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09/01/2019 | FRANCE | N°17/01335

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 09 janvier 2019, 17/01335


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 9 JANVIER 2019



(n° 2019/7, 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 17/01335 ayant absorbé le 17/03282

N° Portalis 35L7-V-B7B-B2N5N



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Janvier 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/01807





APPELANTE



SCS BANQUE

DELUBAC & CIE prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS d'[Localité 1] sous le numéro 305 776 890

[Adresse 1]

[Adresse 2]

intimée dans le dossier RG 17/03282 ayan...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 9 JANVIER 2019

(n° 2019/7, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/01335 ayant absorbé le 17/03282

N° Portalis 35L7-V-B7B-B2N5N

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Janvier 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/01807

APPELANTE

SCS BANQUE DELUBAC & CIE prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS d'[Localité 1] sous le numéro 305 776 890

[Adresse 1]

[Adresse 2]

intimée dans le dossier RG 17/03282 ayant été joint par ordonnance du 12 septembre 2017 au dossier RG 17/01335

Représentée par Me Thierry BISSIER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0481

INTIMÉS

Monsieur [W] [D]

Né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 2] (37)

[Adresse 3]

[Localité 3]

Monsieur [T] [D]

Né le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 2] (37)

[Adresse 4]

[Localité 3]

Monsieur [C] [X]

Né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 4] (75)

Atelier 16

[Adresse 5]

[Localité 5]

Monsieur [S] [K]

Né le [Date naissance 4] 1966 à [Localité 6] (67)

[Adresse 6]

[Localité 7]

Monsieur [K] [A] [H]

Né le [Date naissance 5] 1967 à [Localité 8] (78)

[Adresse 7]

[Localité 9]

Monsieur [L] [B]

Né le [Date naissance 6] 1974 à [Localité 10] (ITALIE)

[Adresse 8]

[Adresse 9]

[Localité 11]

Monsieur [J] [L]

Né le [Date naissance 7] 1967 à [Localité 12] (78)

[Adresse 10]

[Localité 13]

Monsieur [O] [M]

Né le [Date naissance 8] 1978 à [Localité 14] (ITALIE)

[Adresse 11]

[Adresse 12]

[Localité 11]

Monsieur [R] [N]

Né le [Date naissance 9] 1966 à [Localité 4] (75)

[Adresse 13]

[Localité 15]

Madame [Q] [Y]

Née le [Date naissance 10] 1953

[Adresse 14]

[Localité 16]

SELARL PJP-PARIS prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de [Localité 4] sous le numéro 480 549 336

[Adresse 15]

[Localité 3]

Représentés par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Représentés par Me Félix DE BELLOY de l'ASSOCIATION BOKEN, avocat au barreau de PARIS, toque : R191

Monsieur [Y] [W]

Né le [Date naissance 11] 1952 à [Localité 17] (33)

[Adresse 16]

[Adresse 17]

[Localité 18]

Madame [F] [E] épouse [W]

Née le [Date naissance 12] 1960 à VLOTHO (ALLEMAGNE)

[Adresse 16]

[Adresse 17]

[Localité 18]

Représentés par Me Pierre MAIRAT de la SCP MAIRAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0252

SARL AJF prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 499 503 456

[Adresse 18]

[Localité 3]

appelante dans le dossier RG 17/03282 ayant été joint par ordonnance du 12 septembre 2017 au dossier RG 17/01335

Représentée par Me Stéphanie ZAKS de la SELEURL Cabinet ZAKS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0277

Représentée par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 6 Novembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Françoise CHANDELON, Présidente de chambre

Madame Pascale GUESDON, Conseillère

Monsieur Marc BAILLY, Conseiller

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs CRUZ

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Françoise CHANDELON, Présidente de chambre et par Anaïs CRUZ, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

Messieurs [W], [T] [D], [C] [U], [S] [K], [D] [H], [L] [B], [J] [L], [O] [M], [R] [N], Madame [Q] [Y], Monsieur [Y] [W] et Madame [F] [E], son épouse ainsi que les sociétés PJP-Paris et AJF ont, en 2007 et 2008, investi dans le produit dénommé « Yalia Fair Performance » géré par un fonds d'investissement alternatif (FIA) de droit anglais, la société Yalia Invest Limited. dirigée par Monsieur [G] [O], immatriculée à Londres le 29 juin 2004.

Victimes d'une « pyramide de Ponzi », la société Yalia Invest Limited se trouvant dans l'incapacité, à compter du mois de décembre 2008, de leur restituer leurs avoirs majorés des fruits annoncés, de l'ordre de 5% mensuels, mentionnés dans de faux « reportings », les investisseurs ont déposé plainte contre Monsieur [O] les 16 mars, 17 et 25 juin 2009 ;

Par jugement du 7 novembre 2018, ce dernier a été reconnu coupable, notamment, des faits d'escroquerie qui lui étaient reprochés ce dont la cour a été informée par notes en délibéré qu'elle avait sollicitées à l'audience de plaidoirie.

Appel a été interjeté contre cette décision.

Par exploit du 28 janvier 2011, Messieurs [W], [T] [D], [C] [U], [S] [K], [D] [H], [L] [B], [J] [L], [O] [M], [R] [N], Madame [Q] [Y] et la société PJP-Paris ont engagé la présente procédure exposant que la Banque Delubac & Cie, dans les livres de laquelle la société Yalia Invest Limited avait ouvert un compte titre associé à un compte de dépôt avait, en sa qualité de dépositaire, une obligation de restitution des fonds encaissés sur ces comptes, subsidiairement qu'elle avait contribué, par ses manquements à la réalisation du sinistre.

Monsieur et Madame [W] sont intervenus à la présente procédure par conclusions du 12 décembre 2011, la société AJF par conclusions du 16 avril 2015.

Par jugement du 12 janvier 2017, le tribunal de grande instance de Paris a condamné la Banque Delubac & Cie au paiement des dommages-intérêts suivants :

Monsieur [W] [D], 59 000 €,

Monsieur [T] [D], 70 000 €,

Monsieur [C] [U], 60 000 €,

Monsieur [S] [K], 25 000 €,

Monsieur [D] [H], 60 000 €,

Monsieur [L] [B], 100 000 €,

Monsieur [J] [L], 207 759 €,

Monsieur [O] [M], 143 954 €,

Monsieur [R] [N], 10 000 €,

Madame [Q] [Y], 80 000 €,

Monsieur [Y] [W] et Madame [F] [E],145 000 €,

la société PJP-Paris, 343 488 €,

la société AJF, 100 000 € ;

Les premiers juges ont encore majoré ces indemnités des intérêts légaux à compter de la décision, avec capitalisation, et alloué aux demandeurs des sommes allant de 3 000 € à 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 16 janvier 2017, la banque a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 9 mars 2017, elle a été autorisée à consigner à la Caisse des Dépôts et Consignations, le montant des condamnations prononcées (d'un montant total de 1 457 701 €).

Dans ses dernières conclusions en date du 22 octobre 2018, elle demande à la cour :

d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a constaté son absence de qualité de dépositaire,

de débouter les intimés,

subsidiairement de réduire le quantum des condamnations,

de condamner les intimés à 1 500 000 € pour procédure abusive ainsi qu'à une indemnité de 50 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La banque conteste ainsi avoir failli à ses obligations, soutient que l'absence de constitution de partie civile à l'audience pénale des intimés s'analyse comme la reconnaissance d'une absence de préjudice, exposant encore que ces derniers ont en toute hypothèse, par leur comportement, contribué à leurs pertes.

Dans leurs dernières conclusions des 24 mai 2017 (Monsieur et Madame [W]), 15 octobre 2018 (société AJF), 23 octobre 2018 (autres investisseurs), ces derniers demandent à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à leur demande de restitution et du chef des quanta alloués, formulant les demandes suivantes :

Monsieur [W] [D], 67 331,51 €,

Monsieur [T] [D], 79884,83 €,

Monsieur [C] [U], 68 472,74 €,

Monsieur [S] [K], 28 530,31 €,

Monsieur [D] [H], 68 472,74 €,

Monsieur [L] [B], 114 121,21 €,

Monsieur [J] [L], 237 097,07 €,

Monsieur [O] [M], 194 006,05 €,

Monsieur [R] [N], 79 884,83 €,

Madame [Q] [Y], 91 296,96 €,

Monsieur [Y] [W],111 797,50 €,

Madame [F] [E] épouse [W], 63 560 €,

la société PJP-Paris, 389 261,18 €,

la société AJF, 217 070 € outre 10 000 € au titre de son préjudice moral ;

La société AJF et Monsieur et Madame [W] souhaitent que les condamnations prononcées portent intérêts de droit à compter de leur intervention, les autres intimés, à compter du jugement.

Tous sollicitent la capitalisation des intérêts outre l'indemnisation de leurs frais irrépétibles.

Au soutien de leurs prétentions, ils soutiennent en substance que la banque ne pouvant ignorer que les sommes arrivant sur les comptes ouverts par la société Yalia Invest Limited provenaient d'investisseurs, la banque aurait la qualité de dépositaire, tenue en cette qualité à une obligation de restitution.

Ils évoquent subsidiairement trois manquements, l'un pour ne pas s'être assurée que leur cliente pouvait exercer l'activité de gestion de portefeuille, le second pour n'avoir pas ouvert de sous comptes clients, le troisième pour avoir porté au compte de la société Yalia Invest créée par Monsieur [O] le 15 octobre 2008 à la suite de la radiation de la société Yalia Invest Limited le 7 mai précédent, des chèques destinés à la première personne morale, l'octroi d'un même numéro de compte favorisant de telles opérations qualifiées de frauduleuses.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 octobre 2018.

CELA ÉTANT EXPOSÉ

LA COUR

Sur la demande de restitution

Considérant que la société Yalia Invest Limited puis la société Yalia Limited ont été les seules parties à contracter avec la banque au titre d'une convention de compte courant et de compte titre associé de sorte que cette dernière ne pouvait avoir d'obligation de restitution qu'à leur égard et non envers les émetteurs de chèques ou virements approvisionnant leurs comptes ;

Qu'aucun de ces sociétés n'a par ailleurs confié à l'appelante une mission de dépositaire au sens du code monétaire et financier, ne le souhaitant pas davantage que la banque, dont il est démontré qu'elle n'accepte une telle mission que pour une société de son groupe (Delubac Asset Management) ;

Que c'est en conséquence à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de restitution des investisseurs ;

Sur les manquements de la banque à son obligation de vigilance

Au titre du fonctionnement du compte

Considérant qu'il est constant que la société Yalia Invest Limited a ouvert dans les livres de la Banque Delubac & Cie, le 19 mai 2005, un compte titres personne morale et un compte espèces associé ;

Que la fiche client, dont la procédure pénale a démontré qu'elle avait été renseignée par un apporteur d'affaires, précisait que le compte était alimenté par des honoraires d'une activité de conseil financier et marketing, qu'aucun découvert ni aucun crédit n'étaient consentis ;

Que le compte titres n'a enregistré qu'un nombre limité d'opérations avant d'être clôturé en fin d'année 2007, toutes les positions étant liquidées le 20 décembre 2007 ;

Considérant qu'il est tout aussi constant que ce ne sont pas des honoraires qui ont alimenté les comptes mais des versements d'investisseurs, ce que la banque ne pouvait ignorer ;

Que les investisseurs relèvent ainsi à bon droit :

que les statuts de la société Yalia Invest Limited, demandés par la banque, définissaient son objet social comme le « courtage d'instruments financier et gestion de fonds »,

que la plaquette de présentation de ses produits, trois FIA, a été découverte dans les locaux de la banque dans le cadre d'une perquisition,

que le conseiller clientèle précisait, dans une note manuscrite du 3 août 2005, que la société Yalia Invest Limited était une société de gestion non agréée,

que la banque a sollicité de divers investisseurs une attestation sur la provenance de leur versements, aux termes de laquelle, ils précisaient apporter des fonds destinés à un placement boursier ;

Mais considérant que ces constats ne caractérisent pas de manquements à une obligation de vigilance de la banque, laquelle ne saurait résulter des seules réserves émises par ses préposés lorsqu'ils ont constaté la nature de l'activité effectivement exercée par la société Yalia Invest Limited ou du préjudice subi par les victimes, le dossier pénal démontrant que sur les 2 423 681,78 € ayant transité par la banque, seuls 1 262 069,51 € ont été transférés chez les brokers de la société Yalia Invest Limited (Interactive brokers et WH Selfinvest), le surplus étant utilisé par Monsieur [O] à des fins personnelles ou pour rémunérer ses collaborateurs, tandis que les placements enregistraient une perte de 603 188,50 € ;

Considérant que la banque, qui n'a pas à s'immiscer dans les affaires de ses clients ne peut ainsi voir sa responsabilité recherchée que si elle a contrevenu à ses obligations légales de sorte qu'il incombe aux investisseurs de démontrer que fonctionnement de la société Yalia Invest Limited était illégal, en raison de son absence d'agrément comme de dépositaire ;

Considérant que comme le note sa plaquette, cette société est un hedge fund soit un FIA ;

Qu'ainsi son objet (ou celui des fonds qu'elle propose) est de lever des capitaux pour les investir conformément à une politique définie et annoncée aux investisseurs ;

Qu'en l'espèce la plaquette précise que la technique utilisée est celle du long/short permettant de réaliser des profits substantiels (entre 22% et 44% de 2003 à 2007 pour le fonds Yalia Fair Performance) avec une prise de risque décrite comme mesurée ;

Considérant que pour démontrer la faute reprochée à la banque les investisseurs doivent apporter la preuve que le droit anglais exigeait, à la date de l'ouverture des comptes, que tout FIA soit géré par une société de gestion de portefeuille, qualité attribuée à la société Yalia Invest Limited sans autre démonstration, qu'il désigne un dépositaire pour voir ségréguer les fonds des clients de ses fonds propres, le reproche principal fait à la banque étant de ne pas y avoir procédé et soit agréé par l'autorité de régulation de marché compétente ;

Et considérant qu'aucun élément n'est produit permettant de se convaincre de la législation anglaise alors en vigueur étant encore observé que la première directive européenne sur les FIA (Alternative Investment Fund Managers-AIFM) est intervenue le 8 juin 2011, a été transposée en droit français le 25 juillet 2013 et se borne à réglementer les gestionnaires de FIA (lesquels peuvent toujours ne pas être des gestionnaires de portefeuille) qui lèvent des capitaux à hauteur d'un montant sans rapport avec les quatre millions d'euros de la présente affaire, les produits vendus (également appelés FIA) demeurant soumis à leur droit national ;

Considérant ainsi qu'il n'est pas démontré que la loi anglaise ait subordonné la gestion de tels fonds aux exigences de la loi française concernant les gestionnaires de portefeuille alors encore d'une part que ces fonds, à la recherche d'une performance absolue décorrélée de l'évolution des marchés par l'utilisation de techniques sophistiquées, s'accordait mal avec une telle réglementation, raison pour laquelle la directive AIFM a été adoptée avec difficultés et laisse hors de son champ d'application un certain nombre de FIA, d'autre part que lorsque la Banque Delubac & Cie a interrogé l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) sur les pratiques de la société Yalia Invest Limited, celle-ci a répondu -manifestement à la suite d'un appel téléphonique, la réponse apportée étant datée du 1er juin 2008 alors que l'interrogation écrite de la banque est du 28 juin suivant- en ces termes :

« La Banque Delubac & Cie s'inquiétait principalement de ce que la société Yalia Invest Limited semblait « encaisser des fonds de tiers et les transférer ou les récupérer via des brokers étrangers. » et souhaitait savoir si la société Yalia Invest Limited disposait des autorisations nécessaires à l'exercice d'une activité réglementée sur le territoire français » ;

Qu'après avoir procédé à différentes investigations, l'autorité de régulation conclut son courrier en ces termes :

« ' la Banque Delubac & Cie n'a pas été en mesure de justifier du fait que la société Yalia Invest Limited contactait ou avait par le passé contacté des investisseurs français en vue de leur proposer des services financiers.

Aucune plainte d'investisseur potentiel n'a été enregistrée.

Il est proposé de ne pas donner suite... » ;

Considérant ainsi que force est de constater que l'AMF ne dément pas ce que Monsieur [O] avait pu préciser au conseiller de l'appelante qui lui avait été dévolue, à savoir que le droit anglais se bornait à imposer que les FIA soumises à sa législation ne pratiquent pas le démarchage sans imposer qu'ils soient agréés ;

Qu'il doit encore être souligné que l'autorité anglaise interrogée par la Banque Delubac & Cie n'a pas apporté de réponse, qu'il n'est donc pas établi qu'elle a décelé une anomalie sur le fonctionnement de cette entité qui ne levait de fonds, selon les éléments recueillis par le procès pénal, qu'auprès d'amis et de connaissances, lesquels recommandaient ses produits à leurs proches ;

Considérant ainsi que la banque n'a violé aucune de ses obligations dans le cadre de l'ouverture ou du fonctionnement du compte de la société Yalia Invest Limited et que le jugement sera infirmé en ce qu'il l'a condamné au paiement de dommages-intérêts à ce titre ;

Au titre de l'ouverture d'un nouveau compte à une société Yalia Limited

Considérant que pour des raisons que les pièces pénales ne permettent pas d'éclaircir, la société Yalia Invest Limited a été dissoute le 13 mai 2008 ce dont la Banque Delubac & Cie a eu connaissance au plus tard le 29 mai 2008, date de l'audit interne de Madame [S] qui en fait état ;

Qu'elle a pourtant maintenu le compte ouvert jusqu'au 28 août 2009, date à laquelle une nouvelle convention a été signée avec la -nouvelle et quasi éponyme- société Yalia Limited, le compte de cette entité se voyant attribuer le même numéro que le compte appelé à être clôturé à la dissolution de sa titulaire, soit le 13 mai 2008 ;

Qu'une telle pratique est justement qualifiée d'incongrue par un cadre dirigeant de la banque au regard du risque de confusion pour les clients ;

Considérant qu'une banque ayant le devoir de retourner un chèque émis au profit d'une entité n'ayant plus d'existence légale à son auteur, il convient d'accueillir les demandes de dommages-intérêts des investisseurs ayant versé des fonds à la société Yalia Invest Limited après le 13 mai 2008 ;

Considérant que trois investisseurs apparaissent ainsi fondés en leur demande de condamnation de la banque :

La société PJP-Paris

Considérant que la banque ne conteste pas la réalité des versements allégués sur le compte litigieux, au demeurant démontrés par les pièces produites ;

Qu'elle soutient cependant que la société ne justifie pas avoir signé de contrat écrit avec la société Yalia Invest Limited, exposant que son dirigeant, avocat de profession, était l'ami de Monsieur [O] et le compagnon de sa collaboratrice ;

Mais considérant que ces éléments sont indifférents au regard de la faute retenue par la cour ;

Que la société est ainsi bien fondée à obtenir le paiement de la somme de 130 489,57 € correspondant aux versements des 25 juillet, 3 novembre et 3 décembre 2008 (75 000 € + 24 086,03 € + 15 701,77 € + 15 701,77 € ) ;

Monsieur et Madame [W]

Considérant qu'il résulte des pièces produites, (relevés de compte, « reporting » de juillet 2008 et courrier de Monsieur [O] en date du 9 août) que le couple a versé, courant juillet 2008, la somme de 154 500 € au moyen de deux chèques, l'un de 56 000 € tiré sur le compte de l'épouse, le second de 98 500 € débités du compte de l'époux à la même date, le 11 août 2008 ;

Considérant que l'appelante ne conteste pas que ces chèques ont été encaissés sur le compte ouvert dans ses livres mais prétend que Monsieur et Madame [W] ont obtenu remboursement de la somme de 160 000 € en janvier 2009 comme précisé sur le « reporting » du mois correspondant :

Considérant que les pièces produites et notamment celles du dossier pénal permettent de se convaincre que Monsieur [W] a versé 100 000 € dans le fonds litigieux en août 2007, somme retirée en mars 2008 de sorte qu'il ne restait plus, avant les versements d'août, que la somme de 18 052,74 € supposée correspondre aux gains réalisés ;

Que s'il est exact que le reporting de janvier 2009 mentionne un retrait de 160 000 €, les échanges de courriel permettent de se convaincre qu'il n'est pas intervenu, Monsieur [W] exigeant, le 19 février 2009 de recevoir 100 000 € dans la semaine, se déclarant prêt à patienter jusqu'au 15 mars suivant pour obtenir le résidu, sommes qu'il n'a jamais perçues, Monsieur [O], étant alors dans l'incapacité d'y procéder faute d'apport de nouveaux clients ;

Considérant que les autres arguments de la banque pour résister à la demande tenant aux relations d'amitiés entre les protagonistes, Monsieur et Madame [W], exploitant un hôtel à [Localité 19] où Monsieur [O] aimait séjourner ou à leur absence de constitution de partie civile au procès pénal sont indifférents ;

Considérant qu'au regard de la nature de la créance, les dommages-intérêts alloués porteront intérêts de droit à compter du jugement, les parties concernés étant déboutés du surplus de leur demande et que la condamnation prononcée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à leur bénéfice sera confirmée;

Considérant que l'équité commande de ne pas accueillir les autres demandes fondées sur cette disposition en cause d'appel ;

Sur la demande reconventionnelle de la banque

Considérant qu'au regard de la faute retenue par la cour, elle ne peut prospérer ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré du chef de l'indemnité allouée à la société PJP-Paris ainsi qu'à Monsieur et Madame [W], partiellement fondées en leurs demandes, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés ;

Déboute Messieurs [W], [T] [D], [C] [U], [S] [K], [D] [H], [L] [B], [J] [L], [O] [M], [R] [N], Madame [Q] [Y], et la sociétés AJF de leurs demandes ;

Condamne la société Banque Delubac & Cie à verser :

- à la société PJP-Paris la somme de 130 489,57 €,

- à Monsieur [Y] [W], celle de 98 500 €,

- à Madame [F] [E] épouse [W], celle de 56 000 € ;

Dit que ces intérêts porteront intérêts de droit à compter du 12 janvier 2017 et qu'ils seront capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société Banque Delubac & Cie aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 17/01335
Date de la décision : 09/01/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°17/01335 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-09;17.01335 ?
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