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11/01/2019 | FRANCE | N°17/14385

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 11 janvier 2019, 17/14385


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 11 Janvier 2019



(n° , 3 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/14385 - RG 17/15111 -

RG 18/00323 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4RU2



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Novembre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 16/01022



APPELANTE

SOCIÉTÉ GROUPE LEADER venant aux droits

et obligations de la SOCIÉTÉ LEADER INTERIM.

N° SIRET : 509 536 371

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Laurent RIQUELME, avocat au barreau de PARIS, toque : D0295





IN...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 11 Janvier 2019

(n° , 3 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/14385 - RG 17/15111 -

RG 18/00323 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4RU2

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Novembre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 16/01022

APPELANTE

SOCIÉTÉ GROUPE LEADER venant aux droits et obligations de la SOCIÉTÉ LEADER INTERIM.

N° SIRET : 509 536 371

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Laurent RIQUELME, avocat au barreau de PARIS, toque : D0295

INTIMES

Madame [L] [X] veuve [D]

Née le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 2] (PORTUGAL)

Chez [L] [Z],

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparante en personne, assistée de Me Arnaud OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0476 substitué par Me Hélène BERTHOUX, avocat au barreau de PARIS,

toque : A476

Madame [L] [X] [O]

Née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 2] (PORTUGAL)

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Arnaud OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0476 substitué par Me Hélène BERTHOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : A476

Monsieur [G] [T] [O]

Né le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 2] (PORTUGAL)

[Adresse 4]

[Localité 5]

comparant en personne, assisté de Me Arnaud OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0476 substitué par Me Hélène BERTHOUX, avocat au barreau de PARIS,

toque : A476

Madame [L] [Q] [O] épouse [Y]

Née le [Date naissance 4] 1969 à [Localité 2] (PORTUGAL)

[Adresse 5]

[Localité 5]

comparante en personne, assistée de Me Arnaud OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0476 substitué par Me Hélène BERTHOUX, avocat au barreau de PARIS,

toque : A476

Madame [L] [A] épouse [L]

Née le [Date naissance 5] 1971 à [Localité 2] (PORTUGAL)

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparante en personne, assistée de Me Arnaud OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0476 substitué par Me Hélène BERTHOUX, avocat au barreau de PARIS,

toque : A476

Monsieur [C] [H] [O]

Né le [Date naissance 6] 1972 à [Localité 2] (PORTUGAL)

[Adresse 6]

[Localité 5]

comparant en personne, assisté de Me Arnaud OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0476 substitué par Me Hélène BERTHOUX, avocat au barreau de PARIS,

toque : A476

Monsieur [W] [O]

Né le [Date naissance 7] 1973 à [Localité 2] (PORTUGAL)

[Adresse 7]

[Localité 6]

représenté par Me Arnaud OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0476 substitué par Me Hélène BERTHOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : A476

Madame [V] [L] [O] épouse [N]

Née le [Date naissance 8] 1974 à [Localité 2] (PORTUGAL)

[Adresse 8]

[Localité 7]

comparante en personne, assistée de Me Arnaud OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0476 substitué par Me Hélène BERTHOUX, avocat au barreau de PARIS,

toque : A476

Monsieur [P] [O]

Né le [Date naissance 9] 1976 à [Localité 8]

[Adresse 9]

[Localité 9]

représenté par Me Arnaud OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0476 substitué par Me Hélène BERTHOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : A476

SA SOCIÉTÉ ENTREPRISE GÉNÉRALE LÉON GROSSE

[Adresse 10]

[Localité 10]

représentée par Me Brigitte BEAUMONT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0372

Société SOCIÉTÉ AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE

[Adresse 11]

[Localité 11]

représentée par Me Brigitte BEAUMONT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0372

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ESSONNE

[Adresse 12]

[Localité 9]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 13]

[Localité 12]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Septembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre, et Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère ; chargées du rapport.

Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre

Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère

M. Lionel LAFON, Conseiller

Greffier : Mme Typhaine RIQUET, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- délibéré du 23 Novembre 2018 prorogé au 07 Décembre 2018 puis au 11 Janvier 2019, prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre et par Mme Typhaine RIQUET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur les appels régulièrement interjetés par la société GROUPE LEADER, venant aux droits et obligations de la société LEADER INTERIM (RG n°17/14385), par les consorts [O] (RG n°18/00323) et par la société ENTREPRISE GÉNÉRALE LEON GROSSE et la société AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE prise en sa qualité d'assureur de cette société (RG n°17/15111) d'un jugement rendu le 14 novembre 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry dans un litige les opposant, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de l'ESSONNE.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.

Il suffira de rappeler que M. [A] [O] a été embauché par la société LEADER INTERIM à compter du 28 décembre 2015 et mis à la disposition de la société ENTREPRISE GENERALE LEON GROSSE, entreprise utilisatrice, en qualité de « Chef d'équipe N4P2 », et ce, jusqu'au 8 janvier 2016, puis jusqu'au 5 février 2016.

Le 25 janvier 2016, aux alentours de 8h50, M. [O] a été victime d'un accident sur son lieu de travail. Alors qu'il procédait au levage, au moyen d'une grue, d'un podium central d'une cage d'ascenseur, le podium adjacent a basculé et a entraîné dans sa chute sur une hauteur de près de dix mètres la victime, qui est décédée trois jours après la survenance de l'accident, le [Date décès 1]r 2016.

L'accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle.

La mère et les frères et soeurs de M. [O] (ci-après, les consorts [O]) ont saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'EVRY par requête enregistrée le 16 décembre 2016, aux fins de voir reconnaître l'existence de la faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail.

Par un jugement du 14 novembre 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry a :

- reconnu la faute inexcusable de la société LEON GROSSE ;

- alloué à Mme [L] [K], veuve [lire : mère] de la victime, la somme de 25.000,00€ en réparation de son préjudice moral ;

- fixé les sommes dues aux héritiers de la victime dans le cadre de l'action successorale :

-12.000€ au titre des souffrances endurées ;

-18.263,54€ au titre de l'indemnité forfaitaire.

- rejeté la demande formulée au titre du préjudice d'agrément ;

- condamné in solidum la société LEADER INTERIM et la société LEON GROSSE à verser à chacun des requérants sauf Mme [U] [K] et M. [W] [O], la somme de 200€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum la société LEADER INTERIM et la société LEON GROSSE à verser à Maître Arnaud OLIVIER la somme de 800€ au titre de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile ;

C'est le jugement attaqué par la société GROUPE LEADER, venant aux droits et obligations de la société LEADER INTERIM (RG n°17/14385), par les consorts [O] (RG n°18/00323) et par la société ENTREPRISE GÉNÉRALE LEON GROSSE et la société AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE prise en sa qualité d'assureur de cette société (RG n°17/15111).

La société LEON GROSSE et la société AXA font déposer et soutenir oralement par leur conseil des conclusions écrites invitant la cour à :

- Ordonner la jonction de la présente instance avec les instances dont est saisie la cour sur les appels interjetés par les consorts [O] et la société GROUPE LEADER et qui sont enrôlées sous les numéros de RG 18/00323 et 17/14835 ;

-Infirmer le jugement déféré,

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

-Dire et juger que les consorts [O] ne rapportent pas la preuve de la faute inexcusable qu'ils allèguent ;

-Débouter par suite les consorts [O] et, en tant que de besoin, toute autre partie de leurs demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société ENTREPRISE GENERALE LEON GROSSE ;

A titre subsidiaire,

-Confirmer le jugement en ce qu'il a fixé à la somme de 25.000 € à Mme [K] en réparation de son préjudice moral ;

-Sur l'action successorale, confirmer le jugement en ce qu'il a fixé à la somme de 12.000€ le montant de l'indemnisation des souffrances physiques et morales endurées par M.[A] [O] avant son décès et en ce qu'il a rejeté la demande formée par ses héritiers au titre du préjudice d'agrément ;

- Sur l'indemnité forfaitaire, infirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande formée des consorts [O] et les en débouter ;

-Dire et juger que l'indemnisation sera versée par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, laquelle dispose d'une action en remboursement à l'encontre de l'employeur, la société GROUPE LEADER, venant aux droits et obligations de la société LEADER INTERIM ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a fait droit aux demandes de frais irrépétibles des frères et s'urs de Monsieur [A] [O] alors que ceux-ci n'ont pas la qualité d'ayants droit et sont irrecevables à former de telles demandes devant la juridiction de sécurité sociale ;

-Débouter les consorts [O] de leurs demandes de frais irrépétibles formées en cause d'appel ;

-Dire et juger que la décision ne pourra pas aller au-delà d'une déclaration d'arrêt commun à l'encontre de la compagnie AXA France IARD,

-Débouter les consorts [O] et en tant que de besoin toute autre partie, du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.

Faisant valoir que :

-aucune poursuite pénale n'a été exercée à l'encontre de la société LEON GROSSE,

-en application des dispositions des articles L452-1 et L412-6 du code de la sécurité sociale, l'action en reconnaissance de la faute inexcusable est exercée par le salarié ou ses ayants droit à l'encontre de son employeur, en l'occurrence la société LEADER INTERIM.

-seul l'employeur peut exercer une action récursoire à l'encontre de l'entreprise utilisatrice qu'il s'est substituée dans la direction,

- le salarié, de même que la caisse ne disposent donc d'aucune action directe contre l'entreprise utilisatrice,

- la présomption édictée à l'article L4154-3 du code du travail dont se prévalent les consorts [O] n'a nulle vocation à s'appliquer en l'espèce ; en effet, le poste de travail auquel était affecté le salarié n'était pas un poste à risques et n'avait donc pas à figurer sur la liste des postes à risques particuliers établie par la société,

- la victime était un salarié particulièrement expérimenté (chef d'équipe confirmé N4P2), disposant d'une expérience de 30 ans en matière de bâtiment et exerçant les fonctions de chef d'équipe depuis 2005 pour la société LEADER INTERIM,

- ce salarié était formé et averti des risques inhérents à tout chantier et aucune formation à la sécurité renforcée n'avait donc à lui être dispensée en plus de la formation qui lui avait été dispensée par son employeur ainsi qu'à tout nouvel arrivant sur le chantier,

- les consorts [O] qui ont la charge de cette preuve n'établissent pas la faute inexcusable,

- les podiums d'ascenseur sont des matériels courants, utilisés dans tous les chantiers de construction pour la réalisation des trémies d'ascenseur, leur usage est bien connu de ses utilisateurs, il s'agit d'une tâche courante et l'utilisation de trois podiums au lieu d'un podium monobloc n'est pas proscrite,

-c'est pour une raison inexpliquée et inexplicable que M. [O] est resté seul dans la cage d'ascenseur alors que le grutier man'uvrait le podium n°5, et le comportement imprévisible du salarié, qui s'est affranchi des règles élémentaires de prudence et du mode opératoire applicable, est seul à l'origine de son accident,

- ce travail entrait dans le cadre des attributions normales de la victime,

-le grutier avait reçu toute formation et était apte à la conduite des grues,

Subsidiairement,

-la réparation du préjudice moral de la mère de M. [O] a justement été fixée à 25.000€,

-la société ne discute pas l'existence de souffrances subies par M. [O] avant son décès survenu 3 jours après son accident sans avoir repris connaissance et la réparation fixée à la somme de 12.000 € doit être confirmée,

-le préjudice d'agrément étant un poste de préjudice post consolidation, il n'y a lieu à indemnisation,

- M. [O] ne pouvait bénéficier du versement de l'indemnité forfaitaire visée à l'article L452-3 1° du code de la sécurité sociale et la société demande donc à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de débouter les consorts [O] de leur demande formulée au titre de l'indemnité forfaitaire,

-les demandes d'article 700 formées par les consorts [O] alors même que ceux-ci n'ont pas la qualité d'ayants droit au sens de l'article L434-7 du code de la sécurité sociale sont irrecevables, à l'exception de M. [W] [O] auquel il a été alloué la somme de 800€ en application de l'article 700 alinéa 2,

-les juridictions de sécurité sociale sont incompétentes pour prononcer toute condamnation, y compris au titre de l'article 700 du CPC, à l'encontre de la compagnie AXA France IARD, l'arrêt à intervenir ne pouvant que lui être déclaré commun et opposable.

Les consorts [O], à savoir :

-Mme [L] [X], veuve [D], mère,

-Mme [L] [X] [O], s'ur,

-M. [G] [T] [O], frère,

-Mme [L] [Q] [O], épouse [Y], s'ur,

-Mme [L] [A], épouse [L], s'ur,

-M. [C] [H] [O], frère,

-M. [W] [O], frère,

-Mme [V] [L] [O], épouse [N], s'ur,

-M.[P] [O], frère,

font déposer et soutenir oralement par leur conseil des conclusions écrites invitant la cour à :

-Confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu la faute inexcusable de l'employeur à l'origine de l'accident du travail du 25 janvier 2016 et du décès de leur fils et frère ;

-Confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de versement de l'indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation le 28 janvier 2016, soit 18.263,54€ ;

-Confirmer le jugement concernant les sommes accordées au titre de l'article 700 al. 1 du code de procédure civile, in solidum, sans préjudice des sommes accordées sur ce fondement au titre de la procédure d'appel, mais l'infirmer concernant les sommes accordées au titre de l'article 700 al.2 du même code qualifiées d'honoraires à Maître Arnaud OLIVIER ;

-Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté les Consorts [O] de leur demande au titre du préjudice d'agrément,

-Infirmer le jugement concernant le montant des indemnisations accordées à titre de réparation des préjudices,

Et, statuant à nouveau,

-Fixer le préjudice moral de Mme Madame [L] [X], veuve [D] (mère) à la somme de 60.000€ ;

-Au titre des préjudices subis par M.[A] [O] (demandes formées au titre de l'action successorale des héritiers) :

-Fixer les souffrances physiques et morales endurées par M. [A] [O] à la somme de : 80.000€

-Fixer le préjudice d'agrément de M. [A] [O] à la somme de: 80.000€

-Dire et juger que ces sommes seront versées aux consorts [O] par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, conformément à l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale ;

-Condamner la société ENTREPRISE GENERALE LEON GROSSE et la société LEADER INTERIM in solidum à verser les sommes suivantes au titre de l'article 700, 1° du code de procédure civile:

- 2.000€ en faveur de Madame [L] [X], veuve [D] (mère) ;

- 2.000€ en faveur de M. [P] [O] (frère) ;

- 2.000€ en faveur de M. [G] [T] [O] (frère) ;

- 2.000€ en faveur de Mme [L] [Q] [O], épouse [Y] (s'ur) ;

- 2.000€ en faveur de Mme [L] [A], épouse [L] (s'ur) ;

- 2.000€ en faveur de Monsieur [C] [H] [O] (frère) ;

- 2.000€ en faveur de Madame [V] [L] [O], épouse

[N] (s'ur) ;

-Déclarer la décision à intervenir opposable à la société AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE;

Faisant valoir que :

-M. [A] [O] était exclusivement chargé d'encadrer l'équipe affectée à la réalisation des voiles de façade (ou voiles périphériques ' situés à l'extérieur),

- le jour de l'accident, il lui avait été demandé de procéder à des travaux d'enlèvement de podiums d'ascenseur, c'est-à-dire des travaux liés à la réalisation des voiles intérieurs,

-il se trouvait sur le platelage du podium n°4 pour préparer le retrait du podium du milieu, n°5, qui s'est affaissé l'emportant avec lui jusqu'au fond de la fosse de la cage d'ascenseur, soit trois étages plus bas,

-parmi les graves manquements relevés à l'encontre de la société LEON GROSSE, il y a le fait que les podiums et platelages mis à disposition des travailleurs et installés dans la trémie dans laquelle la victime a chuté ont été détournés de leur destination d'origine et bricolés afin d'être utilisés dans les trémies triplex, impactant dangereusement leur stabilité,

-une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société utilisatrice qui s'est substituée dans la direction du salarié intérimaire peut être valablement formulée par ce dernier, sans qu'il ait à se prononcer sur la répartition des conséquences financières,

-en application de l'article L 4154-3 du code du travail, la faute inexcusable de l'employeur prévue à l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est présumée établie pour les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, ils n'auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par l'article L. 4154-2,

-l'employeur ne peut chercher à s'exonérer de son obligation de formation en invoquant l'expérience antérieure du salarié,

-la victime était exposée à un risque de chute de hauteur et les postes de travail exposant aux travaux en hauteur doivent figurer sur la liste établie par le chef d'établissement et prévue par l'article L 4154-2 du code du travail.

- la cour de céans ne pourra que considérer, à l'instar de l'inspection du travail, que son poste de travail aurait dû y figurer,

-la société devait nécessairement avoir conscience du danger en raison de la dangerosité intrinsèque des travaux en hauteur, de la réglementation précise relative à l'installation et à l'utilisation des plates-formes de travail et de l'évaluation des risques,

-le PPSPS est muet concernant les opérations en rapport avec les podiums d'ascenseurs, aussi bien pour la pose, le déplacement ou le retrait,

-il n'existait pas une impossibilité technique d'installer une plate-forme unique dans les trémies triplex,

-la fiche technique et cinématique de mise en place des podiums établie par la société COPAC, fabricant, fait apparaître que ces podiums avaient pour vocation à être utilisés indépendamment et non de manière accolée dans une même trémie,

-des empochements sauvages et grossiers ont été effectués dans les parois de la trémie, afin d'y faire rentrer les pieds des podiums,

-la victime était affectée lors de l'accident à une tâche ne relevant pas de ses missions, comme confirmé par les travailleurs interrogés par l'inspection du travail et les services de police,

-l'inspection du travail a relevé des infractions aux dispositions réglementaires applicables à l'installation et l'utilisation des plates-formes de travail, notamment relatives aux équipements de travail mais également aux échafaudages,

-l'inspection du travail a également relevé l'absence de formation aux travaux sur des podiums d'ascenseurs,

-la victime n'a pas commis de faute inexcusable ou de 'geste imprévisible',

-le préjudice moral de la mère de la victime a été sous-évalué, ses frères et s'urs relatant qu'ils étaient particulièrement proches, que leur frère était le pilier de cette grande famille de 9 enfants, que sa perte a été un choc immense pour toute la famille et tout particulièrement sa mère et son frère [G] avec lequel il vivait, que la santé physique et mentale de leur mère s'est fortement dégradée et qu'un état dépressif s'est installé d'après son médecin,

-la mère de la victime qui a la qualité d'ayant droit au sens de l'article L 434-7 CSS, mais également les frères et s'urs héritiers de la victime, sont donc parfaitement recevables à solliciter l'indemnisation des préjudices subis par le défunt, au titre de l'action successorale,

- la somme de 80.000€ en réparation des souffrances endurées pendant trois jours avant de succomber est parfaitement justifiée,

-le préjudice d'agrément est avéré, du fait de l'impossibilité définitive pour la victime de se livrer à tout type d'activité ludique ou sportive particulière, mais également de la simple privation des agréments normaux de l'existence, la preuve des activités pratiquées par la victime étant largement rapportée,

-en application de l'article L.452-3 alinéa 1er in fine, si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100%, il est lui alloué également une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.

La société GROUPE LEADER fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions écrites invitant la cour à infirmer le jugement déféré,

Et, statuant à nouveau,

À titre principal, à :

-Débouter les consorts [O] de l'intégralité de leurs demandes,

-Condamner solidairement les consorts [O] à régler à la société GROUPE LEADER la somme de 3.000,00€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

À titre subsidiaire,

-Dire et juger que seule la société ENTREPRISE GENERALE LEON GROSSE était, en sa qualité d'entreprise utilisatrice, responsable des conditions d'exécution du travail lors de la survenance de l'accident de travail de M. [O], et est en mesure de répondre d'une éventuelle faute inexcusable,

-Condamner la société ENTREPRISE GENERALE LEON GROSSE à :

-garantir intégralement la société GROUPE LEADER de l'ensemble des conséquences financières qui découleraient de la reconnaissance d'une faute inexcusable à l'origine de l'accident subi par M. [O],

-garantir intégralement la société GROUPE LEADER des sommes qui seraient allouées aux consorts [O] en application des dispositions de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale, et ce, sur le fondement des dispositions combinées des articles L.241-5-1, L.412-6 et L.452-4 du code de la sécurité sociale,

-garantir intégralement la société GROUPE LEADER des sommes qui seraient versées aux consorts [O] en application de l'article 700 du code de procédure civile et mises à la charge de la société GROUPE LEADER,

-Condamner la société ENTREPRISE GENERALE LEON GROSSE à verser à la société GROUPE LEADER la somme de 3.000,00€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-Déclarer l'arrêt à intervenir commun à la société AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE, prise en sa qualité d'assureur de la société ENTREPRISE GENERALE LEON GROSSE au jour de l'accident de M. [O],

-Condamner la société ENTREPRISE GENERALE LEON GROSSE aux éventuels dépens.

Faisant valoir que :

- le jugement n'a pas suffisamment caractérisé l'existence d'une faute inexcusable à l'origine de l'accident,

-ces prétendus manquements de l'entreprise utilisatrice, outre qu'ils ne sont pas établis, ne sont pas de nature à caractériser la faute inexcusable,

-seule la man'uvre imprévisible effectuée par M. [O] au cours de l'opération d'enlèvement des podiums, est à l'origine de son accident,

-malgré son expérience professionnelle et sa connaissance des règles de sécurité,

M. [O] est resté sur le podium n°4 au moment du retrait du podium n°5, et ce comportement constitutif d'une violation d'une règle élémentaire de sécurité a provoqué cet accident,

- aucune formation théorique ou pratique n'est de nature à être dispensée pour éviter un accident causé par une man'uvre imprévisible constituant une violation des règles de sécurité élémentaires ,

-en plus de l'adéquation des compétences de M. [O] avec le poste occupé et sa grande expérience professionnelle, il est démontré que celui-ci a bénéficié d'une formation à la sécurité lors de son arrivée sur le chantier le 28 décembre 2015 tant sur les consignes de sécurité à observer sur le chantier que sur les mesures de protection collective et les risques liés au poste de travail occupé et il lui a été remis un livret de sécurité intitulé « Intérimaires, vos missions en toute sécurité », lequel rappelait en détail les règles de sécurité à respecter sur le chantier,

-l'utilisation de trois podiums au lieu d'un seul podium (dit « monobloc ») n'est pas de nature à caractériser une quelconque faute inexcusable imputable à la société LEON GROSSE, dès lors que l'utilisation d'un tel matériel est tout à fait admise et respectueuse des règles de sécurité,

-le procès-verbal de l'inspecteur du travail établit l'impossibilité technique d'installer une unique plateforme de travail dans les trémies triplex,

-aucun manquement ne saurait être imputé à l'entreprise de travail temporaire,

-elle s'en rapporte pour le surplus aux moyens développés par la société LEON GROSSE,

-à titre subsidiaire, elle demande qu'il soit dit que la société LEON GROSSE, prise en sa qualité d'entreprise utilisatrice, devra la garantir de l'intégralité des conséquences financières pouvant découler de la reconnaissance d'une faute inexcusable,

-la société LEON GROSSE était substituée dans la direction à la société LEADER INTERIM, devenue GROUPE LEADER, et à ce titre, seule la société LEON GROSSE peut être reconnue comme étant l'auteur de l'éventuelle faute inexcusable, en application des dispositions de l'article L.412-6 du code de la sécurité sociale,

-les juges du fond peuvent tenir compte de la faute de la victime dans la fixation de l'indemnité revenant à la mère en réparation de son préjudice moral dont le montant est fixé par les juges du fond dans l'exercice de leur pouvoir d'appréciation,

-faute d'avoir la qualité d'ayants droit, les frères et s'urs de M. [O] ne sont pas recevables à solliciter la réparation du préjudice moral personnel de la victime,

-les autres demandes doivent être rejetées,

-subsidiairement les demandes d'indemnisation formulées par les consorts [O] au titre de leur action successorale ont un caractère excessif,

-elle ne peut être condamnée in solidum avec la société LEON GROSSE au versement de diverses sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en raison de l'absence tout grief retenu à son encontre,

-enfin, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société GROUPE LEADER les frais irrépétibles qu'elle a dû supporter pour assurer sa défense dans le cadre de la présente instance.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne fait soutenir et déposer des conclusions écrites par lesquelles elle entend :

-s'en remettre à justice sur le principe de la reconnaissance de la faute inexcusable,

et, dans le cas où la cour en reconnaîtrait l'existence,

-qu'il soit dit qu'aucune majoration de la rente ne pourra intervenir en l'absence de rente d'ayant droit,

-s'en remettre à justice sur le montant du préjudice moral et des souffrances endurées,

-qu'il soit dit qu'il n'y a pas lieu d'indemniser un préjudice d'agrément,

-indiquer expressément quelle entreprise devra la rembourser des sommes avancées.

Il est fait expressément référence aux conclusions déposées par les parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions.

SUR CE,

-Sur la jonction des procédures:

Les appels sus énoncés portant sur le même jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry en date du 14 novembre 2017, il y a lieu, pour une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction des dites procédures sous le numéro RG n°17/14385.

-Sur la reconnaissance de la faute inexcusable :

-sur la faute inexcusable de la société utilisatrice :

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail et les maladies professionnelles, et le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il résulte par ailleurs des articles L4121-1 et L4121-2 du code du travail dans leur version applicable aux faits que l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses travailleurs, ces mesures comprenant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

Il suffit que le manquement de l'employeur en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de celui-ci soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.

Il incombe en principe au salarié qui invoque la faute inexcusable de son employeur de rapporter la preuve de ce que celui-ci avait ou devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, et de ce qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Cependant le salarié intérimaire peut bénéficier d'une présomption de faute inexcusable de la société utilisatrice.

-sur la présomption de faute inexcusable de la société utilisatrice :

L'article L 4154-2 du code du travail prévoit que les salariés intérimaires « affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, bénéficient d'une formation renforcée à la sécurité, ainsi que d'un accueil et d'une information adaptés. »

En application de l'article L.4154-3 du code du travail, l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur est présumée établie pour les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise, victimes d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, ils n'auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par l'article L 4154 - 2 du même code.

Pour bénéficier de cette présomption, il doit donc être établi d'une part que le salarié était affecté à des postes de travail présentant des risques particuliers et que d'autre part, il n'avait pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée ;

En l'espèce, il résulte des débats que M. [A] [O], qui, mis à disposition par la société LEADER INTERIM, travaillait pour la société LEON GROSSE spécialisée en travaux du bâtiment, a chuté dans une fosse d'ascenseur après que le podium s'est affaissé pendant l'opération de démontage, entraînant le décès du salarié ;

Le contrat de travail du salarié établit qu'il était en charge d'effectuer l'encadrement des équipes voiles, travail exposant par nature à un risque de chute de hauteur ;

De plus il lui a été demandé de procéder à des travaux de levage de podiums d'ascenseur, présentant eux aussi des risques

Les constatations de l'inspection du travail figurant au procès-verbal établissent que

M. [O], ' bien que travailleur intérimaire et occupant un poste exposant à un risque important de chute de hauteur, n'a pas fait l'objet d'une formation renforcée à la sécurité préalablement à la réalisation des travaux considérés.'

Il résulte de ces constatations que M. [O] avait été affecté à un poste de travail présentant des risques particuliers pour sa santé et sa sécurité et qu'il aurait dû recevoir, quelle que fût son expérience précédente, une formation renforcée à la sécurité et une information adaptée aux conditions de travail, de sorte qu'en l'absence de cette formation et de cette information, la présomption de l'article L. 4154-3 du code du travail devait produire son effet.

L'expérience incontestable du salarié ne constitue pas la preuve contraire permettant de renverser cette présomption. Les opérations de démontage qui lui ont été demandées ne faisaient pas partie de ses fonctions habituelles; l'encadrement étroit du chantier par un directeur de travaux (M. Olivier [M]), un responsable QSE (M. [J] [F]), une animatrice sécurité (Mme [C]), des conducteurs de travaux, un chef de chantier principal (M. [U]) ainsi que différents chefs de chantier (M. [R] pour le bâtiment A) et des chefs d'équipe, dont Monsieur [O], ne dispensait pas l'entreprise de prévoir des consignes de sécurité spécifiques pour cette opération ;

Il importe peu par ailleurs que l'entreprise LEON GROSSE n'ait pas été poursuivie pénalement.

En tout état de cause, la faute éventuelle du salarié qui, selon l'entreprise, n'aurait pas du se trouver à l'endroit où a eu lieu l'accident est sans incidence sur la caractérisation de la faute inexcusable dés lors qu'il suffit que le manquement de l'employeur soit une cause nécessaire de l'accident, ce qui est le cas en l'espèce. En effet, l'accident n'a pas été provoqué par la présence de M. [O] sur le podium n°4 mais bien par la chute de ce podium qui n'aurait pas du avoir lieu. La société a procédé à l'installation d'un podium avec trois consoles alors que l'inspection du travail précise 'qu'il était techniquement possible de mettre en place des podiums monoblocs prévenant la situation de risque de chute de hauteur'. Le chevauchement des plateaux a créé une instabilité qui est la cause de l'effondrement de la structure et de la chute de M. [O]; c'est lors du levage du podium central que le podium adjacent a basculé entraînant dans sa chute M. [O];

- Sur l'éventuelle faute de la victime :

Lorsque l'employeur a commis une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, seule une faute inexcusable, au sens de l'article L. 453-1 du même code, commise par le salarié peut permettre une réduction de la rente. Présente un tel caractère la faute volontaire du salarié, d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience.

La négligence, l'imprudence ou l'inattention commise par le salarié lui-même n'est pas de nature à exonérer l'employeur.

En l'espèce, M. [O], qui remplissait une tâche inhabituelle et qui n'avait pas reçu de formation spécifique, n'a commis par son imprudence aucune faute inexcusable ni faute intentionnelle en se trouvant sur le podium n°4 pendant les manoeuvres du grutier.Ni la preuve de la conscience du danger, ni celle de l'absence de raison valable ne sont rapportées.

Il n'y aura en conséquence aucune limitation des éventuelles réparations dues aux consorts [O].

- Sur les conséquences financières de la faute inexcusable de la société utilisatrice :

Aucune majoration de la rente ne pourra intervenir en l'absence de rente d'ayant droit.

-sur l'entreprise tenue des conséquences financières de la faute inexcusable:

L'article L.412-6 du code de sécurité sociale prévoit que la société de travail temporaire demeure tenue des conséquences prévues aux articles L 452-1 à L 452-4 du même code de la faute inexcusable reconnue à l'encontre de la société utilisatrice sauf à elle à diligenter un recours en remboursement contre cette société.

Par ailleurs, l'article L.241-5-1 dispose : Pour tenir compte des risques particuliers encourus par les salariés mis à la disposition d'utilisateurs par les entreprises de travail temporaire, le coût de l'accident et de la maladie professionnelle définis aux articles L. 411-1 et L. 461-1 est mis, pour partie à la charge de l'entreprise utilisatrice si celle-ci, au moment de l'accident, est soumise au paiement des cotisations mentionnées à l'article L. 241-5. En cas de défaillance de cette dernière, ce coût est supporté intégralement par l'employeur. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le juge procède à une répartition différente, en fonction des données de l'espèce...

L'article R.242-6-1 précise : Pour les entreprises en tarification mixte ou individuelle, le coût de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle classé dans une catégorie correspondant à une incapacité permanente au moins égale à 10 % est mis pour partie à la charge de l'entreprise utilisatrice en application de l'article L. 241-5-1, sur la base du coût moyen rendu applicable à cette catégorie dans le champ professionnel du comité technique national mentionné à l'article L. 422-1 dont elle dépend selon les modalités déterminées en application de l'article L. 242-5, il est imputé au compte de l'établissement dans lequel le travailleur temporaire effectuait sa mission, à hauteur d'un tiers de ce coût moyen pour déterminer le taux de cotisation accidents du travail et maladies professionnelles de cet établissement ou de l'ensemble des établissements pour lesquels un taux unique est fixé...

Toutefois, le coût de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle est entièrement imputé au compte employeur de l'entreprise de travail temporaire en cas de défaillance de l'entreprise utilisatrice. L'entreprise utilisatrice qui fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est regardée comme défaillante au sens des dispositions du premier alinéa de l'article L. 241-5-1.

L'entreprise utilisatrice qui assume directement la charge totale de la gestion du risque en vertu des articles L. 413-13 ou L. 413-14 est tenue de verser à l'organisme de recouvrement dont elle relève, en une seule fois, le montant de la fraction de coût mise à sa charge. Ce montant lui est notifié par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail, qui en informe simultanément l'organisme de recouvrement dont relève l'établissement où le salarié a été victime de l'accident ou bien a contracté la maladie professionnelle.

Il résulte de ces textes qu'en cas d'accident du travail imputable à la faute inexcusable d'une entreprise utilisatrice, l'entreprise de travail temporaire, seule tenue, en sa qualité d'employeur de la victime, des obligations prévues aux articles L. 452-1 à L. 452-4 du code précité, dispose d'un recours contre l'entreprise utilisatrice pour obtenir simultanément ou successivement le remboursement des indemnités complémentaires versées à la victime et la répartition de la charge financière de l'accident du travail.

En l'espèce, la responsabilité de l'entreprise LEON GROSSE étant établie dans la survenance de l'accident et aucune faute n'étant à reprocher à l'entreprise de travail temporaire, la société GROUPE LEADER peut prétendre à la garantie de la société LEON GROSSE de toutes les conséquences financières de la reconnaissance de la faute inexcusable de la société utilisatrice.

-sur les préjudices moraux des consorts [O] :

L'article L.452-3 du code de la sécurité sociale dispose en son alinéa 2 qu'en cas d'accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L.434-7 et s. ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral.

L'expression "ayants droit" figurant dans l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale ne concerne que les personnes qui, visées aux articles L. 434-7 à L. 434-14 dudit code, perçoivent des prestations en cas de décès accidentel de leur auteur. Les collatéraux de la victime d'un accident du travail, qui ne perçoivent pas de telles prestations, n'ont pas la qualité d'ayant droit au sens de l'article L. 451-1 précité.

En conséquence, Mme [L] [X], veuve [D], mère de la victime, qu'elle ait droit à une rente ou pas, est recevable à demander réparation de son préjudice moral. L'angoisse et la douleur de perdre un fils particulièrement proche justifient qu'il soit accordé à celle-ci la somme de 25.000€. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

En revanche, les frères et soeurs de la victime ne peuvent demander réparation de leur préjudice moral sur le fondement de la faute inexcusable. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il leur avait accordé une réparation à ce titre.

-sur l'action successorale :

Les héritiers de la victime, au vu de l'acte de dévolution successorale produit, sont à ce titre titulaires d'une action successorale et peuvent prétendre à une indemnisation complémentaire pour les préjudices consécutifs à cet accident.

Si la perte de vie ne fait naître, en elle-même, aucun droit à réparation dans le patrimoine de la victime, elle se distingue de la souffrance morale liée à la conscience de sa mort prochaine qui, elle, est indemnisable, à la condition que la preuve d'une véritable conscience soit rapportée.

En l'espèce, la conscience d'une mort prochaine n'est pas démontrée dans le cas de

M. [O] qui est mort trois jours après son accident 'sans avoir pu dire adieu à ses proches', après avoir subi un arrêt cardio-ventilatoire, avant d'être réanimé et transporté d'urgence à l'Hôpital ;

En revanche, même pris en charge en urgence, M. [O] qui était dans un état très critique a souffert pendant trois jours avant son décès.

La somme de 20.000€ sera accordée au titre des souffrances endurées; le jugement déféré, en ce qu'il a débouté les héritiers de leur demande au titre de l'action successorale concernant la réparation des souffrances endurées de la victime, sera donc infirmé.

Par ailleurs, il est allégué au titre du préjudice d'agrément que M. [O] pratiquait le football et la natation très régulièrement et était passionné de photographie et de vidéo, ainsi que de mécanique et de bricolage ;

Les justificatifs produits par les consorts [O], qui consistent en des factures d'achat de matériel et des attestations délivrées par eux-mêmes, n'emportent pas la conviction de la cour sur le caractère régulier de ces activités.

En tout état de cause, M. [O] étant décédé, aucune réparation du préjudice d'agrément, qui vient compenser les troubles ressentis dans les conditions d'existence et l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs après la consolidation ne peut être due en l'espèce. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les demandeurs de leur requête en réparation du préjudice d'agrément.

Sur l'indemnité forfaitaire, M. [O] est resté après sa chute d'environ 10 mètres trois jours entre la vie et la mort avant de succomber, de sorte qu'il avait présenté un taux d'incapacité permanente de 100 % avant son décès.

Ainsi, la demande des consorts [O] au titre de l'indemnité forfaitaire est fondée et le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a accordé aux consorts [O] la somme de 18.263,54€ au titre de l'indemnité forfaitaire de ce chef.

Considérant qu'il parait inéquitable de laisser à la charge des consorts [O] l'intégralité des frais irrépétibles ; qu'il sera accordé la somme de 500€ à chacun d'entre eux ; qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause le jugement dans son appréciation de l'article 700 du code de procédure civile ;

Il sera rappelé que la procédure devant les juridictions de sécurité sociale est gratuite et sans frais avec néanmoins condamnation de l'appelant qui succombe au paiement du droit fixe d'appel .

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déclare les appels recevables,

Ordonne la jonction des procédures RG n°17/15111, RG n° 18/00323 et RG n°17/14385 sous le numéro RG n°17/14385,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

-reconnu la faute inexcusable de la société ENTREPRISE GENERALE LEON GROSSE;

- alloué à Mme [L] [K], mère de la victime, la somme de 25.000,00€ en réparation de son préjudice moral ;

- fixé à la somme de 18.263,54€ l'indemnité forfaitaire dues aux héritiers de la victime dans le cadre de l'action successorale,

- rejeté la demande formulée au titre du préjudice d'agrément ;

-condamné in solidum la société LEADER INTERIM et la société LEON GROSSE à verser à chacun des requérants sauf Mme [U] [K] et M. [W] [O], la somme de 200€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum la société LEADER INTERIM et la société LEON GROSSE à verser à Maître Arnaud OLIVIER la somme de 800€ au titre de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile

Infirme le jugement déféré pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Fixe au titre de l'action successorale la réparation des souffrances endurées par M. [A] [O] à la somme de 20 000€,

Déboute les consorts [O], à l'exception de la mère de la victime, de leur demande en réparation de leur préjudice moral,

Dit que la caisse primaire d'assurance maladie de l'ESSONNE fera l'avance des sommes accordées, qu'elle pourra récupérer auprès de la société GROUPE LEADER, venant aux droits de la société LEADER INTERIM.

Dit que la société ENTREPRISE GENERALE LEON GROSSE devra garantir intégralement la société GROUPE LEADER, venant aux droits de la société LEADER INTERIM, de l'ensemble des conséquences financières, y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile, découlant de la reconnaissance de la faute inexcusable reconnue ;

Condamne in solidum la société GROUPE LEADER, venant aux droits de la société LEADER INTERIM, et la société ENTREPRISE GENERALE LEON GROSSE au paiement à chacun des consorts [O] de la somme de 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les partie du surplus de leurs demandes ;

Dit n'y avoir lieu de statuer sur les dépens ;

Dit que la présente décision sera opposable à la société AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE, assureur de la société ENTREPRISE GENERALE LEON GROSSE au moment de l'accident ;

Fixe le droit d'appel prévu par l'article R 144 - 10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale à la charge de l'appelant au 10ème du montant mensuel du plafond prévu par l'article

L 241 - 3 et le condamne au paiement de ce droit s'élevant à 331,10€.

La Greffière,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 17/14385
Date de la décision : 11/01/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L4, arrêt n°17/14385 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-11;17.14385 ?
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