Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9
ARRÊT DU 10 JANVIER 2019
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/02407 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BX7AD
Décision déférée à la Cour : Jugement du 4 décembre 2015 -Tribunal d'Instance de PARIS (2ème) - RG n° 11-15-26
APPELANTE
BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, société anonyme prise en la personne de son représentant légal, venant aux droits de SA BANQUE SOLFEA aux termes d'une cession de créance en date du 28 février 2017
N° SIRET : 542 097 902 04319
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Assistée de Me Edgard VINCENSINI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0496
Substitué à l'audience par Me Laurent BONIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0496
INTIMÉS
Monsieur [K] [L]
né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1](MAROC)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté et assisté de Me Ariane VENNIN de la SELEURL A7 AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1186
Madame [M] [G] épouse [L]
née le [Date naissance 2] 1981 à [Localité 2](21)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée et assistée de Me Ariane VENNIN de la SELEURL A7 AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1186
Maître [W] [K] [O] ès-qualités de liquidateur de la société Compagnie d'énergie solaire
N° SIRET : 434 278 461 00034
[Adresse 3]
[Adresse 3]
DÉFAILLANT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 novembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Philippe DAVID, Président
Mme Fabienne TROUILLER, Conseiller
M. Gilles MALFRE, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
- DÉFAUT
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Philippe DAVID, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 6 mai 2013, M. et Mme [L], dans le cadre d'un démarchage à domicile, ont signé un bon de commande avec la société COMPAGNIE D'ENERGIE SOLAIRE (CES) pour l'achat d'un système de production d'électricité d'origine photovoltaïque pour un montant de 21 900 euros.
M. et Mme [L] ont signé le même jour un contrat de crédit d'un montant de 21 900 euros auprès de la BANQUE SOLFEA afin de financer cet investissement.
Le 11 juin 2013, M. [L] a signé une attestation de fin de travaux.
La liquidation judiciaire de la société CES a été prononcée par jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 9 avril 2014.
Par actes d'huissier en date des 3 et 11 février 2015, M. et Mme [L] ont assigné la société CES prise en la personne de son liquidateur Maître [K] [O], et la banque SOLFEA, devant le tribunal d'instance du 2ème arrondissement de Paris prétendant que l'installation du système n'a pas été mise en service par la société CES. Ils ont réclamé la résolution ou la nullité des deux contrats, la condamnation de la banque SOLFEA à restituer les sommes versées, à leur verser des dommages-intérêts équivalents au capital restant dû et la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral et financier, la dispense de restitution du capital restant dû, la condamnation solidaire de la banque et du liquidateur de la société CES à procéder à la remise en état antérieure et la condamnation de la banque au paiement d'une somme de 2 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par un jugement réputé contradictoire du 4 décembre 2015, le tribunal d'instance du 2ème arrondissement de Paris a :
- rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes,
- prononcé la nullité du contrat d'achat conclu entre M. et Mme [L] et la société CES,
- constaté la nullité de plein droit du contrat de crédit conclu avec la banque SOLFEA,
- ordonné à la banque SOLFEA de restituer à M. et Mme [L] les sommes déjà versées au titre du contrat de prêt,
- dispensé les époux [L] du remboursement du prêt,
- débouté la banque SOLFEA de l'intégralité de ses demandes,
- débouté M. et Mme [L] du surplus de leurs demandes,
- condamné la banque SOLFEA au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a retenu que les époux [L] n'ont pas eu connaissance des caractéristiques essentielles des biens offerts dans le contrat de vente avec la société CES, que la nullité n'a pu être couverte, que l'attestation de fins de travaux est ambigüe et imprécise, que la banque SOLFEA a commis une faute en versant les fonds au vendeur sans avoir vérifié la régularité de l'opération financée et que la dépose du matériel n'est pas susceptible d'exécution.
Par déclaration en date du 19 janvier 2016, la société banque SOLFEA a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 2 juillet 2018, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venue aux droits de la banque SOLFEA aux termes d'une cession de créance en date du 28 février 2017, demande à la cour :
- l'infirmation du jugement, sauf en ce qu'il a débouté les époux [L] de leur demande de dommages et intérêts,
- de déclarer irrecevables les demandes des époux [L],
- au fond, à titre principal, le rejet des demandes des époux [L],
- à titre subsidiaire, la nullité des contrats, la condamnation solidaire des époux à restituer la somme de 21 900 euros soit l'intégralité du capital restant dû, sous déduction des échéances versées,
- à titre très subsidiaire, si la cour retenait la responsabilité de la banque SOLFEA, la réduction du montant de l'indemnisation,
- en tout état de cause, la condamnation des intimés au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle a fait valoir que ces demandes en justice, souvent abusives, devraient être strictement réservées aux installations gravement défectueuses, que l'action des intimés a été intentée après le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société CES en contradiction avec le principe de l'interdiction des poursuites, que l'exécution des contrats doit se poursuivre, que l'éventuelle nullité a été couverte puisque les époux [L] ont signé l'attestation de fin de travaux, payé les frais de raccordement, posé des compteurs de production, conclu un contrat avec EDF et payé les échéances du contrat de prêt, que la banque n'a commis aucune faute et que le préjudice subi par les époux [L] ne peut être égal au montant du capital prêté dès lors que l'installation fonctionne et est raccordée.
Dans leurs conclusions d'intimés signifiées le 27 juin 2018, les époux [L] demandent à la cour :
- la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit, dispensé les époux [L] du remboursement du crédit et condamné la banque à leur restituer les échéances versées,
- à titre subsidiaire, la résolution judiciaire du contrat de vente entre la société CES et les époux [L] et en conséquence, de prononcer la résolution de plein droit du contrat de crédit affecté,
- en tout état de cause, la condamnation de l'appelante au paiement d'une somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils ont fait valoir que l'action en annulation n'est jamais soumise à la suspension des poursuites, que les époux [L] renoncent au bénéfice des dispositions de l'article 1142 du code civil, qu'aucune demande de dépose et de remise en état n'est désormais formulée, que le bon de commande n'est pas signé et ne précise pas les caractéristiques essentielles du bien, que la nullité n'a pu être couverte, que le rendement de l'installation devait permettre un autofinancement, que ce sont les acheteurs qui ont dû procéder au raccordement alors qu'il incombait à la société CES, que le vendeur a manqué à ses obligations de délivrance et de conformité, que le bon de commande ne respecte pas l'article L. 121-23 du code de la consommation, que le vendeur a usé de manoeuvres dolosives qui ont vicié le consentement des acheteurs et que la banque a commis une faute dans la délivrance des fonds.
Le conseil de Maître [W] [K] [O], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société CES, à qui les conclusions et la déclaration d'appel ont été signifiées respectivement les 15 avril et 7 mars 2016, a indiqué à la Cour par courrier que les parties n'avaient pas déclaré de créance au passif de la société CES, que les articles L. 622-24 à 26 et R. 622-24 étaient applicables, que l'inpécuniosité de la procédure empêchait une constitution.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 septembre 2018.
SUR CE,
Sur la recevabilité de l'action des époux [L]
L'appelante a soulevé l'irrecevabilité des demandes et les intimés ont fait valoir que l'action en annulation d'un contrat n'est jamais soumise à la suspension des poursuites et que les époux [L] ne demandaient plus la dépose et renonçaient aux dispositions de l'article 1142 du code civil.
1- Par jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 9 avril 2014, la société CES a fait l'objet d'une liquidation judiciaire.
M. et Mme [L] ont introduit une instance à l'encontre de la société CES par assignation en date du 11 février 2015, soit postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective.
2- L'article L. 622-21 du code de commerce pose le principe de l'interdiction des poursuites à compter de l'ouverture d'une procédure collective et l'interruption des poursuites engagées antérieurement à l'ouverture d'une procédure collective': «' I.-Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ».
A cet égard, les demandes en résolution et en nullité formulées par les époux [L] à l'encontre de la société CES affecteront nécessairement le passif de la liquidation, puisqu'elles impliquent une remise en état supposant des travaux coûteux et constituent donc une action prohibée par les articles susvisés, sauf à ce qu'il soit justifié d'une déclaration de créance. Il n'est pas contestable que le corollaire de toute annulation ou résolution comporte la nécessité d'une remise en état antérieure, sauf à vider de sens les obligations de restitutions de plein droit.
3- L'article L. 622-22 du code de commerce dispose en effet que « Sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance ».
En l'espèce, les époux [L] ne justifient nullement de leur déclaration de créance alors qu'ils ont engagé leur action postérieurement au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société CES et étaient donc soumis à une interdiction des poursuites.
Ainsi, les époux [L] sont irrecevables à agir en résolution ainsi qu'en nullité du contrat principal contre la société CES et, en conséquence, à agir en résolution ainsi qu'en nullité du contrat de prêt contre la banque SOLFEA dès lors que le contrat de crédit en question est un contrat de crédit affecté, et que l'annulation ou la résolution du contrat de crédit est demandée en conséquence de l'annulation ou la résolution du contrat principal, par application de l'article L. 311-32 du code de la consommation.
4- L'interdiction de l'article L. 622-21 du code de commerce, d'introduire une instance tendant à la condamnation du débiteur faisant l'objet d'une procédure collective, étant une règle d'ordre publique, les époux [L] sont, en application de l'article 122 du code de procédure civile, irrecevables à agir contre le mandataire liquidateur de CES, et, en application de l'article L. 311-32 du code de la consommation, contre la banque SOLFEA.
Le jugement sera dès lors infirmé en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les époux [L], qui succombent, seront condamnés en tous les dépens.
En équité, chaque partie conservera la charge de leurs frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
- Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- Déclare les époux [L] irrecevables à agir en application de l'article 122 du code de procédure civile, contre le mandataire liquidateur de la société CES, et, en application de l'article L. 311-32 du code de la consommation, contre la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la banque SOLFEA,
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne in solidum M. [K] [L] et Mme [M] [G] épouse [L] en tous les dépens, qui pourront être recouvrés par l'avocat de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- Rejette toutes autres demandes.
Le greffierLe président