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23/01/2019 | FRANCE | N°17/08468

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 23 janvier 2019, 17/08468


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 5 - Chambre 3





ARRÊT DU 23 JANVIER 2019





(n° , 11 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/08468 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3FZG





Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Avril 2017 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2013069019








APPELANTE





SARL MARELI prise en la personne de ses représentants légaux


immatriculée au RCS D'EVRY sous le numéro 492 660 402


[...]





Représentée par Me Nicolas X..., avocat au barreau de PARIS, toque : C1408








...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 23 JANVIER 2019

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/08468 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3FZG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Avril 2017 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2013069019

APPELANTE

SARL MARELI prise en la personne de ses représentants légaux

immatriculée au RCS D'EVRY sous le numéro 492 660 402

[...]

Représentée par Me Nicolas X..., avocat au barreau de PARIS, toque : C1408

INTIMÉE

SAS EG RETAIL (France) anciennement dénommée EFR FRANCE agissant en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PONTOISE sous le numéro 439 793 811

[...]

[...]

[...]

Représentée par Me Matthieu C... de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Assistée de Me Y... E... de la SCP DUCLOS THORNE MOLLET-VIEVILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0075, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 Novembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre

Madame Sandrine GIL, conseillère

Madame Françoise BARUTEL-NAULLEAU, conseillère

qui en ont délibéré,

un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle D...

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre et par Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

*****

FAITS ET PROCÉDURE :

La société BP France a conclu en novembre 2004 avec la SARL EMP, dont les porteurs de parts sont M. et Mme Z..., un contrat type pour mise en location-gérance d'une station service à [...]. Ce contrat prévoit la distribution de carburant BP et la location-gérance des activités annexes.

Le 10 décembre 2012, la société DELEK, venant aux droits de la société BP a informé la SARL EMP, de son intention de rompre les relations contractuelles. Cette intention était confirmée par courrier le 8 mars 2013.

Par acte sous seing privé du 12 septembre 2006, la société BP a conclu avec la société MARELI , dont la gérante était Mme Elisabeth Z..., un contrat type de mise en location-gérance d'une station service sise sur la R.N. 118 [...]. Ce contrat prévoit la distribution de carburant, selon un mandat et la location gérance des activités annexes.

Le 10 décembre 2012, la société DELEK , venant aux droits de la société BP a informé la SARL MARELI, de son intention de rompre les relations contractuelles. Cette intention était confirmée par courrier le 8 mars 2013.

La SARL MARELI contestant les conditions financières de cette résiliation, notamment selon elle, l'absence de prise en compte des pertes d'exploitation de l'activité vente de carburants, a assigné, par acte d'huissier de justice du 6 novembre 2013, la société EFR France devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement en date du 3 avril 2017 le tribunal de commerce de Paris a :

Dit que les renonciations aux dispositions des articles 1999 et 2000 mentionnées au contrat de location-gérance sont régulières et font la loi des parties ;

Débouté la SARL MARELI de ses demandes visant les pertes sur mandat,

Débouté la SARL MARELI de sa demande au visa de l'article L442-6 l 5° du Code de commerce,

Condamné la SARL MARELI à payer à la SASU EFR FRANCE nouvelle dénomination de la SASU DELEK France la somme de 583,55 €, augmentée des intérêts au taux à compter de la date du présent jugement avec anatocisme, au titre de l'apurement des comptes, et ordonne, une fois cette somme reçue, à la SASU EFR FRANCE nouvelle dénomination de la SASU DELEK France de prononcer la mainlevée de la garantie à première demande au Crédit du Nord donnée en début de contrat à BP si elle lui a été transférée,

- Dit n'y avoir lieu à appliquer les dispositions de l'article 700 CPC,

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif,

- Ordonné l'exécution provisoire sans caution,

- Condamné la SARL MARELI aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe

liquidés à la somme de 153,96 € dont 25,22€ de TVA.

Par déclaration en date du 24 avril 2017, la SARL MARELI a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 6 novembre 2017, la SARL MARELI demande à la cour de :

Vu les articles 1131, 1999 et 2000 du Code Civil,

Vu l'article L. 330-3 du Code de commerce,

Vu l'article L. 442-6 I ' 5° du Code de Commerce,

Vu les Accords Interprofessionnels du Pétrole,

Confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné à EFR FRANCE de donner mainlevée de la garantie à première demande au Crédit du Nord.

Statuant à nouveau, de :

- Dire et juger la SARL MARELI recevable en ses demandes.

- Dire et juger que EFR FRANCE n'a pas fourni d'information sur les précédents exploitants de la station-service et n'a donc pas permis à son contractant de s'engager en connaissance de cause.

- Dire et juger que EFR FRANCE ne peut se prévaloir d'une clause limitant sa responsabilité qui contredit la portée d'une obligation essentielle contenue à l'article 3 du préambule des AIP, qu'elle a de surcroît délibérément violé.

- Dire et juger que la société EFR FRANCE ne peut pas mettre à la charge de la SARL MARELI les pertes du mandat dont cette dernière n'avait pas la maîtrise.

En conséquence,

- Dire et juger que EFR FRANCE ne peut pas se prévaloir de la clause de renonciation aux articles 1999 et 2000 du code civil.

- Condamner EFR FRANCE à verser à la SARL MARELI la somme de 832.484 euros au titre du cumul des pertes du mandat essuyées pour les exercices 2008 à 2012, augmentées des intérêts légaux avec capitalisation conformément à l'article 1154 du code civil à compter du 1 er juin 2013, date de réception de la mise en demeure pour les pertes du mandat essuyées pour les exercices 2008 à 2012.

- Condamner EFR FRANCE à verser à la SARL MARELI la somme de 161.216 euros au titre des pertes du mandat essuyées pour l'exercice 2013, augmentées des intérêts légaux avec capitalisation conformément à l'article 1154 du code civil à compter du 7 novembre 2017.

À titre subsidiaire,

- Nommer tel expert qu'il lui plaira aux frais avancés par EFR FRANCE avec la mission de :

o Chiffrer le montant des pertes afférentes à la seule activité de distribution des carburants.

o Déterminer l'origine de ces pertes notamment au regard de la faiblesse des commissions versées par DELEK France.

En tout état de cause,

- Débouter EFR FRANCE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- Condamner EFR FRANCE à verser à la SARL MARELI la somme de 184.078 € au titre du non-respect de ses obligations et de la rupture des relations contractuelles.

- Condamner EFR FRANCE à apurer les comptes entre les parties et de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné à EFR FRANCE de donner mainlevée de la caution donnée par le Crédit du Nord pour le compte de la SARL MARELI y ajoutant une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir et de condamner EFR à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts à ce titre.

- Condamner DELEK France à verser à la SARL MARELI la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du CPC ; ainsi qu'aux entiers dépens.

- Dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal avec capitalisation conformément à l'article 1154 du Code Civil à compter de la demande.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 23 août 2018, la société EG Retail SAS, anciennement dénommée EFR FRANCE, demande à la cour de :

Vu les articles 9, 11, 142 et 143 du Code de procédure civile,

Vu le contrat de location-gérance en date du 12 septembre 2006,

Vu l'article L.110-4 du Code de commerce,

Faire injonction à la SARL MARELI de communiquer sans délai (et au besoin sous astreinte) :

- Les liasses fiscales complètes au titre des exercices clos les 30 septembre 2008, 2009, 2011, et 2012,

- Le PV d'AG d'approbation des comptes annuels au titre des exercices clos les 30 septembre 2008, 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013 ,

- Les délibérations et/ou décisions du co-associé fixant la rémunération de Mme Elizabeth Z... au sein de la SARL MARELI au titre des mêmes exercices,

- Tout document utile à établir le montant des rémunérations et avantages en nature (traitement et salaire, rémunération TNS, retraite complémentaire Madelin, versement en comptes-courant d'associés, remboursement de frais) perçues par M. Marek Z... ou Mme Elizabeth Z... ou M. Paul Z... au sein de la SARL MARELI pour la même période.

A-sur le prétendu non-respect de la loi Doubin (article L 330-3 code du commerce)

vu l'article L110-4 du code de commerce,

Constater que la SARL MARELI n'a formulé aucune demande entre la date de la signature du contrat de location-gérance et sa première lettre de réclamation (de son Conseil) ;

Constater que la première lettre de réclamation de la SARL MARELI ne portait que sur les modalités de rupture du contrat de location-gérance ;

Constater que les premières réclamations de la SARL MARELI au titre de ses « pertes » datent postérieurement à la résiliation du contrat.

Dire et juger que les arguments relatifs (1.) à la Loi Doubin lors de la formation du contrat et à la renonciation expresse et non équivoque contenue dans ledit contrat, se trouvent prescrits dès le 6 novembre 2008, soit 2 ans après la signature du contrat et, a fortiori, à la date de l'assignation du 6 novembre 2013,

En conséquence,

Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 3 avril 2017 en ce qu'il a jugé la SARL MARELI prescrite dans tout argument tiré de la violation de la Loi Doubin,

B- sur la demande de remboursement des prétendues pertes au titre du mandat

Vu les accords interprofessionnels

vu l'article 1134 du code civil

A Titre Principal

- Dire et juger que EFR FRANCE a régulièrement appliqué la loi Doubin et que la SARL MARELI ne rapporte pas la moindre preuve que son consentement aurait été vicié ;

- Dire et juger que la SARL MARELI a valablement renoncé aux articles 1999 et 2000 du Code Civil, lesquels ne sont pas d'ordre public ;

- Dire et juger que la renonciation aux articles 1999 et 2000 ne sont pas en contradiction avec les AIP ;

- Dire et juger que la SARL MARELI n'affirme pas et démontre encore moins avoir été victime d'une quelconque discrimination par rapport à d'autres membres du réseau quant à la fixation du prix ;

- Dire et juger que la SARL MARELI n'affirme pas non plus et démontre encore moins que les prix fixés par EFR FRANCE seraient anormalement supérieurs aux prix du marché;

- Dire et juger que les AIP ne mettent nullement à la charge de la compagnie pétrolière une obligation de combler les pertes d'exploitation éventuelles du pompiste ;

- Dire et juger qu'aux termes des AIP, la Compagnie pétrolière s'engage simplement à examiner à tout moment la situation d'un pompiste qui estimerait ne pas dégager un résultat d'exploitation positif ;

En conséquence,

Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 3 avril 2017 en ce qu'il a jugé que les renonciations aux dispositions des articles 1999 et 2000 mentionnées dans le contrat de location-gérance sont régulières et font la loi des parties,

Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 3 avril 2017 en ce qu'il a débouté la SARL MARELI de l'ensemble de ses demandes visant les pertes du mandat ;

A Titre Subsidiaire

Dire et juger que la SARL MARELI n'apporte pas la preuve certaine des prétendues pertes cumulées au titre du mandat ;

Dire et Juger que le fonds de commerce donné en location-gérance constitue un tout indivisible commis des fautes de gestion qui font obstacle à toute indemnisation ;

En conséquence,

Débouter la SARL MARELI de l'ensemble de ses demandes, y compris de sa demande d'expertise ;

A Titre Infiniment Subsidiaire

A titre très subsidiaire et si par extraordinaire, la Cour venait à considérer à prononcer une expertise judiciaire, dire et juger que la mission de l'expert devra être la suivante :

- pour la période du 6 novembre 2008 (soit 5 ans avant l'assignation du 6 novembre 2013) au 13 juin 2013 (date de la restitution de la station-service) ;

- dire si la politique de prix à la pompe pratiquée par la DELEK France (devenue depuis EFR France puis EG Retail (France) SAS) pour la station exploitée par la SARL MARELI était, ou non, discriminante pour cette dernière, et, dans l'affirmative, si cette discrimination n'était pas justifiée ;

- dire, si à son avis, la station-service de la SARL MARELI a été, ou non, mise dans l'impossibilité de concurrencer les stations environnantes ;

- donner son avis sur le niveau des stocks ;

- dire si les éventuelles pertes d'exploitation de la SARL MARELI ont pour seule origine la politique de prix à la pompe ;

- calculer les éventuelles pertes d'exploitation dans le cadre contractuel défini par les AIP;

- déterminer s'il existe des fautes de gestion commise par la SARL MARELI et/ou ses gérants ;

- déterminer la cause des rejets de PAM correspondant aux ventes de carburants du 31 mai au 11 juin 2013 pour un montant de 149.595,05 € alors même que la SARL MARELI dégageait des résultats positifs.

C-sur la demande d'indemnisation au titre d'une prétendue rupture brutale des relations commerciales

vu l'article L442-6-I-5° du code de commerce,

- Dire et juger que EG Retail (France) SAS, conformément aux usages et accords interprofessionnels (notamment l'article 3 des AIP), tels qu'ils sont visés par l'article L.442-6-I-5° du Code de Commerce, a régulièrement informé la SARL MARELI., par lettre du 10 décembre 2012, puis par lettre du 8 mars 2013, de la fin du contrat de location-gérance le 13 juin 2013 ;

- Dire et juger que la SARL MARELI ne justifie d'aucun préjudice qui résulterait d'une rupture brutale du contrat de location-gérance

En conséquence,

- Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 3 avril 2017 en ce qu'il a débouté la SARL MARELI de sa demande au visa de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce,

D- sur la demande de mainlevée de la caution donnée par le Crédit du Nord,

- Constater que EG Retail (France) SAS a ordonné au Crédit du Nord de procéder à la mainlevée de la caution le 22 juin 2017 ;

- Dire et juger en conséquence que EG Retail (France) SAS a bien exécuté les termes du jugement du 3 avril 2017 relatifs à cette mainlevée ;

En conséquence,

- Débouter la SARL MARELI de sa demande relative à la mainlevée sous astreinte de 500 euros par jour de retard, ainsi qu'à sa demande de dommages-intérêts à ce titre ;

En tout état de cause :

- Condamner la SARL MARELI au paiement de la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 septembre 2018.

MOTIFS

Sur le défaut d'information pré-contractuelle, la renonciation aux articles 1999 et 2000 du code civil et la prescription

Dans le dispositif des ses écritures la société MARELI demande à la cour de dire et juger que EFR FRANCE n'a pas fourni d'information sur les précédents exploitants de la station-service et n'a donc pas permis à son contractant de s'engager en connaissance de cause et qu'elle ne peut se prévaloir d'une clause limitant sa responsabilité qui contredit la portée d'une obligation essentielle contenue à l'article 3 des AIP, qu'elle a de surcroît délibérément violé.

La société EG RETARIL, anciennement dénommée EFR FRANCE soulève la prescription de l'action, au motif qu'elle a été introduite plus de cinq ans après la conclusion du contrat.

La société EMP réplique en soulignant qu'elle ne formule aucune demande au titre de la loi DOUBIN, mais expose une inexécution fautive de la part de BP, qui prive la défenderesse de se prévaloir utilement de l'exclusion des articles 1999 et 2000 du code civil et souligne qu'en outre cette obligation d'information pré-contractuelle est également stipulée dans les AIP à l'article 1.2, lesquels ne permettent pas à la société EFR d'invoquer une quelconque prescription.

La cour relève que le débat instauré par la société EG RETAIL manque de pertinence, dans la mesure où la société MARELI ne poursuit pas la nullité du contrat en raison d'un vice de consentement, lié au non respect de l'information pré contractuelle prévue par l'article L330-3 du code de commerce, mais demande de voir dire que la société EFR FRANCE ne peut mettre à sa charge les pertes de mandat dont cette dernière n'avait pas la maîtrise.

Quand bien même l'action engagée pour violation de l'obligation pré-contractuelle d'information serait-elle prescrite, cela n'aurait pas d'incidence sur l'examen du bien fondé des demandes présentées par la société MARELI quant aux pertes qui ont pour origine un élément de l'exploitation dont la maîtrise a été conservée par le mandant et qui ne peuvent être mises conventionnellement à la charge du mandataire, alors même que le mandataire aurait expressément renoncé au bénéfice des articles 1999 et 2000 du code civil.

La cour relève qu'en l'espèce il n'est pas contesté que les prix des carburants étaient fixés par la société pétrolière de même que les conditions de restitution des recettes à l'exploitant et plus généralement les amplitudes horaires du service des carburants et il importe peu à cet égard que les prix aient été fixés comme le soutient la société pétrolière sans discrimination entre les différents membres du réseau ni abus de sa part.

La société EG RETATIL soutient que la société MARELI a commis des fautes de gestion dans l'exécution de son mandat. Elle fait valoir que la société MARELI s'est opposée aux derniers prélèvements automatiques des "recettes carburants" pour un montant de 149.595 euros correspondant aux ventes de carburants entre le 31 mai et le 11 juin 2013 ; que la SARL MARLI a finalement payé les sommes dues à l'exception de la somme de 41.840,86 euros, correspondant à la prime de fin de mandat qu'elle a retenue. Elle indique que le fait que la compagnie pétrolière ait accepté de créditer la prime de fin de mandat au compte de la société MARELI ne la prive pas du droit de résilier le contrat de location gérance sans préavis suffisant en l'état des manquements de la société MARELI. Par ailleurs, elle considère que la société MARELI a commis des fautes de gestion en décidant le versement de rémunération à sa gérante dont elle considère le montant comme étant excessif. Rappelant que le fonds de commerce donné en location-gérance constitue un tout indivisible, elle conteste le fait que la société MARELI aurait subi des pertes d'exploitation, alors même que ses comptes annuels font apparaître des résultats positifs constants pour les exercices 2008 à 2013, le versement de dividendes en 2008, 2009 et 2010, des capitaux propres de 61.900 euros au 30 septembre 2013 et une trésorerie disponible en septembre 2013 de 119.300 euros.

La cour relève qu'il importe peu que les bilans et comptes d'exploitation communiqués fassent apparaître un résultat d'exploitation positif, dans la mesure où ces comptes intègrent non seulement, les commissions versées par la compagnie pétrolière mais également le reste des activités développées par l'exploitant et compris dans le fonds donné en location-gérance. En effet, bien qu'il soit indiqué dans l'acte que le fonds est indivisible, il est également indiqué en page 7 de l'acte que le "gérant exercera les activités commerciales de diversifications dans le cadre de la présente gérance de fonds de commerce en son nom, à ses risques, périls et profits exclusifs", alors même que la vente de carburant est soumise dans ledit contrat au régime spécial du mandat. Dans ces conditions, la compagnie pétrolière ne peut soutenir que les pertes du mandat, causées par sa faute, doivent être compensées par les bénéfices dégagés par les autres activités développées sur le site, aux risques et périls de l'exploitant.

Par ailleurs, seules les fautes commises dans leur gestion par les exploitants à l'origine des pertes d'exploitation dans le cadre de l'exécution du mandat sont de nature à exonérer le mandant de sa responsabilité.

En l'espèce, il ne peut sérieusement être reproché aux gérants aucune faute de gestion, quand bien même des dividendes auraient été distribués les trois premières années et des salaires confortables servis aux gérants, ces mesures n'ayant pas conduit à des pertes.

Par ailleurs la faute qu'aurait commise la société en refusant les prélèvements automatiques sur les recettes carburants, n'est intervenue qu'en fin d'exercice, alors que les relations entre les parties étaient tendues et n'ont aucun rapport avec une faute de gestion commise en cours d'exécution du mandat qui seule peut être retenue pour exonérer le mandant.

Des documents que produit l'exploitant afférents à la seule vente de carburants, il ressort qu'il a subi des pertes ; cependant en l'état, ces documents sont insuffisants pour démontrer que les pertes alléguées résultent soit de l'insuffisance des commissions versées, soit de la fixation d'un prix des carburants ne permettant pas raisonnablement de faire face à la concurrence, soit de la hausse excessive de la redevance de location gérance, que l'ampleur des pertes subies ne peut davantage être établie ; que les documents produits ne ventilent pas entre les différentes activités exploitées. En conséquence, il convient d'instaurer une mesure d'expertise ainsi qu'il sera précisé au dispositif pour permettre de déterminer le montant des pertes financières liées à la seule vente de carburants et leur imputabilité soit à la politique de prix suivie par la société pétrolière ou aux conditions imposées au détaillant soit à une éventuelle faute de gestion de l'exploitant.

Cependant la société EG RETAIL ayant soulevée la prescription de cinq ans de l'action, les recherches de l'expert seront limitées à la période écoulée entre le 6 novembre 2008 (soit 5 ans avant l'assignation du 6 novembre 2013) et le 13 juin 2013 (date de la restitution de la station-service), ainsi qu'il sera précisé au dispositif.

Les dettes éventuelles de la société MARELI, s'agissant de la restitution des recettes liées à la vente de carburant devront s'imputer sur les créances de la société MARELI ; le préjudice résultant pour la société EG RETAIL du retard de paiement sera lui-même examiné lors de la fixation de sa créance .

Dans le cadre de cette expertise, il sera fait droit à la demande de la société EG RETAIL de voir produit aux débats par la SARL MARELI :

- Les liasses fiscales complètes au titre des exercices clos les 30 septembre 2008, 2009, 2011, et 2012,

- Le PV d'AG d'approbation des comptes annuels au titre des exercices clos les 30 septembre 2008, 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013 ,

- Les délibérations et/ou décisions du co-associé fixant la rémunération de Mme Elizabeth Z... au sein de la SARL MARELI au titre des mêmes exercices,

- Tout document utile à établir le montant des rémunérations et avantages en nature (traitement et salaire, rémunération TNS, retraite complémentaire Madelin, versement en comptes-courant d'associés, remboursement de frais) perçues par M. Marek Z... ou Mme Elizabeth Z... ou M. Paul Z... au sein de la SARL MARELI pour la même période.

Sur la garantie à première demande

La société MARELI soutient qu'elle a réglé la somme de 583,55 euros au titre de l'apurement des comptes mis à sa charge par le tribunal de commerce de Paris ; que cependant, la société RG RETAIL n'a pas exécuté la décision en ce qui concerne la main-levée de la caution ; qu'elle justifie du fait que la banque s'oppose à la main-levée ce qui est source pour elle d'un préjudice.

La société EG RETAIL, qui reconnaît avoir reçu le paiement de la somme de 583,55 euros, ne s'oppose pas à la restitution de la garantie à première demande et indique qu'elle a bien exécuté les termes de la décision entreprise en ordonnant le 22 juin 2017 au Crédit du Nord de procéder à la main levée de la garantie ; que la résistance de la banque à exécuter cette mesure relève de la responsabilité de cette dernière. Elle sollicite le débouté de la société MARELI quant au prononcé d'une astreinte et à la demande de dommages-intérêts de ce chef.

La cour constate que par courrier en date du 22 juin 2017 adressé à la banque Crédit du Nord, la société EFR a déclaré donner mainlevée de la garantie à première demande qui lui avait été consentie le 15 février 2007 pour le compte de la société MARELI d'un montant de 50.000 euros et précisé 'malheureusement nous ne sommes plus en possession de la caution originale'. La société MARELI produit un courrier daté du 3 octobre 2017 sur papier à tête du Crédit du Nord, [...] émanant de M. Guillaume A..., directeur qui indique qu'il ne peut donner satisfaction à la demande de main-levée, 'les documents produits ne convenant pas' et précisant 'avoir besoin de récupérer les originaux de caution délivrés lors de mise en place de cette dernière'.

La cour relève qu'aucune des parties ne verse aux débats une copie de la garantie à première demande dont s'agit. Dès lors celle-ci était soumise aux dispositions de l'article 2321 du code civil, selon les quels, 'sauf convention contraire, cette sûreté ne suit pas l'obligation principale'.

Aucune disposition légale n'imposant la remise de l'original lorsque celui-ci est perdu, pour effectuer les opérations de main-levée, il convient de constater que la société EG RETAIL a suffisamment manifesté sa volonté de mettre fin à cette garantie à première demande et il n'y a pas lieu d'assortir cette mesure d'une astreinte. La société MARELI ne justifiant pas du dommage qu'elle a subi du fait de la mauvaise volonté de la banque à exécuter l'ordre de main-levée, il y a lieu de la débouter de sa demande de dommages-intérêts.

Sur la prime de fin de contrat :

La cour constate que le bénéfice du montant de cette prime de fin de contrat n'est pas contesté par la société EG RETAIL.

Sur la rupture brutale des relations et ses conséquences :

La société MARELI expose que le préavis de six mois qui lui a été accordé est insuffisant compte tenu de la durée des relations contractuelles la liant à la compagnie pétrolière. Elle rappelle que ses gérants, qui avaient également fondé la société EMP , pour l'exploitation d'une seconde station service appartenant à la même compagnie pétrolière, ont vu dénoncer les deux contrats pour la même date, ce qui les a laissés ensemble sans ressources.

La société EFR FRANCE, qui s'oppose à toute indemnisation de ce chef, fait valoir qu'elle a accordé un préavis de six mois à la société conformément aux dispositions de l'AIP, alors même que l'article L442-6-I-5° dispose que ne peut être rompue "brutalement, même partiellement, une relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce par des accords interprofessionnels (...) à défaut de tels accords (...)"

L'existence des Accords professionnels préconisant une durée de préavis de six mois ne dispense pas de rechercher si le préavis qui respecte le délai minimal tient compte de la durée des relations et de la dépendance économique.

En l'espèce, la relation contractuelle ayant duré 7 ans et la rupture ayant été concomitante avec la fin de la relation contractuelle, concernant une autre SARL composée des mêmes associés, dans la dépendance économique exclusive de la compagnie pétrolière, le préavis de 6 mois qui a été accordé était insuffisant, un préavis de 12 mois, aurait été préférable. En conséquence, la rupture du contrat a été brutale et ouvre droit pour la SARL à une indemnisation, que la cour évalue à la somme de 12.000 euros.

Sur les autres demandes :

Il convient de surseoir à statuer sur les demandes présentées en application de l'article 700 du code de procédure civile et de réserver les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a ordonné à la société EFR FRANCE de donner main-levée de la caution à première demande au Crédit du Nord, donnée en début de contrat à la société BP, si elle lui a été transférée ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société RG RETAIL anciennement dénommée EFR France à payer à la SARL MARELI la somme de 12'000'€ à titre de dommages intérêts pour rupture brutale de la relation contractuelle,

Déboute la SARL MARELI de sa demande de condamnation sous astreinte de la société EG RETAIL à donner main levée de la garantie à première demande ;

Déboute la SARL MARELI de sa demande de condamnation de la société EG RETAIL à des dommages-intérêts pour défaut de main-levée de cette garantie à première demande;

Ordonne à la SARL MARELI de produire aux débats :

- Les liasses fiscales complètes au titre des exercices clos les 30 septembre 2008, 2009, 2011, et 2012,

- Le PV d'AG d'approbation des comptes annuels au titre des exercices clos les 30 septembre 2008, 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013 ,

- Les délibérations et/ou décisions du co-associé fixant la rémunération de Mme Elizabeth Z... au sein de la SARL MARELI au titre des mêmes exercices,

- Tout document utile à établir le montant des rémunérations et avantages en nature (traitement et salaire, rémunération TNS, retraite complémentaire Madelin, versement en comptes-courant d'associés, remboursement de frais) perçues par M. Marek Z... ou Mme Elizabeth Z... ou M. Paul Z... au sein de la SARL MARELI pour la même période.

Ordonne une expertise et commet pour y procéder :

Thierry B...

expert comptable,

[...]

Tél : [...]

Fax : [...]

Port. : [...]

Email : [...]

avec mission après avoir analysé les documents remis par les parties,

- dire si l'exploitation de la station service donnée en location gérance était déficitaire et préciser depuis quelle date,

- dire s'il existait dans le même temps des pertes d'exploitation sur l'activité de vente de carburants sous mandat et dans l'affirmative, les chiffrer et en déterminer dans la mesure du possible les causes et l'origine (insuffisance des commissions versées, insuffisance du montant du prix des carburants ne permettant pas de faire face à la concurrence, augmentation de la redevance ou fautes éventuelles de gestion),

- faire le compte entre les parties pour la période du 6 novembre 2008 (soit 5 ans avant l'assignation du 6 novembre 2013) au 13 juin 2013 (date de la restitution de la station-service);

Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe de la 3ème chambre du pôle 5 (5-3) de la cour d'appel de Paris avant le 5 décembre 2019 ;

Fixe à la somme de 3.000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, somme qui devra être consignée par la SARL MARELI à la Régie de la cour d'appel de Paris, [...] avant le 27 février 2019,

Dit que, faute de consignation de la provision dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ;

Dit qu'un des magistrats de la chambre sera délégué au contrôle de cette expertise,

Renvoie l'affaire à l'audience du jeudi 28 février 2019 à 13 heures pour contrôle du versement de la consignation ;

Renvoie l'affaire après dépôt du rapport de l'expert, à une audience de la 3ème chambre du pôle 5 (5-3) de cette cour à la date qui sera fixée ultérieurement par le magistrat chargé de la mise en état ;

Sursoit à statuer sur le surplus des demandes ;

Réserve les dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 17/08468
Date de la décision : 23/01/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°17/08468 : Expertise


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-23;17.08468 ?
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