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25/01/2019 | FRANCE | N°17/10922

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 6, 25 janvier 2019, 17/10922


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 6



ARRÊT DU 25 JANVIER 2019



(n°11-2019, 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/10922 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3N5F



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mars 2017 - Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 15/09944 - minute n°17/00158 / 5ème chambre



APPELANTS



Monsieur [I]

[R]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 5] (RÉPUBLIQUE DU CONGO)

demeurant [Adresse 3]

[Adresse 3]



Et



Madame [X] [J] épouse [R]

née le [Date naissance 2] 1971 à ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 6

ARRÊT DU 25 JANVIER 2019

(n°11-2019, 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/10922 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3N5F

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mars 2017 - Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 15/09944 - minute n°17/00158 / 5ème chambre

APPELANTS

Monsieur [I] [R]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 5] (RÉPUBLIQUE DU CONGO)

demeurant [Adresse 3]

[Adresse 3]

Et

Madame [X] [J] épouse [R]

née le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 6] (CUBA)

demeurant [Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentés par et assistés de Me Richard Ruben COHEN de la SELAS SELASU RICHARD R. COHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1887 substitué à l'audience par Me Mickaël RUBINSOHN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0586

INTIMÉE

EURL GT RENOV

ayant son siège social [Adresse 4]

[Adresse 4]

immatriculée au RCS de CRETEIL sous le n°750 899 361

prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par et assistée de Me François BENEDETTI, avocat au barreau de l'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 décembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Madeleine HUBERTY, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Annie DABOSVILLE, présidente de chambre

Madame Madeleine HUBERTY, conseillère

Madame Marie Josée DURAND, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Mme Iris BERTHOMIER

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Annie DABOSVILLE, présidente de chambre, et par Mme Iris BERTHOMIER, greffière présente lors de la mise à disposition, à laquelle a été remise la minute par le magistrat signataire.

FAITS, PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE

Monsieur et Madame [R] sont propriétaires d'un pavillon, sis [Adresse 3].

A la fin de l'année 2014, ils ont fait appel à la SOCIETE GT RENOV pour faire procéder à des travaux de réhabilitation de leur pavillon.

Cette société leur a présenté les 9 devis suivants, qu'ils ont acceptés :

DATES

MONTANTS

TRAVAUX

1

15/12/2014

15 400€

Démolitions

2

26/12/2014

18 890€

Electricité

3

26/12/2014

17 170€

Isolation

4

30/12/2014

1 900€

Electricité

5

5/1/2015

4 774€

Faux plafond

6

5/1/2015

2 310€

Electricité

7

16/1/2015

8 910€

Sanitaires

8

16/1/2015

6 600€

Peinture

9

14/4/2015

1 491,15€

Vitrages

TOTAL

77 985,15€

Monsieur et Madame [R] ont réglé une somme de 37056,79€ à valoir sur les travaux.

Ils ont, en outre, remis à l'EURL GT RENOV quatre chèques pour un montant total de 50769,01€.

Les travaux ont débuté en janvier 2015.

Ils ont été interrompus en juin 2015, en raison d'un différend survenu entre les parties à propos du règlement des factures émises par l'EURL GT RENOV.

Par courrier en date du 29 juin 2015, Monsieur et Madame [R] ont indiqué à l'EURL GT RENOV, qu'ils résiliaient les contrats conclus.

Les quatre chèques remis en janvier 2015 par Monsieur et Madame [R] ont été déposés pour encaissement en juillet 2015. Ils ont été rejetés faute de provision suffisante.

Le 30 juillet 2015, Monsieur et Madame [R] ont fait dresser un constat d'huissier pour établir les non façons et malfaçons imputables à l'entreprise.

C'est dans ces circonstances que, par acte d'huissier en date du 28 juillet 2015, l'EURL GT RENOV a assigné Monsieur et Madame [R] devant le tribunal de grande instance de CRETEIL, afin d'obtenir le paiement du solde de ses travaux.

Dans son jugement rendu le 10 mars 2017, le tribunal de grande instance de CRETEIL a statué en ces termes :

- Prononce la résiliation du contrat conclu entre Monsieur et Madame [R] et la SOCIETE GT RENOV aux torts exclusifs de Monsieur et Madame [R];

- Condamne solidairement Monsieur [I] [R] et Madame [X] [R] à payer à la SOCIETE GT RENOV les sommes de :

. 24 613,42€ TTC au titre du solde de travaux;

. 3000€ à titre de dommages intérêts;

. 2000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile;

- Déboute Monsieur [I] [R] et Madame [X] [R] de toutes leurs demandes;

- Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement;

- Condamne Monsieur [I] [R] et Madame [X] [R] aux dépens.

Monsieur [I] [R] a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 1er juin 2017.

Madame [X] [R] a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 22 juin 2017.

Les deux instances ont été jointes par ordonnance en date du 2 novembre 2017.

****************

Dans leurs conclusions régularisées le 14 novembre 2018, Monsieur et Madame [R] sollicitent l'infirmation du jugement. Ils font valoir que :

' la nullité des contrats doit être prononcée car les dispositions des articles L 111-1, R 111-2, L121-17 et L 121-18 du code de la consommation n'ont pas été respectées. Les délais d'exécution des travaux n'ont ainsi pas été précisés. La durée de validité du devis ne saurait être assimilée à la durée d'exécution des travaux. Les caractéristiques essentielles de la prestation n'ont pas été mentionnées, en ce que le caractère global des travaux envisagés pour la réhabilitation du pavillon n'a pas été mis en évidence, ce qui a abouti à dissimuler le prix et les caractéristiques de la prestation globale. Le délai avant lequel aucun paiement ne peut intervenir n'a pas été respecté. La faculté de rétractation n'a pas été mentionnée.

' à défaut de nullité pour non respect des dispositions du code de la consommation, la nullité doit être prononcée sur le fondement de l'erreur. Ils n'auraient, en effet, pas contracté s'ils avaient eu connaissance de la lenteur d'exécution des prestations puisqu'ils continuaient à vivre dans les lieux avec leurs enfants.

' en l'absence d'information sur la faculté de rétractation, celle-ci peut être exercée pendant 12 mois depuis l'expiration du délai de rétractation, qui aurait dû être initialement indiqué. Par leur courrier en date du 29 juin 2015, ils ont donc manifesté, en temps utile, leur volonté de se rétracter.

' la nullité doit entraîner la restitution par l'EURL GT RENOV de la somme de 38500€ qu'elle a perçue pour les travaux. Cette société doit en outre les indemniser pour les reprises qu'ils ont dû faire effectuer par la SOCIETE MEDOUARD à hauteur d'une somme de 34394,55€ et doit leur rembourser l'achat du parquet, effectué pour 7844,22€, qui a dû être remplacé par du carrelage.

' très subsidiairement, la résolution des contrats doit être prononcée aux torts exclusifs de l'entreprise car celle-ci n'a pas respecté ses obligations de droit commun, n'a pas informé ses clients sur les caractéristiques de ses prestations, a réclamé des sommes indues, a interrompu le chantier sans raison valable et a commis des malfaçons. La somme due pour les travaux ne peut être calculée que par rapport aux travaux qui ont été réalisés dans les règles de l'art. La somme de 24613,42€ mentionnée dans le courrier du 29 juin 2015 ne peut pas correspondre à ce qui était effectivement dû, car cela aboutirait à reconnaître que 90% des travaux prévus aux devis auraient été réalisés. Ils n'ont pas pu valablement déterminer ce qu'ils devaient, car ils ne sont pas des professionnels de la construction. L'EURL GT RENOV doit les indemniser pour les travaux de reprise qu'ils ont dû faire effectuer et pour le parquet qui a été payé inutilement.

' aucun élément ne permet de prononcer une réception judiciaire des travaux, en tout cas avant le rapport d'expertise du CABINET [Y] [K] en date du 28 août 2015.

' l'EURL GT RENOV ne rapporte pas la preuve que des travaux complémentaires auraient été commandés pour la somme de 16132,98€ ni que ces travaux auraient été réalisés. Il n'est pas plus établi qu'ils auraient gardé par devers eux divers matériels appartenant à l'entreprise.

' les préjudices invoqués par l'entreprise pour rupture abusive et préjudice économique ne sont pas démontrés et le défaut de paiement des condamnations ne peut constituer une faute dès lors qu'aucun incident radiation n'a été introduit et que la situation de non paiement se justifie par leur situation financière obérée.

' les quatre chèques qu'ils ont été contraints de remettre à l'entreprise doivent leur être restitués sous astreinte et le préjudice induit par l'interdiction bancaire doit être réparé à hauteur d'une somme de 18944,29€.

**************************

Dans ses conclusions régularisées le 31 janvier 2018, l'EURL GT RENOV sollicite l'infirmation partielle du jugement. Elle fait valoir que :

' les devis montrent qu'elle a parfaitement respecté ses obligations d'information.

' le marché doit être résilié aux torts exclusifs de Monsieur et Madame [R] car ce sont eux qui ont refusé la poursuite des travaux, qui ont repris possession des lieux en expulsant l'entreprise et qui ont empêché l'entreprise de récupérer son matériel laissé sur place. La réception doit être prononcée du fait de la voie de fait ayant consisté à ré-occuper l'immeuble sans aucun accord de l'entreprise.

' les malfaçons invoquées ne sont aucunement caractérisées car Monsieur et Madame [R] se font sur des éléments dépourvus de tout caractère contradictoire et alors qu'une entreprise tierce est intervenue sur les lieux.

' au total, le marché s'est élevé à la somme de 94118,13€ ce qui intègre des travaux complémentaires pour un montant de 16132,95€. Compte tenu des sommes réglées il reste un solde s'élevant à la somme de 57061,34€.

' la confiscation du matériel laissé sur place par les époux [R] justifie une indemnisation de 4800€. Les sommes de 9400€ et 5000€ doivent être allouées à l'entreprise pour réparer le préjudice induit par la rupture abusive du marché et le préjudice économique qui en est résulté.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le jeudi 29 novembre 2018.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR,

Sur la nullité des contrats (devis signés) pour vice du consentement;

Monsieur et Madame [R] soutiennent que, s'ils avaient été correctement informés sur les prestations visées dans les devis qu'ils ont signés, conformément aux dispositions de l'article L111-1 du code de la consommation, ils n'auraient pas contracté avec l'EURL GT RENOV.

Dans ses conclusions, l'EURL GT RENOV ne conteste pas l'application des dispositions du code de la consommation, pour autant que ces dispositions aient été applicables au moment où les devis ont été signés.

Aux termes de l'article L 111-1 du code de la consommation, dans sa version en vigueur à la fin de l'année 2014 et au début de l'année 2015 'avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible les informations suivantes :

1° les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné,

2° le prix du bien ou du service, en application des articles L 113-3 et L 113-3-1;

3° en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service,

4° les informations relatives à son identité, ses coordonnées....'.

Dans leurs conclusions (pages 13 et 14), Monsieur et Madame [R] précisent que les manquements essentiels imputés à l'EURL GT RENOV portent sur l'absence d'information, quant à la durée d'exécution des prestations confiées et quant au fait que les travaux portaient sur une opération globale de réhabilitation du pavillon, ce qui impliquait d'appréhender son prix de façon globale.

Ainsi qu'il est soutenu par l'EURL GT RENOV, il ne peut être considéré que l'établissement de plusieurs devis successifs était de nature à empêcher Monsieur et Madame [R] de faire des additions et d'apprécier le coût global de l'opération.

Il est, toutefois, exact que l'établissement de 8 devis entre le 15 décembre 2014 et le 16 janvier 2015 a empêché Monsieur et Madame [R] d'évaluer de façon globale et immédiate le coût du projet de réhabilitation de leur pavillon, étant souligné, qu'en sa qualité de professionnelle, l'EURL GT RENOV ne pouvait ignorer qu'il s'agissait effectivement d'une opération de réhabilitation globale, le premier devis daté du 15 décembre 2014 en appelant nécessairement d'autres, puisqu'il porte notamment sur des démolitions conséquentes (murs séjour, salon et chambre, cheminée, corniche, pose d'étais et IPN, dépose parquet séjour, déplacement WC).

Selon les données fournies par l'EURL GT RENOV (conclusions page 5), Monsieur et Madame [R] ont payé une somme de 37 056,79€ en règlement de 9 factures, qui n'ont pas été communiquées par l'entreprise. Ces factures, non contestées dans leur existence, sont les suivantes:

Référence

Date

Montant TTC

Nature des travaux

FCO 383

27/12/2014

6000€

IPN

FCO 387

3/1/2015

7555,99€

Acompte sur travaux d'électricité

FCO 386

3/1/2015

1 900€

Radiateurs

FCO 388

3/1/2015

7 084€

Isolation

FCO 389

3/1/2015

15 400€

Démolition - IPN

FCO 390

3/1/2015

330€

Parquet

Avoir 013

5/1/2015

- 6000€

(acompte)

FCO 435

13/3/2015

3 600€

Parquet

(pièce 19 [R])

FCO 439

20/3/2015

130,80€

Colle

FCO 440

20/3/2015

1 056€

Plinthes

TOTAL

REGLE

37 056,79€

Les huit factures qui ont fait l'objet d'un différend entre les parties ayant abouti à la rupture de leurs relations à la fin du mois de juin 2015 sont les suivantes :

Référence

Date

Montant TTC

Nature des travaux

(factures produites en pièces 3 [R])

FC0395

5/1/2015

990€

Mise en peinture des combles

(sans devis)

FC0397

10/1/2015

4 774€

Création faux plafond au RDC

FC0401

17/1/2015

10 626€

Solde des travaux d'isolation maison

(suite versement acompte de 7084€)

FC0402

17/1/2015

5 225€

Travaux divers dont démolition dalle couloir et cuisine et coulage chape béton léger - Habillage des poteaux et bâti support WC....

(sans devis)

FC 0404

26/1/2015

578,42€

Achat matériaux chez LAPEYRE dont meuble de salle de bains

(hors devis)

FC 0424

24/2/2015

589,56€

Dépose et mise en décharge du WC. Fourniture et pose d'un bâti GEBERIT. Fourniture et pose cuvette

(hors devis)

FC 0453

22/4/2015

1 624,35€

Solde du devis du 14/4/2015 d'un montant de 1491,15€ et fourniture d'un litre d'huile

FC 438

19/3/2015

6 600€

Mise en peinture murs et plafonds du RDC et 1er étage de la maison

TOTAL

non réglé

31 007,33€

montant exigé par l'entreprise pour la reprise des travaux le 25/6/2015

Ces éléments montrent, qu'entre le 27 décembre 2014 et le 26 janvier 2015, Monsieur et Madame [R] ont été les destinataires de 11 factures, d'un montant total de 60 463,41€ TTC, correspondant à plus de 77% du montant des devis acceptés, pour les travaux les plus divers, sans aucun état récapitulatif de l'état d'avancement des travaux par lot.

Il doit, en particulier, être noté que le solde des travaux d'isolation a été facturé le 17 janvier 2015 (facture FC0401), alors que dans un mail en date du 27 janvier 2015 (pièce 2 [R]), dont la teneur n'a pas été contestée, Monsieur [R] observait qu'il fallait terminer l'isolation dans la salle de bains du 1er étage, dans les toilettes du 1er étage, dans l'escalier menant aux combles et dans la buanderie.

Si les devis ont bien mentionné les prix des prestations décrites, les conditions de paiement visées se bornent à indiquer que les règlements doivent intervenir à 'réception facture', alors qu'il est usuel pour une opération de rénovation globale d'un coût non négligeable, que les paiements interviennent en fonction de l'avancement des travaux, ainsi qu'il est, d'ailleurs, évoqué dans un mail de Monsieur [R], en date du 26 juin 2015 (pièce 4 [R]), qui fait état de règlements de 40%, 50% et 10% pour 3 phases successives d'exécution des travaux.

C'est dans ce contexte d'établissement de multiples devis et de réception de multiples factures que l'EURL GT RENOV a fait état des difficultés de paiement de ses clients dans les premières semaines de l'année 2015 (conclusions page 5), ce qui a conduit Monsieur et Madame [R] à lui remettre, le 18 janvier 2015 (conclusions page 4) quatre chèques d'un montant total de 50 769,01€, en garantie du paiement des travaux.

Au 1er février 2015, l'EURL GT RENOV a donc perçu le paiement d'une somme de 32269,99€ (factures réglées émises en décembre 2014 et janvier 2015 avec déduction de l'avoir de 6000€ du 5 janvier 2015), outre les quatre chèques censés valoir paiement d'un montant de 50769,01€, soit un total de 83039€ représentant plus de 106% des devis acceptés.

Ces éléments démontrent, qu'en établissant des devis partiels pour une opération de rénovation globale, d'un montant initial de plus de 75 000€ TTC, en prévoyant simplement des règlements à réception des factures (ce qui donnait toute latitude à l'entreprise pour apprécier l'exigibilité des sommes réclamées), sans référence à un quelconque avancement des travaux, l'EURL GT RENOVATION n'a pas permis à Monsieur et Madame [R] d'avoir la maîtrise normale du financement de leur projet. S'ils ont effectivement pu avoir une idée du coût des travaux à engager, ils n'ont pas, en revanche, été correctement informés des modalités de règlement des travaux, qui impliquaient la prise en compte de leur avancement et le contrôle, même approximatif, des maîtres d'ouvrage sur cet avancement. A cet égard, la remise au début de l'année 2018, par Monsieur et Madame [R] des quatre chèques ci-dessus énoncés concrétise la gestion financière totalement erratique des travaux, cette situation étant en lien direct avec l'absence d'information initiale sur la gestion nécessaire d'une opération de rénovation globale.

Le deuxième grief est de même nature, puisqu'il a trait au délai d'exécution des travaux, étant relevé que l'information sur ce délai n'était pas anodine, la maison à rénover étant occupée par Monsieur et Madame [R] et leurs enfants, ce que l'EURL GT RENOV n'omet pas de souligner dans ses conclusions (notamment page 20). Pour démontrer qu'elle s'est effectivement acquittée de son obligation d'information sur la durée des travaux, l'EURL GT RENOV soutient que les devis font bien état de leur durée de validité car cette information 'conditionne nécessairement l'achèvement des travaux puisque son dépassement invaliderait ce même devis'. Cette thèse ne peut évidemment pas être validée, car elle opère une confusion entre le devis et le contrat. La durée de validité indiquée sur le devis signifie simplement que l'offre est maintenue aux mêmes conditions jusqu'à l'expiration de la validité du devis. Le devis peut être accepté jusqu'à la date d'expiration de sa validité. Dès lors qu'il est accepté, il vaut contrat, c'est à dire engagement des deux parties. Force est donc de constater que Monsieur et Madame [R] se sont engagés sans avoir été informés de la durée prévisible des travaux de rénovation de leur maison, alors qu'en sa qualité de professionnelle, l'EURL GT RENOV leur devait cette information, qui l'engageait. Ce défaut d'information a contribué à la survenance du différend entre les parties, puisque l'entreprise précise que 'ce n'est que le 29 juin 2015 qu'ils (Monsieur et Madame [R]) ont pu réinvestir le chantier, parce que justement ils avaient expulsé l'entreprise' (conclusions page 28), ce qui signifie que Monsieur et Madame [R] ont pu reprendre la possession de leur maison lors de la rupture des relations entre les parties, alors que leur occupation était limitée à l'étage supérieur pendant les travaux, cette situation étant qualifiée par l'EURL GT RENOV de voie de fait justifiant la réception des travaux sans réserve.

Les obligations d'information incombant à l'EURL GT RENOV en vertu de l'article L 111-1 du code de la consommation n'ont pas été respectées, qu'il s'agisse de l'appréhension du caractère global de l'opération de rénovation avec ses conséquences financières ou de la durée d'exécution des travaux, pendant lesquels l'occupation de la famille [R] a dû être confinée aux combles, puis à l'étage supérieur de la maison.

Si l'article L 111-7 du code de la consommation dispose que les obligations visées à l'article L 111-1 du même code sont d'ordre public, il n'instaure cependant pas une nullité automatique des conventions passées en violation de ces dispositions. Pour que la nullité soit prononcée, il faut que les conditions de l'erreur ou du dol prévues par le code civil soient remplies.

Pour qu'il y ait dol justifiant la nullité des contrats (devis acceptés et travaux commandés), il faut que les irrégularités ci-dessus évoquées aient été intentionnelles et qu'elles aient provoqué une erreur déterminante du consentement des appelants. En l'occurrence, Monsieur et Madame [R] ne démontrent pas que l'EURL GT RENOV ait délibérément manqué à ses obligations d'information dans la perspective de les tromper et ils ne démontrent pas plus qu'ils n'auraient pas contracté s'ils avaient bénéficié d'une information pré-contractuelle correcte. Des démarches bancaires pour l'obtention de prêts ont apparemment été engagées en cours de chantier (pièce 15 GT RENOV). Les difficultés de financement et la durée d'exécution des travaux ne sont, d'autre part, pas directement évoquées dans le mail du 29 juin 2015 (pièce 5 [R]) ayant notifié la rupture des relations.

L'erreur déterminante ayant vicié le consentement, invoquée subsidiairement, n'est pas caractérisée.

Les prétentions en nullité des devis acceptés et travaux commandés doivent donc être rejetées.

Sur l'exercice du droit de rétractation;

Par application de l'article L 121-21 du code de la consommation,' le consommateur dispose d'un délai de 14 jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision....'.

Selon l'article L 121-21-1 du code de la consommation, lorsque le consommateur n'a pas été informé de son droit de rétractation, le délai est prolongé de 12 mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial.

Dans ses conclusions, la SOCIETE GT RENOV n'a émis aucune observation sur le principe même de la faculté de rétractation.

Monsieur et Madame [R] font valoir qu'ils ont manifesté leur intention de se rétracter dans leur mail en date du 29 juin 2015 notifiant la fin de leur 'collaboration' avec l'entreprise (pièce 5 [R]).

Ce mail ne fait, toutefois, référence à aucun droit de rétractation, puisqu'il notifie simplement la rupture des relations, en raison d'un comportement 'irrespectueux' lors d'une rencontre intervenue le 26 juin 2015, en raison du manque de finition et de qualité des travaux et en raison de l'absence de toute 'atmosphère conviviale pour la continuité des travaux'. Il comporte, en outre, un compte des travaux avec une proposition de règlement de la somme de 24 613,42€ au lieu de la somme réclamée s'élevant à 31 007,33€.

Ce mail ne peut donc pas correspondre à l'exercice allégué d'une faculté de rétractation. Par ailleurs, le fait que la faculté de rétractation n'ait pas été mentionnée lors de l'établissement des devis ne saurait entraîner la nullité des devis acceptés pour vice du consentement en l'absence de démonstration d'une erreur déterminante ou d'une réticence dolosive.

Monsieur et Madame [R] doivent donc être déboutés de leur demande de restitution des règlements effectués pour les travaux à hauteur de la somme de 37056,79€.

Sur la demande de confirmation par l'EURL GT RENOV de la résiliation judiciaire des contrats de travaux aux torts exclusifs de Monsieur et Madame [R];

Par mail en date du 25 juin 2015 (pièce 3 [R]), l'EURL GT RENOV a indiqué à Monsieur et Madame [R] que la reprise des travaux était conditionnée au paiement préalable d'un certain nombre de factures. Il résulte, par ailleurs, des échanges entre les parties produits aux débats par l'entreprise (pièce 15 GT RENOV) que, dès le mois de mai 2015, les travaux étaient, de fait, suspendus dans l'attente de l'octroi d'un prêt bancaire.

Par mail, en réponse, en date du 26 juin 2015 (pièce 4 [R]), Monsieur [R] a indiqué qu'il ne réglerait que la somme de 27 445,33€ sur les factures dont le paiement était réclamé, puis par mail en date du 29 juin 2015 (pièce 5 [R]), il a réduit ce montant à la somme de 24 613,42€, ce qui correspond aux propositions suivantes :

Référence

Montant

Accord du 26/6/2015

Accord du 29 juin 2015

Nature des travaux

Aucune

3 500€

3500€

3 500€

Peinture contremarches, garde du corps et sous-sol

FC 0438

6 600€

6 600€

4 290€

(65% devis)

Mise en peinture murs et plafonds du RDC et 1er étage de la maison

FC 0402

5 225€

5 225€

5 225€

Démolition dalle et chape béton léger

FC 0397

4 774€

4774€

4 774€

Création d'un faux plafond au RDC

Devis n°15- 012

3564€

3564€

3 564€

40% du devis sanitaires du 16/1/2015

FC 0453

1624,35€

1624,35€

1 102,44€

Travaux menuiserie

FC 0404

578,42€

578,42€

578,42€

Achat matériaux chez Lapeyre

FC 0395

990€

990€

990€

Peinture des combles

FC 0424

589,56€

589,56€

589,56€

Travaux WC

TOTAUX

27 445,33€

24 613,42€

Dans son mail en date du 26 juin 2015, Monsieur [R] a précisé qu'il convenait de respecter la chronologie des règlements en fonction des phases d'exécution et qu'il convenait de terminer les travaux d'électricité et d'isolation, pour lesquels des acomptes avaient été versés. Il a également indiqué que les règlements interviendraient en fonction des vérifications et de l'achèvement des travaux. Le mail en date du 29 juin 2015, marquant la rupture des relations entre les parties à la suite d'une rencontre du 26 juin 2015, fait état d'une perte de confiance, d'un mauvais climat et de l'existence d'un manque de finition et de qualité dans l'exécution des travaux et rappelle, de nouveau, que des acomptes ont été versés pour les travaux d'isolation et d'électricité, pour des montants respectifs de 7084€ et 7556€.

Par courrier recommandé avec AR en date du 2 juillet 2015 (pièce 6 [R]), l'EURL GT RENOV a répondu à Monsieur et Madame [R] qu'ils restaient engagés par le marché, qui avait été passé à hauteur de la somme de 57 061,34€ et non à hauteur de 24 613,42€, qu'en dépit de leurs déboires bancaires, l'entreprise avait toujours contribué à faciliter les démarches de financement et que la contestation de la bonne exécution des travaux, pour la première fois, ne constituait qu'une 'argutie' destinée à leur permettre d'échapper à leurs obligations contractuelles.

L'EURL GT RENOV a précisé qu'elle refusait la rupture des relations contractuelles, qu'elle mettait en demeure Monsieur et Madame [R] de régler leur dette et qu'elle leur rappelait le principe toujours possible d'une résolution amiable du différend (sans en préciser les modalités).

Ce courrier met en évidence le caractère pour le moins incertain du montant du marché par rapport aux devis signés et même de la dette, puisque le montant de celle-ci n'est pas indiqué, contrairement aux exigences inhérentes à une mise en demeure. Il opère, d'autre part, une confusion, peu admissible pour une entreprise, entre le montant du marché et le solde dû sur les travaux. Ce faisant, il évite de répondre précisément à la proposition de règlement et aux griefs énoncés par Monsieur [R] (en particulier pose défectueuse des portes niveau chambres, travail mal fait au niveau de la porte du RDC, absence de peinture pour la salle de bains et les toilettes du 1er étage, travaux inachevés pour l'isolation et l'électricité).

Le différend entre les parties résulte ainsi des modalités erratiques de paiement des travaux, qui sont imputables à l'entreprise, qui n'a pas présenté des comptes clairs et facilement compréhensibles intégrant l'avancement des travaux pour une opération de rénovation globale. La réponse de l'entreprise en date du 2 juillet 2015 n'a permis aucun éclaircissement.

Ces circonstances, ne permettant pas d'envisager la maîtrise du chantier dans des conditions normales, c'est à dire en pleine connaissance de cause, justifient que Monsieur et Madame [R] aient décidé de rompre les relations contractuelles pour l'avenir, en raison de la disparition de leur confiance à l'égard de l'EURL GT RENOV. Il convient d'ajouter que cette résiliation est encore justifiée par le fait que le chantier était en cours depuis 6 mois, sans perspective claire d'achèvement (sauf à se soumettre aux exigences de paiement de l'entreprise) et que l'entreprise n'a fourni, ni compte récapitulatif, ni précisé le sort qu'elle entendait réserver aux quatre chèques qui lui avaient été remis en janvier 2015.

Cette situation n'est pas incompatible avec l'existence éventuelle d'un solde débiteur des travaux à la charge de Monsieur et Madame [R], dès lors que la confusion des comptes et l'absence de précisions sur l'avancement global des travaux sont imputables à l'entreprise.

La résiliation du marché de travaux notifiée le 29 juin 2015 ne peut donc être confirmée en ce qu'elle devrait être prononcée aux torts exclusifs de Monsieur et Madame [R].

Elle doit être prononcée aux torts de l'EURL GT RENOV, ainsi que Monsieur et Madame [R] l'ont sollicité à titre subsidiaire dans le dispositif de leurs conclusions, le jugement étant donc infirmé sur ce point.

Sur la demande de réception judiciaire sans réserves;

L'EURL GT RENOV sollicite la réception judiciaire sans réserves, au motif que Monsieur et Madame [R] ont commis 'une voie de fait' en réintégrant la totalité de leur maison, sans accord de l'entreprise.

La résiliation du marché de travaux ayant été prononcée aux torts de l'EURL GT RENOV, celle-ci ne peut se prévaloir d'une faute de Monsieur et Madame [R] ayant consisté à reprendre possession de leur maison, alors que les travaux n'étaient pas terminés. Ils ont, en effet, légitimement repris possession de leur maison, dès lors qu'ils étaient fondés à rompre les relations contractuelles avec l'entreprise.

Il sera ajouté à titre surabondant, qu'outre la gestion financière erratique des travaux, l'absence de perspective précise d'achèvement des travaux depuis leur mise en oeuvre, alors que ceux ci étaient engagés depuis 6 mois dans une maison habitée, pouvait également justifier la reprise de possession des lieux.

L'EURL GT RENOV doit donc être déboutée de sa demande de réception judiciaire sans réserves, étant relevé qu'elle n'a pas sollicité de réception judiciaire susceptible d'être assortie de réserves, alors même que les travaux n'étaient pas terminés.

Sur les comptes des travaux après résiliation;

Dans son assignation en date du 28 juillet 2015, l'EURL GT RENOV a sollicité le paiement d'une somme de 6292,33€ à titre de solde dû sur les travaux, par rapport à un marché total de 100118,13€ calculé sur la base des sommes réglées par Monsieur et Madame [R] (43056,79€) majorées du montant des quatre chèques remis (50769,01€). L'assignation n'a fait état que des factures ayant justifié le paiement de la somme de 43056,79€.

En cause d'appel, l'EURL GT RENOV fait état d'un marché de 94118,13€ TTC, qui correspond aux montants des 9 devis acceptés (77985,15€) majoré d'une somme de 16 132,98€ TTC afférente à des travaux supplémentaires n'ayant pas donné lieu à l'établissement de devis.

Les travaux supplémentaires doivent être admis à hauteur de la somme de 15 999,78€, soit qu'ils aient été réglés, soit qu'ils aient été reconnus dans leur principe par Monsieur [R] dans ses mails des 26 et 29 juin 2015. Selon l'EURL GT RENOV, la différence de 133,20€ avec la somme réclamée de 16 132,98€ correspond à une facture, qui a été émise après la rupture des relations. Cette facture ne peut être retenue, puisqu'elle n'est pas produite et qu'il n'est pas précisé quel est son objet. Son existence ne saurait résulter d'une attestation d'expert comptable (pièce 11 GT RENOV) qui ne fait référence à aucune pièce comptable, ni à un exercice comptable précis, étant en outre rappelé que la comptabilité d'une entreprise commerciale ne peut valoir preuve à l'égard de clients non commerçants.

Il doit donc être retenu que les travaux commandés par Monsieur et Madame [R] se sont élevés au total à la somme de 93 984,93€ (soit 77 985,15€ + 15 999,78€).

Monsieur et Madame [R] ne soutiennent pas qu'ils auraient réglé sur les travaux une somme supérieure au montant de 37056,79€ avancé par l'entreprise.

Il reste donc un solde de :

93 984,93€ - 37 056,79€ = 56 928,14€ en faveur de l'EURL GT RENOV,

pour autant que tous les travaux aient été effectivement et correctement réalisés.

Dans ses mails des 26 et 29 juin 2015, Monsieur [R] a fait état des problèmes suivants :

- le devis plomberie n°15-012 (accepté) a été réalisé pour 40% seulement, ce qui signifie que seule la somme de 3 564€ est due sur le montant du devis (8910€), soit une moins value de 5346€.

- le devis de peinture n°15-013bis (accepté) a été réalisé pour 65% seulement, ce qui signifie que seule la somme de 4290€ est due sur le montant du devis (6600€), soit une moins value de 2310€.

- les travaux de menuiserie prévus par le devis n°15-039 ont été mal réalisés, ce qui justifie le paiement d'une somme de 1102,44€ au lieu de 1624,35€ (facture FC 0453), soit une moins value de 521,91€.

- les travaux d'électricité n'ont pas été achevés alors qu'un acompte de 7556€ a été réglé sur le devis accepté d'un montant de 18 890€, soit une moins value de 11 334€.

- les travaux d'isolation n'ont pas été achevés alors qu'un acompte de 7084€ a été réglé sur le devis accepté d'un montant de 17170€ , soit une moins value de 10 086€.

En subordonnant la reprise des travaux au règlement de certaines factures le 25 juin 2015, l'EURL GT RENOV reconnaît que les travaux n'étaient pas terminés à cette date. Dans son courrier recommandé avec AR en date du 2 juillet 2015, elle n'a pas contesté point par point le décompte proposé par Monsieur [R] et n'a aucunement soutenu que les travaux auraient été terminés au 29 juin 2015. Si elle a sollicité la récupération de son matériel laissé sur place, elle n'a pas proposé de dresser un état contradictoire de l'état des travaux pour faire les comptes, de façon à la fois transparente et contradictoire.

Dans son assignation en paiement en date du 28 juillet 2015, l'EURL GT RENOV n'a sollicité aucune mesure d'instruction permettant d'établir un état précis de l'avancement des travaux, tout en convenant que le marché avait été interrompu.

Monsieur et Madame [R] ont donc pris l'initiative de faire dresser un constat d'huissier le 30 juillet 2015 (pièce 8 [R]) pour établir l'état du chantier. Si la valeur probatoire de ce constat est réduite du fait de son caractère non contradictoire (l'entreprise n'ayant pas été convoquée), il a été régulièrement produit aux débats et tend à conforter la teneur non contestée des mails adressés par Monsieur [R] à l'entreprise les 26 et 29 juin 2015 pour énoncer ses griefs quant à l'avancement réel des travaux, pour la plomberie, les peintures, l'isolation et l'électricité. Les faits simplement énoncés (sans prise en compte de l'appréciation de la qualité des travaux) par le rapport d'expertise non contradictoire de Monsieur [Y] [K], en date du 28 août 2015 (pièce 9 [R]) confortent encore la situation de non achèvement des travaux.

Au regard de ces éléments, la cour est en mesure d'évaluer les travaux non complètement réalisés à la somme de 29 598€ sur la base de l'état des travaux évoqué dans les mails des 26 et 29 juin 2015 et n'ayant fait l'objet d'aucune contestation probante, étant rappelé que c'est à l'EURL GT RENOV de prouver l'état d'avancement des travaux dans le cadre d'une rupture qui lui est imputable.

Les éléments non contradictoires produits aux débats ne permettent pas de retenir l'existence des malfaçons invoquées.

Monsieur et Madame [R] doivent donc être condamnés à payer à l'EURL GT RENOV la somme suivante au titre du solde des travaux réalisés:

56 928,14€ - 29 598€ = 27 330,14€

Ils doivent être déboutés de leur demande de restitution des sommes réglées au titre des travaux puisque la résiliation n'opère que pour l'avenir.

Sur les prétentions indemnitaires de Monsieur et Madame [R];

Monsieur et Madame [R] sollicitent la condamnation de l'EURL GT RENOV à leur payer une somme de 34 394,55€ au titre des travaux qu'ils ont dû faire entreprendre par l'entreprise MEDOUARD selon facture en date du 27 juillet 2015 (pièce 12 [R]), outre le remboursement d'une somme de 7884,22€, correspondant au coût du parquet, qui a dû être intégralement remplacé.

La facture de l'entreprise MEDOUARD a été curieusement émise avant l'établissement du constat d'huissier et elle fait apparaître un prix global qui n'est pas détaillé poste par poste. Il doit, d'autre part, être rappelé qu'une somme de presque 30 000€ a été déduite du montant des travaux réclamé par l'entreprise, compte tenu de leur avancement partiel. La corrélation entre la facture des travaux établie par l'entreprise MEDOUARD et les reproches énoncés à l'encontre de l'EURL GT RENOV n'est donc pas démontrée, ce qui conduit à écarter la réalité du préjudice invoqué.

La somme de 7884,22€ réclamée pour le remplacement du parquet acheté inutilement ne peut être retenue en l'absence de tous griefs énoncés pour cette prestation par Monsieur et Madame [R] avant la rupture des relations contractuelles. Les observations afférentes au parquet figurant dans le constat d'huissier et dans le rapport d'expertise privée font état de défauts (lattes abîmées et tuilage en plusieurs endroits) qui n'ont pas été constatés de façon contradictoire mais, surtout, il n'en résulte pas que le remplacement intégral du parquet ait dû être envisagé au stade des reprises préconisées.

Le préjudice allégué n'est donc pas caractérisé.

Sur les prétentions indemnitaires de l'EURL GT RENOV (hors matériel non récupéré);

L'EURL GT RENOV est mal fondée à solliciter la réparation d'un préjudice induit par la rupture abusive du marché, d'un préjudice économique et d'un préjudice moral, dès lors qu'il a été retenu que la rupture des relations lui était imputable.

Sur les prétentions afférentes aux quatre chèques et sur la rétention du matériel de l'entreprise;

Monsieur et Madame [R] demandent la condamnation de l'EURL GT RENOV à leur restituer sous astreinte les quatre chèques qu'ils lui ont remis au début de l'année 2018, pour un montant de 50 769,01€.

Ils n'indiquent pas à quel titre, sur quel fondement, et pour quelle(s) raison(s), ils sollicitent cette restitution, alors que cette remise des chèques a été acceptée en vue de la réalisation des travaux, même s'il a déjà été vu que les appelants n'avaient pas été correctement informés des aspects financiers de l'opération globale de rénovation qu'ils projetaient et de ses modalités. Les comptes effectués après résiliation révèlent, d'autre part, que Monsieur et Madame [R] restent débiteurs d'un solde de travaux.

Cette demande doit donc être rejetée.

Monsieur et Madame [R] reprochent, d'autre part, à l'EURL GT RENOV d'avoir porté les quatre chèques à l'encaissement, alors que ces chèques n'avaient pour objet que de servir de garantie de paiement des travaux.

Sur le plan bancaire, le compte doit être approvisionné dès lors que le chèque est émis. La seule émission d'un chèque à titre de garantie, en l'absence de provision, constitue une faute.

Sur le plan des relations contractuelles entre Monsieur et Madame [R], d'une part, et l'EURL GT RENOV, d'autre part, il est clair que les chèques ont été remis à cette entreprise à titre de garantie, alors que les modalités de financement des travaux n'avaient pas été envisagées de façon globale. L'EURL GT RENOV a porté ces chèques à l'encaissement pour leur montant de 50 769,01€ à la fin du mois de juillet 2015 (pièce 11-1 [R] faisant apparaître leur rejet au 4 août 2015), au moment de la délivrance de son assignation, sans notification préalable d'un compte à la fois global et détaillé des travaux à Monsieur et Madame [R] et sans avertissement préalable, alors même que la rupture des relations trouvait son origine dans un problème de compte et que les travaux n'étaient pas achevés, ce qui avait une incidence automatique sur les sommes dues.

Cette remise à l'encaissement des quatre chèques dans de telles conditions n'est pas conforme à une exécution de bonne foi du marché de travaux, même résilié. L'EURL GT RENOV ne pouvait pas légitimement encaisser la quasi totalité des travaux (règlements de 37056,79€ + 50 769,01€) alors que ceux ci n'étaient pas terminés.

Elle a donc commis une faute (dans le cadre de l'exécution du marché) et doit, à ce titre, réparer le préjudice qui en est résulté pour Monsieur et Madame [R], étant rappelé que cette faute n'exclut pas leur propre faute ayant consisté à remettre des chèques sans provision.

Monsieur et Madame [R] invoquent un préjudice s'élevant à la somme de 18 944,20€ (pièce 14 [R]) consistant en des frais bancaires et en une majoration des taux de prêt, qui auraient pu leur être octroyés.

Pour ce qui concerne les frais (1674,80€), force est de constater qu'ils intègrent des frais bancaires depuis le mois de février 2015, alors que les chèques ont été rejetés en août 2015. En l'absence de production des relevés bancaires, ces frais seront évalués à la somme de 500€. La majoration des intérêts des prêts, qui auraient pu être octroyés, ne constitue pas un préjudice, car elle présente un caractère purement virtuel.

L'EURL GT RENOV doit donc être condamnée à payer à Monsieur et Madame [R] une somme de 500€ à titre de dommages intérêts pour le préjudice induit par la remise des quatre chèques en l'absence de tout accord sur les comptes des travaux.

Il est établi que, par mail en date du 21 juillet 2015 (pièce 18 GT RENOV), Monsieur [R] a subordonné la restitution du matériel laissé sur place par l'entreprise à la remise préalable des quatre chèques. Une telle position n'est pas légitime, dès lors que Monsieur [R] avait émis et remis volontairement les quatre chèques et qu'il existait un différend sur les comptes du chantier, aucune des parties n'ayant le pouvoir de décider unilatéralement comment ce différend devait être tranché.

Ce n'est que tardivement, par courrier en date du 26 novembre 2018 (pièce 21 [R]), que Monsieur [R] a proposé à l'EURL GT RENOV de lui restituer un diable, en l'invitant à le récupérer à diverses dates.

L'EURL GT RENOV sollicite la somme de 4800€ pour le préjudice subi du fait de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de récupérer son matériel (pièce 22 GT RENOV). Il doit être relevé que la liste des matériels n'a été précisée, ni dans le courrier recommandé avec AR en date du 2 juillet 2015, ni dans les pièces annexées à l'assignation du 28 juillet 2015 et qu'il n'a pas été justifié du rachat des matériels décrits (notamment déshumidificateur, meuleuse, projecteur de chantier....). Compte tenu de ces éléments et du refus incontestable et injustifié opposé par Monsieur [R] à la récupération des matériels, le préjudice subi par l'entreprise du fait de la non récupération de ses matériels doit être évalué à 1500€.

Monsieur et Madame [R] doivent donc être condamnés à payer à l'EURL GT RENOV une somme de 1500€ pour les matériels non restitués.

Sur les prétentions accessoires;

Au regard des circonstances du litige ayant mis à la fois en évidence une mauvaise présentation des travaux par des devis successifs multiples pour une opération de rénovation globale, peu compatible avec une information éclairée immédiate des consommateurs et l'absence de plan de financement calé sur l'avancement prévisible des travaux (du fait de l'absence de toutes indications sur la durée des travaux et les modalités de paiement au fur et à mesure de l'avancement), ainsi qu'un solde débiteur à la charge de Monsieur et Madame [R], les dépens seront partagés pour moitié.

Pour les mêmes raisons, les demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Il sera précisé que le coût du constat dressé le 30 juillet 2018, ainsi que le coût de l'expertise privée diligentée par Monsieur [Y] [K] ne doivent pas être intégrés dans les dépens en l'absence de tout caractère contradictoire.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions;

Statuant à nouveau et y ajoutant;

PRONONCE la résiliation des contrats de travaux conclus entre Monsieur et Madame [R] et l'EURL GT RENOV aux torts de cette entreprise;

DÉBOUTE l'EURL GT RENOV de toutes ses prétentions indemnitaires afférentes à la résiliation;

DÉBOUTE l'EURL GT RENOV de sa demande de réception des travaux sans réserves;

CONDAMNE solidairement Monsieur et Madame [R] à payer à l'EURL GT RENOV une somme de 27 330,14€ à titre de solde dû sur les travaux réalisés;

DÉBOUTE Monsieur et Madame [R] de leur demande de restitution de la somme de 37056,79€ réglée au titre des travaux réalisés;

DÉBOUTE Monsieur et Madame [R] de leur demande de restitution sous astreinte des quatre chèques remis à l'EURL GT RENOV au début de l'année 2015;

CONDAMNE l'EURL GT RENOV à payer à Monsieur et Madame [R] une somme de 500€ en réparation du préjudice causé par la remise de quatre chèques à l'encaissement avant l'apurement des comptes des travaux;

DÉBOUTE Monsieur et Madame [R] de toutes autres prétentions indemnitaires;

CONDAMNE solidairement Monsieur et Madame [R] à payer à l'EURL GT RENOV une somme de 1500€ à titre de dommages intérêts pour le refus de restitution à l'entreprise des matériels et matériaux laissés sur le chantier;

DÉBOUTE Monsieur et Madame [R] et l'EURL GT RENOV de leurs prétentions respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE Monsieur et Madame [R] et l'EURL GT RENOV aux dépens de première instance et d'appel, chacun pour moitié, les dépens ne comprenant ni le coût du constat d'huissier du 30 juillet 2018 ni le coût de l'expertise privée de Monsieur [K].

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 17/10922
Date de la décision : 25/01/2019

Références :

Cour d'appel de Paris G6, arrêt n°17/10922 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-25;17.10922 ?
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