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29/01/2019 | FRANCE | N°17/05619

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 29 janvier 2019, 17/05619


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRÊT DU 29 JANVIER 2019



(n°016/2019, 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/05619 -

N° Portalis 35L7-V-B7B-B234H



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Mars 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/17802





APPELANTE



SAS DENTELLE SOPHIE HALLETTE



Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de DOUAI sous le numéro 672 029 725

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[A...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRÊT DU 29 JANVIER 2019

(n°016/2019, 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/05619 -

N° Portalis 35L7-V-B7B-B234H

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Mars 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/17802

APPELANTE

SAS DENTELLE SOPHIE HALLETTE

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de DOUAI sous le numéro 672 029 725

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Corinne CHAMPAGNER KATZ de la SELASU CORINNE CHAMPAGNER KATZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C1864

Assistée de Me Joséphine WEIL substituant Me Corinne CHAMPAGNER KATZ de la SELASU CORINNE CHAMPAGNER KATZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C1864

INTIMÉE

SA RENE DERHY IMPORT EXPORT

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 786 509 679

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Fabienne FAJGENBAUM de la SCP NATAF FAJGENBAUM & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0305

Assisté de Me Thibault LACHACINSKI substituant Me Fabienne FAJGENBAUM de la SCP NATAF FAJGENBAUM & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0305

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 Novembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur David PEYRON, Président de chambre

Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère

M. François THOMAS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

Contradictoire

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par David PEYRON, Président de chambre et par Karine ABELKALON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS

La société DENTELLE SOPHIE HALLETTE (ci-après la société SOPHIE HALLETTE) déclare avoir pour activité la création, l'élaboration, et la commercialisation de dentelles haut de gamme. Revendiquant être l'héritière de la 'maison SOPHIE HALLETTE' fondée en 1887 par [Y] HALLETTE, elle emploie actuellement 184 personnes et précise produire l'intégralité de ses dentelles dans la région de [Localité 1] dans le Nord de la France.

Elle prétend être titulaire de droits d'auteur :

- sur un dessin de dentelles référencé 970120 qui aurait été divulgué et commercialisé pour la première fois en septembre 2008 par la société RIECHERS MARESCOT sous la référence 78184, avant de lui être transmis à la suite d'une réorganisation interne des deux sociétés par le groupe HOLESCO propriétaire de celles-ci ; elle commercialiserait depuis ce dessin sous la référence 970120 ; dessin qu'elle décrit comme une dentelle de style baroque présentant l'association de deux compositions florales différentes, chacune composée d'une fleur et d'un feuillage spécifique et qui est commercialisé en différentes qualités, couleurs et largeurs :

- sur un dessin de dentelle référencé 60360 ou 60363, créé par Monsieur [Z] [A] salarié de la société DENTELLE SOPHIE HALLETTE depuis le 18 avril 1984, qui lui aurait cédé l'intégralité de ses droits patrimoniaux d'auteur ; dessin qu'elle décrit comme une dentelle d'inspiration florale, composée de deux bouquets et qui serait commercialisé depuis 2005 en plusieurs qualités, couleurs et largeurs :

La société RENE DERHY IMPORT EXPORT (ci-après, la société RENE DERHY) exerce, depuis 1969, les activités de création, de fabrication et de commercialisation de vêtements de prêt-à-porter féminin pour le grand public. Elle déclare commercialiser ses produits notamment sous les marques "DERHY" et "RENE DERHY", auprès de grossistes et de boutiques de détail ainsi que sur son site internet accessible à l'adresse www.derhy.com.

La société SOPHIE HALLETTE indique avoir observé que la société RENE DERHY proposait à la vente sur son site internet :

- cinq produits comportant une dentelle reproduisant selon elle les caractéristiques du dessin 970120 :

* Un top noir à manches courtes et col rond, commercialisé sous la référence DISERTE W525002,

* Un top écru à manches courtes et col rond, également commercialisé sous la référence DISERTE W525002,

* Une blouse à manches longues de couleur écrue à col chemise commercialisée sous la référence DISPARITE W525004,

* Une robe à manches longues, référencée ROBE CAMOUFLET W510055,

* Une jupe évasée en jacquard noir et blanc, référencée JUPE FLASH W550008,

- Une blouse bicolore blanche et noire à manches longues et col chemise commercialisé sous la référence DOLMEN W5250 qui comporterait un pan de dentelle noire reproduisant les caractéristiques du dessin 60360.

Après avoir fait établir les 15 et 16 octobre 2015 un constat internet sur le site www.derhy.com et acquis certains produits litigieux, elle a fait réaliser, le 29 octobre 2015, une saisie-contrefaçon au siège social de la société RENE DERHY à [Localité 3].

Par acte du 26 novembre 2015, la société SOPHIE HALLETTE a assigné la société RENE DERHY devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droit d'auteur et en concurrence parasitaire.

La société SOPHIE HALLETTE a interjeté appel du jugement du 2 mars 2017 qui a :

déclaré irrecevable l'intégralité des demandes de la société SOPHIE HALLETTE au titre de la contrefaçon de droits d'auteur pour défaut de qualité à agir ;

débouté la société SOPHIE HALLETTE de ses demandes subsidiaires au titre de la concurrence parasitaire ;

débouté la société RENE DERHY de sa demande au titre de la procédure abusive ;

rejeté la demande de la société SOPHIE HALLETTE au titre des frais irrépétibles ;

condamné la société SOPHIE HALLETTE à payer à la société RENE DERHY la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société SOPHIE HALLETTE à supporter les entiers dépens de l'instance qui pourront être recouvrés directement par la SCP NATAF FAJGENBAUM & Associés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.

Par conclusions du 10 septembre 2018, la société SOPHIE HALLETTE demande à la cour de :

infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 2 mars 2017, sauf en ce qu'il a débouté la société RENE DERHY de ses demandes reconventionnelles ;

et statuant à nouveau de :

à titre principal :

juger que la société SOPHIE HALLETTE est recevable à agir sur le fondement du droit d'auteur en tant que titulaire des dessins 970120 et 60360 ;

juger que les dessins référencés 970120 et 60360 de la société SOPHIE HALLETTE sont originaux et protégeables conformément aux dispositions des livres I et III du code de la propriété intellectuelle ;

juger que la société RENE DERHY a commis des actes de contrefaçon en important, en offrant à la vente et en commercialisant des produits reproduisant les caractéristiques originales des dessins référencés 970120 et 60360 de la société SOPHIE HALLETTE ;

en conséquence :

condamner la société RENE DERHY à verser à la société SOPHIE HALLETTE la somme de 166.460,66 euros en réparation de son manque à gagner ;

condamner la société RENE DERHY à verser à la société SOPHIE HALLETTE la somme de 200.000 euros en réparation de l'avilissement et de la banalisation des dessins 970120 et 60360;

condamner la société RENE DERHY à verser à la société SOPHIE HALLETTE la somme de 227.200 euros en réparation de l'atteinte à ses investissements ;

condamner la société RENE DERHY à verser à la société SOPHIE HALLETTE la somme de 200.000 euros en réparation de son préjudice moral ;

condamner la société RENE DERHY à verser à la société SOPHIE HALLETTE la somme de 265.189 euros au titre des bénéfices indûment réalisés ;

condamner la société RENE DERHY à verser à la société SOPHIE HALLETTE la somme de 327.464,62 euros au titre de la confiscation des recettes ;

à titre subsidiaire :

juger que la société RENE DERHY s'est rendue coupable d'agissements parasitaires à l'encontre de la société SOPHIE HALLETTE ;

en conséquence :

condamner la société RENE DERHY à verser à la société SOPHIE HALLETTE la somme de 800.000 euros au titre des actes de concurrence parasitaire ;

en tout état de cause :

faire interdiction à la société RENE DERHY de commercialiser des produits reproduisant les caractéristiques des dessins référencés 970120 et 60360 de la société SOPHIE HALLETTE, et ce sous astreinte définitive de 1.000 euros par infraction constatée et par jour de retard, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, la Cour se réservant le droit de liquider l'astreinte directement ;

ordonner à la société RENE DERHY de faire établir à ses frais et de communiquer aux débats l'inventaire exhaustif et détaillé, établi sous contrôle d'Huissier de justice pouvant être désigné par la Cour, de l'ensemble des produits argués de contrefaçon restant en stock à la date de la signification de la décision ;

ordonner la destruction de tous les produits contrefaisants restant en stock au sein de la société RENE DERHY, ce dont il sera dressé procès-verbal par Huissier aux frais de la société RENE DERHY, qui sera transmis à la société SOPHIE HALLETTE dans les 30 jours suivant la signification de la décision à intervenir ;

ordonner la publication de l'arrêt à intervenir, en intégralité ou par extraits, au choix de la société SOPHIE HALLETTE :

/ dans 10 journaux ou publications professionnels (y compris électroniques), au choix de la société SOPHIE HALLETTE, et aux frais avancés de la société RENE DERHY, sur simple présentation des devis, dans la limite de 8.000 euros H.T. par insertion.

/ sur le site Internet de la société RENE DERHY www.renederhy.com pendant soixante jours, en police de taille minimum 12, sur une espace qui ne pourra être inférieur à 15 centimètres de longueur et 20 centimètres de largeur, et ce, sous astreinte définitive de 1.000 euros par jour de retard, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, la Cour se réservant le droit de liquider l'astreinte directement ;

débouter la société RENE DERHY de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles ;

condamner la société RENE DERHY à verser à la société SOPHIE HALLETTE la somme, sauf à parfaire, de 40.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société RENE DERHY au remboursement des frais de saisie-contrefaçon et de constats exposés par la société SOPHIE HALLETTE ;

condamner la société RENE DERHY aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Corinne CHAMPAGNER KATZ, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions du 14 septembre 2018, la société RENE DERHY demande à la cour de :

confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 2 mars 2017 en ce qu'il a débouté la société SOPHIE HALLETTE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

l'infirmer en ce qu'il a refusé d'annuler les opérations de saisie-contrefaçon mises en 'uvre le 29 octobre 2015 par Maître [O] dans les locaux de la société RENE DERHY en vertu d'une ordonnance présidentielle du 26 octobre 2015 et de sanctionner la société SOPHIE HALLETTE pour procédure abusive ;

et statuant à nouveau :

annuler les opérations de saisie-contrefaçon mises en 'uvre le 29 octobre 2015 par Maître [O] dans les locaux de la société RENE DERHY en vertu d'une Ordonnance présidentielle du 26 octobre 2015 ;

juger que le comportement procédural de la société SOPHIE HALLETTE est abusif et fautif et la condamner en conséquence à lui régler la somme de 50.000 euros en réparation de son préjudice ;

condamner la société SOPHIE HALLETTE à lui payer la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société SOPHIE HALLETTE aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP NATAF FAJGENBAUM & ASSOCIES par le ministère de Maître Fabienne FAJGENBAUM conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 septembre 2018.

MOTIVATION

Sur la validité des opérations de saisie-contrefaçon

La société RENE DERHY soutient que les opérations de saisie-contrefaçon sont entachées de nullité, au motif que la requête en saisie-contrefaçon n'indiquait pas que le dessin 970120 avait été créé par une société tierce qui continuait à l'exploiter, que la requête et l'ordonnance n'ont pas été signifiées à madame [Y], dirigeante, auprès de laquelle ont été menées les opérations de saisie-contrefaçon, et que l'huissier aurait outrepassé les termes de l'ordonnance qui avait identifié 3 modèles contrefaisants.

Pour la société SOPHIE HALLETTE, le fait qu'elle n'ait pas indiqué dans sa requête en saisie-contrefaçon qu'elle n'avait pas créé à l'origine le dessin 970120 est indifférent, puisqu'elle se fonde sur la présomption de titularité. Elle ajoute que la requête et l'ordonnance ont été signifiées à une personne qui a déclaré être habilitée à recevoir l'acte, de sorte qu'il ne peut être reproché à l'huissier de ne pas l'avoir signifié à la directrice générale, et que l'huissier n'a pas outrepassé les termes de l'ordonnance car la requête visait des faits litigieux portant sur 5 modèles.

Sur ce

L'intimée dénonce notamment le fait que la requête -au vu de laquelle la saisie-contrefaçon a été autorisée- présente la société SOPHIE HALLETTE comme propriétaire du dessin de dentelle 970120, alors que ce dessin avait été créé par une société tierce et que la société SOPHIE HALLETTE détenait des pièces l'établissant, mais qu'elle l'a caché au juge ayant autorisé la saisie-contrefaçon, ce qui constitue une présentation déloyale de la situation devant ce magistrat.

Cependant, outre qu'il ne peut être reproché à la société SOPHIE HALLETTE de ne pas avoir visé dans sa requête en saisie-contrefaçon du 26 octobre 2015 une attestation dressée postérieurement, cette société n'a pas soutenu dans sa requête être à l'origine de la création du dessin de dentelle 970120 et revendique le bénéfice de la présomption de titularité, de sorte que l'absence de précision dans la requête des conditions dans lesquelles cette société a acquis les droits sur ce dessin de dentelle ne saurait entraîner une annulation de l'ordonnance ayant autorisé la saisie-contrefaçon.

Par ailleurs, avant de commencer ses opérations de saisie au sein de la société RENE DERHY, l'huissier a signifié la requête aux fins de saisie-contrefaçon ainsi que l'ordonnance à madame [Q] [T], secrétaire de direction, qui a déclaré être habilitée à recevoir l'acte, et l'huissier n'a pas l'obligation de vérifier l'exactitude de cette déclaration.

L'huissier a de plus précisé dans son procès-verbal de saisie-contrefaçon qu'au siège de cette société, en présence de madame [Y] directrice générale, il a indiqué présenter la requête et l'ordonnance, et a commencé ses opérations après leur lecture et après signification et explication de l'objet de sa mission ; il a ensuite relevé 'à cet instant, madame [Y] me déclare être prête à me fournir tous les renseignements utiles concernant l'objet de ma mission'.

En conséquence, si la signification de la requête et de l'ordonnance n'a pas été faite auprès de madame [Y] qui a accompagné l'huissier pendant ses opérations, celle-ci était parfaitement au courant de sa mission et du cadre dans lequel elle intervenait.

Enfin, si l'intimée soutient que l'huissier a outrepassé les termes de l'ordonnance car la requête ne visait que trois modèles argués de contrefaçon et qu'il a fait porter ses opérations sur d'autres modèles, l'ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon ne vise pas trois modèles désignés, mais 'tous les produits de nature à contrefaire les dessins référencés 970120 et 60360' de sorte que l'huissier pouvait procéder à la saisie à la saisie de tous les produits présentant cette caractéristique. Il sera au surplus relevé que la requête ne visait pas que les seuls trois modèles identifiés par la société RENE DERHY. Aussi, l'huissier n'a pas outrepassé les termes de l'ordonnance en ne limitant pas sa saisie aux trois seuls modèles désignés par l'appelante.

Au vu de ce qui précède, il ne sera pas fait droit à la demande tendant à voir prononcer la nullité des opérations de saisie-contrefaçon.

Sur le dessin de dentelle référencé 970120

Se fondant sur la présomption de titularité de droit d'auteur, la société SOPHIE HALLETTE détaille ses preuves d'exploitation, qui établiraient le lien entre la référence 970120 et les caractéristiques du dessin, et l'exploitation de ce dessin sans équivoque sous son nom. Elle ajoute que si ce dessin a été précédemment exploité sous la marque RICHERS MARESCOT, il n'est pas établi que cette exploitation se serait poursuivie jusqu'à la délivrance de l'assignation. Elle affirme être seule titulaire de droits de propriété intellectuelle sur ce dessin et exploiter seule ce dessin. Elle conteste toute équivoque quant à l'exploitation du dessin et à ses références.

La société RENE DERHY relève que seul un échantillon sous robrack non daté permet d'identifier avec précision les contours de l'oeuvre revendiquée sous la référence 970120, de sorte qu'il ne peut suffire à associer la référence arguée de contrefaçon à un dessin de dentelle particulier. Elle soutient que les pièces versées ne permettent pas d'associer le motif de la dentelle à cette référence, et que la société SOPHIE HALLETTE n'établit pas de façon certaine la physionomie de la dentelle dont elle sollicite la protection sous la référence 970120.

Sur ce

La cour rappelle qu'une personne morale peut bénéficier de la présomption de titularité des droits sur une oeuvre prévue par l'article L113-1 du code de la propriété intellectuelle si, en l'absence de revendication de l'auteur, elle exploite de manière non équivoque une oeuvre sous son nom.

En l'espèce, la société SOPHIE HALLETTE justifie par la production de factures dressées en 2012 et 2014 exploiter une dentelle sous la référence 970120.

Elle précise que ce dessin a été divulgué et commercialisé pour la première fois en 2008 par la société Riechers Marescot sous la référence 78184 et jusqu'en 2011 mais qu'à la suite d'une réorganisation du groupe auquel ces deux sociétés appartiennent, ce dessin lui a été transféré et qu'elle le commercialise depuis sous la référence 970120.

Elle produit notamment un reçu d'horodatage de ce dessin de dentelle sous la référence 970120, à son nom, établi le 24 janvier 2014.

Pour autant, alors que la société SOPHIE HALLETTE reconnaît que ce dessin a été exploité par la société Riechers Marescot jusqu'en 2011, elle produit pour justifier de l'exploitation de ce dessin de dentelle, des pièces issues de la collection Valentino 2013 contenant l'indication 'riechers marescot' - ce signe étant également une marque dont est titulaire la société SOPHIE HALLETTE- et la référence 78184, soit sa référence utilisée par la société Riechers Marescot.

Si la société Riechers Marescot ne revendique pas poursuivre l'exploitation de ce dessin de dentelle, elle l'a exploité jusqu'en 2011 sous son nom, nom qui figure comme sa référence sur les pièces datées de 2013 par la société SOPHIE HALLETTE pour établir l'exploitation de ce dessin de dentelle par elle-même.

La persistance de l'usage de ce nom et de cette référence 78184 pour justifier de l'exploitation de ce dessin, moins de deux années avant les faits de contrefaçon allégués (le constat d'huissier ayant été établi le 15 septembre 2015 et l'assignation délivrée le 26 novembre 2015) révèle une équivoque quant à la détermination de la personne morale exploitant l'oeuvre en cause.

La poursuite de l'utilisation par la société SOPHIE HALLETTE du nom de la société Riechers Marescot et de sa référence pour commercialiser ce dessin est établie et, si la société SOPHIE HALLETTE exploite l'oeuvre sous son nom, les conditions de cette exploitation sont équivoques du fait de ces mentions, quand bien même il est justifié que la société Riechers Marescot n'a pas vendu ce produit depuis le 1er septembre 2014, ce d'autant que cette société Riechers Marescot poursuivait lors des faits reprochés son activité dans le domaine des 'tulles et dentelles'.

Au seul vu de ce qui précède, le tribunal a fait une juste appréciation en retenant que la société SOPHIE HALLETTE, qui n'est pas à l'origine de la création du dessin de dentelle et n'a pas été la première à le commercialiser, ne peut bénéficier de la présomption de titularité de droit d'auteur, faute de commercialisation sous son nom sans équivoque.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société SOPHIE HALLETTE irrecevable à agir en contrefaçon de ce dessin de dentelle.

Sur le dessin de dentelle référencé 60360

La société SOPHIE HALLETTE revendique également le bénéfice de la présomption de titularité

pour ce dessin, et soutient justifier d'une exploitation non équivoque ainsi que de la cession par le créateur [Z] [A] de ses droits patrimoniaux sur son oeuvre.

Elle avance que les caractéristiques du dessin qu'il a créé se retrouvent sur les reproductions de la mise en carte de ce dessin, et qu'elle justifie de la date et du processus de création de cette dentelle. Elle en déduit être recevable à agir en contrefaçon de droit d'auteur de ce dessin.

Selon la société RENE DERHY, l'appelante n'établit pas de manière sûre le lien entre la référence 60360 et la dentelle qu'elle y associe, et la correspondance entre les documents internes non datés versés et l'échantillon sous robrack n'est pas démontrée. Elle relève que l'attestation de monsieur [A] induit une équivoque, puisqu'elle se réfère à une autre référence 60363.

Sur ce

Par son attestation monsieur [A], qui a exercé la profession de dessinateur en dentelles pour la société SOPHIE HALLETTE, déclare avoir présenté en 1984 le dessin référencé 60360 et avoir cédé à cette société l'intégralité de ses droits patrimoniaux sur ce modèle.

L'appelante justifie présenter par un échantillon sous robrack une dentelle référencée 60363, correspondant au dessin annexé à l'attestation de monsieur [A].

Il n'est pas contesté par l'intimée que la société SOPHIE HALLETTE a commencé son activité en 1967, de sorte qu'elle existait en 1984, année au cours de laquelle monsieur [A] indique avoir créé le dessin en cause.

Il est justifié que la société SOPHIE HALLETTE a commercialisé des dentelles sous la référence 60363 en 2005, et son expert comptable certifie qu'elle a vendu entre le 1er septembre 2010 et le 31 août 2015, pour la somme de 6065,47 euros, de produits correspondant au dessin 60360.

La société SOPHIE HALLETTE précise que la référence 60360 est la référence souche du dessin et que la référence 60363 est la référence commerciale qui lui a été attribuée, ce que confirment deux factures des 23 mai 2012 et 25 février 2013, sur lesquelles les articles vendus apparaissent avec comme ancienne référence 60363 et comme nouvelle référence 60360.

Il est ainsi établi que la société SOPHIE HALLETTE commercialise sous les références 60360 ou 60363 une dentelle dont le dessin a été créé par monsieur [A] qui lui a cédé ses droits patrimoniaux, ce qui, en l'absence de toute revendication de l'auteur, correspond à une exploitation sans équivoque par cette société de ce dessin de dentelle.

Par conséquent, la société SOPHIE HALLETTE doit bénéficier de la présomption de titularité, et est recevable à agir en contrefaçon ; le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur l'originalité du dessin de dentelle référencé 60360

La société SOPHIE HALLETTE soutient que les dessins de dentelle doivent bénéficier d'une protection au titre du droit d'auteur, et que ses indications permettent de connaître les contours de l'oeuvre revendiquée comme d'appréhender les choix esthétiques opérés par l'auteur.

Elle indique que le dessin 60360 est une dentelle d'inspiration florale composée de deux bouquets et d'un fond, dont la variété des motifs floraux et leur taille, leur imbrication dans des sens différents, et le contraste entre les formes arrondies et les points donnent une impression de mouvement et de diversité.

Elle détaille les particularités de ce dessin, dont la combinaison reflète les choix esthétiques de l'auteur, et lui permet de bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur.

Selon la société RENE DERHY, l'appelante ne démontre pas que la dentelle 60360 est originale et porte l'empreinte de la personnalité de son auteur. Elle ajoute que la description des dentelles, si elle révèle le savoir-faire non contesté de la société SOPHIE HALLETTE, ne saurait lui permettre de bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur, laquelle n'est pas attribuée en fonction du mérite et de la technicité du travail revendiqué. Elle affirme que la société SOPHIE HALLETTE ne justifie pas d'une cession de droits d'auteurs sur le dessin 60360.

Sur ce

La société SOPHIE HALLETTE revendique la protection au titre du droit d'auteur sur le dessin 60360 représentant selon elle une composition florale particulière composée de deux bouquets, marquée par la variété des motifs floraux et notamment la disposition de chacun des éléments qui la composent et leurs différentes orientations, créant ainsi une impression de mouvement et de diversité.

Il ressort de l'examen de ce dessin de dentelle qu'il présente notamment un bouquet disposé autour d'une branche principale constituée, de son démarrage jusqu'à son extrémité, de :

une petite crosse qui chevauche un pétale, une branche de deux feuilles, puis une autre à trois feuilles, et un ergot,

une fleur, de type 'Ancolie' selon l'appelante, présentant à l'extérieur sept pétales pointus et un c'ur rond formé de trois pétales, d'un c'ur grillagé avec au-dessus un petit quart de lune le fermant,

une seconde fleur, de type 'Ancolie' selon l'appelante, plus grande que la précédente, avec une rangée des pétales pointus vers l'extérieur et un c'ur rond au sommet duquel sont disposés cinq pois en arc de cercle, et trois feuilles à la base,

puis une feuille tri lobée,

la branche se termine par deux crosses qui se séparent et dans le creux de celles-ci une succession de six feuilles regroupées, qui se dirige vers le haut.

Cette dentelle présente un deuxième bouquet constitué d'une branche principale se divisant très vite en deux rameaux, le rameau le plus court étant garni :

par une petite feuille bilobée,

puis, une crosse qui tourne vers la petite feuille bilobée,

suivie d'une autre crosse qui tourne vers le côté opposé à la première crosse,

dans le creux de ces deux crosses, sont regroupées six feuilles.

Le second rameau, plus long, part dans une autre direction que le premier et porte deux fleurs de taille différente :

sur la plus grande est disposée une rangée de pétales pointus vers l'extérieur, et son coeur est notamment constitué par une armure de petits carrés,

la plus petite est composée d'une rangée extérieure de pétales pointus, et son coeur est fermé par un croissant de lune,

Prolongeant la plus grande fleur, une première branche commence avec deux petites feuilles disposées côte à côte, puis de deux feuilles trilobées avec une perle trouée en leurs centres en face

à face, puis une feuille trilobée avec une perle trouée en son centre, enfin une fleur composée de

cinq pétales et d'un pois à l'emplacement du pistil, un second pois venant se poser sur l'un des pétales.

Toujours prolongeant la plus grande fleur, une deuxième branche commence par une fleur composée de cinq pétales, deux petites feuilles et un pois à l'emplacement du pistil, puis deux feuilles trilobées en face à face et se termine par une feuille trilobée.

Enfin, dans le prolongement de la plus grande fleur se trouve une troisième branche fine composée de deux petites feuilles côte à côte puis une grappe de trois feuilles, enfin deux autres petites feuilles.

Le fond de la dentelle est composé de plusieurs effets de chaîne différents, il est majoritairement réalisé dans un tissage désigné par la société SOPHIE HALLETTE comme 'craquelé', et dans quelques zones fermées dans un autre fond désigné '[Localité 4]'.

Ces choix des motifs, et les contrastes créés par les dessins, avec cette alternance des formes représentées et leurs dispositions les unes par rapport aux autres, leurs orientations respectives et la détermination d'alternance de fonds, sont autant de choix arbitraires réalisés par l'auteur, qui révèlent ainsi l'expression de sa sensibilité.

Ces parti-pris esthétiques sont l'expression de sa personnalité et révèlent l'originalité de ce dessin de dentelle, qui peut par conséquent bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur.

Aussi, la société SOPHIE HALLETTE -qui a régulièrement acquis de son créateur les droits sur ce dessin de dentelle- est fondée à solliciter sa protection au titre du droit d'auteur, et le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la contrefaçon

La société SOPHIE HALLETTE soutient que le dessin 60360 est reproduit sur panneau de dentelle disposé sur la partie avance d'une blouse bicolore à manches longues et col chemise blanche et noire commercialisée par la société RENE DERHY. Elle analyse les éléments composant le dessin 60360 qui se trouveraient sur le panneau de dentelle du vêtement en cause, et en déduit que les caractéristiques originales de son dessin sont reproduites.

La société RENE DERHY rappelle que la contrefaçon s'entend de la reprise des éléments caractéristiques originaux et affirme qu'en l'espèce l'appelante ne démontre pas une telle reprise, sauf à revendiquer la protection d'un genre.

Sur ce

Le produit Dolmen référencé W5 25050 de la société RENE DERHY est une blouse blanche ou moire à manches longues et col chemise. Sur la partie avant est inséré un pan de dentelle noire constitué de bandes de tissus distincts. Sur la deuxième ligne en partant du haut et sur la deuxième ligne en partant du bas, est insérée une dentelle dénoncée par la société SOPHIE HALLETTE comme reproduisant le dessin 60360.

Il est constaté que sont reproduites, sur la bande supérieure de dentelle noire figurant sur la blouse:

une fleur décrite par l'appelante comme de type « Ancolie » avec à l'extérieur des pétales pointus et un c'ur rond formé de trois pétales et un c'ur grillagé avec au-dessus un petit quart de lune pour le fermer ; de cette fleur part une petite branche de trois feuilles, deux de part et d'autre de la branche se faisant face et la troisième placée à la pointe de cette petite branche,

une seconde fleur décrite par l'appelante comme de type « Ancolie », plus grande que la première, qui possède une rangée des pétales pointus vers l'extérieur et un c'ur rond dont au sommet est placée une rangée de cinq pois en arc de cercle et de l'autre côté trois feuilles.

Figure également, dans la même disposition par rapport aux autres éléments du dessin, une branche finissant par deux feuilles trilobées en face à face qui se termine par une autre feuille trilobée.

Il résulte de l'observation de ces seuls éléments, disposés aux même emplacements, que la dentelle se trouvant dans la bande en partie haute du chemisier commercialisé par la société RENE DERHY contrefait la dentelle de la société SOPHIE HALLETTE.

Il en est de même de la bande de dentelle située en partie basse du chemisier, sur laquelle on observe notamment la reprise d'une branche composée de deux feuilles trilobées avec une perle trouée dans leurs centres en face à face, puis une feuille trilobée avec une perle trouée dans son centre et enfin une fleur composée de cinq pétales et d'un pois à l'emplacement du pistil.

Ces éléments sont disposés selon le même agencement que sur le dessin de dentelle dont est titulaire la société SOPHIE HALLETTE, par rapport aux autres éléments le constituant.

Au vu de ce qui précède, la reprise de la dentelle est également constituée, ce qui caractérise les faits de contrefaçon.

Sur la réparation des faits de contrefaçon

Au titre des conséquences économiques négatives de l'atteinte à ses droits, la société SOPHIE HALLETTE fait état du volume des produits identifiés lors des opérations de saisie-contrefaçon, qui ne couvriraient pas l'ensemble des ventes, et procède à une estimation de la masse contrefaisante. Elle ajoute que cette contrefaçon banalise son produit et porte atteinte à ses investissements, ce qu'il convient de réparer. Elle sollicite également la condamnation de la société RENE DERHY au titre des bénéfices indûment réalisés, ainsi que la confiscation de ses recettes à son profit.

La société RENE DERHY soutient que l'appelante essaie d'obtenir des sommes très importantes au titre de la réparation de son préjudice, en gonflant les quantités en cause, alors qu'elle a participé à son préjudice en saisissant tardivement le tribunal. Elle souligne le fait que les sociétés ne sont pas en situation de concurrence.

Sur ce

L'article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit que :

« Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :

1° Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;

2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;

3° Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux

droits.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ; »

En l'espèce, il ressort des documents saisis par l'huissier lors de ses opérations de saisie-contrefaçon que le 16 mars 2015, la société RENE DERHY a commandé 155 exemplaires du produit DOLMEN à son fournisseur.

Si la société SOPHIE HALLETTE dénonce des incohérences ressortant des factures remises à l'huissier (les commandes clients pour cet article étant de 161 produits), la société RENE DERHY explique, en se fondant sur une attestation de sa directrice générale madame [Y], que les collections sont présentées dès le mois de janvier et que la commande au fournisseur est passée en une seule fois, deux mois après le début des ventes -ce qui concorde avec la commande du 16 mars 2015-, au vu des commandes clients reçues.

Cette attestation indique que la commande au fournisseur est déterminée en fonction des commandes clients, mais en tenant compte de leur solvabilité et du risque d'annulation desdites commandes, et qu'est acceptée du fournisseur une livraison supérieure ou inférieure de 10% au titre d'une tolérance due aux problèmes de fabrication - ce qui est de nature à expliquer que la facture du fournisseur vise 158 produits DOLMEN alors que 155 lui avaient été commandés. Il y est ajouté que les quantités pour le site internet et les magasins sont incluses dans la commande au fournisseur ; la faiblesse des volumes de vente par internet est confirmée par une attestation de l'expert comptable de la société RENE DERHY, selon lequel ce volume n'a pas dépassé, au cours des années 2012 à 2014, la part de 1% du chiffre d'affaires global annuel. Un article du journal Les Echos de 2016 selon lequel en France les ventes en ligne des chaînes d'habillement représentaient 4,4% de leur chiffre d'affaires global, confirme aussi la modicité du volume des ventes par internet.

Les indications de madame [Y] sont corroborées par une autre attestation de l'expert comptable de l'intimée selon laquelle, pour la période du 13 août 2015 au 08 décembre 2015, les blouses DOLMEN ont été commandées le 16 mars 2015, réceptionnées le 13 août 2015 pour un total de 158 pièces. Cette attestation indique aussi que 149 pièces ont été vendues dont 2 pièces via le site internet, et précise que le chiffre d'affaires HT est de 4.143,11 € pour une marge brute de 1.896,19 € au 8/12/2015.

Aussi, est-ce sur la base de ces données, précises et concordantes entre elles, que la réparation du préjudice subi par la société SOPHIE HALLETTE sera calculée.

Il sera relevé que la marge brute réalisée par la société RENE DERHY porte sur la commercialisation de l'article DOLMEN en son intégralité, alors que la contrefaçon ne porte que sur l'usage de deux bandes de dentelles ornant le produit ; pour autant, si les bandes de dentelle contrefaisantes utilisées par la société RENE DERHY ne sont qu'un des éléments constituant la blouse DOLMEN, la reprise de ce dessin de dentelle a permis à l'intimée de profiter des investissements de la société SOPHIE HALLETTE et de l'attractivité de ses produits.

Le fait que la société SOPHIE HALLETTE ait saisi le juge des requêtes aux fins d'être autorisée à faire réaliser une saisie-contrefaçon en octobre 2015 et délivré son assignation en novembre 2015, alors qu'elle aurait commencé à réunir des pièces établissant la contrefaçon en septembre 2015, ne peut utilement être invoqué pour soutenir qu'elle a laissé passer du temps afin de voir s'aggraver son préjudice, ce d'autant que ces événements sont intervenus dans un laps de temps court, et qu'il résulte de ce qui précède que les commandes avaient déjà été passées par l'intimée.

S'agissant de l'indemnisation au titre de la masse contrefaisante, il ressort des éléments du dossier que 149 pièces ont été vendues, pour une marge brute retenue de 1.896,19 €.

La perte de chiffre d'affaires alléguée par la société SOPHIE HALLETTE repose sur l'estimation d'un mètre de dentelle par produit, à 32,11 euros le mètre pour le dessin de dentelle contrefait. Cependant, outre que cette moyenne est des plus élevées s'agissant de l'utilisation de deux bandes de dentelle par article, l'appelante revendique produire ses dentelles pour l'industrie du luxe et de la haute couture soit un secteur différent de celui dans lequel évolue l'intimée et elle ne justifie pas d'une baisse de son chiffre d'affaires, de sorte que sa demande au titre du manque à gagner n'est pas justifiée.

Si les deux sociétés ne sont pas en concurrence, puisque l'intimée revendique proposer du prêt-à-porter au plus grand nombre à des prix accessibles alors que l'appelante s'adresse à des maisons de couture et haute couture, l'avilissement de son dessin de dentelle résultant de la contrefaçon est d'autant plus important, du fait de la banalisation qui résulte de sa large diffusion par l'article DOLMEN, de sorte que la société SOPHIE HALLETTE est fondée à solliciter une réparation à ce titre.

S'agissant de l'atteinte aux investissements, la société SOPHIE HALLETTE fait état de dépenses de création, promotion et communication engagées pour l'année 2014/2015 de 568.000 euros.

Pour autant, il est à considérer que non seulement le dessin de dentelle en cause a été créé en 1984, soit 31 ans avant les faits de contrefaçon établis, et que le chiffre d'affaires réalisé avec ce dessin par la société SOPHIE HALLETTE pour les cinq années 2010 à 2015 était de 6065 euros, somme au regard de laquelle il convient d'apprécier l'atteinte en cause.

La société SOPHIE HALLETTE fondant sa demande au titre du préjudice moral sur les mêmes arguments que ceux avancés au titre de la banalisation de son dessin de dentelle et de l'atteinte à ses investissements, il ne sera pas fait droit à la demande ainsi présentée.

Au vu de ce qui précède, notamment des bénéfices réalisés par la société RENE DERHY sur les produits utilisant la dentelle contrefaite, de l'avilissement de ce dessin de dentelle et de l'atteinte aux efforts de promotion engagés par la société SOPHIE HALLETTE, il sera fait une juste appréciation de son préjudice en condamnant la société RENE DERHY au versement de la somme forfaitaire de 30.000 euros.

Sur la demande subsidiaire au titre des agissements parasitaires

La société SOPHIE HALLETTE dénonce la commercialisation par la société RENE DERHY de plusieurs produits reproduisant les caractéristiques de la dentelle 970120, ce qui lui a permis de profiter de ses investissements créatifs et promotionnels. Elle fait état de la visibilité de ce dessin de dentelle, de sorte que l'intimée a bénéficié de sa réputation d'excellence et de qualité pour commercialiser ses produits à moindre coût.

La société RENE DERHY soutient que l'appelante ne démontre ni le risque de confusion ni l'avantage dont elle aurait bénéficié en proposant ses produits à un public composé de simples consommateurs.

Sur ce

La création du dessin de dentelle 970120 ayant été réalisée par une autre société que la société SOPHIE HALLETTE, celle-ci ne peut se prévaloir de frais d'investissements engagés à ce titre.

Il n'est pas d'avantage justifié que le transfert de ce dessin de dentelle soit intervenu à titre onéreux.

S'agissant des frais d'investissement et de promotion, d'un montant de 568.000 euros selon les attestations de son dirigeant et de l'expert comptable, le tribunal a justement relevé qu'aucun élément ne permet d'établir que les frais en cause ont été dédiés à la promotion du dessin de dentelle en cause.

Aussi convient-il de confirmer le jugement qui a débouté la société SOPHIE HALLETTE de sa demande au titre des agissements parasitaires, en relevant l'absence de justification d'investissements tant dans la conception, la fabrication, la promotion ou la valorisation de ce dessin de dentelle.

Sur les autres demandes présentées par la société SOPHIE HALLETTE

Au vu du volume relativement modeste de la masse contrefaisante, du remplacement régulier des produits de la mode vestimentaire, et alors que la société SOPHIE HALLETTE ne justifie pas que les faits de contrefaçon se seraient poursuivis, il n'est pas justifié d'ordonner à la société RENE DERHY de produire un inventaire exhaustif de l'ensemble des produits contrefaisants restant en stock lors de la signification de l'arrêt.

Une mesure d'interdiction de commercialiser les produits Dolmen reproduisant les caractéristiques du dessin de dentelle 60360 et de destruction de tels produits restant en sa possession, sera prononcée.

La réparation du préjudice subi par la société SOPHIE HALLETTE étant suffisamment assurée par le versement des dommages et intérêts, il ne sera pas fait droit à sa demande de publication.

Sur les demandes reconventionnelles de la société RENE DERHY

Si la société RENE DERHY soutient notamment que les demandes financières de la société SOPHIE HALLETTE sont infondées, ses demandes reconventionnelles ne sauraient prospérer alors qu'elle est reconnue auteur de contrefaçon.

Elle sera par conséquent déboutée de ses demandes reconventionnelles.

Sur les autres demandes

La société RENE DERHY succombant au principal, elle sera condamnée aux dépens, ainsi qu'au versement à la société SOPHIE HALLETTE de la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme couvrant les frais de constat et de saisie-contrefaçon.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Rejette les demandes de nullité des opérations de saisie-contrefaçon,

Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré la société SOPHIE HALLETTE irrecevable à agir au titre de la contrefaçon du dessin de dentelle 970120, l'a déboutée au titre de sa demande subsidiaire en concurrence parasitaire, et a débouté la société RENE DERHY au titre de sa demande en procédure abusive,

L'infirme sur le reste et, statuant à nouveau

Dit que la société RENE DERHY a commis des actes de contrefaçon en important, en offrant à la vente et en commercialisant des produits reproduisant les caractéristiques originales du dessin référencé 60360 de la société SOPHIE HALLETTE,

Condamne la société RENE DERHY à verser à la société SOPHIE HALLETTE la somme de 30.000 euros en réparation,

Fait interdiction à la société RENE DERHY de commercialiser le produit DOLMEN reproduisant les caractéristiques du dessin référencé 60360 de la société SOPHIE HALLETTE, et ce sous astreinte de 100 euros par infraction constatée et par jour de retard, à compter d'un mois à partir de la signification de l'arrêt, pendant une durée de 100 jours, la Cour ne se réservant pas le droit de liquider l'astreinte,

Ordonne la destruction de tous les produits DOLMEN reproduisant les caractéristiques du dessin référencé 60360 de la société SOPHIE HALLETTE restant en stock au sein de la société RENE DERHY,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la société RENE DERHY à verser à la société SOPHIE HALLETTE la somme de 15.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société RENE DERHY aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Corinne CHAMPAGNER KATZ, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE PRÉSIDENTLE GREFFIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 17/05619
Date de la décision : 29/01/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I1, arrêt n°17/05619 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-29;17.05619 ?
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