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15/01/2019 | FRANCE | N°17/16677

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 15 janvier 2019, 17/16677


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRÊT DU 15 JANVIER 2019



(n°008/2019, 17 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/16677 -

N° Portalis 35L7-V-B7B-B34QW



sur renvoi après cassation, par arrêt de la chambre commerciale financière et économique de la Cour de Cassation rendu le 08 juin 2017 (pourvoi n° J15-22.792), d'un arrêt du pôle 5 cham

bre 2 de la Cour d'appel de PARIS rendu le 22 mai 2015 (RG n°14/06298) rendu sur appel d'un jugement du tribunal grande instance de PARIS du 22 novembre 2013 -3ème c...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRÊT DU 15 JANVIER 2019

(n°008/2019, 17 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/16677 -

N° Portalis 35L7-V-B7B-B34QW

sur renvoi après cassation, par arrêt de la chambre commerciale financière et économique de la Cour de Cassation rendu le 08 juin 2017 (pourvoi n° J15-22.792), d'un arrêt du pôle 5 chambre 2 de la Cour d'appel de PARIS rendu le 22 mai 2015 (RG n°14/06298) rendu sur appel d'un jugement du tribunal grande instance de PARIS du 22 novembre 2013 -3ème chambre - 2ème section (RG n°13/08844)

DEMANDERESSE A LA SAISINE

SA RENT A CAR

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro B 310 591 649

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés [...]

Représentée par Me Dominique X... de l'AARPI Dominique X... - Sylvie D..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

Assistée de Me Séverine Y... de la Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0190

DÉFENDERESSES A LA SAISINE

SAS ENTERPRISE HOLDINGS FRANCE (anciennement dénommée CITER)

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro B 318 771 995

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés [...]

Représentée par Me Bruno A... de la B..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Assistée de Me Alexandra E... SMITH FREEHILLS PARIS LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J025

Société ENTERPRISE HOLDINGS INCORPORATED

Société de droit de l'Etat du Missouri (ÉTATS UNIS D'AMÉRIQUE)

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés [...]

Représentée par Me Bruno A... de la B..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Assistée de Me Alexandra E... SMITH FREEHILLS PARIS LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J025

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Novembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

Monsieur David PEYRON, Président de chambre

Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère

M. François THOMAS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRET :

Contradictoire

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par David PEYRON, Président de chambre et par Karine ABELKALON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La société RENT A CAR, constituée le 3 août 1977 et spécialisée notamment dans la vente, l'achat, la location de voitures avec ou sans chauffeur, la location de tous véhicules de livraison, indique être titulaire, outre de son site Internet accessible à l'adresse www.rentacar.fr, de la marque française verbale 'RENT A CAR' déposée le 26 octobre 1998 sous le n° 98 756 140 pour désigner en classes 12 et 39 les véhicules, véhicules automobiles, véhicules utilitaires, véhicules industriels, camions, camionnettes, remorques, véhicules électriques, location de véhicules, de véhicules de tourisme, de véhicules utilitaires, de véhicules industriels.

La société ENTERPRISE HOLDINGS, fondée aux Etats-Unis en 1957, exerce, par l'intermédiaire de filiales régionales, une activité de location de véhicules qu'elle a étendue en Europe dans les années 1990 et qui s'est exercée sous la dénomination "ENTERPRISE RENT A CAR" selon une charte graphique définie à l'échelle mondiale, caractérisée par l'insertion de la dénomination dans un cartouche de couleurs verte et noire. Elle a déposé le 22 avril 2011, en France, la marque semi figurative 'ENTERPRISE RENT A CAR' n°3825905 :

pour désigner en classe 36 le crédit bail pour véhicules et en classe 39 les services de location et de crédit bail de véhicules, services de réservation pour la location et le crédit bail de véhicules. En février 2012, la société ENTERPRISE HOLDINGS a acquis la société française CITER, créée en 1968, qui exerçait la même activité et qui a été rebaptisée ENTERPRISE HOLDINGS FRANCE avec pour nom commercial ENTERPRISE RENT A CAR / CITER.

Ayant constaté au début de l'année 2013 que les services de location de véhicules offerts sous la marque CITER seraient, à compter du 1er février 2013, offerts sous la marque 'ENTERPRISE RENT A CAR', et après l'envoi, le 14 janvier 2013, d'une lettre de mise en demeure restée infructueuse, la société RENT A CAR a, selon actes d'huissier des 29 mai et 18 juin 2013, fait assigner à jour fixe la société CITER, aujourd'hui dénommée ENTERPRISE HOLDINGS FRANCE, et la société ENTERPRISE HOLDINGS devant le tribunal de grande instance de Paris en réparation de l'atteinte portée à sa dénomination sociale, son nom commercial, son enseigne, son nom de domaine et sa marque.

Par un jugement contradictoire rendu le 22 novembre 2013, le tribunal de grande instance de Paris a :

rejeté les pièces 40 à 57 communiquées [la veille de l'audience] par la société RENT A CAR,

prononcé l'annulation de la marque française verbale RENT A CAR déposée le 26 octobre 1998 sous le n° 98 7 56 140 dont est titulaire la société RENT A CAR pour les services qu'elle désigne en classes 12 et 39, à savoir les Véhicules, véhicules automobiles, véhicules utilitaires, véhicules industriels, camions, camionnettes, remorques, véhicules électriques. Location de véhicules, de véhicules de tourisme, de véhicules utilitaires, de véhicules industriels,

dit que la décision devenue définitive sera transmise par le greffe, sur réquisition de la partie la plus diligente, à l'Institut National de la Propriété Industrielle aux fins d'inscription au Registre National des Marques,

rejeté toutes les demandes de la société RENT A CAR,

condamné la société RENT A CAR à payer aux sociétés ENTERPRISE HOLDINGS et CITER la somme globale de 6 000 euros sur le fondement de l'article700 du code de procédure civile,

Le 22 mai 2015, la société RENT A CAR a interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de Paris qui, par un arrêt rendu le 22 mai 2015, a :

rejeté l'ensemble des demandes de la société appelante,

confirmé le jugement en toutes ses dispositions,

condamné la société appelante à payer aux sociétés intimées la somme globale de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté la demande reconventionnelle en paiement de la société CITER,

condamné la société appelante aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société RENT A CAR s'est pourvue devant la Cour de cassation qui, par un arrêt rendu le 8 juin 2017, a :

cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris, remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyé devant la cour d'appel de Paris, autrement composée,

condamné les sociétés CITER et ENTERPRISE HOLDINGS aux dépens et au paiement à la société RENT A CAR de la somme globale de 3 000 euros et rejeté leur demande à ce titre.

Le 28 juillet 2017, la société RENT A CAR a saisi cette cour désignée comme juridiction de renvoi.

Dans ses dernières conclusions, numérotées 5, transmises le 2 octobre 2018, la société RENT A CAR demande à la cour:

d'infirmer le jugement en ce qu'il :

a annulé la marque RENT A CAR n° 98 756 140,

l'a déboutée de ses demandes,

en conséquence, et statuant à nouveau :

de dire qu'en utilisant à titre de nom commercial la dénomination 'enterprise rent acar', les sociétés ENTERPRISE HOLDINGS et ENTERPRISEHOLDINGS FRANCE ont portés atteinte à ses droits sur sa dénomination sociale, son nom commercial, son nom de domaine et sa marque 'RENT A CAR', actes constituant une concurrence déloyale,

de dire qu'en utilisant à titre d'enseigne le signe distinctif

les sociétés ENTERPRISE HOLDINGS et ENTERPRISE HOLDINGS FRANCE ont porté atteinte à ses droits sur sa dénomination sociale, son nom commercial, son nom de domaine et sa marque RENT A CAR, actes constituant une concurrence déloyale,

de dire qu'en déposant et en utilisant la marque 'ENTERPRISE RENT A CAR' n°3825905, la société ENTERPRISE HOLDINGS a contrefait ses droits sur sa marque 'RENT A CAR' n° 98756140,

de dire qu'en utilisant la marque 'ENTERPRISE RENT A CAR' n°3825905 dont la société ENTERPRISE HOLDINGS est titulaire, la société ENTERPRISE HOLDINGS FRANCE a contrefait ses droits sur sa marque 'RENT A CAR' n° 98756140,

de prononcer la nullité de la marque française 'ENTERPRISE RENT A CAR' n°3825905,

de faire interdiction aux sociétés ENTERPRISE HOLDINGS et ENTERPRISE HOLDINGS FRANCE de toute utilisation de la dénomination 'Rent a Car', à titre de nom commercial, dénomination sociale, enseigne, nom de domaine et marque, et sous quelque forme que ce soit pour désigner l'activité de location de véhicules, et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et infractions constatées à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

de dire que l'arrêt à intervenir, une fois devenu définitif, sera transmis par le greffier, à l'Institut National de la Propriété Industrielle aux fins d'inscription au Registre National des Marques,

de débouter les sociétés ENTERPRISE HOLDINGS et ENTERPRISE HOLDINGS FRANCE de l'ensemble de leurs demandes,

de les condamner à lui payer :

3 000 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né des actes de contrefaçon,

2 000 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né des actes de concurrence déloyale et de pratique déloyale trompeuse,

de les condamner en outre à lui verser la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions du 23 octobre 2018, les sociétés ENTERPRISE HOLDINGS et ENTERPRISE HOLDINGS FRANCE (ci-après, les sociétés ENTERPRISE) demandent à la cour de:

- à titre principal,

de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

ce faisant, de juger que :

la dénomination "RENT A CAR" était descriptive des produits et services désignés en classes 12 et 39 au jour du dépôt de la marque verbale n° 98 756140,

la marque n'a pas acquis de caractère distinctif par l'usage,

de confirmer la nullité de la marque verbale française "RENT A CAR" n° 98 756140 pour défaut de caractère distinctif,

de juger que les termes "rent a car" sont insusceptibles de protection privative à quelque titre que ce soit et notamment à titre de marque, de dénomination sociale, de nom commercial, d'enseigne et de nom de domaine,

- subsidiairement,

de juger que la société RENT A CAR n'a pas fait usage de la marque verbale "RENT A CAR" n° 98 756140 pendant une période ininterrompue de cinq ans à compter de la publication de son enregistrement,

de prononcer la déchéance de la marque verbale "RENT A CAR" n° 98 756140, avec effet au 4 février 2005,

- plus subsidiairement,

de juger que les signes "ENTERPRISE RENT A CAR" et la marque verbale "RENT A CAR" n° 98 756140 ne sont pas similaires,

de juger qu'il n'existe pas de risque de confusion entre les signes "ENTERPRISE RENT A CAR" et la marque verbale "RENT A CAR" n° 98 756140,

de juger en tout état de cause que la société RENT A CAR ne démontre aucune faute constitutive de concurrence déloyale commise à son détriment, ni aucun acte susceptible de caractériser une pratique commerciale trompeuse,

de débouter la société RENT A CAR de toutes ses demandes fondées sur la contrefaçon de sa marque verbale "RENT A CAR" n° 98 756140 et sur l'atteinte à sa dénomination sociale, à son nom commercial, à son enseigne et à son nom de domaine,

- en tout état de cause,

de juger que la société RENT A CAR ne démontre pas le préjudice qu'elle aurait subi du fait des actes dénoncés,

de juger que les mesures d'interdiction, d'astreinte et 'd'exécution provisoire' sollicitées sont injustifiées et disproportionnées,

de débouter la société RENT A CAR de ses demandes d'indemnisation et d'interdiction sous astreinte,

de débouter la société RENT A CAR de l'intégralité de ses demandes,

- à titre reconventionnel,

de juger qu'en obtenant par le biais du chantage de prétendues attestations des salariés de la société ENTERPRISE HOLDINGS FRANCE, sans informer ces derniers de la destination de telles attestations, la société RENT A CAR a employé des man'uvres déloyales et fautives, causant un préjudice à la société ENTERPRISE HOLDINGS FRANCE,

en conséquence, de condamner la société RENT A CAR à verser à la société ENTERPRISE HOLDINGS FRANCE la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts,

de condamner la société RENT A CAR à leur verser la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est du 30 octobre 2018.

SUR CE

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées ;

Sur les demandes en contrefaçon de la marque 'RENT A CAR' n° 98756140 de la société RENT A CAR

Considérant que les sociétés ENTERPRISE poursuivent l'annulation de la marque "RENT A CAR" qui leur est opposée pour défaut de distinctivité ;

Sur la validité de la marque 'RENT A CAR'

Considérant que les sociétés ENTERPRISE soutiennent que la marque verbale française 'RENT A CAR' de la société RENT A CAR est nulle pour défaut de caractère distinctif, dès lors qu'elle était descriptive des produits et services visés au moment de son dépôt en 1998, et qu'elle n'a pas acquis de caractère distinctif par l'usage en 2013 ;

Que la société RENT A CAR répond que sa marque était distinctive au jour de son dépôt le 26 octobre 1998, dès lors que le public pertinent - essentiellement une clientèle de proximité de particuliers ou d'entreprises, et non pas une clientèle internationale voyageant en avion et possédant une bonne connaissance de la langue anglaise - possédait un faible niveau dans cette langue ; qu'elle souligne que cette distinctivité a été reconnue à de nombreuses reprises, tant par l'INPI qui, au terme de la procédure d'enregistrement, a levé son objection quant au défaut de distinctivité, que par l'OHMI ou le tribunal de grande instance et la cour d'appel de Paris ; qu'elle soutient qu'en tout état de cause, la marque a acquis une distinctivité du fait de l'usage qu'elle en a fait de façon intensive ;

Sur le caractère distinctif intrinsèque

Considérant qu'aux termes de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, 'Sont dépourvus de caractère distinctif:

a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire,

générique ou usuelle du produit ou du service;

b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service;

c) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle (...)' ;

Que dans un arrêt rendu le 9 mars 2006, la Cour de justice de l'Union européenne a précisé que que l'article 3, paragraphe 1, sous b) et c), de la Directive sur les marques, 'ne s'oppose pas à l'enregistrement dans un État membre, en tant que marque nationale, d'un vocable emprunté à la langue d'un autre État membre dans laquelle il est dépourvu de caractère distinctif ou est descriptif des produits ou des services pour lesquels l'enregistrement est demandé, à moins que les milieux intéressés dans l'État membre dans lequel l'enregistrement est demandé soient aptes à identifier la signification de ce vocable' (CJUE, 9 mars 2006, C-421/04, Matratzen Concord);

Considérant, en l'espèce, que les termes composant la marque verbale 'RENT A CAR' constituent la simple traduction, en langue anglaise, de l'expression 'louer une voiture', laquelle constitue la description des produits et services véhicules, véhicules automobiles, véhicules utilitaires, véhicules industriels, camions, camionnettes, remorques, véhicules électriques, location de véhicules, de véhicules de tourisme, de véhicules utilitaires, de véhicules industriels désignés à l'enregistrement de la marque ou les évoque directement;

Qu'il est établi par les pièces versées au dossier que les termes 'rent a car' entraient dans la composition de nombreuses marques françaises déposées avant le 26 octobre 1998, date du dépôt ('BUDGET RENT A CAR', 'DOLLAR RENT A CAR', 'PRATICAL RENT A CAR', 'EUROPCAR RENT A CAR', 'WHEELS RENT A CAR'...) (pièce ENTREPRISE 168) ; que la société RENT A CAR indique d'ailleurs qu'elle même a déposé des marques 'RENT A CAR' dès 1988 ; que les sociétés ENTERPRISE justifient en outre que les termes 'rent a car' entraient, depuis les années 1970, dans les dénominations sociales, noms commerciaux ou enseignes de nombreuses de sociétés de location de véhicules (sa pièce 169) ;

Que le consommateur de référence, qui est non pas un consommateur éduqué et averti comme le soutiennent les intimées mais le consommateur français moyen amené à recourir aux services de location de véhicule que ce soit dans un contexte professionnel ou un contexte privé (voyages ou vacances, notamment à l'étranger), dispose de connaissances basiques en anglais, qui, comme l'ont relevé les premiers juges, est la langue étrangère la plus pratiquée dans les établissements d'enseignement, et ce même en 1998; que les termes 'car', 'a', 'rent' appartiennent au vocabulaire de base en anglais et sont, à ce titre, enseignés aux élèves dès les premiers mois d'apprentissage ; que l'anglais est utilisé massivement dans la publicité depuis les années 1990, ainsi que le démontrent, s'il en était besoin, les sociétés intimées (leurs pièces 51 à 85, 88 à 166);

Que pour combattre ces élément, la société RENT A CAR produit une de ses documentations (sa pièce 158) qui fait état du fait que les locations de véhicules sont effectuées principalement pour un usage de proximité (74 %), ce dont elle déduit que la clientèle des loueurs de véhicules n'est pas une clientèle internationale apte à parler et à comprendre l'anglais ; que cependant, comme l'observent pertinemment les intimées, la société décrit sa clientèle de proximité, dans ce même document, comme composée notamment de particuliers voulant disposer d'un véhicule spacieux pour les vacances ou les week end, de clients internautes, de clients grands comptes constitués de grandes entreprises françaises, toutes populations dont on peut raisonnablement affirmer qu'elles possèdent un niveau en anglais leur permettant de comprendre le sens de l'expression 'rent a car' ;

Que l'enregistrement de la marque par l'INPI ou l'OHMI ne constitue pas une reconnaissance du caractère distinctif de cette marque et ne présume en rien de sa validité sur laquelle il appartient au juge, saisi de cette question dans un litige en contrefaçon de ladite marque à l'occasion duquel la partie défenderesse forme une demande reconventionnelle en nullité, de se prononcer ;

Que, dans ces conditions, il sera retenu que la marque 'RENT A CAR' était dépourvue de caractère distinctif au jour de son dépôt ;

Sur l'acquisition du caractère distinctif par l'usage

Considérant que la société RENT A CAR critique le jugement en ce qu'il a refusé de reconnaître l'acquisition du caractère distinctif par l'usage par la marque verbale 'RENT A CAR' en considérant que les pièces versées à ce titre ne visaient pas un usage à titre de marque, mais seulement à titre de dénomination sociale, de nom commercial ou d'enseigne, et que la notoriété de sa marque semi-figurative n° 3459212

et du nom de l'entreprise, ne pouvait servir à démontrer l'ampleur de l'exploitation de la marque verbale éponyme ; que cette appréciation est, selon la société appelante, en contradiction avec les principes énoncés par la Cour de cassation dans son arrêt de censure, issus de la jurisprudence de la Cour de Justice ; qu'elle soutient, qu'alors que l'usage intensif de sa marque semi-figurative n° 3 459 212, de sa dénomination sociale ou de son nom commercial n'a jamais été contesté, et est amplement démontré par les pièces aux débats, leur notoriété et leur connaissance sur le marché permettent au consommateur d'associer les services offerts sous la marque verbale 'RENT A CAR' à la société RENT A CAR, ce qui démontre que cette marque verbale est devenue apte à identifier l'origine commerciale des services en cause;

Que les sociétés ENTERPRISE répondent que l'expression 'Rent a car', couramment employée par une multitude de loueurs de véhicules, ne peut être un indicateur d'origine des services proposés par l'appelante, que l'exploitation de la dénomination sociale et de la marque semi- figurative n'ont pas conféré de caractère distinctif à la marque verbale 'RENT A CAR', caractère qui doit être apprécié au moment où la société ENTERPRISE HOLDINGS FRANCE a commencé à exploiter ses signes en France, et que la marque verbale n'a pas acquis de caractère distinctif par l'usage de la marque semi-figurative et la prétendue connaissance de la dénomination sociale;

Considérant que l'article précité L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit, dans son dernier alinéa, que 'Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l'usage.' ;

Que la Cour de Justice de l'Union Européenne (7 juillet 2005, C-353/03, Nestlé) a dit pour droit que 'le caractère distinctif d'une marque visé à l'article 3, paragraphe 3, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, peut être acquis en conséquence de l'usage de cette marque en tant que partie d'une marque enregistrée ou en combinaison avec celle-ci' ;

Que pour déterminer si une marque a acquis un caractère distinctif par l'usage, l'autorité compétente doit donc apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que la marque est devenue apte à identifier les produits ou services concernés comme provenant d'une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits et services de ceux d'autres entreprises;

Considérant qu'en l'espèce, comme l'ont retenu les premiers juges, les éléments produits par la société RENT A CAR pour justifier de l'usage intensif de sa marque verbale 'RENT A CAR' (ses pièces 31, 32, 300 à 306, 233-1 et 233-2) concernent essentiellement l'usage de sa dénomination sociale ou de son nom commercial ('la société RENT A CAR', 'le loueur RENT A CAR', 'le responsable de l'agence RENT A CAR'...) et, surtout, de sa marque semi-figurative n° 3459212, déposée le 7 novembre 2006 ;

Que la société RENT A CAR démontre à suffisance, par les pièces qu'elle produit aux débats et qui ne sont pas contestées en tant que telles par les sociétés intimées, qu'elle a fait un usage intensif de cette marque semi-figurative, qui se retrouve notamment à la devanture de ses agences, dans ses éléments de communication et documents commerciaux, sur sa flotte de véhicules utilitaires depuis 2010 ; qu'elle justifie également de l'importance des investissements publicitaires engagés pour le développement et la promotion de cette marque ;

Qu'elle justifie également de l'ampleur de son réseau, soit plus de 480 points de location, 200 agences franchisées, 100 succursales et 180 points de relais, dans lesquels elle fait usage de cette marque semi-figurative, de sa dénomination sociale, de son nom commercial et de son enseigneou de son logo ;

Que la large connaissance de son enseigne dans le public est établie par les sondages qu'elle verse aux débats qui montrent notamment que depuis 2011, elle se situe au 4ème rang en notoriété assistée et au 5ème rang en notoriété spontanée et qu'elle représente le 5ème intervenant du marché en termes de parts de marché ;

Que le sondage OPINIONWAY réalisé en juillet 2018 ('Etude sur la connaissance d'une marque de location de voitures') produit par la société RENT A CAR montre que la marque 'RENT A CAR' est 'clairement identifié[e] par les Français titulaires du permis de conduire comme une marque de location de voitures' et que 'Rent A Car fait partie des marques de location de voitures les plus connues des Français titulaires du permis de conduire' ;

Considérant cependant que les sociétés ENTERPRISE produisent, de leur côté, des pièces établissant que de nombreux intervenants du secteur de la location de voitures utilisent, au sein de leurs marques, dénominations et noms commerciaux ou noms de domaine, les termes 'rent a car' ;

Qu'ainsi, la société de location de véhicules HERTZ, titulaire de la marque verbale communautaire 'HERTZ RENT A CAR' n° 001120872 déposée le 17 décembre 2002, fait usage de la dénomination 'HERTZ LOCATION DE VEHICULES RENT A CAR' sur des devantures et à l'entrée de ses agences et est référencée sur le site KAYAK (comparateur de prix) sous la dénomination HERTZ RENT A CAR (pièces 18 à 21) ; que la société de location de véhicules

SIXT, titulaire de la marque semi-figurative 'SIXT RENT A CAR' déposée le 12 octobre 1994, apparaît sur des sites comparateurs de prix avec le logo 'SIXT RENT A CAR' (pièces 22, 205); que la société AVIS apparaît sur un site de comparateur de prix sous l'appellation 'AVIS RENT A CAR' (pièce 205) et effectue des prélèvements sur les comptes bancaires de ses clients sous cette même appellation ; que la société DOLLAR THRIFTY AUTOMOTIVE GROUP, présente eu Europe et notamment en France depuis février 2013, communique sur le développement de sa marque 'DOLLAR RENT A CAR' et a intégré les termes 'rent a car' au sein de son nom de domaine (pièces 23, 24) ; que les appellations des applications téléchargeables HERTZ et BUDGET incluent les termes 'rent a car' ;

Que la pièce 28-2 des intimées (notamment le site infogreffe) montre que de très nombreuses [...], ont incorporé les termes 'rent a car' à leur dénomination sociale, nom commercial ou enseigne (ELITE RENT A CAR FRANCE, ALL CAR RENT A CAR, CORSICA RENT A CAR, ELITE RENT A CAR COTE D'AZUR, MINILOC RENT A CAR...);

Que les intimées établissent encore qu'en 2017, coexistaient près de 100 marques enregistrées, notamment pour la classe 39, comportant dans les éléments verbaux 'rent a car', dont beaucoup enregistrées avant 1998 ('BUDGET RENT A CAR', 'DOLLAR RENT A CAR', 'PRACTICAL RENT A CAR', 'TOYOTA RENT A CAR', 'EUROPCAR RENT A CAR', POP'S CENTRAL RENT A CAR', 'ELITE RENT A CAR'...) (pièces 28-1, 168) ;

Que les pièces 26 (photographie) et 27 (constat d'huissier) des intimées montrent, en outre, que les termes 'rent a car' sont couramment utilisés de manière générique, sur la signalisation, notamment dans les aéroports, pour désigner le lieu où se regroupent les agences de location de véhicules ;

Qu'eu égard à ces éléments qui montrent un usage très répandu des termes descriptifs 'rent a car' dans le secteur de la location de véhicules, à l'absence totale de distinctivité intrinsèque de la marque verbale invoquée, au fait qu'au sein de la marque semi-figurative n°3459212 dont l'usage intensif est démontré, seuls les éléments figuratifs - à savoir, le rectangle bleu dans lequel s'inscrit, en lettres blanches, la marque verbale dont le 'a' est stylisé sur fond rouge, le tout souligné d'un épais trait rouge - sont distinctifs, les éléments verbaux 'rent a car' étant purement descriptifs, la société RENT A CAR ne démontre pas que, malgré l'usage intensif qu'elle fait de sa marque semi-figurative englobant sa marque verbale, cette marque verbale est devenue apte, dans l'esprit du consommateur moyen de la catégorie des produits en cause, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à identifier les produits et services désignés à son enregistrement comme provenant de la société RENT A CAR ;

Qu'il en est de même de l'usage du logo de la société RENT A CAR, connu du public pour être apposé sur les véhicules et utilisé dans la communication de la société, qui reprend strictement, dans la même configuration, les éléments verbaux 'rent a car' et les éléments figuratifs de la marque semi-figurative précitée;

Qu'il en est aussi de même de la dénomination sociale utilisée depuis 1998, de l'enseigne et du nom commercial de la société RENT A CAR, constitués des seuls termes 'rent a car', lesquels entrent dans la composition, dès avant 1998, de la dénomination sociale, du nom commercial ou de l'enseigne de 45 sociétés, dont des sociétés de location de véhicules connues, comme BUDGET RENT A CAR, ELITE RENT A CAR, ACE RENT A CAR (pièce 168 des intimées);

Qu'enfin la renommée alléguée, avérée au vu des pièces produites comme il a été dit, concerne l'enseigne ou la dénomination sociale (pièces 36 et 37 'Notoriété des enseignes de location"; 143, 221 et 227) ;

Que le sondage OPINIONWAY réalisé en juillet 2018, qui concerne les marques ('Etude sur la connaissance d'une marque de location de voitures'), montre qu'en notoriété spontanée (question : 'quelles sont les marques de location de voitures que vous connaissez, ne serait-ce que de nom ''), la marque RENT A CAR n'arrive qu'en 5ème position avec 15 % de réponses (derrière HERTZ 42%, AVIS 36%, EUROPCAR 27%, SIXT 21%) et qu'en notoriété assistée (question : 'parmi les marques de location de voitures suivantes, lesquelles connaissez-vous, ne serait-ce que de nom ''), elle n'arrive qu'en quatrième position avec 62 % de réponses (derrière HERTZ 84 %, EUROPCAR 79 % et AVIS 75 %), ce qui relative la notoriété alléguée, d'autant que, compte tenu de l'usage intensif qui est fait par la société RENT A CAR de sa marque semi-figurative, les sociétés intimées peuvent être suivies quand elles affirment que les personnes interrogées ont eu à l'esprit cette seule marque semi-figurative ;

Que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, considérés globalement, il n'est pas démontré que la marque verbale invoquée soit devenue apte, pour le consommateur moyen, à identifier les produits ou services concernés comme provenant de la société RENT A CAR en les distinguant de ceux proposés par d'autres entreprises;

Que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a retenu que la société RENT A CAR ne fait pas la démonstration que sa marque verbale 'RENT A CAR', dépourvue de caractère distinctif au jour de son dépôt, a acquis ce caractère distinctif par l'usage qui en a été fait ;

Que le jugement doit donc être également confirmé en ce qu'il a débouté la société RENT A CAR de ses demandes formées au titre de la contrefaçon de cette marque, la demande subsidiaire des sociétés ENTERPRISE en déchéance de ladite marque étant sans objet ;

Sur les demandes en concurrence déloyale

Considérant que la société RENT A CAR soutient que le nom commercial ENTERPRISE RENT A CAR, la marque semi figurative 'ENTERPRISE RENT A CAR' n°3825905 et l'enseigne ENTERPRISE RENT A CAR portent atteinte à sa dénomination sociale, son nom commercial, son nom de domaine, son enseigne et sa marque verbale et que l'usage abusif qu'en font les sociétés ENTREPRISE doit donc être interdit sur le fondement de l'article 1240 du code civilet de l'article L. 121-1 du code de la consommation ; qu'elle expose qu'elle est directement en concurrence avec les intimées, que la société ENTERPRISE était inconnue en France au moment de son installation et que le nom commercial ENTERPRISE RENT A CAR est perçu comme 'ENTREPRISE RENTA CAR/société RENT A CAR', ce dont attestent les résultats du sondage OPINIONWAY et les nombreuses confusions entre les deux réseaux commises par les clients, les prestataires ou même l'administration, montrant que l'altération du comportement du consommateur est patent ;

Que les sociétés ENTERPRISE RENT A CAR soutiennent que les dénomination sociale, nom commercial, enseigne et nom de domaine de la société RENT A CAR ne peuvent faire l'objet de droits privatifs en raison du caractère descriptif du signe 'RENT A CAR', tout concurrent de l'appelante étant en droit d'utiliser les termes du langage commun pour les besoins de son activité commerciale et aucun risque de confusion chez le consommateur ne pouvant découler de l'usage des termes descriptifs 'rent a car' quand bien même ceux-ci seraient enregistrés par un intervenant du secteur à titre de dénomination sociale ou utilisés comme nom commercial, enseigne ou nom de domaine, et ce, quelle que soit la renommée acquise par la dénomination sociale en cause ; qu'à titre subsidiaire, les intimées considèrent qu'aucune atteinte n'a été portée aux signes distinctifs invoqués dès lors que les signes en présence diffèrent manifestement et qu'aucun acte de concurrence déloyale ni aucune pratique commerciale trompeuse ne résulte de l'usage de la dénomination 'ENTREPRISE RENT A CAR' ;

Considérant que la demande de la société RENT A CAR ne peut prospérer en ce qu'elle est fondée sur sa marque verbale 'RENT A CAR' n° 98 756 140 annulée ;

Considérant que la dénomination sociale, le nom commercial, le nom de domaine et l'enseigne, au regard de leur valeur commerciale, constituent des signes distinctifs bénéficiant d'une protection juridique autonome contre l'usage postérieur d'un signe identique ou similaire par un tiers non autorisé en vertu du droit commun de la responsabilité civile ;

Qu'en application de l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, ne peut être adoptée comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment : à une dénomination ou raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; à un nom commercial ou à une enseigne connus sur l'ensemble du territoire national, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;

Considérant que la concurrence déloyale doit être appréciée, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, au regard du principe de la liberté du commerce ce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute parla création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce ;

Que l'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée ; que le principe est la liberté du commerce ce qui implique qu'un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle peut être librement reproduit, sous réserve de l'absence de faute préjudiciable à un exercice paisible et loyal de la concurrence ;

Que pour que la reproduction d'un signe à l'identique constitue un acte de concurrence déloyale, il convient de démontrer que cette reproduction est fautive ;

Considérant par ailleurs que l'article L. 121-1 du code de la consommation prévoit qu'une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service ; que cet article prévoit également que constituent des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies notamment à l'article L. 121-2 ; que l'article L. 121-2, 1° dispose qu'une pratique commerciale est trompeuse notamment lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d'un concurrent;

Considérant qu'il n'est pas contesté que la société RENT A CAR a exploité en France les signes distinctifs qu'elle invoque avant l'usage, sur ce même territoire, des signes contestés par les sociétés ENTREPRISE ;

Considérant que l'identité ou la similarité des produits et services en cause n'est pas contestée et que les sociétés RENT A CAR et ENTERPRISE HOLDINGS FRANCE sont en concurrence directe sur le marché de la location de véhiculesen France ;

Considérant que la société RENT A CAR fournit de nombreux exemples de confusion entre les signes distinctifs des deux loueurs de véhicules ; que cependant, nombre de ces exemples concernent des personnes qui ne peuvent être assimilées au consommateur de référence qui est le consommateur moyen de la catégorie des services en cause, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé; qu'ainsi, les pièces fournies par la société RENT A CAR concernant des confusions commises par les services de police, des auxiliaires de justice, l'administration, des fournisseurs, des prestataires de service, des compagnies d'assurance, des agences de presse ou des cabinets de recrutement, ou encore les attestations émanant d'employés ou de franchisés de la société RENT A CAR, dont l'objectivité peut au demeurant être mise en doute compte tenu des liens qui les unissent à la société appelante, ne peuvent être pertinentes pour établir la réalité de la confusion ou du risque de confusion allégués ; que le nombre de clients ayant commis une confusion entre les deux sociétés - environ 75, s'agissant de clients de la société française ENTERPRISE ayant adressé à la société RENT A CAR des demandes ou des réclamations pensant s'adresser à la société ENTERPRISE RENT A CAR ou ayant restitué par erreur à la société RENT A CAR des véhicules loués chez ENTERPRISE RENT A CAR - doit être relativisé au regard de la période couverte par ces exemples (6 années, de 2013 à 2018) et du volume des transactions opérées chaque année par les parties qui s'élève à plusieurs centaines de milliers selon les sociétés intimées, non contredites sur ce point ;

Que le sondage précité OPINIONWAY qui concerne seulement les marques des parties ('Etude sur la connaissance d'une marque de location de voitures') - et, pour la société RENT A CAR, sa marque verbale annulée - ne peut permettre à la société appelante d'établir la réalité du risque de confusion entre le nom commercial, la marque et l'enseigne des intimées et ses propres dénomination sociale, nom commercial, nom de domaine et enseigne ;

Que le risque de confusion allégué n'est donc pas démontré ;

Considérant qu'en outre, l'existence d'une confusion ou d'un risque de confusion ne suffit pas à caractériser la faute dont l'appréciation doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause ;

Que de première part, en l'espèce, les signes distinctifs 'rent a car' de la société RENT A CAR ne sont pas repris à l'identique par les sociétés ENTERPRISE ;

Que le nom de domaine de la société appelante est rentacar.fr, que sa dénomination sociale, comme son nom commercial et son enseigne, sont 'Rent A Car', l'enseigne pouvant être également 'Rent A Car Exception', 'Rent A Car System' ou 'Rent A Car International' ; que les signes contestés sont la marque semi-figurative n° 3825905 précitée constituée du cartouche vert et noir dans lequel s'inscrivent les termes 'enterprise rent-a-car', le nom commercial 'Enterprise Rent-A-Car/Citer' ou 'Enterprise Rent-A-Car' et l'enseigne 'Enterprise Rent-A-Car/Citer' ;

Que sur le plan visuel, si les signes en litige ont tous en commun les termes 'rent a car' disposés dans le même ordre, ils présentent des différences en ce que les signes contestés comportent le terme 'enterprise' en attaque, l'enseigne comprenant, en outre, le terme 'citer' en finale qui correspond à l'ancienne dénomination sociale et à l'ancien nom commercial de l'intimée ; que la marque semi-figurative n° 3825905 de la société ENTERPRISE HOLDINGS consiste en un cartouche vert et noir dans lequel s'inscrivent en lettres minuscules les termes 'enterprise rent-a-car', les mots 'rent a car' étant inscrits en petits caractères, en lettres minuscules, en dessous et à droite du mot 'enterprise' visuellement dominant du fait de sa position ; que l'enseigne contestée est constituée de la marque semi-figurative n° 3825905 précitée - soit un cartouche vert et noir dans lequel s'inscrivent les termes 'enterprise rent-a-car' - et d'un cartouche sur le côté dans lequel s'inscrit le mot 'citer' ; que l'enseigne antérieure de la société appelante reproduit la marque semi-figurative précitée n°3459212 comportant le rectangle bleu dans lequel s'inscrit, en lettres blanches majuscules, la marque verbale dont le 'a' est stylisé sur fond rouge, le tout souligné d'un épais trait rouge ; que les différences visuelles sont donc prédominantes ;

Que sur le plan phonétique, le vocable 'enterprise', absent des signes distinctifs de la société RENT A CAR, se situe en position d'attaque et occupe, à ce titre, une place dominante dans les signes seconds ; que du fait de la présence de ce vocable, les sonorités et les rythmes en présence sont différents ;

Que sur le plan conceptuel, en raison de la traduction aisée des termes 'rent a car' par le consommateur français moyen comme il a été dit, les signes en litige renvoient aux services de location de voiture, le terme 'enterprise' des signes des intimées, aisément traduit par le même consommateur par le mot français 'entreprise' étant également peu distinctif, seul le terme 'citer' au sein de l'enseigne et du nom commercial initial de l'intimée présente un caractère de distinctivité;

Qu'ainsi, les signes en présence diffèrent de façon significative ;

Que de deuxième part, les termes 'rent a car' communs aux signes en présence sont, comme il a été dit, descriptifs, ou à tout le moins fortement évocateurs, des produits et services concernéset très répandus chez les opérateurs du secteur ;

Que, de troisième part, les sociétés intimées se font connaître et communiquent auprès des consommateurs au moyen de leur nom commercial, de leur enseigne ou de leur marque semi-figurative qui comprennent le terme d'attaque 'enterprise' associé parfois à 'citer' et/ou les éléments figuratifs constitué du cartouche vert et noir, selon une charte graphique définie à l'échelle mondiale et fortement distincte, dans lequel s'inscrivent les termes 'enterprise rent-a-car' et aucun élément n'est fourni révélant qu'elles le feraient avec les seuls termes 'rent a car'; que comme l'a relevé le tribunal, les sociétés intimées ont choisi la dénomination ENTERPRISE RENT A CAR à la suite de l'acquisition de la société CITER en 2012, lors de l'implantation de la société ENTERPRISE HOLDINGS en France, pour exercer leur activité sous le même signe dans toute l'Europe ; que le choix de ces termes anglais, descriptifs de l'activité exercée, n'est pas reprochable, la société ENTERPRISE HOLDINGS étant, qui plus est, américaine ; que les sociétés intimées justifient que les sociétés anglaise et irlandaise ont pour nom commercial ENTERPRISE RENT A CAR depuis les années 1990 ; qu'elles justifient encore des investissements engagés pour la promotion de la marque et des services offerts ;

Qu'ainsi, comme l'ont estimé les premiers juges, aucun comportement fautif des intimées n'est démontré dans le choix ou l'utilisation des signes distinctifs contestés, consistant pour les intimées à rechercher ou entretenir une confusion dans l'esprit du consommateur; que les utilisations par les sociétés ENTERPRISE de leurs nom commercial, marque et enseigne ne sont pas fautives au sens de l'article 1240 du code civil ;

Considérant que ces utilisations ne sont pas non plus contraires aux exigences de la diligence professionnelle au sens de l'article L.121-1 du code de la consommation précité; qu'il n'est pas démontré par ailleurs que les exemples de confusion commise par des clients caractérisent une altération - ou une possibilité d'altération - 'substantielle' du comportement du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé des services concernés ; que la société RENT A CAR ne démontre pas, en effet, que les consommateurs auraient massivement cessé de se rendre dans ses agences pour souscrire, en lieu et place, aux services proposés par la société ENTERPRISE HOLDINGS FRANCE et qu'elle aurait ainsi subi un détournement de clientèle; qu'à cet égard, il n'est pas indifférent de relever qu'aucune diminution du chiffre d'affaires ou des parts de marché de la société RENT A CAR n'a été justifiée depuis l'année 2013 au cours de laquelle la société rachetée CITER a adopté la dénomination ENTERPRISE RENT A CAR;

Considérant que les sociétés ENTERPRISE doivent pouvoir poursuivre leurs activités en utilisant le nom commercial ENTERPRISE RENT A CAR, la marque semi figurative 'ENTERPRISE RENT A CAR' n°3825905 et l'enseigne RENT A CAR ;

Considérant que le jugement doit donc être également confirmé en ce qu'il a débouté la société RENT A CAR de ses demandes formées au titre de la concurrence déloyale sur le fondement de l'article 1240 du code civilet des articles L. 121-1 et L. 121-2 1° du code de la consommation;

Sur la demande en nullité de la marque française 'ENTERPRISE RENT A CAR' n°3825905 de la société ENTERPRISE HOLDINGS

Considérant que la société RENT A CAR demande l'annulation de la marque 'ENTERPRISE RENT A CAR' n°3825905 de la société ENTERPRISE HOLDINGS sur le fondement des articles L. 711-4 et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle, arguant que cette marque porte atteinte à ses droits antérieurs sur sa dénomination sociale, son nom commercial et son nom de domaine et créé un risque de confusion ;

Considérant qu'en application de l'article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle, est déclaré nul l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 711-1 à L. 711-4 ; que l'article L. 711-4 prévoit que ne peut être adoptée comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment : à une dénomination ou raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; à un nom commercial ou à une enseigne connus sur l'ensemble du territoire national, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;

Considérant que, comme il a été dit, les signes en présence présentent des différences aux plans visuel, phonétique et conceptuel ; qu'en particulier, au plan visuel, la marque contestée est constituée d'un cartouche vert et noir dans lequel s'inscrivent en lettres minuscules les termes 'enterprise rent-a-car', les mots 'rent a car' étant inscrits en petits caractères, en lettres minuscules, en dessous et à droite du mot 'enterprise' visuellement dominant alors que les signes opposés - dénomination sociale, nom commercial et nom de domaine - constitués des mots 'rent a car' sont purement verbaux ; que phonétiquement, les signes diffèrent du fait de la présence du terme 'enterprise' dans la marque contestée qui confère à cette marque une longueur, un rythme et des sonorités différentes de ceux des signes de la société RENT A CAR ;

Que par ailleurs, comme il a été dit, l'existence d'un risque de confusion n'est pas démontrée ;

Que la demande d'annulation de la marque 'ENTERPRISE RENT A CAR' ne peut donc prospérer;

Que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté la société RENT A CAR de sa demande de ce chef ;

Sur la demande indemnitaire des sociétés ENTERPRISE

Considérant que les sociétés ENTERPRISE prétendent que la société RENT A CAR a employé des man'uvres déloyales pour obtenir, par le biais du chantage, des attestations des salariés de la société ENTERPRISE HOLDINGS FRANCE, sans informer les intéressés de la destination de telles attestations ; qu'elles expliquent que des employés RENT A CAR ont délibérément accepté de réceptionner des véhicules qu'ils savaient appartenir à la société ENTERPRISE RENT A CAR, puis contacté des salariés de cette société pour consentir la restitution du véhicules moyennant la remise d'une déclaration par laquelle les salarié ENTERPRISE RENT A CAR indiquaient que le client avait commis une confusion entre les enseignes ; qu'elles ajoutent que la société RENT A CAR a par ailleurs établi elle-même des déclaration écrites en tentant de les faire passer pour des attestations de clients (pièce RENT CAR 181) et rempli des formulaires "RENT A CAR" en indiquant qu'un véhicule aurait été restitué "par un client ENTERPRISE suite à une confusion d'enseigne" et en y apposant la carte d'un employé ENTERPRISE tentant ainsi de faire croire que le formulaire aurait été rempli ou validé par un préposé des intimées (pièce RENT CAR 212) ;

Que la société RENT A CAR conteste toute déloyauté, faisant valoir qu'il est normal que les véhicules aient été restitués contre un écrit, le fait que les salariés ENTERPRISE RENT A CAR aient admis l'existence d'une confusion entre les enseignes n'étant que l'expression de la réalité;

Considérant que la pièce 181 ne peut qu'être écartée, aucune indication n'étant donnée quant à la qualité de Mme C... ;

Que pour le reste des pièces concernées (83, 84, 92, 169, 179,191, 212), il s'agit de récépissés émanant d'employés de la société ENTERPRISE HOLDINGS FRANCE qui indiquent récupérer des véhicules laissés par erreur dans des agences RENT A CAR ; que les manoeuvres alléguées n'étant pas démontrées, la demande indemnitaire sera rejetée ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Considérant que la société RENT A CAR qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées ;

Que la somme qui doit être mise à la charge de la société RENT A CAR au titre des frais non compris dans les dépens exposés par les sociétés ENTERPRISE HOLDINGS et ENTERPRISE HOLDINGS FRANCE peut être équitablement fixée à 6 000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf à préciser que le rejet des pièces 40 à 57 de la société RENT A CAR prononcé par le tribunal est devenu sans objet devant la cour,

Y ajoutant,

Déboute les sociétés ENTERPRISE de leur demande indemnitaire fondée sur le caractère déloyal de l'obtention par la société RENT A CAR d''attestations' émanant de ses salariés,

Dit que la décision devenue définitive sera transmise par le greffe, sur réquisition de la partie la plus diligente, à l'Institut National de la Propriété Industrielle aux fins d'inscription au registre national des marques,

Condamne la société RENT A CAR aux dépens d'appel et au paiement aux sociétés ENTERPRISE HOLDINGS et ENTERPRISE HOLDINGS FRANCE de la somme de 6000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE PRÉSIDENTLE GREFFIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 17/16677
Date de la décision : 15/01/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I1, arrêt n°17/16677 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-15;17.16677 ?
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