La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/01/2019 | FRANCE | N°17/00184

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 16 janvier 2019, 17/00184


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS








COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 5 - Chambre 6





ARRÊT DU 16 JANVIER 2019





(n° 2019/19, 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 17/00184 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2KHG





Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 Décembre 2016 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/17438








APPELANTS
>



Monsieur Alain X...


Né le [...] à CABRERETS (46)


[...]





Madame Christiane Y... épouse X...


Née le [...] à ROQUECOURBE (81)


[...]





Représentés par Me Julien Z... H... G... AVOCATS, avocat au barre...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 16 JANVIER 2019

(n° 2019/19, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/00184 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2KHG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 Décembre 2016 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/17438

APPELANTS

Monsieur Alain X...

Né le [...] à CABRERETS (46)

[...]

Madame Christiane Y... épouse X...

Née le [...] à ROQUECOURBE (81)

[...]

Représentés par Me Julien Z... H... G... AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0905

INTIMÉE

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 542 097 902

[...]

Représentée par Me Béatrice F... A... de la B... F... - A..., avocat au barreau de PARIS, toque : R029, avocat substitué par Me Clément C... de la B... F... - A..., avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Novembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Pascale GUESDON, Conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Françoise CHANDELON, Présidente de chambre

Monsieur Marc BAILLY, Conseiller

Madame Pascale GUESDON, Conseillère

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs CRUZ

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Françoise CHANDELON, Présidente de chambre et par Madame Anaïs CRUZ, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant offre émise le 10 octobre 2012 acceptée le 22 octobre 2002, la société UNION DE CREDIT POUR LE BATIMENT, aux droits de laquelle vient la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a consenti à monsieur Alain X... et madame Christiane Y... épouse X..., en vue de l'acquisition d'une maison à usage locatif, un prêt immobilier d'un montant de 137 000 euros, d'une durée de 180 mois remboursable au taux d'intérêt initial de 4,55% l'an révisable trimestriellement sur la base du TIBEUR à trois mois. Le taux effectif global stipulé était de 5,06% l'an et le taux mensuel de 0,42%.

Saisi selon acte d'huissier du 4 novembre 2014, de la demande de monsieur et madame X... soutenant que le contrat de prêt ne respectait pas diverses dispositions du code de la consommation, le tribunal de grande instance de Paris par jugement en date du 8 décembre 2016,

' a déclaré irrecevables comme prescrites l'ensemble des demandes formées par monsieur et madame X... ;

' a condamné monsieur et madame X... aux dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Frédéric D..., avocat, ainsi qu'à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du même code.

Monsieur et madame X... ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 28 décembre 2016.

Au terme de la procédure d'appel clôturée le 18 septembre 2018, les moyens et prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.

Par dernières conclusions notifiées par la voie du RPVA le 3 septembre 2018 monsieur et madame X..., appelants, exposent avoir sollicité les conseils de monsieur E..., expert, qui après analyse du dossier a confirmé qu'existaient des irrégularités dans le calcul du taux effectif global de leur prêt, et de la société HUMANIA CONSULTANTS.

Monsieur et madame X... poursuivent principalement la nullité de la stipulation d'intérêts, sur le fondement des dispositions combinées des articles L.313-2 du code de la consommation et 1907 alinéa 2 du code civil. Ils soutiennent que ces dispositions posent une condition de validité de la stipulation d'intérêts et sont sanctionnées par l'application du taux légal, en vertu de l'article 1304 (devenu articles 1144 et 1152) du code civil.

Monsieur et madame X... contestent le point de départ de la prescription quinquennale, que le premier juge a situé à la date de l'offre de prêt en se contentant de constater que l'offre contenait les éléments qui permettaient de vérifier sa régularité sans rechercher si le consommateur, qui n'est pas un professionnel, disposait des compétences financières nécessaires pour lui permettre de déceler par lui-même à la simple lecture de l'acte de prêt les erreurs affectant le calcul du taux effectif global, alors que déjà le calcul du taux de période est en réalité l'application d'une formule mathématique complexe et que monsieur et madame X... ne disposent pas des compétences mathématiques élevées nécessaires pour vérifier son exactitude.

Le point de départ de la prescription quinquennale doit donc être fixé à la date du rapport de monsieur E..., du 20 novembre 2013, date à laquelle ils ont été en mesure de prendre connaissance du caractère erroné des informations de base indispensables au calcul du taux effectif global. Monsieur et madame X... soutiennent aussi, sur la foi de l'analyse mathématique réalisée ultérieurement par la société HUMANIA CONSULTANTS, l'existence d'anomalies qu'il ne leur était pas possible de déceler à la simple lecture de l'offre de prêt, à savoir, notamment, que la banque a appliqué pour le calcul du taux effectif global, une autre durée que celle de l'année civile ou d'un mois normalisé de 30,41666 jours.

Monsieur et madame X... font valoir qu'en présence d'un taux effectif global erroné, l'emprunteur dispose d'une option et que l'action en nullité de la stipulation d'intérêts est recevable, coexistant avec l'action en déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels. Monsieur et madame X... défendent que l'action en nullité de la stipulation d'intérêt est parfaitement recevable, d'autant plus qu'ils critiquent aussi l'inexactitude du taux effectif global dans le contrat de prêt si bien que la jurisprudence se rapportant à l'inexactitude invoquée dans l'offre de prêt n'est pas transposable à l'espèce, et que d'autre part ils pointent l'erreur dans la détermination du taux de période, sanctionnée par la nullité de la stipulation du taux d'intérêt conventionnel, tout comme l'est également la non proportionnalité du taux effectif global au taux de période et l'usage fautif de l'année lombarde.

Sur le fond, l'analyse mathématique réalisée par la société HUMANIA CONSULTANTS met en évidence que le taux effectif global présenté par la banque est erroné, parce que le taux de période, calculé sur la base des éléments affichés dans l'offre de prêt et que la banque se devait d'afficher est de 0,42216 % et non pas de 0,42 %, et parce qu'il y a eu recours fautif à la pratique de l'année dite lombarde pour le calcul du taux d'intérêt et du taux effectif global. En réalité le taux effectif global supporté par les emprunteurs est de 5,13623% et non de 5,06% comme indiqué dans l'offre.

Monsieur et madame X... soutiennent que par ailleurs la pratique de l'arrondi dont se prévaut la banque n'est possible que pour ce qui concerne le taux effectif global calculé selon la méthode d'équivalence ce qui n'est pas le cas d'un prêt immobilier pour lequel le taux effectif global est un taux proportionnel. Aucun texte n'autorise à arrondir le taux de période, mathématiquement unique, et donc le taux effectif global. Et rien n'empêchait la banque de communiquer le taux exact. Elle n'en a rien fait et se trouve engagée par ce qui est indiqué dans l'offre de prêt.

Aussi l'analyse mathématique réalisée par la société HUMANIA CONSULTANTS démontre l'absence d'égalité entre les sommes prêtées et les versements dus ' principe d'équivalence des flux posé par l'article R.313-1 du code de la consommation, et partant, le caractère erroné du taux de période et de ce fait du taux effectif global stipulé dans l'offre de prêt. Par ailleurs il a été omis la prise en compte des frais de notaire (frais de réitération du prêt) des frais liés aux garanties exigées par la banque (hypothèque) alors que la banque ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce qu'ils n'étaient pas déterminables au jour de l'émission de l'offre de prêt (ils l'étaient et la banque s'est abstenue de toutes diligences auprès du notaire pour connaître le montant exact de ces frais). Ce simple constat d'omission suffit à démontrer le caractère manifestement erroné du taux effectif global tel que mentionné dans l'acte de prêt.

Cette accumulation d'anomalies faussant le taux effectif global caractérise également un manquement de la banque à son obligation de loyauté et à son obligation générale d'information, donnant lieu à indemnisation.

Ainsi il est demandé à la cour :

' de déclarer les demandes de monsieur et madame X... recevables et bien fondées;

' de dire et constater que l'offre de prêt émise par la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE enfreint les dispositions légales et réglementaires (...) ;

' d'infirmer le jugement du 8 décembre 2016 ;

En conséquence,

A titre principal,

' de prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts contenue dans l'acte de prêt liant les

parties en raison de l'utilisation par la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de l'année de 360 jours pour calculer les intérêts du prêt ;

' de prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts contenue dans l'acte de prêt liant les

parties en raison des erreurs de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE dans la détermination du taux de période et du taux effectif global, de l'absence d'équivalence des flux, de l'absence d'affichage de la durée de la période ;

' de condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE au remboursement de l'excédent d intérêts indus, à savoir la somme de 37 631,74 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 19 mars 2014, date de la mise en demeure, à parfaire au jour de la décision à intervenir ;

' de fixer le taux applicable au contrat de prêt à hauteur du taux d'intérêt légal pour la

période restant à courir à compter de la décision à intervenir ;

' de condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à produire un nouvel échéancier pour le contrat de prêt en cause, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

A titre subsidiaire,

' de prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels ;

' de condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE au remboursement de l'excédent d intérêts indus, à savoir la somme de 37 631,74 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 19 mars 2014, date de la mise en demeure, à parfaire au jour de la décision à intervenir ;

' de fixer le taux applicable au contrat de prêt à hauteur du taux d'intérêt légal pour la

période restant à courir à compter de la décision à intervenir ;

' de condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à produire un nouvel échéancier pour le contrat de prêt en cause, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

En tout état de cause :

' de condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à ses obligations d'information, de loyauté et d'honnêteté ;

' de débouter la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

' de condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE au paiement, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de la somme de 3 000 euros pour la première instance et celle de 3 500 euros en cause d'appel ;

' de condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux entiers dépens de l'instance.

Par dernières conclusions notifiées le 14 septembre 2018 par la voie du RPVA, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, intimée, demande à la cour :

rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,

' de confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 8 décembre 2016 ;

' de déclarer monsieur et madame X... irrecevables et à défaut mal fondés en l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions, et les en débouter intégralement ;

' de les condamner à payer à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

' de les condamner aux entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Béatrice F... A..., avocat.

L'intimé soutient 'à titre liminaire' que l'action en nullité de la stipulation d'intérêts est irrecevable car la sanction d'un taux effectif global erroné, par application des dispositions de l'article L.312-33 du code de la consommation, seules applicables, n'est pas la nullité de la stipulation d'intérêts mais la déchéance du droit aux intérêts ' sanction qui au demeurant est facultative pour le juge, lequel dispose d'un pouvoir d'appréciation total.

En outre cette action régie par la prescription quinquennale de l'article L.110-4 du code de commerce, est prescrite, par application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, et s'agissant en l'espèce d'une offre acceptée le 22 octobre 2002, la prescription est acquise depuis le 22 octobre 2012. Cela signifie que l'assignation du 4 novembre 2014 est tardive pour avoir été délivrée au delà du délai de prescription de cinq ans, dont le point de départ est la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur ou, lorsque tel n'est pas le cas, la date à laquelle le consommateur aurait pu la découvrir. Or à la simple lecture de l'offre les prétendues erreurs étaient toutes identifiables. Et le rapport d'HUMANIA CONSULTANTS ou celui de monsieur E..., dont se prévalent monsieur et madame X... pour tenter de faire différer le point de départ de la prescription, sont d'ailleurs établis à partir des seuls éléments de l'offre. Monsieur et madame X..., qui se manifestent douze ans après la conclusion du contrat, ne sauraient sur cette base qu'ils invoquent et du fait de leur seule volonté, faire reporter le point de départ de la prescription.

'A titre subsidiaire et sur le fond',

' la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE souligne qu'alors que monsieur et madame X... supportent la charge de la preuve de l'erreur affectant le taux effectif global avec un écart supérieur à la décimale, les analyses mathématiques dont ils se prévalent, émises par HUMANIA CONSULTANTS, ne démontrent aucunement le bien fondé des griefs allégués, et à les supposer fiables les chiffrages (ceux contenus dans le rapport HUMANIA CONSULTANTS relatif à une prétendue inégalité des flux, déjà produit en première instance) du taux de période et du taux effectif global qu'il aurait fallu afficher, mettent en évidence un taux de période de 0,42216%, amenant un taux effectif global de 5,06592 % alors que celui affiché dans l'offre est de 5,06%, soit un écart de 0,00592 point de pourcentage ; déjà le rapport de monsieur E... concluait à un écart de cet ordre ; en l'absence d'un écart supérieur à la décimale aucune sanction n'est encourue;

' la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE soutient que selon la dernière jurisprudence de la cour de cassation la règle de l'exactitude à la décimale est bien applicable au taux effectif global, y compris en ce qui concerne les prêts immobiliers. Et par définition si l'un des deux termes d'une multiplication peut être calculé et exprimé avec une précision d'une décimale, cela implique nécessairement notamment que le résultat c'est à dire le taux effectif global peut être donné et exprimé avec la même précision. La pratique est de bon sens, et largement répandue ;

' la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE fait valoir que les frais d'acte qui constituaient une condition d'octroi du crédit, n'étaient au moment de l'offre pas déterminables avec précision, et ont expressément été évalués, comme l'exige le code de la consommation.

Enfin les calculs proposés par HUMANIA CONSULTANTS, censés établir qu'il y a eu recours à une autre base que celle de l'année civile, ne peuvent visiblement qu'être approximatifs pour avoir été effectués sur la base de données arrondies. Ce rapport n'a donc aucune valeur probante. A l'inverse le calcul de la banque est exact, puisqu'effectué avec un taux de période plus précisément défini non arrondi à ses deux premières décimales. Il fait ressortir qu'il a bien été utilisé une année civile de 365 jours, conformément au code de la consommation, ce qui est parfaitement vérifiable par l'analyse du tableau d'amortissement. Cette démonstration vaut tant pour le calcul du taux effectif global que pour les intérêts intercalaires.

La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE enfin conclut au rejet de la demande indemnitaire de monsieur et madame X... lesquels ne prennent même pas la peine de caractériser le préjudice qu'ils auraient subi. La seule sanction civile de la non conformité d'une offre de prêt à l'article R.313-1 du code de la consommation est la déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels en application de l'article R.312-33 du code de la consommation, de sorte que la banque ne pouvant être sanctionnée deux fois pour le même manquement l'action indemnitaire de l'emprunteur fondée sur la faute de la banque pour ne pas avoir inclus des frais dans le taux effectif global doit être rejetée.

Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions ci-dessus visées.

SUR CE

Considérant que monsieur et madame X... axent principalement leurs prétentions sur la nullité de la stipulation conventionnelle d'intérêts;

Considérant que la banque conclut à l'irrecevabilité d'une telle prétention au regard des dispositions de l'article L.312-33 du code de la consommation en ce qu'il ne sanctionne que par une déchéance du droit aux intérêts l'irrégularité du taux effectif global figurant dans l'offre de prêt;

Considérant qu'aux termes de l'article L.312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction alors en vigueur, le prêteur qui ne respecte pas l'une des obligations prévues à l'article L.312-8 ' lequel renvoie, concernant le taux effectif global, aux prescriptions de l'article L.313-1 du même code en définissant le contenu ' pourra être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge;

Qu'en effet, en vertu des prévisions impératives de l'article L.312-8 du code de la consommation, les manquements aux obligations prévues par cet article sont sanctionnés par l'article L.312-33 du code de la consommation, exclusivement applicables en raison du caractère d'ordre public des dites règles spécifiques édictées pour la protection du consommateur et qui l'emportent donc sur celles, plus générales posées par l'article 1907 du code civil, lequel sanctionne par la nullité l'absence de prescription d'un taux d'intérêt et par extension d'un taux effectif global, dont l'irrégularité éventuelle est assimilée à une absence;

Qu'il en résulte qu'en droit la seule sanction d'un taux effectif global erroné n'est pas la nullité de la clause de stipulation d'intérêts mais la déchéance du droit aux intérêts; que l'action en nullité est irrecevable ;

Considérant qu'en vertu de l'article L.312-33 ancien du code de la consommation, l'action en déchéance du droit de la banque aux intérêts ' demande subsidiaire de monsieur et madame X... ' est soumise à la prescription quinquennale, anciennement décennale, antérieurement à la loi du 17 juin 2018, prévue à l'article L.110-4 du code de commerce, notamment relative aux obligations contractées entre une banque prêteuse et le souscripteur d'un crédit immobilier, le point de départ courant à compter du moment où l'emprunteur a connu ou aurait du connaître l'erreur relative au taux effectif global ;

Considérant qu'en l'espèce, il résulte des énonciations mêmes de l'offre, non contestées par l'appelant lequel se borne à critiquer la décision du premier juge en ce qu'il n'a pas vérifié si le consommateur disposait des compétences financières nécessaires pour lui permettre de déceler par lui-même à la lecture de l'acte de prêt les erreurs affectant le calcul du taux effectif global, que l'offre de prêt acceptée le 22 octobre 2002 porte expressément les mentions suivantes :

'TAUX EFFECTIF GLOBAL DE VOTRE CRÉDIT'

Le taux effectif global (hors frais d'acte) calculé sur la base du taux initial est de 4,55% + 0,51% = 5,06% l'an, soit un taux mensuel de 0,42% . L'incidence des frais d'acte sur ce taux est d'environ 0,15% l'an.' ;

Qu'il est plus haut mentionné des 'charges annexes' qui 'sont les suivantes :

- les primes d'assurance, d'un montant de 53,28 euros

- la commission d'ouverture de crédit, d'un montant de 382 euros

- les frais de tenue de compte d'un montant annuel de 31,00 euros payables à la date anniversaire d'ouverture du compte' ;

Qu'ensuite on peut lire : 'les charges annexes équivalent à un taux de 0,51 % l'an, en supposant le taux d'intérêt constant et le montant du crédit versé en totalité, en une seule fois, à une date d'arrêté de compte.

Les frais d'acte (honoraires du notaire, frais liés à la prise de garantie, taxes diverses) sont évalués entre 1,5 et 2 % du montant du crédit. Le montant exact vous sera indiqué par votre notaire auquel vous les réglerez directement' ;

Considérant qu'il est tout aussi établi et non davantage contesté que le 'rapport' de monsieur E..., en date du 20 novembre 2013 et donc antérieur à celui d'HUMANIA CONSULTANTS, mais qui conclut déjà à l'erreur affectant le taux effectif global pour non respect des prévisions impératives du code de la consommation, a été établi sur la base des seules mentions contenues dans l'offre de prêt acceptée le 22 octobre 2002 ;

Qu'ainsi ce rapport qui en réalité n'est qu'une grille pré-imprimée remplie par son auteur ne fait que confirmer les éléments qui ressortaient de la lecture de l'offre, sans plus value autre que la référence au code de la consommation, et ceci sans qu'il soit opéré de calculs mathématiques particuliers ;

Que les dits calculs ne viendront qu'ultérieurement, en premier lieu dans le rapport de HUMANIA CONSULTANTS, en date du 10 décembre 2014 intitulé 'la recherche de l'erreur';

Considérant qu'il résulte de ces éléments que dès la signature de l'offre l'emprunteur était en mesure de se convaincre de l'erreur invoquée relative au taux effectif global, sans avoir à mobiliser des connaissances mathématiques approfondies ;

Considérant qu'il en résulte que le délai de prescription quinquennale applicable à l'action a commencé à courir au jour de l'acceptation de l'offre le 22 octobre 2002 et non pas au 20 novembre 2013 date du rapport de monsieur E... comme le soutiennent les appelants ' ou encore au 10 décembre 2014 date du rapport de HUMANIA CONSULTANTS qui selon eux révélerait d'autres manquements ;

Considérant en effet que dès lors qu'ils pouvaient avoir connaissance, à la date d'acceptation de l'offre, de certaines irrégularités dans la détermination du taux effectif global indiqué, qu'ils reprochent à la banque et qui auraient pu fonder leur demande, alors qu'ils n'ont pas agi dans le délai de prescription qui expirait au 22 octobre 2012 ' l'assignation introductive d'instance est datée du 4 novembre 2014 ' monsieur et madame X... emprunteurs ne peuvent invoquer la découverte de prétendues nouvelles irrégularités issues de travaux de tiers auxquels ils ont eu recours en cours d'instance, sous peine de faire dépendre le délai de prescription de leur seule volonté, comme cela est présentement le cas avec les rapports successifs d'HUMANIA CONSULTANTS datés du 14 avril 2016 'calcul du taux de période sur la base des éléments communiqués sur l'offre de prêt' puis du 28 décembre 2016 ['calcul de la durée de période unitaire', 'détermination de la durée de l'année retenue par la banque pour le calcul des intérêts', 'calcul du taux d'intérêt réel' 'calcul du TEG d'un prêt accordé pendant une année civile sur la base d'intérêts calculés sur 360 jours'] ;

Considérant que l'action en déchéance du droit de la banque à se prévaloir des intérêts est donc elle aussi prescrite (tout comme l'est l'action en nullité de la stipulation d'intérêts, par ailleurs irrecevable pour les raisons précédemment exposées) ;

Considérant qu'il en est de même s'agissant de l'action en dommages-intérêts fondée sur le non respect des obligations pré-contractuelles de la banque, nécessairement antérieures ou au plus tard contemporaines à l'offre de prêt, prescrite en ce qu'elle relève elle aussi des dispositions de l'article L.110-4 du code de commerce ;

Considérant qu'en conséquence de ce qui précède, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la prescription des actions introduites par monsieur et madame X...;

Qu'il convient en outre de condamner ceux-ci aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, pour des raisons tenant à l'équité par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles engagés à hauteur d'appel, la somme de 3 000 euros ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

Dit irrecevable l'action en nullité de la stipulation d'intérêts,

Condamne solidairement monsieur Alain X... et madame Christiane Y... épouse X... à payer à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés à hauteur d'appel ;

Condamne solidairement monsieur Alain X... et madame Christiane Y... épouse X... aux dépens d'appel et admet Me Béatrice F... A..., avocat au Barreau de Paris, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 17/00184
Date de la décision : 16/01/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°17/00184 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-16;17.00184 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award