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24/01/2019 | FRANCE | N°15/09467

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 24 janvier 2019, 15/09467


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 24 Janvier 2019

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 15/09467 - N° Portalis 35L7-V-B67-BXENT



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Août 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/13784





APPELANTE

Me [L] [O] (SELAS ALLIANCE) - Mandataire liquidateur de SARL SANIRECORD

[Adresse 1]
>[Localité 1]

représentée par Me Pascale GUYARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C 547





INTIME

Monsieur [R] [F]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté par Me Arnaud...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 24 Janvier 2019

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 15/09467 - N° Portalis 35L7-V-B67-BXENT

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Août 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/13784

APPELANTE

Me [L] [O] (SELAS ALLIANCE) - Mandataire liquidateur de SARL SANIRECORD

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Pascale GUYARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C 547

INTIME

Monsieur [R] [F]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté par Me Arnaud OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0476

substitué par Me Kim BARDINET, avocat au barreau de PARIS, toque : A0476

PARTIE INTERVENANTE :

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA IDF EST

[Adresse 3]

[Localité 3]

représentée par Me Arnaud CLERC de la SELARL LAFARGE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : T10

substitué par Me Pierre CAPPE DE BAILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : T10

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Décembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseillère

Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère

Greffier : Mme Anna TCHADJA-ADJE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre et par Madame Anna TCHADJA-ADJE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Sanirecord est une entreprise de couverture, plomberie, chauffage, créée en 1996.

M. [R] [F] a été engagé par la société Sanirecord suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 22 mars 2010, avec effet au 28 avril 2010, en qualité de conducteur de travaux, statut ETAM, moyennant une rémunération brute de 3.600 € sur la base de 39 heures de travail hebdomadaire.

M. [Q], gérant et associé, lui a par ailleurs cédé 25 de ses parts sociales.

Le 8 octobre 2013, la société Sanirecord a adressé un avertissement à M. [F] fondé sur des factures impayées à cause de travaux défectueux touchant des chantiers sous sa responsabilité.

M. [F] a contesté cet avertissement par lettre du 13 octobre 2013.

Le 14 octobre 2013, la société Sanirecord lui a adressé un second avertissement concernant la mauvaise finition de chantiers.

Lors d'un entretien, le 24 octobre 2013, la société Sanirecord a évoqué avec M. [F] la possibilité d'une rupture reconventionnelle et indiqué au salarié qu'elle entendait lui adresser un 3ème avertissement. Par lettre du même jour, la société Sanirecord a répondu aux contestations de M. [F] et lui a adressé un 3ème avertissement.

A compter du 26 octobre 2013 M. [F] a été placé en arrêt de travail du 26 octobre au 17 novembre 2013. Un accident du travail a été déclaré à la CPAM qui a accepté sa prise en charge par lettre du 30 janvier 2014. La société Sanirecord a contesté cette reconnaissance d'accident du travail.

Le 28 octobre 2013, M. [F] a contesté les avertissements délivrés les 14 et 24 octobre 2013.

Il a repris le travail le 18 novembre mais a été à nouveau arrêté à compter du 19 novembre 2013.

Par lettre du 19 novembre 2013, la société Sanirecord a convoqué M. [F] à un entretien fixé au 25 novembre suivant en vue d'une éventuelle rupture conventionnelle. M. [F] a indiqué ne pouvoir se rendre à cet entretien compte tenu de l'arrêt-maladie qui était prolongé.

Par lettre du 4 décembre 2013, la société Sanirecord a convoqué M. [F] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 16 décembre suivant. Une nouvelle convocation a été adressée le 9 décembre 2013 pour un entretien fixé au 8 janvier 2014.

M. [F] a repris le travail les 7 et 8 janvier 2014. Le médecin du travail a toutefois émis un avis d'inaptitude totale consécutive à un accident du travail le 8 janvier 2014.

L'entretien préalable a été annulé.

Le 19 février 2014, l'inspection du travail a demandé à la société Sanirecord de procéder au licenciement de M. [F]. Le 6 mars 2014, elle a indiqué à la société qu'il n'était pas nécessaire d'attendre la tenue d'élections des représentants du personnel.

Après constat de la carence de candidatures aux élections professionnelles le 28 mars 2014 et par lettre du 31 mars 2014, la société Sanirecord a convoqué M. [F] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 8 avril suivant puis lui a notifié son licenciement pour inaptitude par lettre du 11 avril 2014 tout en contestant que l'inaptitude soit la conséquence d'un accident du travail.

Le 30 octobre 2014, M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de [Localité 4] pour solliciter sa réintégration à titre principal et la condamnation de la société Sanirecord au paiement de diverses sommes pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire, pour harcèlement moral, pour défaut de déclaration d'accident du travail et entrave à l'indemnisation d'arrêt de travail, pour retard et non-conformité de l'attestation Pôle emploi et pour défaut de visites médicales d'embauche et périodiques.

Par jugement du 5 août 2015, le conseil de prud'hommes a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné la société Sanirecord à payer à M. [F] la somme de 25.200 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle de 1 € pour défaut de visites médicales d'embauche et périodiques et celle de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il a débouté M. [F] du surplus de ses demandes et la société Sanirecord de ses demandes reconventionnelles.

La société Sanirecord a fait appel du jugement par déclaration du 25 septembre 2015.

Par jugement du 25 janvier 2017, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Sanirecord, la société BTSG, devenue la société Alliance, prise en la personne de Me [L] étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par conclusions soutenues à l'audience, Me [L] ès qualités demande à la cour de débouter M. [F] de toutes ses demandes, de le condamner à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts et celle de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de confirmer le jugement pour le surplus.

Elle soutient que le licenciement est valable dès lors qu'elle a effectué une recherche sérieuse de reclassement comme le démontre la lettre du 23 janvier 2014 qui détaille cette recherche. Elle fait valoir que le reclassement était impossible au regard de la taille de l'entreprise, de la configuration des locaux, du refus du salarié de continuer de travailler avec M. [Q] et de l'absence de tout autre poste disponible, la société ayant même dû procéder à des licenciements économiques par la suite. Me [L] ès qualités ajoute que l'accident du travail reconnu par la CPAM est contesté et qu'il est sans lien avec un quelconque manquement de l'employeur à ses obligations. Elle fait en outre observer que M. [F] ne justifie d'aucun préjudice.

Me [L] ès qualités prétend par ailleurs que la déclaration d'accident de travail de M. [F] est fausse et malicieuse, que M. [F] a constitué un dossier de harcèlement de toute pièce à l'effet de ruiner l'entreprise, qu'il a fabriqué et produit des faux dans le cadre de la présente procédure, comme la lettre du 12 octobre 2013 versée aux débats qui n'est pas celle que la société a reçue ou les lettres des 8 et 11 févrir 2014 paraphées et signées dans leur version produite aux débats alors que M. [F] les lui avait adressées vierges de paraphe et de signature, et que ces agissements ont causé un préjudice, d'une part, à la société Sanirecord résultant du stress généré par le harcèlement de M. [F], le coût d'une procédure injustifiée de licenciement pour inaptitude et l'établissement de devis sous-évalués, ce préjudice étant en relation directe avec la liquidation de la société, et, d'autre part, à M. [Q] et à son épouse, comptable, qui n'ont pas pu percevoir de salaire d'avril à décembre 2014.

Elle réfute tout harcèlement moral, faisant valoir que les accusations de M. [F] reposent sur ses seules déclarations à des tiers ou dans des lettres adressées à la société et qu'aucun des faits prétendument constitutifs de harcèlement n'est établi. Elle estime qu'il ressort des courriers échangés entre MM. [Q] et [F] que M. [F], invité à réparer les problèmes découverts pendant ses congés d'été sur plusieurs chantiers, n'a pas supporté cette remise en cause de ses compétences et a bâti un dossier de harcèlement.

Elle réfute également tout retard dans la déclaration d'accident du travail, puisqu'elle y a procédé dans les délais légaux le 22 novembre 2013 dès que M. [F] lui a adressé le justificatif d'arrêt de travail, soit le 18 novembre 2013, et dans la remise de l'attestation, le retard étant dû aux conditions anormales de constatation du prétendu accident du travail et à la CPAM. Elle fait en outre observer que M. [F] ne justifie d'aucun préjudice.

Me [L] ès qualités explique que l'attestation Pôle emploi a été remplie une première fois avec comme dernier jour travaillé le 7 janvier 2014, conformément à la réalité, mais qu'à la suite d'une contestation virulente de M. [F] la date du 25 octobre 2013 y a été substituée le 28 avril 2013. Elle fait valoir que le salarié ne démontre pas l'existence d'un préjudice.

Elle expose que M. [F] n'a pu bénéficier de la visite d'embauche que le 10 novembre 2011 à cause de la surcharge de l'APST, alors que la déclaration préalable à l'embauche valait demande auprès du service de santé d'une telle visite, que M. [F] ne s'y est pas rendu prétextant être malade et qu'une visite médicale a été programmée le 23 octobre 2013, que M. [F] a échangée avec un collègue. Elle ajoute que les visites non effectuées n'ont causé aucun préjudice au salarié mais ne sollicite pas la réformation du jugement sur ce point.

Par conclusions soutenues à l'audience, M. [F] demande à la cour :

- à titre principal, d'infirmer le jugement et de dire et juger que le licenciement est nul, à titre subsidiaire, de confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu le licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse mais de l'infirmer sur le quantum et, statuant à nouveau, de fixer au passif de la société Sanirecord, la somme de 75.600 € à titre de dommages-intérêts ;

- de confirmer le jugement sur la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a reconnu le droit à réparation du défaut de visite médicale d'embauche mais de l'infirmer sur le quantum ;

- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses autres demandes et, statuant à nouveau, de fixer au passif de la société Sanirecord les sommes suivantes :

- 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ou, à tout le moins, manquement à l'obligation de l'exécution de bonne foi du contrat de travail,

- 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour défaut de déclaration d'accident du travail et entrave à l'indemnisation d'arrêt de travail,

- 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour retard et non-conformité de l'attestation à Pôle emploi,

- 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour défaut de visites médicales d'embauche et périodiques,

avec intérêts légaux à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et capitalisation des intérêts,

- 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de ne pas faire droit à la demande de dommages-intérêts de la société Sanirecord ;

- de dire et juger qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision dans un délai d'un mois et en cas d'exécution forcée par voie extrajudiciaire, les frais normalement supportés par le créancier seront supportés par la partie condamnée au principal en sus de l'indemnité mise à sa charge au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- de dire et juger 'le jugement' (sic) opposable à l'AGS Unedic Ile-de-France, à l'exception des sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [F] prétend avoir subi des agissements constitutifs de harcèlement moral à compter de l'été 2013. Il estime qu'il a été mis à l'écart par la société, que M. [Q] a abusé de son pouvoir hiérarchique en dénigrant ses compétences et ses actions sur les chantiers et en multipliant les avertissements à son encontre en quelques jours ; que l'annonce du 3ème avertissement a provoqué un grave choc psychologique, que M. [Q] l'a poussé par deux fois à accepter une rupture conventionnelle sans négocier les indemnités légales, que les griefs de la société Sanirecord sont injustifiés, que ce harcèlement moral a porté atteinte à sa dignité et à ses droits, que la dégradation de ses conditions de travail a eu un impact important sur son état de santé puisque des anxiolytiques et antidépresseurs lui ont été prescrits pour pouvoir se rendre sur son lieu de travail, que la CPAM a reconnu sa dépression comme accident du travail, que le médecin du travail a relevé un danger immédiat pour sa santé le 8 janvier 2014. M. [F] ajoute qu'à tout le moins l'employeur a manqué à son obligation de sécurité en ne réagissant à aucune de ses alertes et en continuant au contraire à lui adresser des sanctions injustifiées et convocations à des entretiens préalables, relevant en outre que la société Sanirecord n'avait pas établi de document unique d'évaluation des risques professionnels.

M. [F] soutient que son licenciement pour inaptitude est nul dès lors que cette inaptitude résulte du harcèlement subi.

Subsidiairement, il estime que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse faute pour l'employeur d'avoir procédé à une recherche sérieuse de reclassement. M. [F] fait également valoir qu'il a droit à une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse dès lors que l'inaptitude est consécutive à un accident du travail imputable à une faute de la société Sanirecord puisqu'il a subi un choc psychologique à cause de l'annonce brutale d'un 3ème avertissement en 15 jours. Il observe que son licenciement a en réalité un motif économique résultant de graves difficultés financières, qu'il n'a ainsi pas été remplacé, que deux salariés ont été licenciés en juillet 2014, dont l'un pour motif économique.

M. [F] réclame des dommages-intérêts correspondant à 18 mois de salaire.

Il soutient en outre que la société Sanirecord n'a fait aucune démarche pour déclarer l'accident du travail du 24 octobre 2013, qu'aucune disposition ne subordonne une telle déclaration à la remise d'un arrêt de travail, qu'il a adressé son arrêt de travail à l'employeur le 28 octobre 2013, que la société a mal renseigné l'attestation de salaire retardant ainsi la perception des indemnités journalières.

M. [F] prétend également que la société Sanirecord lui a remis tardivement une attestation Pôle emploi qui était erronée, en n'indiquant pas le versement de salaire en raison de la prise en compte des arrêts de travail, et que ce n'est qu'en mai 2014 que l'attestation a été rectifiée.

Il fait valoir qu'il n'a pas bénéficié de visite médicale d'embauche ni de visites médicales périodiques, que le rendez-vous du 10 novembre 2011 a été annulé par l'entreprise pour 'maladie' alors qu'il n'était pas en arrêt-maladie à ce moment-là.

M. [F] soutient enfin que Me [L] ès qualités ne peut réclamer des dommages-intérêts à son encontre car il n'a pas été licencié pour faute lourde.

Par conclusions soutenues à l'audience, l'Unedic délégation AGS CGEA Ile-de-France Est demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a accordé à M. [F] la somme de 25.200 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans causer réelle et sérieuse, en ce qu'il a condamné la société Sanirecord à payer à M. [F] la somme de 1 euro pour défaut de visite médicale d'embauche ;

- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [F] de sa demande de nullité du licenciement pour harcèlement moral et des rappels de salaire ;

- à titre subsidiaire, de dire et juger que M. [F] ne justifie pas de son préjudice au-delà des six mois de salaires ;

- en tout état de cause, sur sa garantie :

- de dire et juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,

- de dire et juger qu'en application de l'article L. 3253-17 du code du travail, sa garantie est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D. 3253-5 du code du travail,

- de dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L. 3253-6 du code du travail ne peut concerner que les sommes dues en exécution du contrat de travail au sens du dit article L. 3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages-intérêts mettant en oeuvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 du code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie ;

- de statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à sa charge.

Elle s'associe aux explications de Me [L] ès qualités, observant que l'accusation de harcèlement moral repose sur les propres déclarations de M. [F] à des tiers et que la CPAM s'est contentée des déclarations de M. [F]. Elle soutient que la société Sanirecord a procédé à la recherche de reclassement qui lui incombait. Subsidiairement, l'AGS fait valoir que M. [F] ne justifie pas de la réalité de son préjudice au-delà des six mois de salaire prévus par l'article L. 1235-3 du code du travail.

Sur sa garantie, elle rappelle qu'elle est plafonnée à l'un des trois plafonds définis à l'article D. 3253-5 du code du travail, qu'elle ne concerne pas la délivrance des documents par l'employeur ni l'indemnité procédurale fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ni les frais de procédure et que les intérêts ont nécessairement été arrêtés au jour de l'ouverture de la procédure collective.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la nullité du licenciement :

- Sur le harcèlement moral :

L'article L. 1152-1 du code de travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Conformément à l'article L.1154-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable en l'espèce, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [F] fait état des faits suivants :

- l'absence de fourniture de travail et une mise à l'écart par le retrait de la planification des dépannages et chantiers et des commandes aux fournisseurs, le basculement de sa ligne téléphonique sur celle de M. [Q] ou celle du métreur, la présence à ses côtés du chef dépanneur aux rendez-vous de chantier, le fait que les autres salariés ne devaient plus s'adresser à lui, le fait qu'il ne recevait quasiment plus de courriels ou d'appels professionnels,

- l'usage abusif du pouvoir hiérarchique par l'envoi de trois avertissements en 15 jours sans que l'employeur ne recueille au préalable ses explications, des menaces de licenciement, l'annonce brutale d'un 3ème avertissement, des griefs injustifiés, la remise en cause de ses compétences,

- les conséquences de ces agissements sur sa santé.

A l'appui de ses dires, il produit :

- les lettres d'avertissement de l'employeur, ses propres lettres de contestation et les lettres en réponse de l'employeur en date respectivement des 8, 12, 14, 24, 28 octobre 2013,

- la lettre de convocation à un entretien préalable à une rupture conventionnelle en date du 19 novembre 2013, ses propres lettres se plaignant de la situation et de demande de report de l'entretien en date des 19 et 21 novembre 2013,

- la convocation à un entretien préalable à un licenciement du 4 décembre 2013 et sa lettre en réponse du 5 décembre 2013, la convocation à un entretien préalable à un licenciement du 8 janvier 2014 et son annulation par lettre du 10 janvier 2014, sa propre lettre du 8 février 2014 reprochant à son employeur son comportement lors de sa reprise de travail les 7 et 8 janvier 2014,

- la lettre de la société Sanirecord du 23 janvier 2014 l'informant de l'impossibilité de le reclasser et sa lettre du 11 février 2014 demandant notamment le prononcé de son licenciement, la lettre de l'employeur du 18 février 2014 contestant les faits de harcèlement qu'il lui impute et l'informant être dans l'attente des élections professionnelles pour procéder à son licenciement,

- sa propre lettre du 10 mars 2014 contestant l'attitude de son employeur, celle de la société Sanirecord y répondant,

- la convocation à l'entretien préalable au licenciement pour inaptitude en date du 31 mars 2014, la lettre de licenciement du 11 avril 2014, sa propre réponse à cette lettre en date du 17 avril 2014,

- deux lettres de l'inspection du travail des 19 février et 6 mars 2014 adressées à la société Sanirecord rappelant que M. [F] avait été victime d'un accident du travail qui avait été déclaré tardivement et demandant à l'employeur de procéder au licenciement pour inaptitude, l'inspection du travail n'estimant pas nécessaire d'attendre les élections professionnelles,

- une lettre de l'inspection du travail adressée à M. [F] lui recommandant la saisine du conseil de prud'hommes,

- deux notes de service des 11 et 23 octobre 2013,

- sa propre déclaration d'accident du travail du 18 novembre 2013 aux termes de laquelle il déclare que l'accident est intervenu le 24 octobre 2014 à la suite de l'annonce d'un 3ème avertissement et des menaces de licenciement en l'espace de deux semaines, et a été constaté le 26 octobre 2014 par un médecin,

- la déclaration d'accident du travail faite par l'employeur le 22 novembre 2013 datant l'accident du travail du 26 octobre et disant ne pas connaître les circonstances de l'accident,

- la notification par la CPAM de prise en charge en accident du travail en date du 30 janvier 2014,

- le compte rendu d'enquête administrative de la CPAM du 3 janvier 2014 rapportant les dires de MM. [F] et [Q] et de M. [V], présent lors de l'entretien du 24 octobre 2013, les procès-verbaux d'audition de MM. [F] et [Q],

- la notification par la CPAM de la guérison de M. [F] fixée au 9 septembre 2014,

- l'avis d'inaptitude définitive à son poste de conducteur de travaux et à tout emploi dans l'entreprise en date du 8 janvier 2014, l'avis précisant l'absence de 2ème visite à 15 jours au vu du danger immédiat au sens de l'article R. 4624-31 du code du travail,

- un certificat médical d'un médecin généraliste, daté du 26 octobre 2013, selon lequel M. [F] présente un état anxio-dépressif qu'il rapporte à un choc psychologique avec sentiment de harcèlement au travail, et une prescription par ce même médecin d'un anxiolytique à prendre le soir,

- les arrêts de travail,

- une attestation de M. [P], métreur économiste, qui loue ses compétences, sa disponibilité et son bon relationnel avec la clientèle,

- une attestation de M. [V] [S], qui a travaillé pour le compte de la société Sanirecord de 2010 à 2012 sous l'autorité de M. [F], certifiant que ce dernier a accompli ses tâches sans aucun problème et qu'aucun problème n'est survenu dans les différents chantiers traités, qu'il est toujours disponible, se déplace sur les chantiers au moindre petit souci, le résout et est toujours à l'écoute des sous-traitants, qu'il connaît parfaitement son métier et a un très bon relationnel avec les différents clients,

- une attestation dactylographiée à en-tête R.M.Bat de M. [Y] [S], gérant de la société ayant travaillé sous l'autorité de M. [F] de 2012 à 2013, reprenant les termes de l'attestation de M. [V] [S] et ajoutant que fin septembre 2013 il a constaté une détérioration des relations de M. [Q] envers M. [F] alors qu'il ne l'avait auparavant jamais entendu dire des remarques à celui-ci, que depuis quelques temps M. [Q] se plaint de soucis financiers et a du mal à honorer les factures, que lui-même a adressé des factures non réglées depuis plus d'un an,

- le rapport médical d'attribution d'un taux d'incapacité permanente de 10 %, ce rapport relevant un taux d'incapacité permanente de 5 % le 12 janvier 2005 suite à un lumbago avec sciatique et de 6% le 31 mars 2007 suite à une entorse du poignet.

Aucune de ces pièces n'établit la réalité de l'absence de fourniture de travail et de la mise à l'écart alléguées par M. [F] qui reposent sur ses seuls propres dires soit dans les courriers qu'il a adressés à son employeur, qui les a tous contestés, soit à des tiers comme le médecin généraliste, le médecin du travail, l'enquêtrice de la CPAM, l'inspection du travail. Les témoignages qu'il produit ne font état d'aucun fait se rapportant à une telle mise à l'écart ou à l'absence de fourniture de travail. Seul M. [Y] [S] produit un témoignage se rapportant à la période considérée mais se borne à constater les qualités professionnelles de M. [F] et un changement relationnel entre lui et M. [Q] à compter de septembre 2013 sans faire état d'aucun élément propre à caractériser une mise à l'écart. Enfin, les notes de service adressées tant à M. [F] qu'à M. [A], propres à la définition par le dirigeant de la société de sa politique commerciale, ne sont pas à elles seules de nature à établir l'absence de toute communication entre MM. [Q] et [F].

L'envoi de trois avertissements entre les 8, 14 et 24 octobre 2013, chacun étant complété de la possibilité pour l'employeur d'envisager un licenciement, est établi. Le caractère brutal de l'annonce d'un 3ème avertissement au cours de l'entretien du 24 octobre 2013 ne ressort en revanche pas de ces pièces, à l'exclusion de celles rapportant les propres dires de M. [F]. M. [V], présent lors de cet entretien, a indiqué à l'enquêtrice de la CPAM qu'il n'y avait eu ni cris, ni écart, ni violence et que M. [F] était énervé.  Les avertissements portent sur un défaut de suivi de chantiers entraînant des factures impayées par les clients, le défaut de relevé des malfaçons ou non-façons constatées chez un client, une mauvaise estimation des chantiers, une mauvaise surveillance des chantiers et un mauvais choix persistant de sous-traitants.

La multiplication d'avertissements en peu de jours et l'état de santé de M. [F] constaté le 26 octobre 2014, reconnu comme accident du travail par la CPAM, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Toutefois, l'avertissement du 8 octobre 2013, circonstancié, assorti d'une liste de 11 chantiers à vérifier par M. [F] chargé d'expliquer les raisons des impayés constatés, et fondé sur un contrôle des chantiers et devis suivis par M. [F], ne ressort pas d'un usage abusif par M. [Q] de ses pouvoirs de direction et de contrôle des tâches réalisées par le salarié. M. [F] s'en est au demeurant expliqué dans son courrier du 12 octobre 2013, ne s'estimant pas responsable des mauvaises réalisations de travaux par les ouvriers.

Le 2ème avertissement du 14 octobre 2013 porte sur un défaut de suivi du chantier dans l'appartement de Mme [J]. Or ce grief avait déjà fait l'objet de l'avertissement du 8 octobre 2013 et M. [F] s'en était expliqué dans la lettre du 12 octobre 2013. La société Sanirecord a ainsi averti une seconde fois M. [F] pour des mêmes faits sans lui laisser le temps de s'assurer de la bonne fin du chantier.

Le 3ème avertissement du 24 octobre 2013 concerne une sous-évaluation du devis et de la programmation des travaux constatée par la société Sanirecord le 15 octobre 2013 sur un autre chantier, M. [Q] reprochant à M. [F] de ne pas l'avoir tenu informé des difficultés. Dans ses divers courriers ultérieurs, M. [F] ne discute pas ce grief.

La société Sanirecord produit en outre une lettre de Mme [B], en date du 15 novembre 2013, se plaignant de l'intervention de M. [F] et faisant part de son regret d'avoir fait appel à cette entreprise, d'une part, et un courriel du 21 octobre 2013 d'un architecte faisant état des réserves constatées à la suite d'une visite de chantier, d'autre part.

La société Sanirecord verse également aux débats :

- une attestation de M. [V], plombier et chef de chantier, selon lequel l'ambiance de travail était plutôt calme et encore plus calme à la suite des avertissements adressés à M. [F] qui laissait 'presque sans réponse des conversations' et qui a établi des devis mal gérés,

- une attestation de M. [Z], plombier, affirmant que M. [F], qui est une personne qu'il apprécie, ne reconnaît pas ses torts, veut toujours avoir raison, met trop la pression sur les délais et se décharge trop facilement de ses responsabilités,

- une attestation de M. [X], couvreur, portant sur la période considérée, aux termes de laquelle il a constaté l'incapacité de M. [F] de gérer les chantiers, un devis inapproprié pour la réfection de cheminée, l'absence de M. [F] à trois rendez-vous de chantier avec un architecte qui, selon M. [X], ne le prenait pas au sérieux, de l'incapacité de M. [F] à se remettre en question.

La société Sanirecord établit ainsi que les premier et troisième avertissements étaient fondés et justifiés par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement. Si le deuxième avertissement n'était pas justifié, il ne peut à lui seul caractériser un harcèlement moral.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité :

M. [F] invoque des manquements de la société Sanirecord à son obligation de sécurité au soutien de sa demande de nullité du licenciement. Il ne demande pas de dommages-intérêts sur ce fondement. Or la méconnaissance par l'employeur de son obligation de sécurité n'est pas sanctionnée par la nullité du licenciement mais par l'allocation de dommages-intérêts.

Sur le manquement à l'obligation de l'exécution de bonne foi du contrat de travail :

M. [F] ne développe pas de moyen au soutien d'un manquement par la société Sanirecord à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il convient de rejeter la demande de nullité du licenciement et la demande de dommages-intérêts fondés sur le harcèlement moral et le manquement à l'obligation de l'exécution de bonne foi du contrat de travail.

Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse :

- sur l'absence de recherche sérieuse de reclassement :

La fiche d'inaptitude du 8 janvier 2014 conclut que M. [F] est inapte définitif à son poste de conducteur de travaux et à tout emploi dans l'entreprise

Par lettre du 9 janvier 2014, le médecin du travail a confirmé à la société Sanirecord que M. [F] ne pouvait occuper aucun poste de travail au sein de l'entreprise et qu'aucune proposition ni aménagement de poste ne peut convenir compte tenu de son état de santé.

Par lettre du 23 janvier 2014, la société Sanirecord a informé M. [F] du résultat de ses recherches de reclassement en lui indiquant que le médecin du travail avait confirmé qu'aucune proposition ni aménagement de poste ne pouvait convenir compte tenu de son état de santé, qu'au vu de ses qualifications d'aide-plombier et de chef d'équipe en plomberie mentionnées dans son curriculum vitae, elle a recherché un poste de plombier mais qu'aucun poste de ce type n'était disponible dans l'entreprise.

Le registre du personnel montre en effet qu'en janvier 2014 la société Sanirecord comptait trois plombiers et un apprenti plombier.

La société Sanirecord a ainsi procédé à une recherche sérieuse de reclassement et s'est conformée aux préconisations du médecin du travail.

Le jugement doit donc être infirmé sur ce point.

- sur l'inaptitude consécutive à un accident du travail résultant de la faute de l'employeur :

M. [F] soutient que le licenciement pour inaptitude est privé de cause réelle et sérieuse car l'accident du travail du 24 octobre 2013 est intervenu par la faute de la société Sanirecord constituée de l'annonce brutale de l'envoi d'un 3ème avertissement en l'espace de 15 jours.

Comme il a été dit précédemment, le caractère brutal de l'annonce d'un 3ème avertissement ne ressort d'aucune des pièces versées aux débats.

Aucune faute de la société Sanirecord dans la survenance de l'accident du travail, contesté par l'employeur, n'étant établie, le licenciement de M. [F] pour inaptitude n'est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera dès lors infirmé et M. [F] débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le défaut de déclaration d'accident du travail et entrave à l'indemnisation d'arrêt de travail :

Le médecin de M. [F] a établi un certificat d'accident du travail le 26 octobre 2013.

Par lettre du 28 octobre 2013, M. [F] a informé la société Sanirecord être en maladie sans toutefois ni préciser qu'un accident du travail avait été constaté par son médecin ni joindre l'avis d'arrêt de travail. L'employeur lui a ainsi, par lettre du 30 octobre 2013, demandé de lui adresser le certificat d'arrêt de travail pour justifier de l'absence et en informer les services compétents.

Selon sa propre lettre adressée à M. [F] le 18 février 2014, la société Sanirecord affirme avoir procédé à la déclaration d'accident du travail le 8 novembre 2013, par internet, après avoir reçu début novembre, par lettre simple, l'avis d'arrêt de travail. Elle ne produit toutefois pas d'accusé réception de cette première déclaration.

Par lettre du 12 novembre 2013, la CPAM a informé M. [F] du défaut de déclaration de l'accident du travail par l'employeur et l'a invité à procéder lui-même à la déclaration, ce qu'il a fait le 18 novembre 2013 en mentionnant comme date d'accident le jeudi 24 octobre 2013 et comme date de son constat le samedi 26 octobre 2013.

La société Sanirecord a procédé à sa propre déclaration, le 22 novembre 2013 par internet, en mentionnant comme date d'accident du travail le 26 octobre 2013 et en précisant ne pas connaître les circonstances de l'accident, ajoutant : 'nous ne connaissons toujours pas la raison de l'arrêt ni celui de la rechute. Reprise du travail le 18 novembre. Absent le 19 novembre à 13 heures'.

Le 25 novembre 2013, la CPAM a demandé à l'employeur des compléments d'information quant aux frais professionnels le 25 novembre 2013. La société Sanicord a fourni les éléments demandés par courriel le 28 novembre 2013.

Il résulte de ces éléments que la société Sanirecord a procédé à une déclaration d'accident du travail le 22 novembre 2013 à la suite d'un nouvel arrêt de travail mais qu'elle n'établit pas avoir déclaré cet accident du travail dès réception de l'avis médical en ce sens début novembre 2013. Elle a ainsi tardé à déclarer l'accident du travail, alors qu'elle en avait connaissance début novembre, et M. [F] n'a pas pu bénéficier de la prise en charge par la CPAM avant le 28 novembre 2013. Il convient de réparer ce préjudice par l'allocation d'une somme de 1.000 € à titre de dommages-intérêts, M. [F] ne justifiant pas d'un préjudice à hauteur de 10.000 €.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Sur la remise tardive et erronée de l'attestation Pôle emploi :

M. [F] a été licencié le 11 avril 2014.

Le 30 avril 2014, Pôle emploi a demandé à M. [F] une attestation employeur indiquant les 12 derniers mois civils complets précédant le dernier jour travaillé et payé, soit du mois d'octobre 2012 au mois de septembre 2013. Le même jour, M. [F] a mis en demeure la société Sanirecord de lui adresser une telle attestation. Ce n'est qu'en mai 2014 que l'attestation a été rectifiée.

Le retard dans la remise d'une attestation employeur correcte est donc avéré. M. [F] ne justifie toutefois pas d'un préjudice à hauteur de 5.000 € résultant de ce retard. Son préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme de 500 € à titre de dommages-intérêts au regard des démarches qu'il a dû effectuer pour régulariser sa situation .

Le jugement est donc infirmé sur ce point.

Sur le défaut de visites médicales d'embauche et périodiques :

L'AGS sollicite l'infirmation du jugement sur ce point. M. [F] demande que lui soit allouée la somme de 10.000 € à ce titre.

M. [F] a bénéficié d'une visite médicale le 31 octobre 2013 et le 12 décembre 2013. Selon les explications recueillies par courriel auprès du service médical, seule une visite périodique a été organisée le 10 novembre 2011 mais elle a été annulée par l'entreprise, et non par le salarié.

Embauché à compter du 28 avril 2010, M. [F] n'a donc pas bénéficié de la visite d'embauche et la première visite médicale n'a eu lieu que le 31 octobre 2013 alors que M. [F] était en arrêt de travail.

Si la société Sanirecord a ainsi manqué à ses obligations avant octobre 2013, M. [F] ne justifie toutefois d'aucun préjudice résultant de ces manquements.

Le jugement sera donc infirmé et M. [F] débouté de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

Sur la demande de dommages-intérêts de Me [L] ès qualités :

Me [L] ès qualités sollicite la condamnation de M. [F] à des dommages-intérêts à raison d'agissements imputés au salarié au cours de la relation contractuelle et de sa rupture. La responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde. M. [F] n'ayant pas été licencié pour faute lourde ne peut voir engager sa responsabilité en sa qualité de salarié.

Me [L] ès qualités fonde toutefois sa demande de dommages-intérêts également sur des agissements de M. [F] dans le cadre de la présente procédure arguant qu'il a produit aux débats des pièces tronquées. Cette demande est recevable.

Les copies des lettres des 8 et 11 février 2014 envoyées par M. [F] à son employeur ont été produites par les parties sous des aspects différents : celles produites par M. [F] sont signées et paraphées de sa main tandis que celles produites par Me [L] ès qualités ne le sont pas. Ces distorsions sont toutefois sans effet, chacune des parties ne contestant pas leur contenu dont aucune différence n'est relevée par l'appelante.

La lettre du 12 octobre 2013 envoyée par M. [F] à son employeur a été produite en deux versions différentes par les parties : celle produite par M. [F] ne comprend pas un paragraphe où il accuse la société Sanirecord d'avoir établi des fausses factures avec la complicité d'un sous-traitant, alors que ce paragraphe apparaît dans la version produite par Me [L] ès qualités, en sa page 3, et que la société Sanirecord a répondu à cette accusation, dans une lettre du 24 octobre 2012, en faisant référence à la société Faid dont le nom apparaît dans le seul paragraphe tronquée de la lettre du 12 octobre 2013.

M. [F] a ainsi tronqué une pièce qu'il a produite aux débats mettant ainsi en doute sa bonne foi dans le cadre de la présente procédure, la cour relevant en outre qu'il produit une attestation de paiement d'indemnités journalières par la CPAM, du 4 octobre 2017 au 18 novembre 2018, résultant d'une rechute en lien avec un accident du travail laissant supposer que les agissements prêtés à la société Sanirecord continuent d'avoir des répercussions sur son état de santé alors que cette attestation mentionne clairement que ces indemnités journalières sont en lien avec un accident du travail du 23 octobre 2002, que l'employeur est identifié avec un numéro Siret qui n'est pas celui de la société Sanirecord et qu'elle est donc sans rapport avec le présent litige.

Me [L] ès qualités allègue toutefois un préjudice ne résultant pas de la mauvaise foi de M. [F] dans le cadre de la présente procédure, puisqu'elle fait valoir le préjudice subi par la société Sanireceord tenant au stress généré par le harcèlement de M. [F] pendant la relation contractuelle, au coût d'une procédure selon elle injustifiée de licenciement pour inaptitude, et à l'établissement de devis sous-évalués, et ce en relation directe avec la 'faillite' de l'entreprise, d'une part, et le préjudice subi personnellement par M. [Q] et son épouse, comptable dans l'entreprise, tenant à l'impossibilité de percevoir une rémunération d'avril à décembre 2014.

Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts et le jugement confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant contradictoirement par arrêt mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [F] de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement nul, pour harcèlement moral, en ce qu'il a alloué la somme de 1 € à M. [F] pour défaut de visites médicales et en ce qu'il a débouté la société Sanirecord de ses demandes reconventionnelles ;

Infirme le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [R] [F] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Déboute M. [R] [F] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Déboute M. [R] [F] de sa demande de dommages-intérêts pour défaut de visites médicales ;

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Sanirecord la somme de 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour défaut de déclaration d'accident du travail et entrave à l'indemnisation d'arrêt de travail  ;

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Sanirecord la somme de 500 € à titre de dommages-intérêts pour remise tardive d'une attestation employeur pour Pôle emploi ;

Dit que ces sommes ne portent pas intérêts en raison du jugement de liquidation judiciaire de la société Sanirecord prononcé le 25 janvier 2017 ;

Déclare opposable à l'AGS la présente décision dans les termes et conditions de l'article L.3253-19 du code du travail ;

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel ;

Fait masse des dépens de première instance et d'appel et condamne M. [R] [F] et Me [L] ès qualités à en payer chacun la moitié.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 15/09467
Date de la décision : 24/01/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°15/09467 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-24;15.09467 ?
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