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24/01/2019 | FRANCE | N°18/14466

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 24 janvier 2019, 18/14466


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 24 JANVIER 2019



(n°41, 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/14466 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5ZJS



Décision déférée à la Cour : Sur renvoi après cassation d'un arrêt du pôle 1 chambre 3 de la cour d'appel de PARIS en date du 29 novembre 2016 - RG n° 16/04423, rendu sur appel d'une ordonnance de référé du 11 fév

rier 2016 du Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2015018337



APPELANTE



CROUS DE PARIS Etablissement public à caractère administratif

[Adres...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 24 JANVIER 2019

(n°41, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/14466 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5ZJS

Décision déférée à la Cour : Sur renvoi après cassation d'un arrêt du pôle 1 chambre 3 de la cour d'appel de PARIS en date du 29 novembre 2016 - RG n° 16/04423, rendu sur appel d'une ordonnance de référé du 11 février 2016 du Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2015018337

APPELANTE

CROUS DE PARIS Etablissement public à caractère administratif

[Adresse 1]

[Localité 1] / FRANCE

Représentée par Me Ali SAIDJI de la SCP SAIDJI & MOREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : J076

Assistée par Me Pierre MOREAU de la SCP SAIDJI & MOREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : J076

INTIMES

Monsieur [T] [G]

[Adresse 2],

[Localité 2]

ETATS UNIS

né le [Date naissance 1] 1932 à [Localité 3] (ETATS UNIS)

Madame [D] [V] [L] épouse [E]

[Adresse 3].,

[Localité 4]

ETATS UNIS

née le [Date naissance 2] 1937 à [Localité 3] (ETATS UNIS)

Monsieur [M] [L] [X]

[Adresse 4],

[Localité 5]

ETATS UNIS

né le [Date naissance 3] 1937 à [Localité 6], Californie (Etats UN

Monsieur [G] [E] [X]

[Adresse 5],

[Localité 7]

ETATS UNIS

né le [Date naissance 4] 1940 à [Localité 8], MA (ETATS UNIS)

Madame [F] [D] épouse [U]

[Adresse 6],

[Localité 3], [Localité 2]

ETATS UNIS

née le [Date naissance 5] 1933 à [Localité 3] (ETATS UNIS)

Madame [J] [Q] [D] épouse [P]

[Adresse 7]. 4,

[Localité 8]6

ETATS UNIS

née le [Date naissance 6] 1935 à [Localité 3](ETATS UNIS)

Madame [Z] [R] [D] épouse [Y]

[Adresse 8],

[Localité 9]

ETATS UNIS

née le [Date naissance 7] 1939 à [Localité 3] (ETATS UNIS)

Madame [F] [B] [Z] épouse [C]

[Adresse 9],

[Localité 10]

ETATS UNIS

née le [Date naissance 7] 1963 à [Localité 11], MD (ETATS UNIS)

Monsieur [C] [U] [Z]

[Adresse 10],

[Localité 12], [Adresse 11]

ETATS UNIS

né le [Date naissance 8] 1964 à [Localité 11], MD (ETATS UNIS)

Monsieur [M] [O] [Z]

[Adresse 12],

[Localité 13]

ETATS UNIS

né le [Date naissance 9] 1970 à [Localité 14], CO(ETATS UNIS)

Madame [J] [R] [Z] épouse [B]

[Adresse 13],

[Localité 11]

ETATS UNIS

née le [Date naissance 10] 1972 à [Localité 14], CO (ETATS UNIS)

Fondation THE [I] J. [J] MEMORIAL fondation enregistrée dans l'Etat d'[Adresse 14] (Etats-Unis) sous le numéro 116035,

représentée par son Président Monsieur [P] [K], demeurant [Adresse 14] (Etats-Unis),

[Adresse 14],

[Localité 3], [Adresse 14]

ETATS-UNIS

Représentés et assistés par Me [K] [T] de la SELARL GLOBAL SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0813

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Décembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Bernard CHEVALIER, Président

Mme Véronique DELLELIS, Présidente

Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. Bernard CHEVALIER, Président, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Aymeric PINTIAU

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Bernard CHEVALIER, Président et par Aymeric PINTIAU, Greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

La SA Immobilière [Adresse 15], par acte authentique en date du 22 octobre 1962, a donné en location au Centre Régional des Oeuvres Universitaires et Scolaires de l'académie de Paris (ci-après le 'Crous' ou le 'Crous de Paris'), pour une durée de soixante années à compter du 1er octobre 1962, l' immeuble lui appartenant situé [Adresse 15].

Le Crous est toujours occupant de l'immeuble.

La SA Immobilière [Adresse 15] a été radiée pour défaut d'activité le 17 mars 2004 et ne disposait plus d'organes d'administration.

Elle avait été fondée en 1910. Son capital social avait été porté en 1913 à 1 000 000 d'anciens francs, divisé en 2 000 actions de 500 francs chacune.

Selon un procès-verbal d'assemblée générale en date du 5 septembre 1951, [M] [X], ressortissant des Etats-Unis d'Amérique, était détenteur de 1 900 actions.

Par requête en date du 29 novembre 2014, M. [T] [L], Mme [D] [V] [L], M. [M] [L] [X], M. [G] [E] [X], Mme [F] [D] , Mme [J] [Q] [D], Mme [Z] [R] [D], Mme [F] [B] [Z], M. [C] [U] [Z], M. [M] [O] [Z] et Mme [J] [R] [Z], en qualité d'ayants droit de [M] [X], ont demandé au président du tribunal de commerce de Paris sur le fondement des articles 1844-8 du code civil et 875 du code de procédure civile de désigner M. [M] [O] [Z], à titre subsidiaire Me [N] [I] et à titre infiniment subsidiaire Me [K] [T] en qualité de mandataire ad'hoc de la SA Immobilière [Adresse 15] avec mission de:

- faire tout acte juridique nécessaire au recouvrement des loyers dus à la SA Immobilière [Adresse 15] ;

- effectuer toute action à l'encontre du Crous de Paris pour recouvrer des loyers ou indemnités d'occupation dus à la SA Immobilière [Adresse 15] ;

- exécuter les droits et obligations de la SA Immobilière [Adresse 15] en vertu du bail la liant au Crous de Paris ;

- réaliser tout acte prévu par la loi aux fins de réalisation des opérations de liquidation de l'actif et du passif de la SA Immobilière [Adresse 15] ;

- repérer tout compte bancaire de la SA Immobilière [Adresse 15] par recherche sur fichier FICOBA, et ce à l'aide de tout huissier du choix des demandeurs ;

- encaisser tout montant de loyer dû à la société sur ses comptes bancaires et, en l'absence de tels comptes, sur un compte CARPA du conseil des demandeurs.

Par ordonnance en date du 30 décembre 2014, le président du tribunal de commerce de Paris a désigné la SCP [H] [N] et [A], prise en la personne de Me [Y] [A], en qualité de mandataire ad'hoc, chargé de :

- convoquer l'assemblée générale de la société immobilière [Adresse 15] ;

- exercer tous droits et actions nécessaires, y compris par des procédures d'urgence, au recouvrement des loyers dus à la société immobilière [Adresse 15] par le Crous de Paris en vertu du bail liant régulièrement la société immobilière au locataire et encaisser pour le compte de la société immobilière toutes créances dues à celle ci.

Par acte du 29 juillet 2015, le Crous a fait assigner les requérants devant le président du tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir la rétractation de l'ordonnance rendue le 30 décembre 2014.

La fondation The [I] J [J] Memorial est intervenue volontairement à cette instance en qualité de cessionnaire des droits d'héritage des requérants.

Par ordonnance de référé rendue le 11 février 2016, la juridiction saisie a rejeté la demande de rétractation du Crous et l'a condamné à payer aux défendeurs la somme globale de 2 000 euros ainsi qu'à supporter les dépens.

Par déclaration en date du 18 février 2016, le Crous a fait appel de cette ordonnance.

Par un arrêt du 29 novembre 2016, la cour d'appel de Paris a déclaré irrecevable l'action du Crous et l'a condamné à payer aux consorts [X] ainsi qu'à la Fondation 'The [I] J [J] Memorial' la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel.

La cour a fondé sa décisions sur les motifs suivants :

- si le Crous a qualité pour contester la désignation d'un administrateur ad hoc dès lors qu'il est lui-même actionnaire de la société immobilière [Adresse 15], il ne justifie en revanche d'aucun intérêt à s'opposer en cette qualité à la nomination d'un administrateur de justice chargé de veiller aux intérêts de cette société en convoquant notamment une AG des actionnaires et en recouvrant ses créances ;

- de la même façon, il ne justifie pas, en sa qualité de locataire, d'un intérêt à s'opposer à la désignation d'un administrateur ad hoc à la société immobilière [Adresse 15], propriétaire de l'immeuble Concordia qu'elle lui loue depuis le 22 octobre 1962, alors que cette désignation n'a pas pour effet de consacrer juridiquement le titre de propriété des requérants ou, depuis, de la fondation intervenante volontaire, sur l'immeuble de la rue [Adresse 15], - titre qu'il n'a au demeurant pas d'intérêt à contester puisqu'il ne revendique aucun droit sur les 1900 actions litigieuses -, mais simplement de prendre une mesure provisoire permettant à la société d'être gérée et/ou liquidée ; les loyers étant dus, non pas aux actionnaires, mais à la société immobilière, les sommes qu'il est dans ces conditions amené à régler entre les mains du mandataire en vertu d'une autorisation judiciaire ne sauraient lui être discutées ultérieurement ; il convient enfin de souligner que le fait de devoir ainsi reprendre le paiement des loyers que la radiation de la société avait interrompu de fait ne saurait constituer un intérêt légitime ;

- il résulte de ces éléments que faute d'un intérêt à agir en rétractation de l'ordonnance sur requête du 30 décembre 2014, l'action du Crous doit être déclarée irrecevable par application de l'article 32 du code de procédure civile.

Le Crous a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Par un arrêt du 22 mars 2018, la Cour de cassation a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, ledit arrêt, remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant celui-ci et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

La Cour de cassation a estimé que, en statuant ainsi, alors que l'intérêt du Crous à agir en rétractation de l'ordonnance sur requête désignant un mandataire ad hoc n'est pas subordonné à la démonstration du bien-fondé de la contestation de cette désignation et alors qu'elle constatait que les actionnaires sont intéressés à la vie de la société et que le mandataire ad hoc avait mission

d'exercer tous droits et actions nécessaires au recouvrement des loyers dus par le Crous, de sorte que celui-ci, tant comme actionnaire que comme locataire défendeur potentiel à l'action au fond envisagée, avait intérêt à agir en rétractation de l'ordonnance désignant le mandataire ad hoc, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

Le Crous a saisi la cour de céans de ce renvoi le 5 juin 2018.

Au terme de ses conclusions communiquées par voie électronique le 12 décembre 2018, le Crous a demandé à la cour, sur le fondement du code de procédure civile, notamment de ses articles 31, 122, 493 et 497, de:

- réformer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du tribunal de commerce de Paris du 11 février 2016 ;

statuant à nouveau,

- rétracter l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris du 30 décembre 2014 ;

- annuler par voie de conséquence l'ensemble des assemblées générales d'actionnaires et des délibérations du conseil d'administration de la société Immobilière [Adresse 15] qui se sont tenus postérieurement au 30 décembre 2014 ;

- condamner in solidum les intimés à lui payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles en première instance et en appel, les sommes, respectivement, de 4 000 euros et de 10 000 euros ;

- condamner in solidum les intimés aux dépens de première instance et d'appel.

Le Crous a fait valoir en substance les éléments suivants :

sur le défaut d'intérêt à agir des intimés,

- les intimés n'ont pas qualité à agir, faute pour eux de démontrer détenir en qualité de propriétaire une seule action de la société Immobilière [Adresse 15] ;

- ainsi, en ce qui concerne les intimés personnes physiques, ils ne démontrent pas que les 1 900 actions en litige se trouvaient encore dans le patrimoine de [M] [X] au décès de celui-ci ; à cet égard, ni le document intitulé 'Enregistrement des dernières volontés et testament de [M] [X]' en date du 10 mars 1952 ni la dévolution successorale au décès de celui-ci ni même l'acte de notoriété en date du 26 janvier 2016 ne font mention de ces actions ; ils ne produisent pas non plus l'acte de partage successoral des biens du défunt entre ses trois enfants ni les actes de partage successoraux des biens de leurs propres parents ;

- l'article 730 du code civil est inopérant, puisque ce n'est pas leur qualité d'héritiers qui est en cause mais bien la propriété des actions litigieuses ;

- dans leur acte de renonciation en faveur de la fondation The [I] J [J] Memorial, les intimés évoquent les droits que chacun d'eux 'pourraient avoir' sur ces actions ;

- par ailleurs, alors qu'ils prétendent que [M] [X] était le mandataire de [J] [J], riche philanthrope qui lui aurait fait donation de la somme de 250 000 dollars pour acheter l'immeuble de la rue [Adresse 15], ils ne produisent pas non plus cet acte de donation ;

- il ressort encore d'une lettre de [M] [X] en date du 22 novembre 2013 que ce dernier avait transformé les actions nominatives en actions au porteur et transféré celles-ci à son mandant, laquelle était [J] [J] ;

- en ce qui concerne la fondation The [I] J [J] Memorial, sa qualité de propriétaire n'est pas davantage établie dès lors qu'elle déclare venir aux droits des petits enfants de [M] [X], l'acte de renonciation de ces derniers en sa faveur ne faisant état que de droits hypothétiques ;

- la dématérialisation des titres de sociétés en vertu de la loi du 30 décembre 1981 n'atténue en rien la charge de la preuve qui incombe aux intimés, les actions de la société Immobilière [Adresse 15] n'ayant quant à elles pas été dématérialisées ;

- les statuts de la société autorisaient la conversion des actions nominatives en actions au porteur au choix de l'actionnaire ;

sur la violation par le président du tribunal de commerce des articles 493 et 875 du code de procédure civile

- ni la requête ni l'ordonnance ne satisfont à l'exigence impérative de motivation de la dérogation au principe du contradictoire ;

- en sa qualité d'actionnaire minoritaire de la société Immobilière [Adresse 15], pour avoir acquis 20 actions au porteur par acte du 26 mars 1963, et étant identifié dans la requête comme locataire de celle-ci, il ne devait pas être exclu d'un débat contradictoire sur l'opportunité de nommer un mandataire ad hoc de cette société ;

- cela d'autant moins que ce mandataire devait avoir pour mission de recouvrer des loyers et qu'il était ainsi le seul débiteur identifié ;

sur la nullité des assemblées générales de la sociétés tenues depuis la nomination d'un mandataire ad hoc

- la SEL [A] a convoqué plusieurs assemblées générales aux termes desquelles il a été apporté des modifications statutaires substantielles telles que la nomination de trois administrateurs américains et le transfert du siège social dans les locaux de la fondation The [I] J [J] Memorial.

Les ayants droit de [M] [X] et la fondation The [I] J [J] Memorial, dans leurs conclusions transmises par voie électronique le 7 décembre 2018, ont demandé à la cour, sur le fondement des articles 30, 31, 32, et 700 du code de procédure civile, 544, 1315, 1353 et 154 du code civil, dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016, de :

- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce le11 février 2016 ;

- débouter le Crous de Paris de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- le condamner en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à leur verser la somme globale de 8 000 euros et à supporter les dépens.

Les intimés ont exposé en résumé ce qui suit :

- la position du Crous consistant à leur demander de prouver que [M] [X] était propriétaires des 1 900 actions à son décès est déloyale et dilatoire dès lors qu'il détient les registres et les documents officiels de la société ; à cet égard, celle-ci a compté parmi ses administrateurs avant sa radiation deux salariés du Crous et l'un d'entre eux était chargé de convoquer aux assemblées générales, de sorte qu'il en connaissait ainsi tous les associés ;

- [M] [X], selon le procès-verbal de l'assemblée générale du 5 septembre 1951, était propriétaire de 1 900 actions ; il est décédé le [Date décès 1] 1952 ; le Crous ne prouve pas qu'il avait cédé ces actions entre-temps ;

- ce défaut de cession est corroboré par les assemblées générales qui se sont tenues postérieurement à son décès, au cours desquelles le quorum n'a pas été atteint à première convocation en raison de son absence ;

- une annonce a été publiée dans 'Les petites affiches' le 28 avril 2016 afin que toute personne propriétaire d'actions puisse se présenter à l'assemblée générale du 13 mai 2016 ; une autre annonce l'a été le 1er décembre 2017 ; personne ne s'est présenté afin de revendiquer la propriété d'actions de la société ;

- la preuve de la propriété d'actions peut être établie par l'inscription sur les registres de la société ; [M] [X] est inscrit sur les registres constitutifs de la société [Adresse 15] en 1910 en tant que propriétaire de 1 500 actions nominatives ; en 1913, il est inscrit en tant que propriétaire de 1 700 actions nominatives à la suite d'une augmentation de capital ; le procès-verbal de l'assemblée générale du 5 septembre 1951 indique qu'il est propriétaire nominativement de 1 900 actions ; ces éléments fondent une présomption dont ses ayants droit bénéficient ;

- ces actions ont été transmises à ses héritiers par le sang ; les demandeurs à l'ordonnance sur requête viennent par représentation de leurs parents et grands parents décédés, comme l'acte de notoriété du 26 janvier 2016 le précise, confirmant que les actions font bien partie du patrimoine transmis ; ils ignoraient l'existence de ces actions et ont été informés de leur l'existence à la fin de l'année 2014 par un généalogiste, le cabinet Andriveau ; l'acte de notoriété faisant foi jusqu'à preuve contraire, il appartient au Crous de démontrer qu'ils ne sont pas les héritiers de [M] [X] ;

- aucune opération de liquidation partage des biens de celui-ci n'a été établi à son décès parce que l'existence de ces actions était inconnue ;

- et leur acte de transmission de leurs droits à la fondation n'est pas dubitatif en ce qui concerne la propriété des actions en cause mais est rédigé dans les termes usuels ;

- la donation effectuée par [J] [J] en 1910 n'est pas pertinente pour le litige et ne met pas en cause le fait que [M] [X] était bien propriétaire en propre des actions ; quant au transfert de ces actions évoqué dans la lettre de celui-ci datée de 1913, il n'a jamais été effectué avant son décès ;

- mais à supposer que tel ait été le cas, ce serait alors la fondation The Thoms J [J] Memorial à laquelle chaque héritier a cédé ses droits entre le 5 mai et le 12 octobre 2015 qui est, en tout état de cause, propriétaire de ces actions ; il importe donc peu que [M] [X] ait été ou non le mandataire de [J] [J] ;

- la procédure sur requête était justifiée dès lors que la société était radiée, qu'elle n'avait plus aucune vie sociale ni d'actionnaires connus et que le contradictoire était impossible, faute de personnes à assigner, le Crous étant à l'époque connu seulement en qualité de débiteur ;

- la désignation d'un administrateur ad hoc est bien conforme à l'intérêt social de la société dès lors qu'elle a toujours un contrat de bail en cours ;

- le Crous ne peut que demander la rétractation de l'ordonnance sur requête et non la nullité de l'assemblée générale du 13 mai 2016, tenue en exécution de celle-ci ;

- les titres de [M] [X] n'ont pas été convertis au porteur et, à supposer qu'ils l'aient été, un cessionnaire éventuel ne pourrait s'en déclarer propriétaire sur la seule présentation de ces titres, sans contrat de cession, alors que seul [M] [X] est connu de la société comme actionnaire et a exercé les droits s'y rattachant ; or, un tel contrat de cession n'existe pas.

SUR CE LA COUR

En vertu de l'article 875 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement.

Selon l'article 496 du même code, s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance.

Aux termes de l'article 497 dudit code, le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l'affaire.

Conformément aux articles 496 et 497, le juge saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête est investi des attributions du juge qui l'a rendue et doit, après débat contradictoire, statuer sur le mérite de la requête au jour où celui-ci a statué.

Dans l'affaire en examen, le Crous, qui justifie être actionnaire minoritaire de la SA Immobilière [Adresse 15] par la production aux débats de l'acte d'acquisition des actions au porteur de cette société portant les numéros 1 à 10 et 32 à 40 en date du 26 mars 1963 ainsi que de ces titres et qui est, en cette qualité, intéressé au fonctionnement de cette société, dispose bien d'un intérêt à agir en rétractation de l'ordonnance sur requête du 30 décembre 2014, intérêt qui, au demeurant, n'est pas contesté par les intimés.

Le Crous, premièrement, conteste la qualité et l'intérêt à agir des intimés au motif que ces derniers ne démontreraient pas être actionnaires de la SA Immobilière [Adresse 15].

Il ressort de l'acte de notoriété produit par les intimés en pièce n° 21 que les demandeurs à la requête sont les ayants droit de [M] [X], de nationalité américaine, décédé le [Date décès 1] 1952, comme étant les enfants ou petits enfants des enfants de celui-ci [A] [X], [G] [X] [X] et [F] [W] [X] et de l'article 5 des dispositions testamentaires de [M] [X] communiquées en pièce 10 qu'il a laissé à ses trois enfants tous ses biens n'ayant pas fait l'objet d'un leg particulier.

Il résulte des actes de constitution de la SA Immobilière [Adresse 15] en date du 27 janvier 1910 que [M] [X] était titulaire de 1 500 actions des 1 800 actions de cette société pour avoir apporté la somme de 750 000 francs.

Selon l'acte notarié du 27 décembre 1913 produit par les intimés en pièce 20, [M] [X] a souscrit 200 actions supplémentaires.

Enfin, l'acte en date du 5 septembre 1951, par lequel les actionnaires de la SA Immobilière [Adresse 15] ont décidé de la proroger rétroactivement à compter du 26 janvier 1940 pour une durée de 99 ans, mentionne que [M] [X] est titulaire de 1 900 actions des 2 000 actions qui composent le capital de celle-ci.

Le Crous soutient que ces éléments ne sont pas suffisants pour établir que les ayants droit de [M] [X] sont titulaires de ces actions.

Il soutient, d'une part, que [M] [X] était intervenu dans la création de la SA Immobilière [Adresse 15] en qualité de prête-nom de [J] [J] et il se fonde, à cet égard, sur une lettre de celui-ci en date du 22 novembre 1913 adressée à son mandataire en France, [S] [F], dont la traduction française est la suivante :

' Je pense que vous avez bien reçu en temps voulu ma lettre recommandée du 31 octobre qui contient des procurations données par Mademoiselle [Q] et par moi-même pour l'assemblée du 15 novembre et que je vous ai adressée directement. Vous n'avez peut-être pas répondu parce que l'assemblée a été reportée. Je pense que tout s'est bien passé, que l'augmentation de capital a été autorisée et que vous m'enverrez le certificat « au porteur » ici en temps voulu, aux bons soins de Mme [J].

En ce qui concerne maintenant les anciennes actions «nominatives » que vous désirez voir converties «au porteur ', je vous envoie ci-joint le certificat à mon nom représentant 1500 actions et le certificat au nom de [H] [Q] représentant 200 actions, que nous avons respectivement signés afin que la conversion puisse être effectuée. Vous noterez qu'il figure au verso une mention dactylographiée de cession, sur laquelle j'ai effacé le nom de mon mandant. Nous avions re-transféré les actions à celle-ci de cette manière. Si vous pensez que le certificat est invalidé par la présence de cette mention, je vous suggère de coller un morceau de papier rigide et opaque sur toute la mention. Je ne peux pas l'effacer davantage que ce que j'ai fait.

Je vous envoie également ci-joint les deux ordres de conversion de couleur bleue; ils sont respectivement signés par moi-même et par Mademoiselle [Q], afin qu'il puisse être procédé à ladite conversion des certificats initialement « nominatifs » en certificats « au porteur ». Je vous laisse le soin d'obtenir ces certificats pour nous et de me les retourner, aux bons soins de Mme [J] comme indiqué précédemment, car ils nous appartiennent toujours en propre.

Je prie Mme [F] et vous-même d'agréer l'expression de mes salutations distinguées.'

Mais cette pièce ne saurait suffire à démontrer que les actions litigieuse appartenaient en réalité à [J] [J] alors que la lettre s'achève par la mention selon laquelle les titres lui appartiennent en propre, que les intimés soutiennent que la conversion évoquée dans cette lettre n'a pas été effectuée, que [J] [J] est décédée en 1927 et que, lors de l'assemblée générale du 5 septembre 1951, [M] [X] était encore titulaire de 1 900 actions.

Et la fondation The [I] J [J] Memorial, qui a hérité des biens de [J] [J], ne soutient pas dans cette instance que, en 1951, elle était propriétaire des actions litigieuses et que [M] [X] agissait en qualité de prête-nom.

Le Crous soutient également qu'il n'est pas démontré que ces actions se trouvaient encore dans le patrimoine de [M] [X] à son décès le [Date décès 1] 1952 ni dans celui de ses trois enfants au décès de ces derniers et soulignent, à cet égard que les intimés n'ont pas produit aux débats d'inventaires successoraux.

Mais les intimés répliquent que l'existence de ces actions leur était inconnue et il ressort des débats et des pièces produites, d'une part, que, depuis l'assemblée générale du 5 septembre 1951, aucun titulaire des 1 900 actions litigieuses ne s'est manifesté, cela malgré les annonces faites dans le journal 'Les petites affiches' le 26 janvier 1972 puis encore les 28 avril 2016 et le 1er décembre 2017.

Ainsi, comme les intimés le soulignent, le procès-verbal de l'assemblée générale du 25 février 1972 indique que les actionnaires ont été régulièrement convoqués une première fois en assemblée générale du 27 décembre 1971 mais que le quorum n'a pas été atteint.

Le Crous, actionnaire minoritaire depuis 1962, n'indique pas quels sont les autres associés qui ont été convoqués à cette occasion.

Et cela alors même qu'il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale du 25 février 1972 que [QQ] [S] et que [HH] [V], qui étaient membres du conseil d'administration de la SA Immobilière [Adresse 15], cela jusqu'à sa radiation le 17 mars 2004, étaient également salariés du Crous.

Il résulte, en outre, de ce procès-verbal que [QQ] [S] qui, en 1968, était directrice de la résidence [Localité 15] sise dans l'immeuble appartenant à la SA Immobilière [Adresse 15], était également secrétaire générale du conseil d'administration de cette société et que, partant, elle devait être en charge de la convocation des associés aux assemblées générales.

Au vu de ces considérations, il sera retenu que les intimés demandeurs à la requête justifient à suffisance de droit qu'ils étaient titulaires des 1 900 actions de la SA Immobilière [Adresse 15] en leur qualité d'ayants droit de [M] [X] et, partant, qu'ils avaient un intérêt à présenter celle-ci au président du tribunal de commerce..

Le Crous, deuxièmement, fait grief au président du tribunal de commerce d'avoir enfreint les dispositions des articles 493 et 875 du code de procédure civile au motif que ni la requête ni l'ordonnance ne contiennent une motivation justifiant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire.

Certes, la requête des intimés de même que l'ordonnance rendue le 30 décembre 2014 se bornent à citer les dispositions de l'article 875 du code de procédure civile et il n'apparaît aucune raison pouvant justifier que les autres actionnaires de la SA Immobilière [Adresse 15] aient été tenus dans l'ignorance de leurs demandes.

Mais force est de constater que le Crous ne justifie pas ni même n'indique de quelle façon les intimés pouvaient avoir connaissance de sa qualité d'actionnaire de la SA Immobilière [Adresse 15], cela alors qu'ils justifient à leur dossier que tous les membres du conseil d'administration de celle-ci cités dans l'extrait K bis à jour au 23 décembre 2014, notamment [QQ] [S] et [HH] [V], étaient décédés.

Et le fait que la requête visait à voir désigner un mandataire ad hoc chargé d'effectuer toute action à l'encontre du Crous de Paris pour recouvrer des loyers ou indemnités d'occupation ne justifiait pas de former cette demande au contradictoire de celui-ci.

Il a été jugé, en effet, que le contrôle de la désignation d'un mandataire ad hoc pour représenter une société dissoute n'est offert qu'aux personnes physiques ou morales qui ont un intérêt direct et personnel à la mesure et non à une personne extérieure que l'on envisage d'assigner par ce biais et qui n'a pas à s'immiscer dans la vie de son adversaire (Cass civ 2ème, 12 avril 2012, 11-19865).

La circonstance qu'il était le seul débiteur identifié est à cet égard inopérant.

Le Crous reproche, troisièmement, au président du tribunal de commerce d'avoir statué ultra petita en donnant pour mission au mandataire ad hoc de convoquer l'assemblée générale de la société Immobilière [Adresse 15] alors que cette mesure ne figurait pas dans la requête.

Mais ce grief n'est pas fondé dans la mesure où la requête tendait à obtenir que le mandataire ad hoc devant être désigné réalise plusieurs opérations impliquant que la société recouvre une activité telles que l'exécution de ses droits et obligations en vertu du bail la liant au Crous et qu'elle dispose ainsi à nouveau d'organes de direction.

Enfin, il ne saurait être contesté que les mesures ordonnées par le président du tribunal de commerce, consistant à désigner la SCP [H] [N] et [A], prise en la personne de Me [Y] [A], en qualité de mandataire ad'hoc, chargé de :

- convoquer l'assemblée générale de la société immobilière [Adresse 15] ;

- exercer tous droits et actions nécessaires, y compris par des procédures d'urgence, au recouvrement des loyers dus à la société immobilière [Adresse 15] par le Crous de Paris en vertu du bail liant régulièrement la société immobilière au locataire et encaisser pour le compte de la société immobilière toutes créances dues à celle-ci

sont conformes à l'intérêt de cette société.

Il s'ensuit que l'ordonnance rendue le 11 février 2016 doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande du Crous de rétractation de l'ordonnance du 30 décembre 2014.

Le premier juge a fait une application équitable de l'article 700 du code de procédure civile et fondée de l'article 696 du même code, de sorte que l'ordonnance attaquée doit aussi être confirmée de ces chefs.

En cause d'appel, le Crous, dont le recours est rejeté, devra supporter les dépens, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

L'équité commande de décharger les intimés des frais non compris dans les dépens qu'ils ont dû engager dans le cadre du présent litige et de leur allouer ainsi, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme globale de 5 000 euros.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 11 février 2016 par le président du tribunal de commerce de Paris ;

Condamne le Centre Régional des Oeuvres Universitaires et Scolaires de l'académie de Paris à supporter les dépens d'appel et à payer aux intimés la somme globale de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 18/14466
Date de la décision : 24/01/2019

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°18/14466 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-24;18.14466 ?
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