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24/01/2019 | FRANCE | N°17/22663

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 24 janvier 2019, 17/22663


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 2



ARRET DU 24 JANVIER 2019



(n° , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/22663 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4UFE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Août 2017 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 15/06032





APPELANTE



SARL [Adresse 1]

prise en la personne de ses

représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046, avoca...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRET DU 24 JANVIER 2019

(n° , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/22663 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4UFE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Août 2017 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 15/06032

APPELANTE

SARL [Adresse 1]

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046, avocat postulant

Représentée par Me Annie GULMEZ, avocat au barreau de MEAUX, substitué par Me Guillaume DEHAINE, avocat plaidant

INTIMES

COMITE D'ENTREPRISE DE L'UNITE ECONOMIQUE ET SOCIALE AEROPISTE-INTERPISTE pris en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 4]

[Localité 1]

SAS SOFRAGECO prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentés par Me Patricia HARDOUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056, avocat postulant

Représentés par Me Eric MOUTET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0895, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 novembre 2018 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant

Monsieur François LEPLAT, Président

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur François LEPLAT, Président

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

Madame Monique CHAULET, Conseiller

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François LEPLAT, Président et par Madame FOULON, Greffier.

************

Statuant sur l'appel interjeté le 20 novembre 2017 par la SARL AEROPISTE d'un jugement rendu le 3 août 2017 par le tribunal de grande instance de Bobigny lequel, saisi par le comité d'entreprise de l'unité économique et sociale AEROPISTE INTERPISTE, venant aux droits du comité d'entreprise de la société AEROPISTE, de demandes tendant essentiellement à voir constater que le délit d'entrave est caractérisé, ordonner la communication sous astreinte de divers documents nécessaires à l'expert-comptable choisi à la suite du droit d'alerte voté lors de la réunion du comité d'entreprise du 20 mars 2013, ordonner sous astreinte à la société AEROPISTE de procéder à l'information-consultation du comité d'entreprise avec communication des documents correspondants sur le matériel (vendu, cédé, acheté...), la présentation des anciens contrats Air France Cargo et DGE compagnies assistées et la restitution des cartes grises PL en préfecture et du passage au G.N.R. (Gazole Non Roulant) et condamner la société AEROPISTE au paiement de la somme de 40 000 € à titre de dommages-intérêts pour entrave, a :

- rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la société AEROPISTE,

- dit que le délit d'entrave est caractérisé à l'encontre de la société AEROPISTE,

- en conséquence, ordonné à la société AEROPISTE de communiquer au comité d'entreprise de l'UES AEROPISTE INTERPISTE et à l'expert comptable, la société SOFRAGECO, les documents suivants :

- VEOLIA TRANSDEV

Coûts des frais de siège

- VE AIRPORT

Factures des ventes de 2002 à 2010

Balance des comptes de 2002 à 2012

Coûts des frais de siège

- AEROPISTE

Factures des ventes clients pour 2002 / 2003 et décembre 2010

Factures des ventes intra groupe pour 2002 et 2003

Inventaire des immobilisations

Comptes annuels de 2002 à 2005

Balance des comptes de 2002 à 2010

- MECAPISTE

Factures des ventes intra groupe 2008

- INTER PISTES

Factures des ventes intra groupe 2002 / 2003 et 2010

Comptes annuels de 2002 à 2007 / 2009 / 2010

Balance des comptes de 2002 à 2011

- Organigramme fonctionnel des cinq dernières années

- CONTRATS AIR France

- AEROPISTE

DZCCFC04N01500 / DZCCFC04N01502 / DZCCFC04N01503

DZCCFC04N01600

DZCCFC04N01700

DESZBMA04N1459.0

DZCCA9907100A

4500222959

73000002611

7300004604

4000364165

4000364390

- INTERPISTES

DZCC/MATEMB/002184

DZCCFC04N01500 / DZCCFC04N01502

DZCCFC04N01600

DZCCFC04N01400

DZCCFC04N01800

4000364198

Compte 611118

- ordonné à la société AEROPISTE de procéder à l'information-consultation de son comité d'entreprise avec communication des documents correspondants sur :

- la présentation des anciens contrats Air France Cargo et DGE compagnies assistées,

- la restitution des cartes grises PL en préfecture et du passage au G.N.R. (Gazole Non Roulant),

- condamné la société AEROPISTE au paiement de la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts au vu de l'entrave,

- débouté le comité d'entreprise de l'UES AEROPISTE INTERPISTE de ses autres demandes,

- condamné la société AEROPISTE à payer à son comité d'entreprise la somme de 4 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société AEROPISTE à payer à la société SOFRAGECO la somme de 2 392 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société AEROPISTE aux dépens,

Vu les dernières conclusions transmises le 24 octobre 2018 par la SARL AEROPISTE, appelante, qui demande à la cour de :

- INFIRMER dans toutes ses dispositions le jugement entrepris,

en conséquence, et statuant à nouveau :

1) DECLARER irrecevable pour défaut de droit d'agir le comité d'entreprise de la société AEROPISTE puis du comité d'entreprise de l'UES AEROPISTE INTERPISTE, en l'absence de délibération valable sur la question de poursuivre l'instance introduite devant le tribunal de grande instance,

en tout état de cause,

- CONSTATER que le mandatement du CE ne concerne qu'une action en justice pour entrave au CE relative à la non-information et consultation sur la restitution des cartes grises PL en préfecture et du passage au GNR,

en conséquence,

- DECLARER irrecevables toutes les actions et les demandes autres que celle relative à une entrave au CE pour non-information et consultation sur la restitution des cartes grises PL en préfecture et du passage au GNR,

2) CONSTATER l'illégitimité, le caractère abusif et le non-respect de la procédure d'alerte initiée par le CE,

en conséquence,

- ANNULER l'ensemble des délibérations de la réunion extraordinaire du 20 mars 2013 par lesquelles les membres du CE ont constaté le défaut de réponse de l'employeur à leur demande d'explication, ont voté le déclenchement du droit d'alerte et ont procédé à la désignation du cabinet SOFRAGECO pour assister le comité d'entreprise dans cette procédure,

- REJETER l'ensemble des demandes du comité d'entreprise et de la société SOFRAGECO portant sur la communication des documents demandés,

- DIRE que le délit d'entrave n'est absolument pas caractérisé,

à titre subsidiaire,

- DIRE que la liste des documents exigés par le comité d'entreprise de l'UES AEROPISTE INTERPISTE et la société SOFRAGECO outrepasse les pouvoirs de l'expert-comptable,

en tout état de cause,

- CONSTATER la parfaite coopération de l'employeur dans la communication des documents sollicités par la société SOFRAGECO,

en conséquence,

- REJETER l'ensemble des demandes du comité d'entreprise et de la société SOFRAGECO portant sur la communication des documents demandés,

- DIRE que le délit d'entrave n'est absolument pas caractérisé,

3) CONSTATER que le comité d'entreprise a dûment été informé des questions relatives à la restitution des cartes grises et le passage au gazole non-roulant et qu'il n'y a pas lieu de la condamner à procéder à une quelconque information-consultation sur ce point,

- CONSTATER que le comité d'entreprise n'est pas en droit d'obtenir communication des anciens contrats AIR France CARGO et DGE, ni la liste du matériel « vendu, cédé, acheté»,

en conséquence,

- DIRE que le délit d'entrave n'est pas caractérisé,

4) CONDAMNER individuellement le comité d'entreprise de l'UES AEROPISTE et le cabinet d'expert-comptable SOFRAGECO à la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- CONDAMNER le comité d'entreprise de l'UES AEROPISTE et le cabinet d'expert-comptable SOFRAGECO aux entiers dépens,

Vu les dernières conclusions transmises le 7 novembre 2018 par le comité d'entreprise de l'unité économique et sociale AEROPISTE INTERPISTE (ci-après dénommé le CE de l'UES AEROPISTE INTERPISTE), venant aux droits du comité d'entreprise de la société AEROPISTE, et la société par actions simplifiée SOFRAGECO, intimés, qui demandent à la cour de :

- rejeter l'ensemble des fins de non recevoir soulevées par la société,

- constater que le délit d'entrave est caractérisé,

en conséquence,

- confirmer le jugement en ce qu'il a enjoint à la société AROPISTE de communiquer à son comité d'entreprise et à son expert-comptable le cabinet SOFRAGECO les documents suivants :

- VEOLIA TRANSDEV

Coûts des frais de siège

- VE AIRPORT

Factures des ventes de 2002 à 2010

Balance des comptes de 2002 à 2012

Coûts des frais de siège

- AEROPISTE

Factures des ventes clients pour 2002 / 2003 et décembre 2010

Factures des ventes intra groupe pour 2002 et 2003

Inventaire des immobilisations

Comptes annuels de 2002 à 2005

Balance des comptes de 2002 à 2010

- MECAPISTE

Factures des ventes intra groupe 2008

- INTER PISTES

Factures des ventes intra groupe 2002 / 2003 et 2010

Comptes annuels de 2002 à 2007 / 2009 / 2010

Balance des comptes de 2002 à 2011

- Organigramme fonctionnel des cinq dernières années

- CONTRATS AIR France

- AEROPISTE

DZCCFC04N01500 / DZCCFC04N01502 / DZCCFC04N01503

DZCCFC04N01600

DZCCFC04N01700

DESZBMA04N1459.0

DZCCA9907100A

4500222959

73000002611

7300004604

4000364165

4000364390

- INTERPISTES

DZCC/MATEMB/002184

DZCCFC04N01500 / DZCCFC04N01502

DZCCFC04N01600

DZCCFC04N01400

DZCCFC04N01800

4000364198

Compte 611118

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il ordonnait à la société AEROPISTE de procéder à l'information-consultation du comité d'entreprise avec communication des documents correspondants sur :

- la présentation des anciens contrats Air France Cargo et DGE compagnies assistées

- la restitution des cartes grises PL en préfecture et du passage au G.N.R. «'(Gazole Non Roulant)'»,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il condamnait la société AEROPISTE à payer 20 000 € au comité d'entreprise au titre des dommages et intérêts vu les entraves retenues à son fonctionnement régulier,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il condamnait la société AEROPISTE à payer 4 800 € à son comité d'entreprise au titre de l'article 700 du code de procédure civile, y ajoutant la somme de 3 000 € en cause d'appel,

- condamner la société AEROPISTE aux entiers dépens dont distraction, pour ceux la concernant, au profit de Maître Patricia HARDOUIN ' SELARL 2H AVOCATS et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

La cour faisant expressément référence aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 22 novembre 2018,

SUR CE, LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Filiale de la société VE AIRPORT, elle-même filiale de la société TRANSDEV, la société AEROPISTE a pour activité les transports de fret sur la zone aéroportuaire de Roissy Charles De Gaulle.

Par lettre du 8 mars 2013 adressée au président de l'instance, les membres du comité d'entreprise (CE) de la société AEROPISTE ont sollicité la convocation d'une réunion extraordinaire sur un ordre du jour portant en particulier sur':

- une nouvelle délibération sur le lancement d'une alerte interne en raison des faits préoccupants découverts à l'occasion du dépôt des rapports SOFRAGECO et ABS sur la situation économique de l'entreprise';

- des explications de la direction sur des faits listés';

- en cas de refus ou de réponse insuffisante de la direction, l'adoption d'une résolution pour désigner le cabinet SOFRAGECO afin d'assister le CE dans cette procédure et d'établir le cas échéant un rapport, à la suite des faits préoccupants l'ayant provoquée.

Lors de cette réunion tenue le 20 mars 2013, le CE a voté à l'unanimité le déclenchement d'un droit d'alerte sur les faits préoccupants découverts à l'occasion du dépôt des rapports SOFRAGECO et ABS sur la situation économique de l'entreprise, ainsi que sur la découverte de faits nouveaux et préoccupants pour l'avenir économique et social de la société, et le cabinet SOFRAGECO a été désigné pour assister le CE dans cette procédure et établir le cas échéant un rapport.

Par courrier du 29 avril 2013, le cabinet SOFRAGECO a transmis au président du CE une lettre de mission et un programme de travail ainsi qu'une liste de documents, renseignements et précisions à lui communiquer le plus rapidement possible, en indiquant que ses honoraires seraient de l'ordre de 60 750 € hors taxes.

Ce courrier a fait l'objet d'une relance le 1er juillet 2013.

Les 22 mai, 13 juin et 10 septembre 2014, des documents demandés dans le cadre du droit d'alerte manquaient encore et ont été de nouveau réclamés par la société d'expertise comptable, en vain.

C'est dans ces conditions que par acte d'huissier délivré le 29 avril 2015, le CE de la société AEROPISTE a assigné la société AEROPISTE devant le tribunal de grande instance de Bobigny, la société SOFRAGECO étant intervenue volontairement dans la procédure le 10 mai 2016.

Entre-temps, par jugement du 24 février 2014 confirmé en appel le 9 avril 2015, le tribunal d'instance d'Aulnay sous Bois a reconnu une unité économique et sociale (UES) entre les sociétés AEROPISTE et INTERPISTE.

Le premier tour des élections dans le cadre du périmètre de l'UES s'est déroulé le 31 mars 2016.

Dans des conditions qui sont contestées, le CE de l'UES AEROPISTE INTERPISTE a repris l'instance introduite par le CE de la société AEROPISTE devant le tribunal de grande instance de Bobigny, qui le 3 août 2017 a rendu le jugement entrepris. MOTIFS

Sur le «'défaut de droit d'agir'» du CE :

A titre liminaire, il doit être rappelé':

- que si la reconnaissance judiciaire d'une unité économique et sociale impose la mise en place des institutions représentatives qui lui sont appropriées, les mandats en cours ne cessent néanmoins qu'au jour des élections organisées au sein de l'unité économique et sociale quelle que soit l'échéance de leur terme,

- que le CE de la société AEROPISTE avait donc bien qualité à agir jusqu'au 31 mars 2016, date du premier tour des élections dans le périmètre de l'UES, et donc à introduire l'action, le 29 avril 2015, devant le tribunal de grande instance de Bobigny.

La société AEROPISTE soutient d'abord qu'il n'existe pas de délibération valable du CE de l'UES AEROPISTE INTERPISTE sur la question de la poursuite de l'instance introduite devant le tribunal de grande instance de Bobigny par le CE de la société AEROPISTE, dans la mesure où l'ordre du jour de la réunion du CE de l'UES AEROPISTE INTERPISTE du 20 mai 2016 ne fait pas état d'une reprise de l'instance en cours par le CE de l'UES mais uniquement par l'UES elle-même :

«' Point 17 : Reprise par l'UES Aéropiste / Interpistes de la procédure juridique entamée par le CE Aéropiste auprès du tribunal de grande instance de Bobigny, dont le numéro de dossier est 15-06-032. Mise au vote des délégués titulaires.'»

Ce faisant, l'appelante soulève en réalité une nullité de fond tirée du défaut de pouvoir du représentant légal du CE de l'UES AEROPISTE INTERPISTE de reprendre l'instance.

L'omission des mots «'le CE de'» entre «'Reprise par'» et «'l'UES Aéropiste / Interpistes'» au point 17 de l'ordre du jour figurant dans la convocation à la réunion de l'instance en date du 20 mai 2016, réitérée dans le procès-verbal de cette réunion, s'analyse en une simple erreur matérielle qui n'a pu prêter à confusion dans la mesure où':

- n'ayant pas la personnalité morale, une UES ne peut être partie à l'instance, la formulation en cause ayant en outre pour conséquence absurde en l'espèce que les deux sociétés composant l'UES agiraient contre l'une d'entre elles,

- et où il ressort du procès-verbal précité que le secrétaire a exactement informé l'ensemble des élus du CE de l'UES Aéropiste / Interpistes que «'la procédure juridique Aéropiste auprès du tribunal de grande instance de Bobigny, sous le numéro de dossier 15-06-032, doit être reprise par le CE de l'UES Aéropiste / Interpistes, ceci dans le but de pouvoir poursuivre, sous le CE de l'UES Aéropiste / Interpistes, le dossier juridique «'15-06-032'» en cours'», et qu' à la suite de cette information «'la reprise par le CE de l'UES Aéropiste / Interpistes de la procédure juridique entamée par le CE Aéropiste auprès du tribunal de grande instance de Bobigny sous le numéro 15-06-032 [a été] votée à l'unanimité (...)'».

A l'instar du premier juge, il convient dès lors de retenir que la question de la reprise de l'instance en cours par le CE de l'UES était bien inscrite à l'ordre du jour de la réunion du 20 mai 2016, nonobstant l'erreur matérielle affectant le point 17 de celui-ci, et que les membres du CE de l'UES ont en toute connaissance de cause voté à l'unanimité en faveur de cette reprise d'instance.

L'exception de procédure sera en conséquence rejetée, le jugement entrepris étant confirmé en ce qu'il a rejeté ce moyen.

La société AEROPISTE soutient ensuite que le mandatement du CE ne concerne qu'une action en justice pour «'entrave au CE relative à la non-information et consultation sur la restitution des cartes grises PL en préfecture et du passage au GNR'» et demande à la cour de déclarer irrecevables «'toutes les actions et les demandes autres'».

En premier lieu, l'ordre du jour diffusé en vue de la réunion de l'instance du 26 juin 2014 comporte un point 16 libellé comme suit':

«'Délibération pour entamer une action en justice pour entraves au CE pour la non remise des documents demandés par le cabinet d'expert-comptable Sofrageco, dans le cadre du droit d'alerte'».

Lors de la réunion du 26 juin 2014, cette résolution a été adoptée à l'unanimité.

En second lieu, l'ordre du jour diffusé en vue de la réunion de l'instance du 27 novembre 2014 prévoit au point 12':

«'Délibération pour entamer une action en justice pour entraves au CE pour la non information et consultation sur la restitution des cartes grises PL en préfecture, et du passage au G.N.R. (Gazole Non Roulant)'».

Lors de la réunion du 27 novembre 2014, cette résolution a été adoptée à la majorité.

Ces deux mandats d'agir qui ont un objet différent ne sont nullement exclusifs l'un de l'autre en l'absence de toute mention en ce sens.

Dès lors, doivent être déclarées recevables les demandes pour entraves tant au titre de la non-communication à la société d'expertise-comptable SOFRAGECO des documents qu'elle a sollicités qu'au titre du défaut d'information et de consultation sur la restitution des cartes grises PL en préfecture et sur le passage au GNR, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef, sous la réserve que les moyens soulevés par la société AEROPISTE ne constituent pas des fins de non-recevoir mais des exceptions de nullité de fond.

En revanche, il n'est pas justifié du mandat d'agir pour entrave au titre du défaut d'information et de consultation sur la présentation des anciens contrats Air France Cargo et DGE compagnies assistées, de sorte que la demande fondée sur ces faits sera déclarée irrecevable, la décision entreprise étant infirmée sur ce point.

Sur la communication des documents sollicités dans le cadre du droit d'alerte':

Il doit être rappelé les dispositions des articles L 2323-78, L 2323-79, L 2325-36 et L 2325-37 alinéa 1 du code du travail dans leur rédaction applicable en la cause':

- article L 2323-78': «'Lorsque le comité d'entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, il peut demander à l'employeur de lui fournir des explications.

Cette demande est inscrite de droit à l'ordre du jour de la prochaine séance du comité d'entreprise.

Si le comité d'entreprise n'a pu obtenir de réponse suffisante de l'employeur ou si celle-ci confirme le caractère préoccupant de la situation, il établit un rapport. Dans les entreprises employant au moins mille salariés, ce rapport est établi par la commission économique prévue par l'article L. 2325-23.

Ce rapport, au titre du droit d'alerte économique, est transmis à l'employeur et au commissaire aux comptes.'»

- article L 2323-79': «'Le comité d'entreprise ou la commission économique peut se faire assister, une fois par exercice comptable, de l'expert-comptable prévu à l'article L. 2325-35, convoquer le commissaire aux comptes et s'adjoindre avec voix consultative deux salariés de l'entreprise choisis pour leur compétence et en dehors du comité d'entreprise.

Ces salariés disposent de cinq heures chacun pour assister le comité d'entreprise ou la commission économique en vue de l'établissement du rapport prévu à l'article L. 2323-78. Ce temps est rémunéré comme temps de travail.'»

- article L 2325-36': «'La mission de l'expert-comptable porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise.'»

- article L 2325-37 alinéa 1': «'Pour opérer toute vérification ou tout contrôle entrant dans l'exercice de ses missions, l'expert-comptable a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes.'»

Pour la première fois, la société AEROPISTE soutient devant la cour que les conditions du recours à la procédure d'alerte n'étaient pas réunies et lui demande d'annuler l'ensemble des délibérations de la réunion extraordinaire du 20 mars 2013 par lesquelles les membres du CE ont constaté le défaut de réponse de l'employeur à leur demande d'explication, ont voté le déclenchement du droit d'alerte et ont procédé à la désignation du cabinet SOFRAGECO pour assister le comité d'entreprise dans cette procédure.

Mais ainsi que le font valoir à juste titre les intimés, la société AEROPISTE n'a jamais développé devant le premier juge une quelconque prétention ou argumentation relative à la validité du droit d'alerte déclenché le 20 mars 2013, de sorte que la demande tendant à l'annulation des délibérations votées à ce titre et à cette date par le CE est nouvelle au sens des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile et par voie de conséquence irrecevable.

C'est à tort que la société AEROPISTE prétend que le premier juge aurait dû se saisir de cette question, alors qu'elle ne faisait l'objet d'aucune contestation devant lui.

La société AEROPISTE rétorque aussi que «'rien n'empêche juridiquement la demanderesse ' notamment le fait que la désignation de l'expert-comptable SOFRAGECO n'ait jamais été contestée par cette dernière ou bien que l'expertise ait été réalisée et payée ' de contester en cause d'appel la légitimité de la procédure d'alerte et de mettre en exergue le non-respect de la procédure d'alerte, dès lors que cette argumentation tend à faire débouter le comité d'entreprise de l'ensemble de ses demandes'».

Toutefois, par lettre du 8 mars 2013 adressée au président de l'instance, les membres du CE de la société AEROPISTE ont sollicité la convocation d'une réunion extraordinaire sur un ordre du jour portant sur':

- une nouvelle délibération sur le lancement d'une alerte interne en raison des faits préoccupants découverts à l'occasion du dépôt des rapports SOFRAGECO et ABS sur la situation économique de l'entreprise';

- des explications de la direction sur des faits listés, en particulier sur le déficit croissant depuis plusieurs années consécutives mis en exergue par le précédent rapport d'expertise;

- en cas de refus ou de réponse insuffisante de la direction, l'adoption d'une résolution pour désigner le cabinet SOFRAGECO afin d'assister le CE dans cette procédure et d'établir le cas échéant un rapport, à la suite des faits préoccupants l'ayant provoquée.

Il ressort de l'examen du procès-verbal de la réunion extraordinaire du 20 mars 2013 qu'en ce qui concerne la situation préoccupante de l'entreprise liée à un déficit croissant depuis plusieurs années consécutives, la direction n'a contrairement à son argumentaire fourni aucune réponse pertinente de nature à l'expliquer et n'a pas davantage présenté les moyens envisagés pour y remédier, laissant même entendre sans plus de précision que l'absence d'investissement dans le renouvellement du parc PL est «'un choix imposé'».

C'est dès lors de manière régulière et sans abus que le 20 mars 2013, le CE a voté à l'unanimité le déclenchement d'un droit d'alerte sur les faits préoccupants découverts à l'occasion du dépôt des rapports SOFRAGECO et ABS sur la situation économique de l'entreprise, et qu'il a désigné le cabinet SOFRAGECO pour l'assister.

En dépit des nombreuses demandes de la société SOFRAGECO, la société AEROPISTE ne lui a jamais transmis l'intégralité des documents sollicités, la dernière liste des nombreux documents manquants figurant dans la lettre de la société d'expertise-comptable du 10 septembre 2014 adressée au président du pôle fret AEROPISTE.

Ces faits sont constitutifs d'une entrave au fonctionnement régulier du CE ainsi que l'a exactement retenu le premier juge.

C'est en vain que la société AEROPISTE oppose le fait que certains documents sollicités dépasseraient la mission de l'expert dans le temps et dans son objet.

En effet, il doit être rappelé d'une part qu'il appartient au seul expert-comptable désigné par le comité d'entreprise de déterminer les documents utiles à l'exercice de sa mission et d'autre part que l'expert-comptable, dont l'assistance a été décidée par le comité d'entreprise dans le cadre de son droit d'alerte économique, a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes, lequel peut effectuer des investigations auprès des personnes ou des entités qui contrôlent l'entreprise, en l'espèce auprès notamment de la société VE AIRPORT.

En outre, s'il ressort du procès-verbal de la réunion extraordinaire du 20 mars 2013 qu'il est question d'un déficit croissant d'année en année depuis 2008 ' c'est cependant Mme [O], représentant la direction générale de la société VE AIRPORT, qui la première fait remonter à l'année 2008 ce déficit (page 1) ' il n'en reste pas moins que l'expert-comptable est fondé à en rechercher les causes par une mise en perspective de tous les éléments d'ordre économique, financier ou social des années antérieures.

Enfin, la société AEROPISTE ne justifie pas que la société SOFRAGECO soit déjà en possession d'une partie des documents sollicités, que d'ailleurs elle ne liste pas, au motif qu'ils lui auraient été communiqués dans le cadre d'une précédente mission d'expertise.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a ordonné la communication des documents sus-rappelés à l'expert-comptable, la société SOFRAGECO, étant précisé que la demande d'astreinte n'est pas maintenue devant la cour.

En revanche, il n'y a pas lieu d'en ordonner la communication au CE de l'UES AEROPISTE INTERPISTE, la décision du premier juge étant infirmée sur ce point.

Sur la consultation relative à la restitution des cartes grises et au passage des véhicules au gazole non routier':

L'article L 2323-6 du code du travail dans sa version alors applicable dispose': «'Le comité d'entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle.'»

L'article L 2323-27 alinéa 1, alors applicable, précise': «'Le comité d'entreprise est informé et consulté sur les problèmes généraux intéressant les conditions de travail résultant de l'organisation du travail, de la technologie, des conditions d'emploi, de l'organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération.'»

Il est justifié et non contesté que la direction a informé le CE du passage au gazole non routier entraînant la restitution des cartes grises des véhicules, sans le consulter.

Or, le changement de carburant a pour conséquence que les véhicules considérés ne sont plus soumis à immatriculation ni à détention du permis de conduire.

De surcroît, il ressort de la circulaire du ministère de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique en date du 17 décembre 2010 relative à l'utilisation du gazole non routier que si celui-ci possède des caractéristiques identiques au gazole routier, ses conditions de distribution, de stockage et d'utilisation sont différentes et des précautions particulières doivent être respectées pour éviter les problèmes de compatibilité avec les moteurs des matériels concernés.

Il en résulte que l'utilisation nouvelle du gazole non routier a une incidence sur les conditions de travail des salariés en termes d'organisation et est susceptible d'avoir des conséquences sur les conditions d'emploi, de sorte que la société AEROPISTE aurait dû procéder à une consultation du CE.

Il s'ensuit que l'entrave à ce titre est également caractérisée, la décision attaquée étant confirmée de ce chef.

Sur la demande en dommages-intérêts':

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a accordé des dommages-intérêts au CE de l'UES AEROPISTE INTERPISTE, compte tenu des entraves commises et de la résistance de la société AEROPISTE.

Toutefois, la cour ayant déclaré irrecevable la demande afférente à la présentation des anciens contrats Air France Cargo et DGE compagnies assistées au titre de laquelle le premier juge avait également retenu l'existence d'une entrave, il convient d'infirmer le jugement sur le quantum et statuant à nouveau, de condamner la société AEROPISTE à payer au CE de l'UES AEROPISTE INTERPISTE la somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts.

Sur les frais irrépétibles et les dépens':

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu en équité d'allouer au CE de l'UES AEROPISTE INTERPISTE la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer devant la cour.

La société AEROPISTE qui succombe sur l'essentiel n'obtiendra aucune indemnité sur ce fondement et supportera les dépens d'appel, qui seront recouvrés, pour ceux la concernant, par Maître Patricia HARDOUIN ' SELARL 2H AVOCATS conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Sur la recevabilité':

Dit que les moyens de la société AEROPISTE tirés du «'défaut de droit d'agir'» du CE de la société AEROPISTE puis du CE de l'UES AEROPISTE INTERPISTE constituent des exceptions de procédure et non des fins de non-recevoir';

Confirme sous cette réserve le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté le moyen tiré du défaut de mandat spécial du représentant légal du CE de l'UES de reprendre l'instance introduite par le CE de la société AEROPISTE et en ce qu'il a déclaré recevables les demandes pour entraves au titre de la non-communication à la société d'expertise-comptable SOFRAGECO des documents qu'elle a sollicités';

L'infirme en ce qu'il a écarté le moyen tiré du défaut de mandat d'agir pour entraves au titre du défaut d'information et de consultation sur la présentation des anciens contrats Air France Cargo et DGE compagnies assistées';

Statuant à nouveau sur ce point,

Déclare irrecevable la demande pour entraves au titre du défaut d'information et de consultation sur la présentation des anciens contrats Air France Cargo et DGE compagnies assistées, faute de mandat spécial en ce sens';

Y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande de la société AEROPISTE tendant à l'annulation des délibérations votées au titre du droit d'alerte économique le 20 mars 2013 par le CE de la société AEROPISTE';

Sur le fond':

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a':

- dit que le délit d'entrave était caractérisé à l'encontre de la société AEROPISTE,

- ordonné à la société AEROPISTE de communiquer à la société SOFRAGECO les documents suivants :

- VEOLIA TRANSDEV

Coûts des frais de siège

- VE AIRPORT

Factures des ventes de 2002 à 2010

Balance des comptes de 2002 à 2012

Coûts des frais de siège

- AEROPISTE

Factures des ventes clients pour 2002 / 2003 et décembre 2010

Factures des ventes intra groupe pour 2002 et 2003

Inventaire des immobilisations

Comptes annuels de 2002 à 2005

Balance des comptes de 2002 à 2010

- MECAPISTE

Factures des ventes intra groupe 2008

- INTER PISTES

Factures des ventes intra groupe 2002 / 2003 et 2010

Comptes annuels de 2002 à 2007 / 2009 / 2010

Balance des comptes de 2002 à 2011

- Organigramme fonctionnel des cinq dernières années

- CONTRATS AIR France

- AEROPISTE

DZCCFC04N01500 / DZCCFC04N01502 / DZCCFC04N01503

DZCCFC04N01600

DZCCFC04N01700

DESZBMA04N1459.0

DZCCA9907100A

4500222959

73000002611

7300004604

4000364165

4000364390

- INTERPISTES

DZCC/MATEMB/002184

DZCCFC04N01500 / DZCCFC04N01502

DZCCFC04N01600

DZCCFC04N01400

DZCCFC04N01800

4000364198

Compte 611118,

- ordonné à la société AEROPISTE de procéder à la consultation du comité d'entreprise avec communication des documents correspondants sur la restitution des cartes grises PL en préfecture et sur le passage au GNR';

L'infirme pour le surplus';

Statuant à nouveau,

Condamne la société AEROPISTE à payer au CE de l'UES AEROPISTE INTERPISTE la somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts au titre des entraves commises';

Déboute le CE de l'UES AEROPISTE INTERPISTE du surplus de ses demandes';

Sur les frais irrépétibles et les dépens':

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance.

Y ajoutant,

Condamne la société AEROPISTE à payer au CE de l'UES AEROPISTE INTERPISTE la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer devant la cour';

Condamne la société AEROPISTE aux dépens d'appel, qui seront recouvrés, pour ceux la concernant, par Maître Patricia HARDOUIN ' SELARL 2H AVOCATS conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 17/22663
Date de la décision : 24/01/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°17/22663 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-24;17.22663 ?
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