RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 23 Janvier 2019
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/08289 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6AJM
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Juin 2018 par le Conseiller de la mise en état de COUR D'APPEL DE PARIS RG n° 17/12121
DEMANDEUR AU DÉFÉRÉ
SA TSAF OTC
[Adresse 1]
[Adresse 1]
N° SIRET : 450 959 341
représentée par Me Muriel KRAMER-ADLER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0267
DÉFENDEUR AU DÉFÉRÉ
Monsieur [V] [J]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1]
représenté par Me Bruno REGNIER de la SCP SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050 substituée par Me Caroline REGNIER-AUBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Novembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Véronique PAMS-TATU, Président de Chambre
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseiller
Madame Florence OLLIVIER, Vice Président placé faisant fonction de Conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 05 juillet 2018
Greffier : M. Julian LAUNAY, lors des débats
ARRET :
- Contradictoire
- par mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique PAMS-TATU, Président de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par ordonnance du 27 juin 2018, le conseiller de la mise en état a constaté la caducité de la déclaration d'appel de la société TSAF OTC interjeté le 2 octobre 2017 sauf le droit de déférer cette ordonnance dans un délai de 15 jours.
La société TSAF OTC a présenté une requête afin de déférer cette ordonnance à la cour.
Dans ses écritures du 6 novembre 2018, Monsieur [J] demande de voir déclarer irrecevable comme tardive la requête en déféré.
La société a déposé des conclusions en réplique le 16 novembre 2018 et demande de voir :
'rejeter l'irrecevabilité soulevée par Monsieur [J] et constater sa mauvaise foi ;
'juger irrégulière et inopposable la constitution d'avocat de Monsieur [J] par application des dispositions de l'article 960 du code de procédure civile,
'constater que ce n'est qu'à la date du 5 mars 2018 que cette inopposabilité de la constitution a été levée,
''constater que l'intimé a conclu au fond et en réponse aux conclusions de l'appelant dans les 3 mois de leur dépôt au greffe et de leur signification à la partie et au dominus litis,
'déclarer irrecevable Monsieur [J] en son incident ;
'constater que la société a régulièrement déposé ses conclusions au greffe et signifié ses pièces le 27 décembre 2017 dans les délais requis,
'constater que simultanément les conclusions au fond et pièces de la société ont été notifiées à Me [P] le 27 décembre 2017,
'constater que la déclaration d'appel, les conclusions et pièces de TSAF OTC ont été signifiées par acte du huissier à partie le 15 janvier 2018,
'en toute hypothèse, Monsieur [J] demeurant à l'étranger, dire que TSAF OTC disposait d'un délai de quatre mois, expirant le 2 février 2018, courant à compter de la déclaration d'appel pour lui signifier ses conclusions,
'dire en conséquence que l'appel de TSAF OTC n'est pas caduc,
'écarter en toute hypothèse la sanction de caducité sollicitée par Monsieur [J].
Monsieur [J] conclut subsidiairement à la confirmation de l'ordonnance et la condamnation de la société à lui payer 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la recevabilité de la requête en déféré
Monsieur [J] soutient que la fiche détaillée du dossier précise, dans la liste des événements, que le dépôt de la requête a eu le 13 juillet alors que le délai de déféré expirait le 12 juillet ; qu'il s'ensuit que la requête devra être déclarée irrecevable comme tardive.
La société réplique que la requête en déféré a été adressée au greffe le 11 juillet 2018 et que par message du 13 juillet le greffe a refusé le traitement du message en l'invitant à la renvoyer.
Il ressort des pièces versées aux débats que :
'une requête en déféré a été adressée au greffe de la cour d'appel de Paris le 11 juillet 2018 à 19h12 indiquant une référence de dossier 17/12 121 ; cette requête a également été adressée par RPVA à la même date à Me Régnier et Me [P] ;
'le 13 juillet 2018, le greffe a refusé le traitement du message au motif que le dossier 17/12 121 était terminé depuis le 27 juin 2018, qu'un nouveau dossier avait été créé sous le numéro 18/08 289 et prié l'avocat de la société de renvoyer la requête afin qu'elle figure au nouveau dossier.
Il s'ensuit que la difficulté n'est pas imputable au conseil de la société qui n'avait pas connaissance du numéro du nouveau dossier créé pour le référé, que la requête en déféré n'est donc pas tardive et par là-même recevable.
Sur la requête en déféré
La société soutient que :
'le conseiller de la mise en état a dénié tout effet aux conclusions d'appel déposées par TSAF OTC, notifiées et adressées par courriel le 27 décembre 2017 à l'avocat et dominus litis, Me [P], de même que les pièces à l'appui des conclusions au fond, en considérant à tort que « peu important qu'elle ait été l'avocat ayant assisté le salarié devant le conseil de prud'hommes » alors que Monsieur [J] a chargé un spécialiste de la procédure d'appel de le représenter devant la cour aux côtés de son avocat de première instance qui continue à s'occuper du fond du dossier et de l'exécution du jugement ;
'Me [P] a continué à recevoir la notification des actes de l'appelante sans aucune contestation ni réserves ;
'les avocats de l'intimé ont délibérément délibérément créé et entretenu la confusion afin de tromper l'avocat de l'appelant sans l'avertir ou même l'informer des limites de leur mandat ;
'au visa de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la disproportion est avérée en l'espèce puisque l'appelante se verrait priver d'un second degré de juridiction en raison d'une fraude ou à tout le moins d'une man'uvre ;
'la partie adverse n'a subi aucun grief ;
'la constitution de Me Régnier, avocat postulant, du 7 novembre 2017 est inopposable à la société en ce qu'elle déclare son domicile à [Localité 2] alors que Monsieur [J] a quitté de longue date la France pour les États-Unis ; les conclusions d'incident de Monsieur [J] en cause d'appel comportent une adresse volontairement erronée ;
'la constitution de Monsieur [J] n'a été régularisée qu'à l'occasion des conclusions en réponse sur incident notifiées le 5 mars 2018, soit postérieurement au délai d'un mois prévu par l'article 911 du code de procédure civile.
Selon l'article 908 du code de procédure civile, « à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.
L'article 910'3 du code de procédure civile dispose qu'en cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l'application des sanctions prévues aux articles 905'2 et 908 à 911.
Les conclusions de l'appelante ont été transmises au greffe dans le délai requis.
Cependant, le conseiller de la mise en état a justement relevé que le conseil de la société ne pouvait utilement invoquer la transmission de ses conclusions et pièces par voie électronique, le même jour, soit le 27 décembre 2017, à Me [P] qui n'était pas constituée pour Monsieur [J] peu important qu'elle ait assisté celui-ci devant le conseil de prud'hommes.
Par ailleurs, la société soutient qu'elle a fait signifier le 15 janvier 2018, soit dans le délai d'un mois de l'article 911 du code de procédure civile, ses conclusions d'appel à Monsieur [J] lequel n'avait pas valablement constitué avocat. La constitution d'avocat était en effet irrégulière et irrecevable à défaut de faire mention de la véritable adresse de l'intimé, qui ne se situe pas à [Localité 2] comme indiqué dans la constitution d'avocat, mais aux États-Unis.
Cependant, le conseiller de la mise en état ne tient pas des dispositions de l'article 914 du code de procédure civile le pouvoir de se prononcer sur la recevabilité de la constitution de l'avocat de l'intimé, l'examen de la fin de non-recevoir susceptible d'en résulter en l'absence de régularisation dans des conclusions ultérieures relevant de la seule compétence de la cour, ainsi qu'en dispose l'article 961 du code de procédure civile selon lequel « les conclusions des parties sont signées par leur avocat et notifiées dans dans la forme des notifications entre avocats. Elles ne sont pas recevables tant que les indications mentionnées à l'alinéa 2 de l'article précédent n'ont pas été fournies. Cette fin de non-recevoir peut être régularisée jusqu'au jour du prononcé de la clôture ou, en l'absence de mise en état, jusqu'à l'ouverture des débats.
Ainsi, il appartenait seulement au conseiller de la mise en état de vérifier que la constitution du 7 novembre 2017 avait été régulièrement notifiée à l'avocat de l'appelante, étant observé que la régularité de cette notification n'est pas remise en cause.
Ainsi, l'appelante était tenue de notifier ses conclusions et pièces à Me Régnier, avocat constitué le 7 novembre 2017, avant le 2 janvier 2018. Il s'ensuit que la notification intervenue le 9 janvier 2017 est tardive et que l'appel est donc caduc.
L'existence de man'uvres n'est nullement établie dès lors que les parties sont en droit de changer d'avocat entre la première instance et l'instance d'appel, que la constitution de Me Regnier a été notifiée par voie électronique au conseil de l'appelante le 7 novembre 2017 et qu'il n'incombait pas à l'avocat de première instance qui avait reçu notification des conclusions de l'appelante de prévenir l'avocat de celle-ci qu'elle n'était pas constituée pour l'acte d'appel.
Il s'ensuit que les dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme relatives aux droits d'accès au juge et un procès équitable ou à un recours effectif n'ont pas été méconnues.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de Monsieur [J].
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Déclare recevable la requête en déféré et la dit mal fondée ;
Déclare caduc l'appel de la société TSAF OTC ;
La condamne aux dépens.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE