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24/01/2019 | FRANCE | N°17/03136

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 24 janvier 2019, 17/03136


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 24 Janvier 2019

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/03136 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2Y44



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Février 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 16/01369





APPELANTE

SAS LSN ASSURANCES

[...]

N° SIRET : 388 12 3 0 69

représentée par Me P

ierre X..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0228





INTIME

Monsieur Olivier Y...

[...]

représenté par Me Numa Z..., avocat au barreau de PARIS





COMPOSITION DE LA COUR :
...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 24 Janvier 2019

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/03136 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2Y44

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Février 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 16/01369

APPELANTE

SAS LSN ASSURANCES

[...]

N° SIRET : 388 12 3 0 69

représentée par Me Pierre X..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0228

INTIME

Monsieur Olivier Y...

[...]

représenté par Me Numa Z..., avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Novembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère

Madame Bérengère DOLBEAU, conseillère

Greffier : Madame Anna TCHADJA-ADJE, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre et par Madame Anna TCHADJA-ADJE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

Par contrat à durée indéterminée en date du 14 juin 2011, M. Y... a été engagé par la société LSN Assurances en qualité de juriste, cadre niveau E de la convention collective nationale des entreprises de courtage d'assurance ou de réassurance.

M. Y... a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement qui lui a été notifié le 29 juillet 2014 pour cause réelle et sérieuse en raison de manquements en sa qualité de courtier et de conseil de l'entreprise. Il a été dispensé d'exécuter son préavis qui lui a été réglé.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, M. Y... a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 7 août 2014 pour obtenir paiement de diverses sommes.

Par jugement en date du 15 février 2017, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement de M. Y... était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société LSN Assurances à payer à M. Y... les sommes suivantes :

- 25 800 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. Y... du surplus de ses demandes.

Pour statuer ainsi, le conseil a jugé qu'il convenait d'appliquer la prescription pour les faits antérieurs à deux mois, que M. Y... disposait d'une relative liberté concernant ses horaires de travail et que les carences alléguées par l'employeur dans ses relations avec un notaire n'étaient pas démontrées et qu'enfin, un doute subsistait quant aux autres reproches formulés, y compris concernant les faux datant du mois de novembre 2014.

La société LSN Assurances a interjeté appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Selon conclusions soutenues à l'audience, la société LSN Assurances conclut à l'infirmation du jugement, au rejet de l'intégralité des prétentions de M. Y... et elle sollicite une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société LSN Assurances soutient que plusieurs dossiers n'ont pas été traités par M. Y... et que certains comprennent plusieurs erreurs, notamment la prise en charge des poursuites disciplinaires d'un notaire alors que cela ne répond pas à l'engagement contractuel. Elle invoque aussi le caractère tardif du règlement des frais d'avocat, l'absence de réponse dans certains dossiers, la perte d'un dossier...

Elle précise que ces manquements ont été révélés dans le cadre d'un audit réalisé en interne et qu'ils caractérisent une véritable négligence de la part de M. Y.... Elle ajoute que certains manquements ont été révélés postérieurement à son licenciement.

Elle relate également la réalisation par l'intimé de faux courriers datés du mois d'avril 2014 adressés le 26 novembre 2014 à la chambre des notaires, soit postérieurement à son licenciement, le papier à entête utilisé n'existant pas à la prétendue date de rédaction du courrier.

Selon conclusions soutenues à l'audience, M. Y... conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a condamné la société LSN Assurances à lui payer la somme de 25 800 € outre les frais irrépétibles mais à l'infirmation pour le surplus et donc à sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

- 51 400,04 € au titre des préjudices moral et financier distincts,

- 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. Y... fait valoir que les griefs énoncés ne sont pas démontrés, que les attitudes équivoques reprochées sont vagues et ne sauraient justifier son licenciement de même que son retard d'une heure à une réunion dans la mesure où il n'y avait aucun rôle concret ou ses libertés avec les horaires.

Il soutient que l'absence de réponse à un notaire n'est pas justifiée de même que l'absence de traitement de plusieurs dossiers.

Il soutient avoir subi un préjudice distinct du licenciement résultant de la brutalité et du caractère expéditif du licenciement, de l'absence de ressources pendant deux ans autre que l'assurance chômage alors qu'il devait assumer la garde de ses deux enfants et de plusieurs prêts.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions notifiées électroniquement.

L'instruction a été déclarée close le 11 octobre 2018.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le bien-fondé du licenciement

Par courrier daté du 29 juillet 2014, la société LSN Assurances a notifié à M. Y... son licenciement en raison de la survenance de plusieurs incidents au cours des dernières semaines.

Elle a précisé lui avoir demandé de faire preuve de discrétion à la suite de ses attitudes équivoques au sein du personnel qui faisaient les gorges chaudes dans les services et lui avoir rappelé que la vie privée s'arrêtait à la porte de l'entreprise.

Elle lui a reproché d'être arrivé en retard le 10 juin à une réunion d'assureurs organisée au sein de la société MMA au cours de laquelle étaient présents le directeur du développement et l'ensemble des co-assureurs s'agissant de son contrat le plus important, d'avoir eu une tenue négligée (absence de cravate) et de ne pas avoir assisté au déjeuner, ce qui avait été remarqué. Elle a précisé que malgré un courriel explicite adressé à M. Y... après la réunion, celui-ci a persisté à prendre des libertés avec les horaires ainsi qu'en a attesté son arrivée tardive le 23 juillet 2014 à 10 heures 40 sans explication, ni excuse.

Elle a indiqué que lors de l'entretien d'évaluation annuel, elle lui a rappelé qu'il devait faire des efforts sur le plan comportemental, qu'un notaire s'était plaint de son absence de réponse à ses appels, que ce type d'incident n'était pas le premier. Elle a visé l'absence de traitement de plusieurs dossiers relatifs à des déclarations de sinistre dans des dossiers en double saisine ou en gestion déléguée. A titre d'exemple, elle a cité un dossier déclaré en mai 2013 n'ayant reçu aucune réponse de sa part avant le mois de juin 2014.

Elle a précisé que ces faits constituaient des manquements à son rôle de courtier d'autant plus préjudiciables que l'entreprise se trouvait en renégociation triennale du contrat de profession notariale qui est le plus important d'Europe dans le domaine de la responsabilité civile.

S'agissant de l'attitude équivoque de M. Y..., la société LSN Assurances précise qu'en avril 2014, il a été surpris avec une collaboratrice de l'entreprise dans une situation ne respectant pas les convenances élémentaires, toutefois aucune pièce n'est versée aux débats concernant ce grief au demeurant prescrit.

Concernant les faits survenus lors de la réunion du 10 juin 2014, M. Y... ne conteste pas être arrivé en retard et sans cravate mais il conteste le caractère déterminant de cette réunion. Quant à l'employeur, il produit uniquement le courriel adressé par le président postérieurement à la réunion. Il n'en demeure pas moins que quelle que soit l'importance de cette réunion qui regroupait les responsables de la société MMA, Axa, Allianz et Generali, M. Y... est arrivé en retard et n'a pas participé au déjeuner organisé par l'assureur sans pour autant alléguer d'un motif légitime.Ce grief est donc établi.

S'agissant du non-respect des horaires de travail, la société LSN Assurances n'a versé aux débats aucune pièce alors même que le contrat de travail de M. Y... ne mentionne aucun horaire.

Concernant la plainte d'un notaire quant à l'absence de rappel de sa part, Maître A..., la société LSN Assurances produit un courriel de M. B... précisant que ce notaire s'est plaint auprès du service de l'accueil que M. Y... ne répondait pas à ses appels et que ce n'était pas la première fois. L'intimé le conteste et produit un texto signé Maître A... précisant le contraire de sorte que ce grief n'est pas établi.

Concernant l'absence de traitement de certains dossiers et plus précisément un sinistre déclaré en mai 2013 et réglé en juin 2014, la société LSN Assurances n'établit pas que les dossiers produits en pièces 18 et 19 avaient été attribués à M. Y..., de même qu'elle ne justifie pas un retard de règlement des factures émises par un cabinet d'avocat en octobre 2014 dans quatre dossiers en gestion déléguée dans la mesure où les factures n'ont pas été imprimées.

En revanche, la société LSN Assurances verse aux débats le dossier concernant la responsabilité professionnelle de Maître C... dans un sinistre effectivement déclaré le 6 mai 2013 (courrier de la chambre des notaires à la société LSN Assurances) et la réponse de M. Y... en date du 1er juillet 2014 avec le chèque libellé à son ordre. Un délai de plus d'un an s'est effectivement écoulé sans aucun acte entre la saisine et le règlement du sinistre. M. D... précise avoir constaté au début du mois de juillet 2014 que M. Y... n'avait pas traité certains dossiers, les avoir scannés et les tenir à disposition, ce qui permet d'exclure toute prescription des grief invoqués par l'employeur qui produit également d'autres pièces.

Ainsi, la société LSN Assurances produit un courriel du service de l'accueil précisant que M. E... a tenté le 11 juillet 2014 de joindre M. Y... pour un sinistre déclaré huit mois plus tôt et qu'il souhaite être recontacté rapidement.

L'absence de diligence de la part de M. Y... dans un dossier concernant un notaire de Divonne est aussi établie au regard des constatations effectuées par M. F... après reprise de ce dossier, à savoir l'absence de compte-rendu des trois réunions auxquelles M. Y... a assisté en 2014 et l'absence d'envoi des pièces réclamées. Le défaut de diligence est également établi dans le dossier de Maître Noël, notaire à Alençon, qui a fait l'objet d'une saisine en janvier 2013 et qui n'a été réglé qu'en mai 2014. M. G... précise également avoir découvert en octobre 2014 dans une armoire tous les dossiers de M. Y... demeurés introuvables et avoir reçu en novembre 2014 un appel de la chambre des notaires de l'Ain relatant la réception récente de courriers datés de novembre 2013 et d'avril 2014 relatifs à des analyses juridiques dans 11 dossiers suivis par M. Y.... Il indique que les notaires contactés par la chambre des notaires ont indiqué n'avoir reçu aucun courrier de la société LSN Assurances. Si M. Y... conteste être l'auteur des courriers reçus par la chambre des notaires en novembre 2014 bien que son nom soit mentionné, il n'en demeure pas moins que ces dossiers gérés par M. Y... n'avaient reçu aucune réponse de sa part.

Ce grief est donc établi.

Il s'en déduit que deux des griefs reprochés à M. Y... sont établis. Si son retard à la réunion du 10 juin 2014, bien que révélateur d'un certain état d'esprit, n'est pas susceptible à lui seul de justifier une sanction telle qu'un licenciement, il n'en est pas de même concernant les retards de traitement des dossiers qui lui avaient été confiés et même l'absence de diligence dans plusieurs d'entre eux. En conséquence, son licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Sur l'existence de préjudices moral et financier distinct du licenciement

Le licenciement de M. Y... étant justifié, la demande relative à l'indemnisation des préjudices moral et financier est rejetée.

Le jugement est partiellement infirmé.

Chacune des parties garde à sa charge les frais qu'elle a engagés.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement ;

Et statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de M. Y... est justifié;

Déboute M. Y... de toutes ses demandes ;

Dit que chacune des parties garde à sa charge les frais qu'elle a engagés en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. Y... au paiement des dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 17/03136
Date de la décision : 24/01/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°17/03136 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-24;17.03136 ?
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