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18/01/2019 | FRANCE | N°17/12028

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 18 janvier 2019, 17/12028


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 18 Janvier 2019



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/12028 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4FMS



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Août 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 15/01613





APPELANTE

SA BANQUE CHABRIERES

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée

par Me Nicolas MANCRET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0061



INTIMEES

Madame [M] [M]

née le [Date naissance 1] 1980 à CHATENAY MALABRY (92290)

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparante en p...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 18 Janvier 2019

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/12028 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4FMS

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Août 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 15/01613

APPELANTE

SA BANQUE CHABRIERES

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Nicolas MANCRET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0061

INTIMEES

Madame [M] [M]

née le [Date naissance 1] 1980 à CHATENAY MALABRY (92290)

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Katia BITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1543

CPAM 91 - ESSONNE

DEPARTEMENT JURIDIQUE

[Adresse 3]

[Localité 3]

représenté par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 4]

[Localité 4]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 Novembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Claire CHAUX, Présidente de chambre

Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, conseillère

M. Lionel LAFON, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Typhaine RIQUET, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Claire CHAUX, Présidente de chambre et Mme Vénusia DAMPIERRE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la SA BANQUE CHABRIERES d'un jugement rendu le 31 août 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'EVRY dans un litige l'opposant à Mme [M] [M] en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne.

FAITS , PROCEDURE , PRETENTIONS DES PARTIES

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.

Il suffit de rappeler que Mme [M], employée en qualité de responsable du contrôle permanent par la BANQUE CHABRIERES en son agence de [Localité 5], a adressé à son employeur,par courrier reçu le 20 mars 2015, un certificat médical d'arrêt de travail pour maladie couvrant la période du 16 au 31 mars 2015 inclus. Le 21 mars 2015, elle adressait à son employeur un second certificat médical également daté du 16 mars 2015 et couvrant la même période, mais rédigé sur un formulaire dédié aux accidents du travail et maladies professionnelles.

L'employeur établissait une déclaration d'accident du travail faisant référence à un accident survenu le 16 mars 2015, accompagnée de réserves. La caisse a effectivement reçu les deux certificats médicaux, celui établi au titre de la législation professionnelle se référant aussi à un accident survenu le 16 mars 2015.

Il y figurait , au titre des lésions constatées, un "syndrome anxio-dépressif à la suite de problèmes relationnels au travail avec répercussions importantes".

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne ( ci - après la caisse ) procédait à une enquête au cours de laquelle Mme [M] indiquait que cet accident était survenu à la suite du rendez-vous du vendredi 13 mars 2015 avec M. [H] et qu'il était consécutif à des agissements de harcèlement de son employeur.

Considérant que la preuve n'était pas rapportée par Mme [M] de l'existence d'un fait générateur précis ayant causé une lésion, le 22 juin 2015, la caisse a refusé la prise en charge au titre de la législation professionnelle .

Mme [M] a saisi la commission de recours amiable laquelle a rejeté son recours suite à une seconde enquête administrative, par décision du 15 octobre 2015.

Mme [M] a contesté cette décision et saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'EVRY demandant en outre la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement du 31 août 2017, rendu au contradictoire de la société BANQUE CHABRIERES, ce tribunal a :

- déclaré Mme [M] recevable et bien fondée en son recours,

- dit que l'accident dont Mme [M] a été victime le 13 mars 2015 est un accident du travail devant être pris en charge à ce titre par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne,

- condamné la caisse à lui verser la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné la réouverture des débats à l'audience du 11 janvier 2018 afin de statuer sur la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société BANQUE CHABRIERES dans le cadre de l'accident du travail en date du 13 mars 2015 dont Mme [M] a été victime,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

La société BANQUE CHABRIERES a relevé appel de ce jugement .

Par jugement du 11 janvier 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale d'EVRY a :

- déclaré recevable le recours de Mme [M],

- sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de PARIS sur la contestation relative à la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident du 13 mars 2015.

La société BANQUE CHABRIERES fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions invitant la cour à infirmer le jugement déféré, à débouter Mme [M] de sa demande de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident prétendument survenu le 13 mars 2015 et de toutes ses autres demandes, et de la condamner à lui verser la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, soutenant que Mme [M] ne rapporte pas la preuve d'un fait accidentel soudain et précis, qui serait survenu à une date et dans des circonstances certaines, ni la preuve de lésions qui seraient apparues de manière brutale et soudaine, qui seraient en lien avec l'entretien du 13 mars 2015.

Mme [M] fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions invitant la cour, à titre principal, à confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, à débouter la société BANQUE CHABRIERES et la caisse de leurs demandes, à condamner la première à lui verser la somme de 3000 euros et la seconde la somme de 1500 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, faisant valoir qu'il s'est bien produit un accident le 13 mars 2015 lors de l'entretien avec M. [H], qu'elle a bien été victime d'un accident du travail en raison d'un choc émotionnel profond et brutal. Très subsidiairement, elle demande que soit ordonnée une expertise.

La caisse fait déposer et soutenir oralement par sa représentante des conclusions par lesquelles elle s'en rapporte à la cour sur l'existence d'un accident du travail, mais dans l'hypothèse d'une infirmation du jugement elle se réserve le droit de récupérer auprès de Mme [M] les sommes perçues à tort.

SUR CE ,

En application de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quel qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise. Il appartient au salarié de prouver la matérialité de cet accident du travail.

L'accident du travail est caractérisé par une lésion brutale d'ordre physique ou psychique survenue à l'occasion du travail et le salarié bénéficie d'une présomption d'imputabilité au travail pour tout accident survenu au temps et au lieu de travail, à condition que soit établie la matérialité du fait accidentel, c'est à dire un événement précis, soudain ayant entraîné l'apparition d'une lésion.

La présomption d'imputabilité ne peut résulter des seules allégations de la victime non corroborées par des éléments objectifs et il appartient dés lors à celle-ci de rapporter la preuve d'un fait accidentel de nature à produire un choc émotionnel autrement que par ses propres déclarations.

En l'espèce, il doit d'abord être relevé que l'employeur a été amené à transmettre une déclaration d'accident du travail portant la date du 24 mars 2015, pour un accident qui serait survenu le 16 mars à 17h, sans plus de précision puisque Mme [M] lui avait adressé un certificat d'arrêt maladie, puis un second certificat pour accident du travail, prescrivant tous les deux un arrêt de travail à compter de cette date.

C'est à juste titre que la société BANQUE CHABRIERES s'étonne de ne pas avoir été informée aussitôt de l'accident par sa salariée, qui en avait l'obligation tant que par le code de la sécurité sociale que par le règlement intérieur de la banque.

C'est au cours de l'enquête administrative que Mme [M], répondant au questionnaire de la caisse, a précisé: "cet accident est survenu à la suite du rendez - vous du vendredi 13 mars 2015 avec M. [G] [R] [H], directeur général de la Banque Chabrières".

Interrogée par la caisse, Mme [M] a précisé: " j'ai été convoquée le 13 mars par M. [H] suite à une lettre du 9 février 2015 que j'ai adressée dénonçant des agissements de harcèlement à mon encontre. Je suis victime depuis cet entretien d'un trouble anxio - dépressif en rapport avec ces relations conflictuelles du travail, compte tenu de ces agissements qui durent depuis plusieurs mois et de la teneur de l'entretien avec Monsieur [H]. Cet état anxio - dépressif a été constaté le 16 mars par mon médecin traitant."

Mme [M] produit un avis de convocation le vendredi 13 mars 2015, adressé à elle par M. [H], qui n'indique pas de motif particulier.

La société appelante verse aux débats un message électronique adressé le 25 mars 2015 par M. [H] à Mme [M], en réponse à un message électronique du 17 mars 2015, par lequel le directeur précise que le but de l'échange était de l'informer du projet qu'il souhaitait voir mettre en oeuvre concernant l'activité contrôle à la banque. Il ajoute que Mme [M] sera évidemment informée des modalités de cette mise en oeuvre.

Les parties ne produisent pas davantage de pièces sur les motifs et le contenu exacts de cet échange. Il n'est pas contesté que cet entretien a eu lieu seulement entre Mme [M] et M [H], sans qu'une troisième personne y ait assisté.

Mme [M] exprime dans ses écritures qu'elle était " bouleversée à la suite de cet entretien et de l'absence de soutien de son employeur". Elle indiquait dans sa lettre du 15 juillet 2015 adressée à l'employeur que son arrêt de travail avait été " provoqué par le dernier échange avec M. [H] du 13 mars sur les modifications importantes impactant ma fonction".

Cependant , l'employeur détient un pouvoir de direction et de sanction à l'égard de ses employés qu'il peut exercer, et cet exercice ne saurait constituer à lui seul le fait accidentel, élément nécessaire de l'accident du travail.

Au cours de l'entretien entre Mme [M] et M. [H], aucun incident particulier, de quelque nature qu'il soit, n'est ni établi ni même allégué par Mme [M]. L'échange s'est déroulé normalement.

L'attestation de Mme [R], collègue de Mme [M], indique que celle-ci l'a appelée " à la suite de l'accident pour que je vienne la chercher car elle ne pouvait pas revenir au bureau". Elle n'apporte pas de nouvel élément sur le déroulement de cet entretien du 13 mars 2015.

Le certificat médical initial pris par le docteur [K] au titre de la législation professionnelle mentionne que le 16 mars 2015 Mme [M] est atteinte d'un "syndrome anxio - dépressif suite à des problèmes relationnels au travail avec des répercussions importantes". Il n'est fait état d'aucun fait accidentel précis, mais de difficultés professionnelles d'ordre général.

Il en résulte que Mme [M] ne rapporte pas la preuve d'un fait accidentel précis survenu à la date certaine du 13 mars 2015.

En outre, pour qu'un accident du travail puisse être retenu, il est également nécessaire de caractériser des lésions qui découlent de façon directe et certaine de l'accident.

En l'espèce, il est médicalement constaté trois jours après la date de l'accident du travail litigieux un syndrome anxio dépressif. Or le certificat médical initial du docteur [K] évoque "des problèmes relationnels au travail", et nullement un choc psychologique subi le 13 mars 2015. Le lien entre l'entretien du 13 mars 2015 et les lésions constatées par le médecin n'est pas ici établi.

L'attestation du docteur [K] du 9 novembre 2015, qui certifie que Mme [M] n'était jamais venue le consulter avant le 16 mars 2015, n'apporte pas d'élément déterminant pour établir ce lien.

L'attestation de M. [W] décrit la situation difficile de Mme [M], tenue dans l'ignorance de la réorganisation de son service et objet de l'hostilité de sa supérieure hiérarchique qui voulait l'évincer. Il apparaît ,selon ce collègue de Mme [M] , que la révélation par M. [H] le 13 mars 2015 de la réorganisation qui lui avait été cachée soit l'élément déclencheur du syndrome anxio dépressif.

Mais Mme [M], dans la lettre qu'elle adresse à la banque Chabrieres le 10 septembre 2015, décrit une situation totalement différente. Elle y déclare avoir été rétrogradée, mise à l'écart, privée d'informations, rabaissée , et qualifie de harcèlement moral ces "agissements répétés" qui ont dégradé ses conditions de travail et sa santé.

Si harcèlement il y a eu, et comme l'a rappelé à juste titre le tribunal dans les motifs de sa décision, il s'agit d'un phénomène habituellement progressif qui ne saurait relever d'un accident du travail mais uniquement, et sous certaines conditions, de la législation des maladies professionnelles.

Le médecin du travail, le docteur [B], indique le 2 juillet 2015 : " lors des premières consultations, Mme [M] m'a paru être une jeune femme combative. Cela n'était plus tout à fait le cas après le 13 mars 2015." Cet élément fort nuancé est insuffisant pour établir le lien entre le fait accidentel et les lésions.

Il ajoute qu'il y a eu pour lui des " troubles de nature psychologique résultant d'événement survenu au temps et lieu de travail". Mais cette pièce n°16 de l'intimée devrait comprendre deux courriers, qui ne sont pas versés aux débats. Et il appartient à un médecin de faire usage de son art pour éclairer les faits, dans un souci d'objectivité, et non de prendre fait et cause pour une partie en "s'associant à sa contestation", et en rédigeant une attestation, dont les termes mêmes montrent qu'elle a été pour les besoins de la cause.

La preuve de la matérialité de l'accident du travail n'est pas rapportée, et il ne peut pas être pallié à cette carence par une expertise.

Il convient donc d'infirmer le jugement entrepris et de débouter Mme [M] de sa demande tendant à ce que l'accident allégué du 13 mars 2015 soit pris en charge au titre de la législation professionnelle.

Il sera constaté que la caisse se réserve le droit de récupérer auprès de Mme [M] les sommes que celle - ci a perçues à tort.

Mme [M] qui succombe sera déboutée de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité ne commande pas de faire droit à celle présentée par la Société Banque Chabrières sur ce même fondement .

PAR CES MOTIFS ,

LA COUR ,

Infirme le jugement déféré ,

STATUANT A NOUVEAU

Deboute Mme [M] de sa demande tendant à ce que l'accident dont elle dit avoir été victime le 13 mars 2015 soit pris en charge au titre de la législation professionnelle,

Constate que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne se réserve le droit de récupérer auprès de Mme [M] les sommes que celle - ci a perçues à tort,

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 17/12028
Date de la décision : 18/01/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°17/12028 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-18;17.12028 ?
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