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18/01/2019 | FRANCE | N°16/18652

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 6, 18 janvier 2019, 16/18652


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 6



ARRÊT DU 18 JANVIER 2019



(n°1-2019, 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/18652 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZSTR



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mai 2016 - Tribunal de Commerce de PARIS - 10ème chambre - RG n° 2015075292





APPELANT



Syndicat des copropriétaires de l'immeuble s

is [Adresse 1], représenté par son syndic la SARL Cabinet Capillon et Martins

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 1]

inscrit au RCS de PARIS sous le n°B 453 932 386
...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 6

ARRÊT DU 18 JANVIER 2019

(n°1-2019, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/18652 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZSTR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mai 2016 - Tribunal de Commerce de PARIS - 10ème chambre - RG n° 2015075292

APPELANT

Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1], représenté par son syndic la SARL Cabinet Capillon et Martins

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 1]

inscrit au RCS de PARIS sous le n°B 453 932 386

pris en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

Représenté par et assisté de Me Joëlle HOFFLER de la SCP MOUCHART ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0509

INTIMÉE

SAS BECHET

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 2]

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n°712 055 912

prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par et assistée de Me François ROCHERON OURY de la SELEURL ROCHERON - OURY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0294

Assistée de Me Maud LETELLIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0294

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Novembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-José DURAND, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Annie DABOSVILLE, présidente de chambre

Madame Madeleine HUBERTY, conseillère

Mme Marie-José DURAND, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Mme Iris BERTHOMIER

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Annie DABOSVILLE, présidente de chambre et par Madame Iris BERTHOMIER, greffière présente lors de la mise à disposition, à laquelle a été remise la minute par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Faits et procédure

Selon marché signé le 28 mars 2007, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] a confié à la société Béchet des travaux de ravalement des façades de la courette mitoyenne du [Adresse 4] moyennant le coût de 19 679 € HT soit 20 761,35 € TTC. Par avenant du 15 juin 2007, des travaux complémentaires de consolidation et réfection résultant de l'état des pans de bois et poutres bois ont été confiés à l'entreprise, moyennant le coût supplémentaire de 11 000 € HT. La réception a été prononcée sans réserve suivant procès-verbal du 25 septembre 2007.

Des désordres étant apparus en 2010 au 5ème étage, la société Béchet a proposé une solution technique de reprise devant rester selon elle à la charge du syndicat des copropriétaires. Le syndicat des copropriétaires, estimant que la société Béchet était responsable des désordres, l'a faite assigner devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins de :

- condamnation de la société à exécuter les travaux,

- subsidiairement condamnation au paiement d'une provision de 6 129,55 € TTC au titre des travaux réparatoires,

- très subsidiairement désignation d'un expert judiciaire.

Par ordonnance du 25 novembre 2015, le juge des référés, considérant qu'il n'y avait pas lieu à référé, a renvoyé l'affaire devant le tribunal, devant lequel le syndicat des copropriétaires a maintenu ses demandes principale et subsidiaire, mais abandonné sa demande d'expertise.

Décision déférée

Par jugement du 20 mai 2016, le tribunal de commerce :

- a débouté le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] de toutes ses demandes,

- a condamné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à payer à la société Béchet 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a ordonné l'exécution provisoire sans caution,

- a condamné le syndicat des copropriétaires aux dépens.

Le syndicat des copropriétaires a interjeté appel le 14 septembre 2016.

Après échange des conclusions et clôture de l'instruction de l'affaire à la date du 18 janvier 2018, l'affaire a été plaidée à l'audience du 26 janvier 2018. Cependant, par arrêt du 23 mars 2018, la cour a statué de la façon suivante :

- surseoit à statuer sur toutes les demandes du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] et de la société Béchet,

- révoque l'ordonnance de clôture,

- ordonne la réouverture des débats afin de permettre au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] de chiffrer sa demande de dommages et intérêts et à la société Béchet de répliquer sur ce point,

- dit que le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] devra conclure au plus tard le 31 mai 2018,

- dit que la société Béchet devra répliquer au plus tard le 15 septembre 2018,

- dit que l'ordonnance de clôture interviendra le 18 octobre 2018,

- renvoie l'affaire à l'audience du 16 novembre 2018 (conseiller rapporteur).

Demandes des parties

Dans ses conclusions du 27 octobre 2018, le syndicat des copropriétaires forme les demandes suivantes :

SUR LA PROCÉDURE

Vu les articles 16 et 784 du CPC

Vu l'ordonnance rendue le 18 octobre 2018 par le magistrat de la mise en état

à titre principal

Révoquer la clôture prononcée le 18 octobre 2018.

En Conséquence

Dire les conclusions n°5 du SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES du [Adresse 1] signifiées le 27 octobre 2018 recevables

à titre subsidiaire

Dire irrecevables les conclusions n°4 de la société BECHET du 18 octobre 2018 à 12h45 pour tardiveté et violation du contradictoire, ces conclusions nécessitant réponse du SDC puisque constituant un moyen nouveau par rapport à ses précédentes conclusions.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

Vu l'arrêt du 23 mars 2018 ayant révoqué la clôture et réouvert les débats

Vu les articles 784 et 783, 444 CPC

Dire que les conclusions n°4 et pièces 18 et 19 communiquées par le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES du [Adresse 1] sont recevables

SUR LE FOND

Réformant le jugement en ce qu'il a débouté le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES du [Adresse 1] représenté par son syndic le CABINET CAPILLON ET MARTINS de ses demandes à l'encontre de la société BECHET et l'a condamné à payer une indemnité de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du CPC.

Et statuant à nouveau

Vu l'article 1147 du code civil

Condamner la société BECHET à indemniser le SDC du [Adresse 1] du coût de la réfection intégrale de toute la façade de la cour intérieure de l'immeuble, dite «cour anglaise» pour la partie de la courette mitoyenne avec l'immeuble voisin du [Adresse 4], le ravalement fait selon devis n°06 3043 et commande faite le 28 mars 2007.

La condamner en conséquence à payer au SDC du [Adresse 1]S 22 000€, montant égal au devis de l'entreprise [C] du 30/5/18 pour la reprise intégrale.

A défaut subsidiairement si la Cour n'entendait retenir que l'indemnisation partielle et actuelle des désordres, condamner la société BECHET à payer au SDC du [Adresse 1] la somme de 13 200 € correspondant au coût de la reprise partielle des désordres chiffrés selon le devis de l'entreprise [C] du 27/4/2018

SUBSIDIAIREMENT Pour y parvenir

Vu les articles 144, 146, 566, 563 du CPC

Vu la jurisprudence prise pour leur application

DIRE la société BECHET mal fondée en sa fin de non recevoir- la demande d'expertise étant recevable.

DIRE ET JUGER le SDC recevable à invoquer en cause d'appel l'aggravation des désordres survenue ensuite du jugement et à en demander indemnisation- celle-ci rentrant dans les prévisions de l'article 566 du CPC en tant que complément de la demande initiale.

DÉBOUTER la société BECHET de sa fin de non recevoir tirée de la nouveauté des désordres invoqués en cause d'appel

DIRE qu'une expertise est nécessaire.

EN CONSÉQUENCE

Désigner tel expert avec pour mission de :

- se rendre dans la courette de l'immeuble [Adresse 1] mitoyenne du [Adresse 4]

- se faire remettre par les parties toutes pièces utiles

- examiner les désordres suivants :

- au niveau du 6ème étage, en façade Sud corniche fissurée de part en part, fissure qui s'amorce sur la façade Est

-au niveau du 5ème étage, façade Sud fissurée et boursoufflée avec une partie décollée

-au niveau du 5ème étage; façade Est fissurée de part et d'autre de la fenêtre, avec une partie entièrement décollée

-au niveau du 5ème étage; façade Nord ponctuellement fissurée de part et d'autre de la fenêtre

-au niveau du 4ème étage, face SUD décollement et départ de fissure sur la façade Est.

- donner son avis sur leur cause, leur étendue, leur nature

- donner son avis sur l'existence des mêmes causes aux niveaux inférieurs, du 3ème étage au rez-de chaussée

- donner son avis sur les mesures nécessaires à la réparation des désordres actuels et à la remise en état conforme au devis de l'ensemble des façades

- en chiffrer le coût.

Fixer la provision due à l'expert.

DANS TOUS LES CAS

Condamner la société BECHET à payer au SDC du [Adresse 1] la somme de 5000€ au titre de l'article 700 du CPC et la somme de 3024€ TTC représentant le coût du rapport GINGER CEBTP à titre de dommages intérêts.

La condamner également aux entiers frais de 1ère instance incluant les frais de référé et d'appel dont le recouvrement pourra être poursuivi par Me Joelle Hoffler de la SCP Mouchart Associés, Avocat postulant au barreau de Paris, conformément à l'article 699 du CPC pour ceux la concernant.

Dans ses conclusions du 18 octobre 2018, la société Béchet forme les demandes suivantes :

Vu l'article 1147 du Code civil,

Vu les articles 146 et 564 du Code de procédure civile,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu l'arrêt de la Cour d'appel de PARIS du 23 mars 2018,

Dire et juger le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] irrecevable et en tout cas mal fondé, dans le cadre de la réouverture des débats, à présenter une nouvelle réclamation à l'encontre de la société BECHET et à produire à l'appui de cette demande de nouvelles pièces visant des travaux réparatoires d'un montant nettement supérieur de près du double ou du triple par rapport au devis qu'il avait produit avant la clôture des débats.

Donner acte à la société BECHET de ce qu'elle se réserve le droit de contester ultérieurement cette révocation de l'ordonnance de clôture.

Dire et juger qu'aucune faute de la société BECHET dans l'accomplissement de ses obligations contractuelles n'est démontrée par le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1].

Dire et juger irrecevables et en tout état de cause mal fondées toutes les demandes, fins et prétentions du Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] et l'en débouter.

Dire et juger irrecevable la demande d'expertise du Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], comme constituant une demande nouvelle en cause d'appel et portant sur des désordres nouveaux, signalés par l'architecte conseil de la copropriété, Monsieur [Y], pour la première fois dans son rapport du 13 octobre 2016, soit postérieurement au jugement dont appel, et l'en débouter.

Confirmer le jugement du 20 mai 2016 en toutes ses dispositions, y compris au titre des frais irrépétibles et des dépens.

A titre subsidiaire, dire et juger mal fondée la demande d'expertise du Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] en application de l'article 146 du Code de procédure civile, et l'en débouter.

A titre très subsidiaire, si par impossible il était fait droit à la demande d'expertise du Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], dire et juger que les frais d'expertise seront mis exclusivement à la charge du Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1].

En tout état de cause

Condamner le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à verser à la société BECHET la somme de 7.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.

Condamner le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés directement par la SELARL ROCHERON-OURY, Avocat, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

*

L'ordonnance de clôture du 18 octobre 2018 a été révoquée le 16 novembre 2018, la nouvelle clôture intervenant par décision du même jour.

MOTIFS

A/ Sur les effets de la réouverture des débats et de la révocation de l'ordonnance de clôture

La cour, saisie d'une demande de condamnation à indemnisation non chiffrée, a estimé nécessaire de permettre au syndicat des copropriétaires de chiffrer cette demande. Elle a également estimé nécessaire de révoquer l'ordonnance de clôture afin d'assurer le respect du contradictoire. L'instruction du litige étant dès lors reprise, le syndicat des copropriétaires était en droit de présenter une nouvelle réclamation et de produire de nouvelles pièces. En conséquence il convient de déclarer recevables les demandes formées par le syndicat des copropriétaires et les pièces communiquées par lui dans le cadre de la réouverture des débats.

Chacun étant libre d'exercer en justice les droits qu'il tient de la loi, il est inutile de donner acte à la société Béchet de ce qu'elle se réserve le droit de contester ultérieurement la révocation de l'ordonnance de clôture.

B/ Sur la demande tendant à la condamnation de la société Béchet à réaliser les travaux

Cette demande n'étant plus formulée devant la cour, le jugement sera confirmé en ce qu'elle a été rejetée.

C/ Sur la demande tendant à la condamnation de la société Béchet à indemniser le syndicat des copropriétaires du coût de réfection de la façade

À titre principal, le syndicat des copropriétaires demande la condamnation de la société Béchet à l'indemniser du coût de la réfection intégrale de la façade de la cour intérieure de l'immeuble, à hauteur de 22 000 €. À titre subsidiaire, il limite sa demande à 'l'indemnisation partielle et actuelle des désordres', à hauteur de 13 200 €.

1° Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Béchet

La société Béchet conteste l'existence d'une aggravation des désordres signalés à l'origine et soutient que la fissuration de la corniche au 6ème étage et la fissuration qui serait apparue au 4ème étage, dont fait état le syndicat des copropriétaires, alléguées pour la première fois en cause d'appel, 9 ans après la réalisation des travaux, n'ont rien à voir avec les phénomènes d'écaillage et de décollement de la peinture, et sont de nature différente. Elle estime dès lors la demande d'indemnisation du coût de réfection de l'ensemble de la façade irrecevable, sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile.

Les demandes formées en appel tendent à l'indemnisation des travaux de reprise de l'ensemble de la façade ou des trois derniers étages alors que la demande était limitée, en première instance, au cinquième étage. Néanmoins, elles ne sont pas nouvelles dès lors que le syndicat des copropriétaires soutient que des désordres affectant les autres étages sont apparus après le jugement de première instance. En effet, l'article 564 du code de procédure civile autorise les parties à soumettre à la cour de nouvelles prétentions pour faire juger les questions nées de la survenance ou de la révélation d'un fait, et l'article 566 à ajouter à leurs demandes initiales celles qui en sont le complément.

La fin de non-recevoir fondée sur l'article 564 du code de procédure civile, opposée par la société Béchet, doit en conséquence être rejetée.

2° Sur le fond de la demande d'indemnisation

a) Sur la responsabilité

Les parties s'accordent sur la nature de la responsabilité susceptible d'être encourue en l'espèce par l'entreprise, à savoir une responsabilité contractuelle. Ainsi, il appartient au syndicat des copropriétaires de démontrer l'existence de désordres affectant les travaux réalisés par la société Béchet, et de prouver qu'ils ont pour cause une faute commise par cette société.

Après être allée examiner sur place les désordres, la société Béchet a donné à Monsieur [Y], architecte de la copropriété, dans une lettre du 1er avril 2011, son analyse des 'raisons des dégradations de peinture constatées', en précisant que 'les écaillages et décollements' vus sur site lui faisaient croire à un phénomène de 'point de rosée', dû à la faible épaisseur des cloisons et aux différences de température entre l'intérieur et l'extérieur. Elle a alors préconisé un système d'isolation thermique par l'extérieur, nécessitant la mise en place d'un nouvel échafaudage.

Par lettre du 14 avril 2011, l'architecte a pris acte de cette analyse en précisant qu'elle confirmait son diagnostic, mais a estimé que l'absence d'isolation thermique ne pouvait constituer la seule explication du phénomène dès lors que la façade concernée ne présentait aucun désordre avant le ravalement et qu'elle n'était pas moins épaisse qu'une autre façade non affectée. Il a alors estimé : 'la préparation du support (brossage et riflage) a dû être oblitérée pour provoquer ce désordre que le pont thermique a accéléré'. Il a par ailleurs souligné que la solution préconisée par l'entreprise était onéreuse 'pour résoudre un problème ponctuel' qui pouvait être traité dans le cadre de la garantie.

Par lettre du 18 juillet 2011, la société Béchet a convenu que sa solution serait trop onéreuse pour un ravalement exécuté en 2007, et a précisé qu'il pourrait être envisageable, pour reprendre ces pans de murs, de faire intervenir des peintres alpinistes, la prestation, qui 'consisterait à gratter les parties mal ou non adhérentes, l'application d'un primaire d'accrochage et la mise en peinture en 2 couches avec l'exécution d'un enduit de surfaçage au préalable sur les zones écaillées', l'opération s'élevant à 5 810 € HT soit 6 129,55 € TTC, à la charge de la copropriété en raison de l'expiration de la garantie biennale.

Dans un rapport' du 1er juillet 2015 assorti de photographies, Monsieur [Y] précise que les désordres sont limités au 5ème étage qui, a priori, semble avoir été négligé, que l'évolution du désordre est relativement lente mais que les risques d'une amplification de l'aspect esthétique ne sont pas à exclure, étant donné le constat d'un début de désordre au 4ème étage. Il souligne que les désordres n'ont pas altéré l'étanchéité des façades.

Dans un nouveau rapport, daté du 13 octobre 2016, également assorti de photographies, Monsieur [Y] décrit de nouveaux désordres, au 6ème étage (fissuration de la corniche) et au 4ème étage (départ de fissure). Il indique que l'évolution des désordres lui permet de confirmer la provenance des altérations de la façade, à savoir :

- une préparation des supports négligée,

- une mise en oeuvre seulement partielle de l'impression fixatrice prévue au devis,

- mise en oeuvre non maîtrisée de la reconstitution du bandeau.

Selon devis du 10 octobre 2016, la société Alpinistes Accès Services (ASS) a chiffré la reprise ponctuelle du parement des trois derniers niveaux de la courette à 5 820 € HT, soit 6 402 € TTC.

Dans un rapport du 05 janvier 2018 portant sur l'analyse des matériaux de revêtement de façade, la société Ginger CEBTP après prélèvement en façade est du 5ème étage d'une écaille qui se décolle et d'un morceau du support, sous l'écaille décollée, conclut :

- s'agissant de l'analyse de l'écaille : il semble que le support n'ait pas été purgé lors de l'application du nouveau complexe qui vient recouvrir directement l'ancien,

- s'agissant de l'analyse du support : différents revêtements successifs ont été mise en oeuvre sur la façade en pierre, antérieurement à l'ancien complexe détecté sur l'écaille ; il semble donc que le support n'avait pas non plus été purgé pour l'application de ce complexe,

- une étude approfondie du cahier des charges fourni à l'entreprise lors du ravalement ainsi que la nature et les caractéristiques des produits mis en oeuvre permettraient d'affiner les conclusions.

Enfin, par lettre du 06 janvier 2018 adressé au syndic de copropriété, Monsieur [Y], analysant le rapport de la société Ginger, estime :

- que la préparation du support a été partielle, et l'impression fixatrice avant mise en oeuvre de la peinture n'a pas été mise en oeuvre conformément au devis,

- que 'la mise en oeuvre de la peinture de finition a été réalisée sur une couche d'enduit trop récente et l'humidité du support qui a été réalisée a éclaté la finition de façade'.

Certes, les rapports de Monsieur [Y] et de la société Ginger n'ont pas été établis contradictoirement à l'égard de la société Béchet, et ont été commandés par le syndicat des copropriétaires, ayant intérêt à ce que leur contenu lui soit favorable. Au surplus, Monsieur [Y] a participé à la réalisation des travaux en qualité de maître d'oeuvre. Néanmoins, ces pièces se confortent mutuellement s'agissant de l'existence des désordres et de leurs causes. De plus, elles ont été soumises à la discussion contradictoire des parties dans le cadre de l'instance. La cour considère qu'elles lui permettent de statuer sans qu'une expertise soit nécessaire.

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que le syndicat des copropriétaires apporte la preuve de l'apparition de désordres, au cours du délai de dix ans suivant la réception, non pas sur l'ensemble de la surface du ravalement, mais seulement sur les façades des trois derniers étages, désordres consistant en des décollements ou fissurations ponctuels du complexe mis en oeuvre par la société Béchet. Il convient d'ailleurs de rappeler que la société Béchet a, en 2011, constaté par elle-même l'existence de désordres au 5ème étage.

La lecture du devis établi par la société Béchet le 30 janvier 2007 démontre qu'elle avait pour mission, notamment, de préparer les parties maçonnées par la vérification de l'état des enduits avec purge des parties dégradées, estimée à 50 % de 110 m². Or il se déduit des pièces examinées plus haut que les désordres ont pour cause une absence de purge du support lors de l'application du nouveau complexe, ou encore une préparation du support négligée. La cour considère dès lors que la société Béchet n'a pas procédé avec la rigueur requise à la purge des parties dégradées qu'elle était chargée d'effectuer, et que cette malfaçon, constitutive d'une faute dans l'exécution des travaux, est à l'origine des désordres.

b) Sur la réparation

Le syndicat des copropriétaires soutient que le désordre est évolutif et nécessite en conséquence la réfection intégrale du ravalement. Il produit à cet égard un devis établi par la société [C] le 30 mai 2018, s'élevant à 20 000 € HT soit 22 000 € TTC.

Cependant, aucune pièce ne démontre que les désordres se soient aggravés et, en particulier, qu'ils se soient étendus aux étages inférieurs au 4ème étage, entre le compte rendu qui en a été fait par Monsieur [Y] le 13 octobre 2016 et l'expiration du délai de dix années suivant la réception, le 25 septembre 2017. En conséquence la réparation ne saurait porter sur l'ensemble de la façade.

À titre subsidiaire, le syndicat des copropriétaires demande la condamnation de la société Béchet au paiement de la somme de 13 200 € en réparation du coût de reprise partielle des façades. Elle produit à cet égard un devis de la société [C] en date du 27 avril 2018 s'établissant à 12 000 € HT soit 13 200 € TTC.

Cependant, outre qu'il vise les 5ème, 4ème et 3ème étages alors que rien ne démontre que le 3ème étage soit affecté de désordres, ce devis [C] ne comporte qu'un chiffrage global et est beaucoup plus élevé que le devis produit antérieurement à la réouverture des débats, établi par la société AAS le 10 octobre 2016 soit moins de deux ans auparavant, qui, pour une reprise ponctuelle du parement des trois derniers niveaux, à savoir une intervention correspondant aux désordres retenus plus haut, chiffrait les travaux à 5 820 € HT soit 6 402 € TTC. Cette dernière somme, qui suffit à réparer les désordres, doit être retenue.

Ainsi, il convient de condamner la société Béchet à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 6 402 € à titre de dommages et intérêts.

Il convient également de condamner la société Béchet à régler au syndicat des copropriétaires, à titre de dommages et intérêts complémentaires, la somme de 3 024 €, coût des investigations de la société Ginger CEBTP, qui ont contribué à la solution du litige.

D/ Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera infirmé s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.

Les dépens de première instance, incluant les frais de référé, et les dépens d'appel seront mis à la charge de la société Béchet, qui sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à régler à ce titre au syndicat des copropriétaires la somme de 3 000 €.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement,

Vu l'arrêt du 23 mars 2018 qui a rouvert les débats,

Déclare recevables les demandes formées et les pièces produites par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] dans le cadre de la réouverture des débats,

Rejette la fin de non-recevoir fondée sur l'article 564 du code de procédure civile opposée par la société Béchet,

Confirme le jugement en ce que les premiers juges ont débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande tendant à la condamnation de la société Béchet à réaliser les travaux,

Infirme le jugement en ce que les premiers juges ont débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande tendant à l'indemnisation de son préjudice,

Statuant à nouveau,

Condamne la société Béchet à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] les sommes de :

- 6 402 € au titre de la reprise des désordres,

- 3 024 € en remboursement du coût des investigations de la société Ginger CEBTP,

Déboute la société Béchet de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Béchet à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Béchet aux dépens de première instance, incluant les frais de référé, et aux dépens d'appel et accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile à l'avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1].

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 16/18652
Date de la décision : 18/01/2019

Références :

Cour d'appel de Paris G6, arrêt n°16/18652 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-18;16.18652 ?
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