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09/01/2019 | FRANCE | N°17/02085

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 09 janvier 2019, 17/02085


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 09 JANVIER 2019



(n° , 18 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/02085 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2SUD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Décembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRÉTEIL - RG n° 15/01019





APPELANT

Monsieur [D]-[T] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1]

Représenté par Me Karima SAID, avocat au barreau de PARIS, toque : E0446







INTIMÉE

SASU LOGISTA FRANCE

[Adresse...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 09 JANVIER 2019

(n° , 18 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/02085 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2SUD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Décembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRÉTEIL - RG n° 15/01019

APPELANT

Monsieur [D]-[T] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1]

Représenté par Me Karima SAID, avocat au barreau de PARIS, toque : E0446

INTIMÉE

SASU LOGISTA FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065, substitué à l'audience par Me Anne-Laure COTTIN, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 novembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente de chambre

Mme Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère, rédactrice,

Mme Aline DELIERE, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Luce GRANDEMANGE dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Clémence UEHLI

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente et par Madame Clémence UEHLI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Monsieur [D] [T] [F] a été embauché par la société SEITA suivant contrat de travail à durée indéterminée du 8 novembre 1988, en qualité de cadre.

Le 1 er aoû 2007 son contrat de travail a été transféré à la société Logista France (alors dénommée Altis Distribution France), née de la filialisation en 2007 de la division distribution de la SEITA, et spécialisée dans la distribution des produits de tabac dans les bureaux de tabac.
Il bénéficiait outre des dispositions de la convention collective nationale du commerce de gros, d'un accord collectif interne dit « accord de substitution » signé en date du 2 août 2007.

La société Logista France dispose actuellement de cinq directions régionales de distribution situées à [Localité 2] (77), au [Localité 3] (72) à [Localité 4] (69) à [Localité 5] (31) et [Localité 6] (13) mises en place dans le cadre de réorganisations et réaménagements successifs liés à d'importantes difficultés financières encadrées par 3 PSE entre 2012 et 2015.

À compter du 9 janvier 2000 Monsieur [D] [T] [F] a occupé le poste de directeur de l'ingénierie sous la hiérarchie directe en dernier lieu du directeur général de la société Logista France.

A compter de l'année 2007 il a exercé parallèlement des mandats de représentants du personnel et syndicaux soit de membre titulaire au comité d'établissement de [Localité 7] (siège social de Logista France), de délégué syndical central CFE-CGC, de représentant syndical au CCE, de représentant au comité d'entreprise européen du groupe Impérial Tobacco.

Il est en arrêt de travail depuis le 6 février 2015 et à ce jour n'est plus titulaire d'aucun mandat interne. Son dernier mandat de représentant du personnel membre élu du comité d'entreprise et de délégué syndical central à la suite de cette élection, s'est achevé le 26 mai 2018 et lui offre une protection à ce titre jusqu'au 26 mai 2019.

Sa rémunération mensuelle brute moyenne précédent son arrêt de travail au cours de la période du 1er février 2014 au 31 janvier 2015 se fixe à 10 430,27 euros.

Le 5 mai 2015 il a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ayant les effets d'un licenciement nul en reprochant à la société Logista une violation à son obligation de sécurité et le refus du paiement de ses heures supplémentaires.

Le conseil de prud'hommes par jugement du 13 décembre 2016 a débouté le salarié de toutes ses demandes.

Monsieur [D] [T] [F] a interjeté appel le 2 février 2017.

L'affaire a été fixée à l'audience du 13 novembre 2018.

Dans ses dernières conclusions du 2 mai 2017 auxquelles la cour fait expressément référence, remises au greffe et notifiées par le réseau professionnel virtuel des avocats il demande à la cour d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil et de :

' prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société Logista en raison de ses manquements graves à ses obligations contractuelles et en conséquence la condamner au paiement des sommes suivantes :

* 143 937,73 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 35 291 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

* 3 529,10 euros d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

* 365 060 euros nets de cotisation et charges sociales à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

* 52 155, 35 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur (cinq mois de salaire),

*15 000 euros nets de cotisations sociales et charges sociales à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de sécurité,

' constater l'absence de conclusion d'une convention individuelle de forfait jour et condamner la société Logista au paiement de rappels de salaire,

* 226 397 06 euros au titre des heures supplémentaires accomplies (2612,17 heures) au cours de la période allant du 5 mai 2010 au 6 février 2015,

* 22 839,01 euros d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

* 95 099,55 euros au titre du repos compensateur non accordé sur la période allant du 5 mai 2010 au 31 décembre 2014,

*9 509,95 euros d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

* 65 581,62 euros d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé,

' de condamner la société Logista au paiement de la somme de 17 272 euros à titre de rappel de salaire sur la rémunération variable pour les années 2012, 2013 et 2014 et de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents d'un montant de 1 727,21 euros,

' de fixer son salaire moyen à 10 430,27 euros,

' de condamner la société Logista au paiement du solde des congés payés acquis mais non pris, JRTT et CET soit :

* 312 384,49 euros correspondant à 599 jours au titre du CET,

*16 166,91 euros au titre des congés payés acquis et JRTT non pris correspondant à 31 jours,

' d'ordonner la remise de l'attestation pôle emploi, du certificat de travail et du reçu pour solde de tout compte sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter d'un délai de huit jours suivant la notification de la décision à venir,

' de condamner la société Logista au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' de condamner la société Logista aux entiers dépens.

En réponse dans ses dernières conclusions du 28 juin 2017, auxquelles la cour fait expressément référence, remises au greffe et notifiées par le réseau professionnel virtuel des avocats la société Logista France a conclu à la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes si ce n'est en ce qu'il a considéré qu'elle avait reconnu 'qu'elle avait plus ou moins implicitement à travers son nouvel accord reconnu que la convention de forfait jour appliquée aux cadres depuis 2000 était irrégulière' et en conséquence le débouter de sa demande de résiliation judiciaire et de l'intégralité de ses demandes en jugeant :

' qu'elle n'a pas manqué à ses obligations contractuelles et à son obligation de sécurité,

' que le salarié est soumis à un forfait jour régulier et qu'aucune heure supplémentaire ni aucun rapport compensateur ne lui sont dus,

- qu'en tout état de cause il ne justifie pas de leur existence notamment par la production d'éléments précis et fiables et concordants,

' qu'en conséquence le refus de la société Logista France de lui régler les heures supplémentaires qu'il sollicite était parfaitement légitime,

' qu'elle ne s'est pas rendue coupable de travail dissimulé,

' qu'aucun rappel de salaire sur la rémunération variable n'est dû à Monsieur [D] [T] [F] ni aucun congés payés acquis mais non pris et JRTT, les calculs étant au demeurant faux et devant en tout état de cause être réduits à ce titre.

Le condamner à lui payer la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la demande de résiliation judiciaire.

Monsieur [D] [T] [F] demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux motifs :

- du manquement de son employeur à son obligation de sécurité ,

- du refus de l'employeur de payer les heures supplémentaires accomplies et justifiées par la conclusion d'une convention individuelle de forfait jour inexistante.

En matière de résiliation judiciaire la charge de la preuve des manquements allégués reposent sur le salarié et ceux-ci doivent être d'une gravité suffisante pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail. Elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou, lorsque le salarié bénéficie d'un statut protecteur, d'un licenciement nul pour violation de ce statut.

Sur la violation par l'employeur de son obligation de sécurité du salarié.

Il appartient à l'employeur sur le fondement de l'article L 4121-1 de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, de veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. Ces mesures comprennent les actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, les actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

Il résulte de ces dispositions spécifiques aux relations de travail au sein de l'entreprise instaurant une obligation de protection de la santé des salariés au travail et qu'il ne peut s'exonérer de sa responsabilité dans la dégradation de l'état de santé d'un salarié résultant de ses conditions de travail qu'en démontrant qu'il a pris toutes les mesures préventives adaptées et appropriées à la nature du risque.

En l'espèce Monsieur [D] [T] [F] développe que la surcharge de travail liée aux circonstances qu'il développe et dont il a vainement averti expressément et à plusieurs reprises sa hiérarchie ou la directrice des ressources humaines, a conduit à la dégradation progressive et durable de son état de santé pour état dépressif et surmenage après 26 ans de carrière dont la persistance est encore constatée actuellement par la nécessité d'un suivi régulier par un médecin psychiatre psychothérapeute et son placement en invalidité deuxième catégorie depuis le 1er décembre 2017.

La société conteste l'existence de toute surcharge de travail expliquant que aucune difficulté n'a jamais émaillé la collaboration entre les parties ainsi qu'en attestent encore l'issue de son entretien d'évaluation annuelle du 22 décembre 2014 dans le cadre duquel Monsieur [D] [T] [F] se montrait plus que satisfait de l'année écoulée et sa position de directeur de l'ingénierie qui lui offrait une rémunération moyenne de 9 519 euros bruts parmi celles des 10 premières les plus élevées de l'entreprise et qui lui laissait une totale autonomie dans l'organisation de son temps de travail et de ses fonctions.

Elle estime que sa tentative de démonstration tout au long de ses écritures, ne repose que sur la répétition des mêmes accusations fondées sur des pièces qu'il a lui même rédigées, constituées de 7 mails de contestation (qui n'en sont pas tous), de deux courriers recommandés post notification d'une sanction, de deux arrêts de travail de quelques jours en 2012 et 2014, d'une attestation qu'il a récupérée d'un dossier prud'hommal d'un autre salarié qui travaillait dans un autre service alors que lui-même ne dispose d'aucune attestation de témoin de sa surcharge, et de quelques mails échangés avec certains collègues (monsieur [N], monsieur [M]) mais qui contestent leur exploitation, sortie de tout contexte, ainsi faite par le salarié.
Elle rajoute que monsieur [F] évoque également la situation d'autres salariés relatés notamment dans les entretiens annuels qu'il a menés en en extrayant des morceaux choisis (monsieur [X] entretien 2014 'une fin d'année 2014 très chargée et qui a nécessité de nombreux déplacement et fatiguants') en oubliant que monsieur [X] conclut l'entretien ainsi 'ma participation à la réussite du projet de recyclage des cartons en Espagne a été pour moi très valorisante, une année enrichissante.. de par les missions non prévues qui m'ont été confiées sur le site de [Localité 8] qui m'ont permis de démontrer mon adaptabilité et mes compétences dans des projets moins techniques' et que monsieur [X] atteste dans le cadre de la présente procédure 'durant la période d'avril 2014 à octobre 2014 j'ai été en charge du démantèlement des installations techniques du site de [Localité 8]. En tant que chef de projet, j'étais directement en charge de l'équipe locale, trois personnes du site de [Localité 8], du démontage de l'ensemble des machines ... Je n'ai jamais eu d'arrêt maladie lié à une surcharge de travail pendant mon activité professionnelle à l'ingénierie sur les projets dont je me suis occupé...'; que d'ailleurs le relevé des arrêts maladie de tout le service démontre le très faible taux d'absentéisme de l'équipe; qu'avec la même mauvaise foi monsieur [F] évoque les trois PSE mis en 'uvre par la société au cours des années 2012 à 2015 qui l'auraient fortement mobilisés en sa qualité de représentant du personnel et de délégué syndical sans développer les missions, les dates et fréquences des réunions, le travail qu'il a été amené à faire dans ce cadre, pas plus qu'il ne développe ses fonctions professionnelles menées parallèlement qui auraient justifié sa surcharge.
Elle soutient que non seulement il savait déléguer le travail aux membres de son équipe et que notamment à ce titre il a délégué monsieur [X] sur le chantier du démantèlement du site de [Localité 8] et Monsieur [N] sur celui de la modernisation du site de [Localité 4] qui en attestent, mais que de surcroît il savait refuser de s'investir dans les missions qui lui étaient confiées et que notamment son manque de travail dans les deux dernières missions qui lui ont été confiées en décembre 2014 'track and trace' dans le cadre duquel il n'a pas établi la synthèse urgente réclamée par monsieur [H] et 'nouvelles installations de la direction régionale de [Localité 4]' dans le cadre duquel il n'a pas averti son supérieur ni rémédié aux tensions existants sur le chantier, lui a valu l'avertissement du 25 février 2015 dont il ne demande pas l'annulation.

Elle conteste l'existence d'alertes et souligne que certains mails du salarié n'évoquent pas sa situation personnelle mais soulèvent des questions d'organisation du travail et la situation de toute son équipe et que, lorsque à titre incident, le salarié a évoqué sa charge de travail, en mai et octobre 2014, elle a tenté de recruter un salarié, ce qui n'était pas incompatible avec les PSE mis en place contrairement à ce que soutient le salarié, ou lui a offert son aide dans l'organisation de son travail en la personne de madame [B], DRH, mais que monsieur [F] n'y a pas donné suite.

Elle affirme qu'il est impensable que nonobstant son autonomie et son statut, nonobstant les mandats de représentant du personnel et des syndicats, Monsieur [D] [T] [F] n'aurait rien dit, rien fait et serait resté dans un poste aux objectifs inatteignables et aux effets dévastateurs sur son état de santé, lui que le médecin du travail n'a jamais déclaré inapte, qui n'a jamais sollicité la reconnaissance de quelques maladies professionnelles et qui n'a multiplié les arrêts de travail que postérieurement à sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, lui qui a participé aux négociations internes attenantes au forfait jour auquel il était soumis et qui n'a pas invoqué la nullité de son forfait jour ni réclamé le paiement de prétendues heures supplémentaires qui arrivent soudainement et opportunément deux mois seulement avant sa saisine du conseil de prud'hommes en résiliation judiciaire.

Elle constate que son premier arrêt de travail du 6 février 2015 pour maladie simple évoque une inflammation au niveau de l'intestin et que ce n'est que dans les arrêts de travail postérieurs, et surtout postérieurs au premier avertissement, en 26 ans de carrière, que la société a été contrainte de lui délivrer le 25 février 2015, pour comportement dénigrant envers sa hiérarchie et défaillance dans la gestion de deux dossiers dont le suivi lui avait été confié, et qui a provoqué sa fureur, qu'apparaît brusquement et de manière inattendue, après avoir changé de médecin traitant, l'existence d'un état anxio-dépressif et d'un burn out; que de même n'apparaissent que dans son courrier du 16 mars 2015, de contestation de cet avertissement, des plaintes de surcharge de travail, un lien entre la dégradation de ses conditions de travail en ayant résulté et la dégradation de sa santé et des prétentions au paiement d'heures supplémentaires astronomiques puis des demandes totalement démesurées et irrationnelles représentant plus de 13 ans de salaire devant le conseil de prud'hommes; que dans sa correspondance du 11 mai 2015 il a entendu poursuivre la polémique ainsi engagé avec pour seul objectif d'obtenir paiement de ces prétendues heures supplémentaires, sans plus évoquer ses conditions de travail.

Mais la dégradation de l'état de santé de Monsieur [D] [T] [F] au cours de l'exécution de son contrat de travail et la gravité de son état, sont démontrées par les arrêts de travail continuellement renouvelés depuis le 6 février 2015 dont il bénéficie et sa reconnaissance de travailleur handicapé 2ème catégorie par décision du 1 er décembre 2017.

Des troubles du sommeil sont relatés dès un arrêt du 11 avril 2011, un état dépressif dans l'arrêt du 11 au 28 mai 2012 et si le médecin du travail le déclare apte au poste lors de la visite du 12 novembre 2013, le salarié sera en arrêt maladie continue à compter du mois de février 2015 pour « asthénie » puis clairement pour un « état dépressif », un état « anxio dépressif », un « surmenage » et une « souffrance au travail ».

Par ailleurs l'augmentation progressive et durable du travail de Monsieur [D] [T] [F] entre 2013 et 2015, en sa qualité de directeur du service ingenierie, mais également de représentant du personnel et délégué syndical, est démontrée par les circonstances particulières d'une société qui, confrontée à des difficultés économiques y a fait face en prenant à un rythme rapproché des mesures qui ont nécessairement impacté la quantité de travail habituelle de Monsieur [D] [T] [F].

En effet la société a opéré la mutualisation du département ingénierie, désormais partagé, comme d'autres département (DRH,DAF et DSI), avec l'ensemble des sociétés du groupe Logista et les difficultés d'intervention dans le périmètre dévolu au département ingénierie qui en sont résultées sont détaillées dans une note du salarié à son supérieur hiérarchique, monsieur [T], sur l'organisation du service du 10 février 2012. Et elle a réorganisé et modernisé plusieurs sites de ses directions régionales (démantèlement du site de [Localité 8] et transfert des activités sur la direction régionale de [Localité 2] ' refonte des installations du site de [Localité 4] dans le cadre du transfert des volumes de [Localité 9] à [Localité 4])

Par ailleurs la société a mis en 'uvre trois plans de sauvegarde en 2 ans et la présence du salarié, en sa qualité de représentant du personnel et de délégué syndical, à de multiples réunions détaillées dans les calendriers produits et qui nécessitaient une préparation et un suivi, est attestée par les fiches de présence ( de novembre 2012 à avril 2013 pour le PSE Strafor- de juillet 2013 à novembre 2013 pour le PSE Nancy- de décembre 2014 à février 2015 pour l'aménagement du schéma de distribution de Logista..).

L'attestation de Madame [Z], même si elle était destiné à un autre salarié, est intéressante en ce qu'elle décrit l'ambiance régnant au sein de la direction à cette période et qui apparaît en conformité avec une situation longue de restructurations et de licenciements qui a vu se succéder 3 directrices des ressources humaines.

Si en sa qualité de directeur du service Monsieur [D] [T] [F] a nommé deux collaborateurs pour s'occuper plus spécialement du démantèlement du site de [Localité 8], Monsieur [X], et des installations du site de [Localité 4], Monsieur [N], aucun élément ne permet d'en déduire qu'il s'est ainsi déchargé de ses tâches et au contraire dans leurs attestations ces deux salariés affirment qu'ils ont fait des points réguliers avec celui-ci. D'ailleurs la lecture des mails échangés entre le salarié, son supérieur hiérarchique Monsieur [T] et la DRH Madame [B] au mois de mai 2014, démontrent que un rendez-vous qui présentait pourtant une réelle urgence ressentie comme telle par tous et motivée par la dégradation de l'état de santé du salarié, n'a pu être programmé en raison de deux jours de déplacements sur [Localité 8] de monsieur [F]. Et le salarié justifie de notes de frais de déplacements considérables.

D'ailleurs la qualité et la quantité de travail du salarié n'ont jamais été critiquées avant l'avertissement du 25 février 2014, pendant son arrêt maladie, qui a été délivré d'une part pour un premier refus constaté de faire un travail réclamé, dans le cadre de la mission 'track and traces' qui lui avait été confiée en qualité de chef de projet en décembre 2014, et d'autre part pour avoir insuffisamment suivi et reporté, le chantier de [Localité 4].

Mais la lecture du mail de son supérieur hiérarchique du 23 janvier 2015 constatant que le salarié n'avait pas fait la synthèse réclamée et nécessaire à une conférence programmée le 26 janvier avec quatre clients majeurs, démontre que le refus du salarié est lié à une plainte de surcharge de travail.
Et à ce titre si la société reproche au salarié de ne pas produire d'attestations de collègues de travail évoquant leur surcharge de travail, il ne peut qu'être observé que la situation de Monsieur [D] [T] [F] était particulière, d'une part parce qu'il dirigeait le service, d'autre part parce qu'il disposait de plusieurs mandats de représentation du personnel et des délégués , qu'en outre il a été vu que ces collaborateurs pouvaient être affectés géographiquement sur des sites extérieurs et qu'en réalité même si Monsieur [X] s'est déclaré satisfait dans son entretien de décembre 2014 des missions qui lui ont été confiées et de l'enrichissement personnel qu'il en a tiré, il reconnaît bien 'une fin d'année 2014 très chargée et qui a nécessité de nombreux déplacements et fatiguants'.

Ainsi dans ce contexte exceptionnel de mise en oeuvre de 3 PSE, de réunions multiples à préparer et à tenir, de restructuration et de modernisation des sites, la société Logista France aurait, dans le cadre de son obligation de prévention, dû tout au moins être attentive à la situation particulière de son directeur de service, amené parallèlement à exercer de nombreux mandats de représentation qu'il estime correspondre à 40% de son temps de travail et tiraillé entre ses deux missions.

Or elle n'est pas en mesure de faire la moindre estimation du temps consacré à chaque fonction, d'apporter le moindre élément démontrant qu'elle l'a pris en compte dans la charge de travail confiée à Monsieur [D] [T] [F] ou qu'elle s'est seulement inquiétée de cette charge de travail tout au moins dans le cadre des entretiens annuels.

Au contraire il apparaît même qu'en 2013 le salarié a dû exercer un recours contre le compte rendu d'évaluation de l'année 2012 aux motifs développés dans son mail du 15 janvier 2013 (auquel il n'a eu de réponse qu'en juin 2013), qu'il s'est aperçu que son responsable n'avait pas pris en compte ses commentaires et remarques tant tenant à des objectifs irréalisables mettant en péril sa santé que contenant des remarques sur la gestion du temps et des adaptations contraintes calendaires qui n'étaient pas acceptables; qu'à ce titre il entendait lui rappeler, comment il avait été contraint de devoir réaliser des entretiens d'évaluation de ses six collaborateurs en seulement trois jours, le manque de considération pour son agenda, lui-même dépendant des priorités fixées par la direction et la DRH dans le cadre du PSE en cours et autres dossiers liés à la session.

Et retenant les correctifs apportés à son recours par son supérieur monsieur [T], le salarié lui précise encore le 7 juin 2012'... je ne pouvais plus assurer le rythme qui est de plus de 50 heures par semaine avec le temps des déplacements et de trajets qui s'y ajoutent. Tu m'as proposé pour alléger mes horaires de travailler plus à domicile, mais mon agenda et déplacements prévus ne me le permettent pas pour le moment. Tu écris aussi que cette adaptation partielle de mon temps de travail devrait me permettre d'avancer sur le projet je ne comprends pas comment. Par ailleurs je t'ai signalé qu'un nombre important de réunions sociales étaient programmées avant les congés d'été et aussi que je devais être hospitalisé à la fin du mois..'.

Et si l'employeur soutient qu'il n'était pas averti de la situation, la cour constate qu'au contraire dès l'entretien pour l'année 2012 le salarié évoque les difficultés et la charge liées à sa double compétence (' je n'ai pu coordonner les objectifs avec ceux de mes collaborateurs, la charge induite par mes objectifs et priorités qui viennent pour certains, en plus de ceux engagés depuis le 1er octobre 2011 et qui ne tiennent pas compte non plus de mes mandats syndicaux, ne me permettent pas de répondre certainement. Cette situation associant de nombreux déplacements nécessaires à ces projets compromettent encore plus l'équilibre de ma vie personnelle. J'aurais souhaité aborder ce sujet lors de cet entretien annuel d'évaluation .'.

Si la société soutient que ces difficultés ont été ensuite résorbées, cette allégation est contredite par les multiples mails d'alerte sur la situation du service, mais aussi sur la situation personnelle de Monsieur [D] [T] [F], qui ont émaillé l'année 2014 et qui contrairement à ce que soutient la société, au-delà des alertes ainsi données à sa hiérarchie, sont parfaitement explicites sur les missions qui lui étaient confiées, les motifs de sa surcharge de travail, l'insuffisance des ressources humaines affectées et des réponses apportées, et quant à l'incidence de cette charge de travail sur son état de santé.

Ainsi le 7 janvier 2014 il écrit 'il faut vraiment qu'on avance sur notre problématique de ressources. Et aussi de planification des besoins des filiales, et la gestion de la priorité. À ce jour c'est très pénalisant pour notre activité quotidienne' , le 9 avril 2014 'je reviens vers toi suite à la formation de la nouvelle prolongation d'arrêt maladie de C.[J] en arrêt depuis le 1er février et aux dernières informations jusqu'au 16 mai prochain. Nous avons repris le plus possible de dossiers achats avec l'aide temporaire et provisoire de [A]... Nous ne pouvons continuer ainsi par ailleurs nous souffrons de la même situation au niveau de notre activité projet avec les ressources insuffisantes pour suivre et prendre en charge les dossiers. Le projet de [Localité 4] reste prioritaire et après la fin d'industrialisation et développement nous entrerons dans la phase opérationnelle avec l'installation sur le site à partir de la fin de ce mois et pour un an. De ce côté le projet d'embauche d'un nouveau collaborateur est toujours en cours et n'avance pas DRH : DOP que j'ai été transmise 27 novembre 2013... La fermeture physique de [Localité 8] va être lancée dès le mois prochain et nous faire engager des ressources et déplacements supplémentaires pendant cinq à six mois.. D'autre part la récente gestion du dossier du futur centre régional de [Localité 10] va finalement nous revenir démontre ainsi les limites. Dans ces conditions quel plan d'action' Dans l'urgence sur la partie achat je te propose.... Pour la suite il faudra réfléchir aux ressources nécessaires à plus long terme, compte tenu des projets envisagés... Merci de ton aide et de revenir vers moi..'.

Le 6 mai 2014 'la charge de travail très élevée dans un contexte difficile avec beaucoup de déplacements. Les moyens manquent, les horaires sont insupportables, l'équipe est épuisée et la santé de tous s'en ressent fortement. M. n'est pas là, y compris sur le projet de [Localité 4], en plus des ressources absentes et manquantes. Les demandes des directions régionales ne sont pas contenues, la gestion du budget des projets est sans arrêt remaniée. Je souhaite en reparler très sérieusement et rapidement..'.

Le 14 mai 2014 'j'ai eu l'occasion de t'informer à plusieurs reprises sur la situation de notre activité ingénierie/achat avec la surcharge de travail que nous subissons. Malgré ces alertes (nombreuses) je déplore qu'il n'y ait eu aucune évolution adaptée malgré les propositions que j'ai faites notamment en termes de ressources humaines... Tu m'as répondu que nous n'étions pas les seuls à subir cette situation. Je suis sûr que tu peux comprendre que cette réponse ne peut pas me satisfaire alors que je continue à constater une surcharge de travail excessive ... Il se trouve que ma santé s'est dégradée. Ce soir, j'ai vu le médecin il m'a enjoint de m'arrêter ... Mais c'est impossible. J'ai conscience qu'il y a des rendez-vous très importants à venir. Alors comment dois je faire ' Ne pas participer ' Y participer malgré tout ' Je suis dépassé par cette situation qui aurait pu être évitée ... Indépendamment de l'inquiétude légitime que j'éprouve dans l'attente des résultats médicaux suis profondément dépité de constater que les alertes que j'ai soulevées auprès de toi depuis de nombreux mois les propositions que je t'ai faites pour pallier à la charge de travail exponentielle et la flexibilité permanente que tu exigeais de moi-même et de mon équipe, mais à ce jour sans recevoir le niveau de support nécessaire. Je souhaiterais que ce sujet soit réellement pris au sérieux y compris par la DRH. La situation n'est plus tenable, elle ne peut pas demeurer sans réaction je ne peux pas l'envisager ...'.

Dans ce contexte la cour constate que la société n'a pas répondu à ses 'appels à l'aide', n'a pas même calmé ses inquiétudes, qu'au contraire elle lui a imputé la responsabilité du défaut de recrutement d'un salarié qui incombait pourtant aux services des ressources humaines, s'est limitée à lui proposer à l'issue d'un entretien en octobre 2014 avec la DRH, une aide dans son organisation sans lui faire de proposition concrètes, sans faire avec lui une évaluation de son temps de travail et que finalement elle lui a ajouté, en qualité de chef de projet, 2 missions supplémentaires en fin d'année 2014 pour lui faire ensuite le reproche de l'insuffisance de suivi de celles-ci dans le cadre d'un avertissement qui a été le détonnateur du malaise du salarié arrêté depuis cette date.

En conséquence les manquements de l'employeur dans son obligation de mettre en place les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de monsieur [F] pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration de la situation existante sont largement démontrés.

Compte tenu de la durée de ces manquements, de l'état de santé actuel du salarié qui ne lui permet pas d'envisager une réintégration dans la société et d'y reprendre son poste il apparait que la gravité du manquement reproché est suffisament grave pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.

Sur les indemnités de rupture.

Sur le salaire de référence.

Sur le fondement de l'article R 1234 ' 4 du code du travail et en application du principe de non-discrimination à raison de l'état de santé, le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celui des 12 ou des trois derniers mois précédant l'arrêt continu de travail résultant du manquement de l'employeur constaté.

Il se fixe dès lors à la moyenne calculée de février 2014 à janvier 2015 à la somme de 10 430,27 euros.

Sur l'ancienneté

La société Logista soutient que sur le fondement de l'article L1234-11 du code du travail, les périodes de suspension du contrat de travail de Monsieur [D] [T] [F] ne doivent pas être prises en compte dans la détermination de son ancienneté au motif qu'elles ne correspondent pas à des périodes de travail effectif.

Mais dès lors que l'arrêt maladie de Monsieur [F] est imputable au comportement fautif de l'employeur il ne peut s'en prévaloir pour réduire d'autant l'ancienneté du salarié.

En conséquence celui-ci peut se prévaloir d'une ancienneté, calculée à l'issue du préavis de trois mois courant à compter de la résiliation judiciaire prononcée ce jour, de 30 ans et 5 mois.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis.

Une indemnité compensatrice de préavis est due lorsque le licenciement est nul et en l'espèce il se fixe sur le fondement de l'article 35 de la convention collective du commerce de gros applicable à la relation contractuelle à une durée de trois mois.

En conséquence la créance de Monsieur [D] [T] [F] est de 31 290,80 euros augmentée d'une indemnité compensatrice de congés payés de 3 129,08 euros.

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Sur le fondement des dispositions de l'article 4. b de l'annexe 4 de l'avenant catégoriel cadre de la convention collective applicable, le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement correspond à 3/10 de mois par année de présence dans la tranche de 0 à 9 ans inclus, à 4/10 de mois par année de présence dans la tranche de 10 à 19 ans inclus et à 5/10 de mois par année de présence dans la tranche à partir de 20 ans.

Son calcul est effectué sur la base du 12ème de la rémunération des 12 derniers mois précédant le licenciement, selon la formule la plus avantageuse pour l'intéressé, ou du tiers des trois derniers mois étant entendu que dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuelle ou exceptionnelle, qui aurait été versée au salarié pendant cette période, ne serait prise en compte que prorata temporis. L'indemnité ne pourra dépasser un maximum de 12 mois.

Par ailleurs lorsque le cadre congédié est âgé de 50 ans révolus et compte au moins 15 ans d'ancienneté comme cadre d'entreprise, l'indemnité de licenciement fixée est majorée de 15 % entre 50 et 55 ans, de 20 % à partir de 55 ans

En l'espèce l'indemnité conventionnelle calculée dans ces conditions conventionnelles, sur la base de l'ancienneté et du salaire de référence posés par la cour, dépasse le plafond maximum de 12 mois de salaire de 125 163,24 euros qui sera donc retenu.

Monsieur [D] [T] [F] étant âgé de 54 ans l'indemnité conventionnelle sera majoré de 15 % pour se fixer à la somme de 143 937,73 euros réclamée.

Sur l'indemnité pour licenciement nul.

Monsieur [D] [T] [O] sollicite la somme de 365 059 euros nets de toute cotisation et charges sociales à titre de dommages et intérêts pour nullité de son licenciement.

Lorsque le licenciement d'un salarié protégé est nul et qu'il ne demande pas sa réintégration dans l'entreprise, il a droit à une indemnité réparant le préjudice subi dont il lui appartient de démontrer la matérialité et tout au moins égale à six mois de salaire tel que prévu à l'article L 1235 '3 du code du travail.

La société Logista France s'oppose à cette demande qu'elle estime exorbitante pour correspondre à 35 mois de salaire. Elle estime Monsieur [D] [T] [F] ne justifie pas que son état de santé l'empêcherait de retrouver un emploi, précise qu'avant son départ de l'entreprise il avait été déclaré apte à occuper le sien et qu'il ne démontre pas l'existence d'un préjudice particulier.

Considérant notamment le salaire de Monsieur [D] [T] [F], une ancienneté de 30 ans, son âge (54 ans) considérant qu'il a été placé en arrêt de de travail pour cause de maladie pendant 33 mois avec versement des indemnités journalières, qu'il bénéficie d'une pension d'invalidité de deuxième catégorie depuis le 1er décembre 2007 qui vont compliquer sa recherche d'emploi et à la suite de laquelle il a accusé une chute de 35 à 40 % de ses revenus familiaux, la cour fixe son indemnité à la somme de 100 000 euros.

Sur l'indemnité pour violation du statut protecteur.

La nullité du licenciement d'un salarié protégé lui permet de solliciter une indemnité forfaitaire au titre de la violation de son statut protecteur, équivalent à la rémunération qu'il aurait du percevoir entre son éviction et l'expiration de la période de protection dans la limite de 30 mois.

En l'espèce Monsieur [D] [T] [F] a été élu membre du comité d'entreprise le 26 mai 2014 et bénéficie donc du statut protecteur jusqu'au mois de juin 2019 (mandat de quatre ans auquel s'ajoute une protection supplémentaire de 12 mois) et, tenant compte d'un prononcé de la décision le 9 janvier 2019, il s'en déduit qu'il peut prétendre à cinq mois de salaire à titre d'indemnités, ce que ne conteste pas la société Logista qui la calcule en revanche à tort sur la base d'un salaire moyen erroné et que la cour a fixé à 10 430,27 euros.

Aussi l'indemnité se fixe au montant réclamé par le salarié soit à la somme de 52 155,35 euros.

Sur les dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité.

Monsieur [D] [T] [F] réclame à la société la somme de 15 000 euros nets de toute cotisation et charges sociales en réparation du préjudice résultant de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité expliquant qu'elle a eu des conséquences graves et directes sur son état de santé en ce qu'il est arrêté pour cause de burn out depuis près de 20 mois pour la première fois de sa carrière professionnelle de plus de 28 ans.

Ce préjudice est distinct de celui lié aux conséquences de la rupture du contrat de travail et sera indemnisé par la somme de 10 000 euros.

Sur le paiement du solde des congés acquis mais non pris des JRTT et du CET.

S'agissant du compte épargne temps.

Sur la base du bulletin de paie du mois d'août 2018 le salarié établit son compte épargne temps à 544 jours (532 jours au titre du compte épargne temps N -4; 11, 80 jours au titre du compte épargne N-1 et N-3) confirmés par la société dans ses écritures.

Monsieur [D] [T] [F] réclame 55 jours supplémentaires au titre de l'abondement des jours acquis prévu à l'article quatre de l'accord collectif d'entreprise relatif au compte épargne temps, qui précise qu'à l'occasion de la prise effective des droits épargnés en jours ouvrés, la société en abondera à hauteur de 4 % pour les périodes épargnées au cours des quatre années précédant la prise du congé épargne temps, 10 % pour les périodes épargnées au-delà de quatre ans , le nombre de congés résultant des calculs étant toujours arrondi au jour supérieur.

La société Logista conteste l'abondement réclamé au motif qu'il n'est du qu'en cas de prise effective de congés mais pas de paiement de ceux- ci.

Mais lorsque l'impossibilité pour le salarié de prendre ses congés et de bénéficier de l'abondement, est la conséquence d'un manquement de l'employeur celui-ci ne peut s'en prévaloir pour le priver du bénéfice de ces dispositions contractuelles et en tout état de cause l'article sept de l'accord collectif fait expressément référence à la situation d'une rupture anticipée du contrat de travail en précisant que dans ce cas 'les sommes correspondantes sont remboursées, (abondement compris), au salarié ou à ses ayants droits...'.

L'article 5 prévoit que 'le congé CET(abondement compris) peut également être intégralement ou partiellement reconverti en une indemnité versée en une seule fois, par référence au salaire du moment, préalablement à un départ autorisé en absence ou congé non rémunéré...'.

La société fait ses calculs sur cette base en retenant un salaire mensuel de 9 007,32 euros bruts et 21,667 jours ouvrés mensuels soit un montant journalier de 415,71 euros pour 544 jours CET pour aboutir à un montant du de 226 146,24 euros bruts quant le salarié fait ses calculs sur la base de 220 jours ouvrés annuels pour un salaire de 10 430,27 euros X 12 et 599 CET pour aboutir à un montant de 312 384,49 euros.

La cour retient que le salaire de référence du moment se fixe à 10 430,27 euros mais correspond pour 5 jours ouvrés par semaine à 21,667 jours mensuels, de sorte que l'indemnité due au salarié pour 599 jours se fixe à la somme de 288 352,41 euros.

Sur le solde de congés payés et JRTT acquis mais non pris

Sur le bulletin de paie du mois de décembre 2015 il est indiqué que Monsieur [D] [T] [F] avait acquis mais non pris :

* 29 jours de congés au titre de l'année N-1,

* 15 jours de congés au titre de l'année N,

* deux jours au titre des JRTT,

total 46 jours correspondant à 23 989,62 euros bruts.

L'employeur soutient que son bulletin de salaire d'octobre 2018 mentionne un solde de 16 et non pas 46 jours et que de surcroit ce solde ne tient pas compte d'un transfert de congés sur le compte épargne temps du salarié.

Si en effet Monsieur [D] [T] [F] a pris en compte dans son CET la situation au mois d'aout 2018 et qu'il convient dès lors de déduire de son solde de congés, ceux transférés sur celui-ci depuis le dernier relevé du bulletin de paie de décembre 2015 dont il se prévaut, en revanche aucun élément ne permet de retenir l'exactitude de la mention de 16 jours de congés payés indiquée sur le bulletin de salaire d'octobre 2018, la société, débitrice du droit du salarié à ses congés payés ne développant les conditions dans lesquelles le crédit de 46 jours du salarié est passé à 16.

Retenant en conséquence les seuls transfert indiqués sur le relevé de transfert produits la cour fixe les droits du salarié à 31 jours, soit sur la base du salaire journalier retenu à 14 923,08 euros.

Sur le rappel de bonus.

La rémunération variable du salarié est calculée selon les règles applicables aux autres salariés cadre (hors commerciaux soumis à une rémunération variable dédiée) définies dans le guide interne 'système de rémunération variable' et est fonction d'objectifs individuels et d'objectifs collectifs.

Il ne conteste pas que la société Logista l'a informé de la répartition de sa rémunération variable entre objectifs individuels et objectifs collectifs mais lui reproche l'absence d'information communiquée relativement aux composantes des objectifs collectifs à savoir les chiffres financiers de la société qui sont des informations confidentielles non publiquement diffusées auxquelles il n'a pas accès.
Il explique que le président de la société Monsieur [C], lors des réunions du comité central d'entreprise l'a expressément reconnu en s'engageant notamment lors de la réunion du comité central du 18 décembre 2014 à restaurer 'un bilan trimestriel sur ce sujet 'sans jamais soutenir que cette information aurait déjà été transmise au salarié; qu'en conséquence il n'a pas été en mesure de vérifier les modalités de calcul de son bonus chacune des années.

Monsieur [D] [T] [F] réclame alors une somme de 17 272 euros à titre de rappel de salaire sur trois années 2012 (6181,06 euros), 2013 (3818,81 euros) et 2014 (7272,80 euros) correspondant au différentiel entre le montant du bonus qu'il a perçu et celui calculé, sans modification de son taux d'atteinte des objectifs individuels résultant de ses entretiens d'évaluation, mais en appliquant un taux d'atteinte des résultats financiers et donc de l'objectif collectif de 100%.

Mais sur le fondement des articles 1103 du Code civil et L 1222'1 du code du travail la rémunération variable doit être déterminable en fonction de la proportion de réalisation des objectifs convenus et ceux-ci vérifiables.

Or si Monsieur [D] [T] [F] justifie qu'il a pu à trois reprises se plaindre de l'absence de connaissance des objectifs et résultats collectifs et notamment dans le cadre du recours contre l'entretien annuel d'évaluation pour l'année 2012 ( ' part financière : pas d'objectifs fixés explicites.N+1 dans l'incapacité de lui fournir' , ou lors des réunions des CCE du 14 mars 2013 et du 18 décembre 2014 relayé dans son e-mail du 5 janvier 2015 à la direction de la société Logista 'nous revenons vers vous suite à la réunion du CCE du 18 décembre 2014. Comme cela était mentionné encore lors de ce CCE, nous n'avons toujours pas connaissance du taux de réalisation des objectifs financiers .. En ce début d'année le salarié n'a aucune visibilité sur ces résultats, ni les objectifs, pour l'exercice en cours .. De plus nous ne connaissons toujours pas ceux de l'exercice clos le 30 septembre 2014 soit il y a maintenant plus de trois mois, qu'ils ont pris en compte pour le calcul du bonus versé en janvier pour les cadres et les agents de maîtrise ... Nous demandons une information transparente sur les objectifs et les taux d'atteinte par catégorie et collective, tels que définis dans le système de bonus', en revanche il ne développe en quoi les éléments données par la société dans le cadre de la présente procédure ne lui permettent pas de vérifier l'impact des résultats de l'entreprise sur sa part variable alors la société Logista France explique que les objectifs financiers collectifs reposent à 20 % sur l'EBIT du groupe Logista, 70 % sur l'EBIT de la société Logista France et 10 % sur le working capital, qu'elle a appliqué ces règles sans contestation du salarié qui n'a interrogé la direction, en sa qualité de délégué syndical, qu'en lui reprochant un manque de clarté de certains résultats financiers mais sans soutenir qu'il aurait été lésé par le calcul appliqué, qu'elle a transmis aux DRH les objectifs chiffrés et nécessaires à la mise en place de la politique de rémunération variable dans un tableau Exel reprenant les objectifs de chacune des activités du groupe Logista France avec des objectifs d'EBIT et WC (Cf mail à Madame [I] directrice des ressources humaines le 17 mai 2012 'conformément à la clause de notre politique de rémunération variable je te remercie de bien vouloir trouver ci-joint les objectifs chiffrés correspondant aux sociétés et activités relevant de ta responsabilité que nous avons reçus de la direction financière. Je te remercie de partager cette information concernant chaque société ou activités avec les managers appropriés. Dans le cas où vous seriez sollicité par un participant souhaitant être informé de ses objectifs, je te remercie de conserver la confidentialité de ce document de telle manière que le salarié ne soit informé que des objectifs correspondant à sa propre activité et qui affecte le calcul de son bonus...' et qu'elle produit dans le cadre de la présente procédure les power point business objectifs pour les années 2012, 2013, 2014.

En conséquence le salarié est débouté de ses prétentions à un rappel de bonus et le jugement du conseil de prud'hommes est confirmé sur ce point.

Sur les heures supplémentaires.

Monsieur [D] [T] [F] sollicite le versement d'une somme de 226 390,06 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires effectuées de 2010 à 2015 et congés payés afférents.

Sur le forfait jour.

La société Logista France entend voir constater que le salarié cadre est, depuis février 2000, soumis à un forfait jour sur le fondement de l'annexe 4 'aménagements et réduction du temps de travail' en son article 9.2 relatif au forfait jour pour le personnel cadre, de l'accord de substitution du 2 août 2007 applicable aux salariés transférés de la SEITA à la société Logista, tel qu'il est indiqué sur ses bulletins de salaire et qu'en contrepartie il a bénéficié de jours de repos afférents et d'une autonomie dans l'organisation de son travail.

Elle précise qu'au moment de la mise en place de la convention l'écrit n'était pas pour les cadres une condition de validité de celle-ci (loi du 19 janvier 2000) ; que la loi de 2008 qui a introduit cette obligation n'a pas imposé de régularisation pour les situations en cours et qu'en dernier le nouveau socle conventionnel mis en place par la conclusion d'un accord collectif sur l'application du forfait en jours avec les syndicats le 11 mars 2015, n'impose la signature d'une convention individuelle que pour l'avenir; que le cas de madame [U] visé par le salarié, engagée avant l'adoption de la loi de 2008 qui, ayant refusé de signer l'avenant à son contrat de travail pour décompter son temps de travail dans le cadre d'une convention individuelle de forfait jour, a été soumise à l'horaire collectif de 35 heures par semaine, ne constitue qu'un cas d'espèce.

Elle observe que pendant plus de 15 ans l'application de ce forfait n'a soulevé aucune contestation du salarié que celle-ci n'est que de circonstance pour fonder sa demande de résiliation judiciaire et conclut qu'en conséquence le décompte de son temps de travail est exclu des dispositions relatives au temps de travail et aux heures supplémentaires prévues aux articles L3 121 ' 44 et suivants du code du travail.

Mais l'absence d'obligation de régularisation d'une convention de forfait jour par la conclusion d'un écrit posée par les lois successives invoquée par la société, ne la dispensait pas d'appliquer les nouvelles règles en vigueur d'application immédiate s'agissant d'effets futurs d'une situation juridique antérieure posées par la loi du 20 août 2008, et concernant les modalités d'exécution et de mise en oeuvre de celle-ci.

Celles- ci lui imposaient notamment sur le fondement des dispositions de l'article L3121'38 et 46 du code du travail d'une part de justifier de la prévision dans l'accord collectif d'entreprise ou d'établissement autorisant la conclusion de convention individuelle de forfait de l'existence de stipulations de nature à garantir le respect des durées maximales de travail ainsi que les repos journaliers et hebdomadaires ce qu'elle ne fera que dans un accord d'entreprise de mars 2015 et d'autre part d'organiser un entretien annuel individualisé spécifique avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année portant sur la charge de travail , l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

Or elle ne justifie d'aucune de ces conditions de sorte que la violation constatée de chacune d'entre elles entraine la nullité de la convention de forfait et rend recevable une demande en paiement d'heures supplémentaires selon le droit commun posant une durée hebdomadaire de 35 heures et le paiement majoré des heures supplémentaires.

Sur le rappel de salaires pour heures supplémentaires.

Aux termes de l'article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié lorsque celui-ci a fourni préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

L'exigence requise est que la prétention du salarié soit sérieusement soutenue sans aboutir à faire peser sur lui la charge de la preuve et donc pour lui d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis, exploitables, fiables et cohérents entre eux quant aux horaires quotidiens de travail effectif réalisés, pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Par ailleurs le fait pour un salarié de ne pas formuler de réclamation avant la rupture du contrat ne vaut pas renonciation au paiement des heures supplémentaires et ne dispense pas l'employeur de produire les éléments de nature à justifier des horaires effectués de sorte qu'il ne peut être tiré aucune conséquence du fait que la première réclamation de Monsieur [D] [T] [F] en paiement d'heures supplémentaires effectuées depuis l'année 2010 n'a été formulée que dans son courrier de contestation de l'avertissement du 21 février 2015 le salarié développant à ce titre qu'il a vécu cette sanction comme une réelle injustice compte tenu de son total investissement et de sa surcharge de travail.

En outre même si les heures supplémentaires ne résultent pas de la demande expresse de l'employeur elles doivent être payées au salarié des lors qu'elles ont été imposées par la nature ou la quantité de travail demandé ou ont été effectuées avec l'accord implicite de l'employeur et il a été vu à ce titre que la société a été alertée de la surcharge de travail du salarié dans un contexte de restructuration exceptionnel et qu'elle entendait les justifier par l'existence d'une convention de forfait jour.

Pour étayer sa demande il produit:

- des tableaux distinguant les périodes de travail effectif, de celles de congés, de formations ou d'absences, indiquant pour chaque journée travaillée, l'heure de son début d'activité (5h40, 6h15, 6h20 7h40..) et de sa fin d'activité (17h15, 19h, 23h..), son amplitude de travail, déduisant une heure de pause et faisant le total hebdomadaire d'une moyenne de 48 heures,

- la totalité des mails envoyés de sa messagerie professionnelle pour toute la période considérée qui évoquent sa charge, par leur contenu, (pour rappel notamment e-mail du 7 juin 2012 à son responsable hiérarchique « je t'ai dit que je ne pouvais plus assurer le rythme qui est de plus de 50 heures par semaine avec le temps de déplacement et de trajet qui s'y ajoutent.. ») mais surtout par la fréquence ( plus de 4 000 mails) avec laquelle ceux ci sont envoyés et réceptionnés avant 9 heures et après 18 heures (jusqu'au delà de 21h « audit du bâtiment » «demande d'informations entrepôts », 22 h « sécurité informatique » jusqu'à 00:06 pour des envois de compte rendu de réunion NAO..)

- des justificatifs de ses déplacements professionnels en avion et en train (cartes d'embarquement, billets) ou en voiture (carte essence ) et de ses cours d'anglais généralement vers 7h30 le matin visant à démontrer qu'il débutait tôt et finissait tard ses journées de travail,

tous éléments qui sont suffisamment détaillés pour étayer sa demande et permettre à l'employeur d'y répondre.

Il est constant en l'espèce que l'employeur n'est pas en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié qu'il considérait comme un cadre autonome responsable de son travail, souvent en déplacement, ou dans le cadre de l'exercice de ses mandats de représentation du personnel ou de délégué syndical.

Il n'en est pas moins autorisé à émettre des critiques, et relever des contradictions quant au calcul du nombre d'heures effectuées présenté par le salarié, d'autant que le décompte a été établi tardivement parce que les parties s'estimaient liées par une convention de forfait, que le salarié ne dispose pas d'un agenda personnel, ou de tout document surlequel il aurait inscrit régulièrement ses horaires et qu'il avait des horaires irréguliers et singuliers qui ne sont pas confortés par des attestation de collègues.

Néanmoins à ce titre le salarié estime à juste titre que la société Logista s'acharne sur des détails insignifiants qui ne permettent pas de remettre en cause avec 48 incohérences relevées sur 5 ans, le volume des heures d'autant que ses contestations ne peuvent être retenues en ce que notamment:

- les quelques rares envois de mails privés qu'elle constate n'empêchent pas de conclure à la présence du salarié sur son poste de travail,

- que le caractère professionnel des mails envoyés de sa boite professionnelle est présumé de sorte que la production du contenu même des mails ne présentait pas d'intérêt probatoire,

- qu'il n'est pas incompatible de démarrer son travail un peu avant le démarrage de son cours d'anglais habituellement à 7h30 et que le salarié donne plusieurs exemples de travail effectué par l'envoi d'un mail avant le début du cours ( le 19 novembre 2012 envoi d'un email « chiffrages pousseurs tireurs et variables » à 7h19; le 5 septembre 2014 envoi d'un mail à 7h15 « déménagement [Localité 10] ».. ..) et que d'ailleurs son arrivée habituelle avant le cours d'anglais résulte d'un mail du 14 mai 2014 qu'il a adressé à sa direction qui indique « ... Je serai au bureau dès sept heures comme d'habitude.. »,

- que décompter une heure de pause déjeuner constitue une moyenne sur 5 ans qui n'est pas impactée pas les rares exemples qui laisseraient supposer une durée plus longue.

Il est observé de même que si Monsieur [F] a versé aux débats, pour asseoir la démonstration que l'évaluation de son temps de travail effectif réel a été largement sous-évaluée, la liste des e-mails envoyés pendant ses congés et les week-ends, mais qu'en revanche l'analyse des tableaux analytiques démontre qu'il ne les a pas décomptés dans son calcul des heures supplémentaires réalisées.

Encore lorsque son agenda électronique indique « rendez vous privé « et que l'employeur se prévaut à juste titre de la présomption ainsi posée, d'absence de travail effectif, le salarié parvient à renverser la présomption en expliquant qu'il utilisait cette mention, proposée par le logiciel de gestion, pour garder la confidentialité de ses réunions syndicales et en justifiant par de nombreux exemples démontrant cette concordance, ainsi qu'il le développait déjà dans son courrier en réponse très précis sur ce point du 11 mai 2015.

Encore si il était en arrêt maladie du 16 au 19 mai 2014 il démontre qu'il a néanmoins travaillé et en a informé l'employeur qui ne s'y est pas opposé ( cf e-mail du 14 mai 2014 21h40 adressé à Monsieur [T] et madame [B] déjà cité « il se trouve que ma santé s'est dégradée. Ce soir j'ai vu le médecin et non prescrit une batterie d'examens. Il m'a enjoint de l'arrêté de manière à pouvoir prendre les rendez-vous à l'hôpital. Mais c'est impossible. J'ai conscience dernier rendez-vous très important... Malgré tout je vais être présent à la réunion annuelle du G100 demain. Je serais au bureau de sept heures comme d'habitude.. Je vais également être au bureau le lundi 19 pour le retour de congé maternité de [E].. »

En revanche Monsieur [D] [T] [F] reconnaît qu'il a considéré que sa journée de travail commençait à partir de son arrivée au lieu de transport, aéroport ou gare et qu'ainsi par exemple lorsque son vol était prévu à 17h30 il estimait avoir débuté sa journée à 6h10 soit l'heure à laquelle il arrivait à l'aéroport (1h20 avant le vol).

Il estime que ces temps de transport intervenus dans le cadre de voyages professionnels ne correspondent jamais à des temps libres et qu'il s'agit de temps de travail effectif qui doit être pris en compte dans l'évaluation de la durée de son temps de travail.

Mais l'indemnisation de ces temps de déplacement est régie par les dispositions de l'article L3121'4 du code du travail selon lesquelles le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif et que s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il doit faire l'objet d'une contrepartie, soit sous forme de repos, soit financière, déterminée par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité entrepris ou des délégués du personnel, s'il en existe.

Les temps de trajet en voiture, en train ou en avion ne doivent dès lors pas entrer dans le décompte des heures supplémentaires réalisées.

Constatant l'ampleur du temps ainsi pris en compte à tort jusqu'à l'heure du début de la mission et après la fin de celle-ci pour le trajet retour, avec une moyenne de 1X par semaine la cour réduit la durée hebdomadaire de 3 heures ce qui permet de fixer, ensemble avec les autres éléments développés une créance de Monsieur [D] [T] [F] de 1992 heures à indemniser selon les majorations hebdomadaires de 25 % de la 36 à la 39ème heures et de 50% à compter de la 40ème heure sur le fondement de l'article L3121-2 du code du travail soit à un montant de 174 177 euros outre congés payés afférents de 17 417 euros.

Sur les repos compensateurs.

Selon l'article L3121-26 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige dans les entreprises de plus de 20 salariés, les heures supplémentaires accomplies à l'intérieur du contingent annuel d'heures supplémentaires conventionnel ou réglementaire, ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire.

La durée de ce repos est égale à 50% de chaque heure supplémentaire accomplie au delà de 41 heures. Cette durée est portée à 100% pour chaque heure supplémentaire accomplie au delà du contingent

Selon l'article L3121-8 ce repos est assimilé à une période de travail effectif pour le calcul des droits du salarié. Il donne lieu à une indemnisation qui n'entraîne aucune diminution par rapport à celle que le salarié aurait perçue s'il avait accompli son travail.

Le salarié qui n'a pas été mis en mesure, du fait de son employeur de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l'indemnisation du préjudice subi, laquelle comporte à la fois le montant de l'indemnité de repos compensateur et le montant de l'indemnité de congés payés afférents.

En l'espèce la cour parvient à 231 heures supplémentaires annuelles en 2010, 420 en 2012, 405 en 2013 et 564 en 2014 soit dépassant le contingent annuel de 220 heures supplémentaires autorisées par les dispositions de la convention collective du code du travail.

Elles ouvrent dès lors droit à indemnisation pour un montant calculé sur la base des taux horaires successifs du salarié incluant la perte des congés payés de 57 600 euros.

Sur le travail dissimulé

L'article L 8221-5 du code du travail dans sa version applicable dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement:

1° à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

Or en l'espèce si l'employeur a démontré sa négligence dans le suivi de la charge de travail du salarié il ne peut en être déduit qu'il a entendu dissimuler son activité en ce que le salarié était totalement autonome dans ses fonctions spécialement dans le cadre de l'exercice de ses mandats de représentants de personnel et de délégué syndical, qu 'il n'a formulé aucune demande de paiement pendant la période contractuelle et que les parties s'estimaient liées par une convention de forfait en jours.

En conséquence Monsieur [D] [T] [F] est débouté de sa demande indemnitaire forfaitaire formée sur le fondement de l'article L.8223-1 du code du travail

Sur le cours des intérêts.

Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7du code civil, les créances salariales sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et à défaut de preuve de cette réception à compter de la date de tenue de l'audience de conciliation soit le 11 juin 2015 , et les dommages et intérêts alloués à compter de la présente décision.

Sur les frais irrépétibles.

Il n'est pas inéquitable de condamner la société Logista France à payer à Monsieur [D] [T] [F] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de la débouter de ses prétentions à ce titre et de la condamner aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [D] [T] [F] aux torts exclusifs de la société Logista,

Condamne la société Logista France à payer à Monsieur [D] [T] [F] les sommes suivantes :

* 143 937,73 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 35 291 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

* 3 129,6 euros d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

* 100 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,

* 52 155, 35 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur (cinq mois de salaire),

* 174 177 euros de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires accomplies au cours de la période allant du 5 mai 2010 au 6 février 2015 ,

* 17 417,70 euro d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

* 57 600 euros d'indemnité au titre du repos compensateur non pris

* 288 352,41 euros correspondant à 599 jours au titre du compte épargne temps,

* 14 923,08 euros au titre des congés payés acquis et JRTT non pris correspondant à 31 jours,

Déboute Monsieur [D] [T] [F] de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et de sa demande de rappel de rémunération variable,

Ordonne la remise au salarié de l'attestation pôle emploi, du certificat de travail et du reçu pour solde de tout compte sans qu'il y ait lieu au prononcé d'une astreinte,

Condamne la société Logista au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne la société Logista aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 17/02085
Date de la décision : 09/01/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°17/02085 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-09;17.02085 ?
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