars 2005, 20mars 2006, 20mars 2007, 25mars 2008 et 19février 2009 par M. X... et le directeur des ressources humaines de cette société,
- un contrat de travail conclu à compter du 18 juillet 2005 stipulant que le salarié concerné exercerait ses fonctions sous l'autorité de M. X... et qu'il travaillerait au siège de la société Euronext Paris situé [...],
- les répertoires téléphoniques alphabétique et par direction au sein de la société Euronext Paris, édités en mai 2006, faisant apparaître le nom de M. X... associé à un numéro et à un service,
- ses bulletins de paie de 2001 à 2009 faisant état, outre son affiliation au régime de sécurité sociale français, qui s'imposait selon la société LIFFE administration and management, de cotisations sociales, pour l'assurance chômage et la retraite notamment, françaises, ainsi que de contributions au paiement de taxes françaises (CSG et CRDS) ;
La société LIFFE administration and management ne démontre pas, pour sa part, que le contrat de travail présentait des liens plus étroits avec le Royaume-Uni ;
S'il ressort de la fiche de poste applicable depuis 2005, des entretiens d'évaluation réalisés pour les années 2006 et 2007, ainsi que des ordres de mission datés de 2007 et 2008, communiqués par la société LIFFE administration and management, que, dans le cadre de ses fonctions, M. X... ne travaillait pas uniquement à Paris mais était amené à se déplacer à Londres, Amsterdam, Bruxelles et Francfort, les entretiens d'évaluation susvisés font mention d'un nombre de réunions pour Paris plus important que pour les autres secteurs et les autres pièces ne permettent pas de retenir que M. X... ne travaillait pas le plus souvent à Paris, où il était domicilié, les ordres de mission produits par la société LIFFE administration and management faisant apparaître uniquement trois déplacements, les 10 décembre 2007 et 4août 2008 pour se rendre à Londres, entre les 17 et 19janvier 2008 pour se rendre à Bruxelles, ce, depuis Paris ;
L'organigramme versé au débat par la société LIFFE administration and management, daté du 31décembre 2006, fait d'ailleurs état d'une localisation de M. X... à Paris, sous le sigle '(P)', comme deux autres salariés, MM. Eric G... et Philippe E..., les autres salariés de l'organigramme étant signalés comme étant à Londres '(Lo)' pour la majorité, à Amsterdam '(A)' pour certains, notamment le responsable des ventes aux Pays-Bas, à Bruxelles '(B)' pour un salarié, responsable des ventes en Belgique ;
Compte tenu de l'ensemble des éléments ainsi recueillis, la cour retient que le lieu habituel de travail de M. X... était situé en France et qu'ainsi, à défaut de choix de la loi applicable par les parties, la loi française aurait été applicable ;
Il appartient, dès lors, à la cour de rechercher si les dispositions impératives du droit français n'étaient pas plus favorables que celles du droit du anglais choisi par les parties dans le contrat de travail et non de faire application pure et simple de la loi française, ce qui conduit au rejet des demandes de M. X... en ce qu'elles sont présentées sur ce seul fondement.
Les règles de droit français relatives à la procédure de licenciement, qui prévoient, notamment, l'application d'une convention collective pour déterminer le quantum des indemnités de rupture, dans le cadre de laquelle l'ancienneté du salarié est prise en compte dans son intégralité, sont plus protectrices que les règles de droit anglais qui n'imposent aucune convention collective et dont il n'est pas démontré qu'elles tiennent compte de l'ancienneté du salarié dans son intégralité dans la détermination de l'indemnité de licenciement ;
Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter la loi anglaise, dont la protection n'est pas équivalente à celle assurée par la loi française, nonobstant l'existence d'une indemnité de rupture en son principe, au profit de ces dispositions impératives ;
En revanche, en ce qui concerne la rémunération variable, M. X... n'explicite ni ne démontre en quoi les dispositions du droit français seraient plus protectrices que le droit anglais ;
Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la demande de rappel de rémunération variable présentée pour l'année 2009, comme l'ont fait à bon droit les premiers juges ;
La convention collective nationale de la bourse du 26 octobre 1990, telle qu'elle était applicable, dispose, en son article 49, que tout salarié licencié ayant plus d'un an d'ancienneté a droit, sauf faute grave ou lourde, à une indemnité de licenciement calculée en fonction de son ancienneté. L'ancienneté s'apprécie au sein d'une même entreprise, sauf stipulation contraire du contrat d'embauche. L'indemnité de licenciement est égale à un demi-mois par année d'ancienneté décomptées jusqu'à 60ans. Elle est plafonnée à dixmois. Le salaire de référence servant conventionnellement de base à ce calcul est égal au 1/12 des appointements fixes perçus par le salarié au cours des douze derniers mois écoulés, majorés le cas échéant des avances garanties sur éléments variables ;
Les parties intéressées s'entendent pour voir fixer le salaire mensuel brut moyen de M. X... à la somme de 21999,98 euros ;
Compte tenu de ce salaire et de l'ancienneté de M. X..., soit 7ans 11mois et 18jours, préavis compris, il est dû à l'appelant, en application de la règle susvisée, la somme de 84377,16 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, déduction faite de l'indemnité de licenciement qui a été versée au salarié à l'occasion de la rupture (3248,56 euros), ce, avec intérêts au taux légal à compter du 28octobre 2009, date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.
Cette demande n'ayant pas été présentée devant le conseil de prud'hommes, il n'y a lieu ni à confirmation ni à infirmation de ce chef ;
Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive
Selon l'article 559 du code de procédure civile, en cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 3000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés. Cette amende, perçue séparément des droits d'enregistrement de la décision qui l'a prononcée, ne peut être réclamée aux intimés. Ceux-ci peuvent obtenir une expédition de la décision revêtue de la formule exécutoire sans que le non-paiement de l'amende puisse y faire obstacle ;
L'article 1382 du code civil, dans sa version en vigueur lors du dépôt de la requête, dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ;
En l'espèce, M. X..., assisté d'un avocat, professionnel du droit avisé, a maintenu ses demandes contre la société Euronext alors qu'au terme du dispositif de l'arrêt de cassation partielle rendu le 13janvier 2016, il était suffisamment éclairé sur leur mal-fondé ;
En agissant ainsi, M. X... a abusé de son droit d'agir en justice ;
Dès lors, il doit être condamné à payer à la société Euronext Paris, qui, ayant dû assurer sa défense dans une procédure injustifiée, a subi un préjudice, la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, étant observé que cette demande, nouvelle dans la présente procédure, n'a appelé aucune observation de sa part ;
Sur les autres demandes
La société LIFFE administration and management succombant principalement à l'instance, il est justifié de la condamner aux dépens de première instance et de la présente procédure et à payer à M. X... la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles dont il serait inéquitable de lui laisser la charge ;
Le surplus des demandes présentées de ce dernier chef est rejeté.
PAR CES MOTIFS
La cour,
DÉCLARE l'exception d'incompétence matérielle et les demandes dirigées contre la SA Euronext Paris irrecevables;
CONFIRME, dans la limite de la cassation partielle, le jugement déféré, sauf en sa disposition relative aux dépens;
Ajoutant,
CONDAMNE la société de droit anglais LIFFE administration and management à payer à M. X... la somme de 84377,16 euros bruts à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 28octobre 2009;
CONDAMNE M. X... à payer à la SA Euronext Paris la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive;
CONDAMNE la société de droit anglais LIFFE administration and management aux dépens de première instance et de la présente procédure et à payer à M. X... la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE