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20/12/2018 | FRANCE | N°18/02319

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 20 décembre 2018, 18/02319


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : 09/01/2019AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 20 DÉCEMBRE 2018



(N° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/02319 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5B3R



Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 15 octobre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - de PARIS - RG n° R 14/2488, infirmée partiellement par arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 29 o

ctobre 2015, lui-même cassé partiellement par un arrêt de la Cour de Cassation en du 20 décembre 2017,





APPELANTS



Madame Pascaline X... divorcée Y....

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : 09/01/2019AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 20 DÉCEMBRE 2018

(N° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/02319 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5B3R

Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 15 octobre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - de PARIS - RG n° R 14/2488, infirmée partiellement par arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 29 octobre 2015, lui-même cassé partiellement par un arrêt de la Cour de Cassation en du 20 décembre 2017,

APPELANTS

Madame Pascaline X... divorcée Y...

C/O Mme X... Sandra

[...]

Représentée par Me Audrey E..., avocat au barreau de NICE

Syndicat D... Z... EFIDIS

[...]

représentée par Me Audrey E..., avocat au barreau de NICE

INTIMÉE

SAS EFIDIS

[...]

Représentée par Me Laurent A..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0036 substitué par Me Stéphanie B..., avocat au barreau de PARIS, ayant pour conseil Me Charles-Hubert C..., avocat au barreau de PARIS, toque:L0029

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Novembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mariella LUXARDO, Présidente, en son rapport et Mme Monique CHAULET, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Mme Mariella LUXARDO, Présidente de chambre

Mme Monique CHAULET, Conseillère

Mme Aline DELIÈRE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Martine JOANTAUZY

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Mariella LUXARDO, Présidente de chambre et par Martine JOANTAUZY, Greffier, présente lors de la mise à disposition.

********

Vu l'ordonnance contradictoire rendue le 15 octobre 2014 par la formation de référé du conseil de prud'hommes de Paris qui a dit n'y avoir lieu à référé et condamné MmeX... et le syndicat D... Z... Efidis aux dépens ;

Vu l'appel interjeté contre cette décision le 25 novembre 2014 par Mme X... et le syndicat D... Z... Efidis ;

Vu l'arrêt rendu le 29 octobre 2015 par la cour d'appel de Paris qui a :

- infirmé l'ordonnance sauf en ce qu'elle a débouté Mme X... et le syndicat Z... Efidis de leurs deux demandes de dommages et intérêts au profit de MmeX...,

La réformant pour le surplus et y ajoutant,

- condamné la société Efidis à payer à Mme X... les sommes provisionnelles suivantes :

* 123.435,12 euros bruts à titre de rappel de salaires pour la période allant du 29octobre 2009 au 23 septembre 2015

* 12.343,51 euros bruts au titre des congés payés afférents

* 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la société Efidis à payer ausyndicat Z... Efidis les sommes provisionnelles suivantes :

* 1.000 euros bruts à titre de dommages et intérêts

* 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la société Efidis aux dépens et à remettre à Mme X... les bulletins de paie conformes depuis octobre 2009,

- débouté Mme X... de sa demande en paiement d'un rappel de gratification annuelle et des congés payés afférents,

- débouté Mme X... et le syndicat Z... Efidis de leurs demandes de désignation d'un expert,

- rejeté les autres demandes des parties ;

Vu le pourvoi en cassation formé par la société Efidis et le pourvoi incident formé par MmeX...,

Vu l'arrêt rendu le 20 décembre 2017 par la Cour de cassation qui a :

- cassé et annulé l'arrêt rendu le 29 octobre 2015, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Efidis à payer à Mme X... les sommes provisionnelles de 123.435,12 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 29 octobre 2009 au 23 septembre 2015 et de 12.343,51 euros bruts au titre des congés payés afférents et ordonné la remise de bulletins de paie conformes,

- remis en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris, autrement composée,

- condamné Mme X... aux dépens ;

Vu la déclaration de saisine de la cour présentée le 5 février 2018 par Mme X... et le syndicat D... Z... Efidis ;

Vu les conclusions écrites rectifiées oralement à l'audience du 9 novembre 2018, auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé, par lesquelles Mme X... et le syndicat D... Z... Efidis demandent à la cour de :

- débouter la société Efidis de sa fin de non-recevoir,

- condamner la société Efidis à payer à Mme X... la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour invocation tardive et dilatoire de sa demande de fin de non-recevoir,

- condamner la société Efidis à verser à Mme X... les sommes provisionnelles suivantes :

* 122.522,35 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 6janvier2011 au 31 décembre 2015 en deniers et quittances

* 12.252,35 euros bruts au titre des congés payés afférents en deniers et quittances

* une astreinte de 1.000 euros par jour de retard

* 15.000 euros par provision à valoir sur les dommages et intérêts

* 5.178,39 euros au titre des intérêts légaux

- constater la remise par la société Efidis des bulletins de paie depuis le 6janvier2011 au 31 décembre 2015,

- constater que Mme X... a été déclarée inapte à son poste en date du 6novembre 2010,

- constater que le licenciement pour faute grave de Mme X... du 31 mai 2016 a été prononcé en raison de son état de santé,

En conséquence ,

- condamner la société Efidis à payer à Mme X... les sommes provisionnelles suivantes :

* 66.061,83 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 1er juin 2016 au 1er novembre 2018 soit 29 mois de salaires

* 6.606,18 euros bruts au titre des congés payés afférents

- dire que les intérêts au taux légal sont dûs à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, avec capitalisation, et que le taux est celui applicable aux personnes physiques n'agissant pas pour des besoins professionnels,

- condamner la société Efidis à verser à Mme X... la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Efidis à payer au syndicat D... Z... Efidis la somme de 2.500euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens ;

Vu les conclusions écrites soutenues oralement à l'audience du 9 novembre 2018, auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens de la sociétéEfidis, aux fins de voir :

A titre principal,

- confirmer l'ordonnance rendue le 15 octobre 2014 en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à référé,

En conséquence,

- renvoyer les appelants à se pourvoir au principal,

- débouter Mme X... et le syndicat D... Z... Efidis de l'intégralité de leurs demandes,

- condamner Mme X... à verser à la société Efidis les sommes suivantes :

* 100.387,91 euros en restitution des sommes qui lui ont été versées en exécution de l'arrêt d'appel du 29 octobre 2015 (rappels de salaire d'octobre 2009 à décembre 2015 + intérêts au taux légal + article 700 du code de procédure civile)

* le montant des salaires versés à Mme X... du 1er janvier au 31 mai 2016

- condamner le syndicat D... Z... Efidis à restituer à la société Efidis la somme de 1.500,90 euros versés en exécution de l'arrêt d'appel du 29 octobre 2015,

A titre subsidiaire,

- condamner Mme X... à restituer à la société Efidis la somme de 12.136,50euros correspondant aux gratifications conventionnelles qui lui ont été versées à tort pour les années 2009 à 2015,

En toute hypothèse,

- condamner solidairement Mme X... et le syndicat D... Z... Efidis à payer la somme de 4.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes de Mme X...

La société Efidis soulève dans le corps de ses conclusions une fin de non-recevoir tirée des dispositions relatives à l'unicité de l'instance en matière prud'homale, le moyen n'étant soulevé qu'à l'égard de Mme X.... La société Efidis fait valoir que celle-ci a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise le 28 mars 2007 d'une demande en annulation d'une sanction disciplinaire, assortie de demandes indemnitaires et de rappel de salaire ; que l'affaire a été radiée le 16 juin 2008 puis rétablie le 31 mars 2010 ; que les parties ont régularisé un protocole d'accord transactionnel les 14 et 30 mai 2011 aux termes duquel la société s'engageait à verser une indemnité transactionnelle et en contrepartie MmeX... renonçait à toute prétention à l'encontre de la société et s'engageait à se désister de son action ; que les demandes présentées en référé sont fondées sur l'avis d'inaptitude du 6 novembre 2010 de l'inspecteur du travail, antérieur à la transaction signée le 14 mai 2011 par Mme X.... A titre subsidiaire, la société Efidis soutient que la demande de rappel de salaire pour la période antérieure au 14 mai 2011 est irrecevable puisque antérieure à la transaction.

Mme X... conclut au rejet du moyen au motif que l'instance devant le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise ne s'est pas achevée par un jugement au fond, l'instance étant toujours en cours avec une audience fixée prochainement. Elle considère que le moyen est dilatoire puisque soulevé pour la première fois devant la cour d'appel après cassation.

Il ressort des dispositions de l'article R. 1452-6 du code du travail applicable à la date des faits de l'espèce, que toutes les demandes dérivant du contrat de travail entreles mêmes parties doivent, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, faire l'objet d'une seule instance, à moins que le fondement des prétentionsne soit né ou ne soit révélé que postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes.

En l'espèce Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise le 28mars2007 d'une demande en annulation d'une sanction disciplinaire et en paiement d'indemnités et rappels de salaire puis elle a saisi le 18 septembre 2014 la formation de référé du conseil de prud'hommes de Paris de demandes fondées sur le non-respect des dispositions de l'article L.1226-11 du code du travail, suite à une décision d'inaptitude du 6 décembre 2010 de l'inspecteur du travail, qui s'est substituée à l'avis d'aptitude avec réserves émis le 29 septembre 2009 par le médecin du travail.

La société Efidis invoque le protocole transactionnel signé entre les parties les 14 et 30mai2011 mais les parties conviennent que l'instance engagée le 28 mars 2007 ne s'est pas terminée par un jugement au fond, une audience étant prévue devant le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise.

Si la société Efidis invoque le non-respect par Mme X... des obligations mises à sa charge par le protocole d'accord, contrairement à l'exécution de ses propres obligations, il convient de relever que ces obligations sont limitées par les termes de l'article 4 de l'accord qui dispose que Mme X... renonce à toute action à l'encontre de la société Valestis, aux droits de laquelle se trouve Efidis, au titre du blâme notifié le 21 décembre 2006 et au titre du logement de fonction attribué à Mme X... dans le cadre du contrat de travail consenti le 13 octobre 2003 pour l'exercice de ses fonctions de gardienne d'immeuble.

La transaction a donc une portée limitée à deux points concernant le litige entre les parties, n'a pas été suivie d'un désistement d'instance formalisé par Mme X... et il appartiendra au conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise de statuer sur une éventuelle demande de la société Efidis présentée à ce titre.

D'autre part les demandes présentées au fond par Mme X... ne font pas obstacle à la saisine postérieure de la formation de référé, le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise n'ayant pas constaté son dessaissement.

Enfin les demandes présentées en référé sont fondées sur l'inexécution du contrat de travail, Mme X... alléguant des manquements de l'employeur à ses obligations découlant du contrat de travail qui s'est poursuivi jusqu'au 31 mai 2016 date de la notification du licenciement pour faute grave, rupture dont la nullité est invoquée au titre de l'illicéité de sa cause fondée sur l'état de santé de la salariée.

Il s'ensuit que les demandes de Mme X..., présentées en référé, sont fondées sur des causes distinctes et postérieures à la saisine du conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise qui n'est pas dessaisi de l'affaire, de sorte que la règle de l'unicité de l'instance ne trouve pas son application à l'espèce.

Pour les mêmes motifs, le moyen présenté à titre subsidiaire par la société Efidis pour les rappels de salaires antérieurs au 14 mai 2011, doit être écarté dès lors que la demande est fondée sur l'inexécution des obligations découlant du contrat de travail qui n'était pas rompu à cette date.

Les moyens soulevés par la société Efidis à ce titre seront donc rejetés.

Les fins de non-recevoir étant susceptibles d'être soulevées en tout état de cause, il n'y a pas lieu de prononcer une condamnation à l'encontre de la société Efidis, dont l'intention dilatoire n'est pas démontrée par Mme X..., le moyen tiré de la règle de l'unicité de l'instance étant étranger à toute manoeuvre dilatoire.

Sur la reprise du paiement des salaires

Mme X... fait valoir sur le fondement des dispositions de l'article L. 1226-11 du code du travail que la société Efidis qui n'a pas procédé à son licenciement à la suite de la décision d'inaptitude de l'inspecteur du travail, devait reprendre le paiement du salaire à l'issue du délai d'un mois suivant l'avis du médecin du travail, auquel s'est substituée la décision de l'inspecteur du travail.

La société Efidis soutient en réplique que la juridiction de référé est incompétente pour statuer sur cette question et qu'en tous cas la demande doit être rejetée dès lors que les conditions d'application de l'article L. 1226-11 du code du travail ne sont pas réunies, puisqu'en l'espèce l'avis rendu le 29 septembre 2009 par le médecin du travail est un avis d'aptitude avec réserves ; que la décision du 6 novembre 2010 de l'inspecteur du travail n'est pas intervenue à l'isue d'une période de suspension du contrat mais pendant la suspension qui résulte de l'arrêt-maladie en cours, la reprise du travail par Mme X... n'étant prévue qu'au 1er août 2011 ; que compte tenu de l'ancienneté de la décision de l'inspecteur du travail, la société était tenue d'organiser une nouvelle visite de reprise après la fin de l'arrêt de travail qui prenait fin le 1er août 2011.

La cour relève que l'essentiel de l'argumentation de la société Efidis est identique à ce qui a été soutenu devant la formation de la cour d'appel de Paris qui a statué par l'arrêt rendu le 29 octobre 2015, s'agissant de la compétence de la juridiction de référé et des conditions d'application de l'article L. 1226-11 du code du travail. La Cour de cassation a décidé d'annuler l'arrêt rendu par la cour d'appel seulement en ce qui concerne le point de départ de la reprise du paiement des salaires par la société Efidis.

La cour d'appel de renvoi n'est donc pas appelée à statuer sur les éléments du litige définitivement jugés par l'arrêt du 29 octobre 2015 concernant la compétence de la juridiction de référé pour statuer sur les demandes de Mme X... et l'obligation pour la société Efidis de reprendre le paiement du salaire un mois après la décision d'inaptitude de l'inspecteur du travail en application de l'article L. 1226-11 du code du travail.

Il résulte en effet des termes de l'arrêt du 20 décembre 2017 de la Cour de cassation que la décision d'inaptitude du 6 décembre 2010 de l'inspecteur du travail s'est substituée à l'avis d'aptitude avec réserves émis le 29 septembre 2009 par le médecin du travail, la visite médicale ayant été organisée en vue de la reprise du travail le 30 septembre 2009 par MmeX..., qui a été placée à nouveau en arrêt de travail le 3 octobre 2009 pour rechute de l'accident du travail, puis à compter du 18 janvier 2010 pour maladie non professionnelle.

La décision d'inaptitude est donc consécutive à la reprise du travail le 30 septembre 2009, et la délivrance de nouveaux arrêts de travail à la salariée n'a pas pour effet de faire obstacle à l'obligation de reprendre le paiement du salaire résultant de l'article L. 1226-11 du code du travail.

La société Efidis ne peut donc pas soutenir qu'elle était tenue d'organiser une nouvelle visite de reprise le 1er août 2011 alors que cette visite a été organisée le 29 septembre 2009 et s'est conclue par la décision d'inaptitude du 6 décembre 2010 de l'inspecteur du travail.

S'agissant toutefois du point de départ de la reprise du paiement des salaires, il ressort de l'arrêt du 20 décembre 2017 de la Cour de cassation que la substitution de la décision d'inaptitude de l'inspecteur du travail, ne fait pas naître rétroactivement l'obligation pour l'employeur de reprendre le paiement du salaire ; que cette obligation s'impose à l'issue du délai d'un mois suivant la date à laquelle l'inspecteur du travail prend sa décision.

Les pièces poduites aux débats montrent que la décision de l'inspecteur du travail en vue de reconnaître l'inaptitude de Mme X... à son poste de gardienne d'immeuble mais déclarée apte à un poste administratif à mi-temps, est datée du 6 novembre 2010 et notifiée à la société Valestis le 6 décembre 2010.

A cette date, la société Valestis n'a ni procédé au reclassement de Mme X... ni à son licenciement pour inaptitude.

La date de l'obligation de reprise du paiement des salaires est donc située à l'expiration du délai d'un mois suivant la connaissance par l'employeur de la décision de l'inspecteur du travail, soit à compter du 6 janvier 2011.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la demande en paiement présentée par MmeX... au titre d'une provision à valoir sur les salaires du 6 janvier 2011 au 31décembre 2015, apparaît bien fondée, représentant la somme de 122.522,35 euros bruts outre 12.252,23 euros bruts au titre des congés payés afférents.

La déduction des indemnités journalières ou de la pension d'invalidité versées par la caisse d'assurance maladie, visée par la société Efidis, n'est pas prévue par l'article L. 1226-11 du code du travail, et intéresse le cas échéant les relations entre Mme X... et l'organisme qui a payé ces sommes, et non pas l'employeur.

Aucune astreinte n'est nécessaire dès lors que ces sommes sont productives d'intérêts au taux légal en application de l'article 1153-1 ancien du code civil, remplacé par l'article1231-6, qui concerne les personnes physiques non professionnelles, les intérêts commençant à courir à compter de la date de la réception de la demande, en l'occurrence la réception de la convocation devant la formation de référé, cette somme étant réclamée dans la requête initiale de Mme X....

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions prévues par l'article 1154 ancien du code civil remplacé par l'article 1343-2.

Il n'y a pas lieu de fixer une indemnisation autre que celle qui résulte du paiement des intérêts de retard, et la demande présentée à ce titre par Mme X... sera rejetée.

Le litige portant sur le calcul des intérêts capitalisés relève de la compétence du juge de l'exécution, comme également la déduction des sommes déjà versées par la société Efidis en application de l'arrêt du 29 octobre 2015, y compris au titre de la gratification annuelle qui aurait été versée par erreur à Mme X....

Sur la licéïté de la rupture du 31 mai 2016

Mme X... fait valoir que le licenciement pour faute grave notifié le 31 mai 2016 par la société Efidis, est disciminatoire puisque fondé sur son état de santé, et nul en application de l'article L.1132-1 du code du travail. Elle réclame par suite le paiement des salaires du 1er juin 2016 au 1er novembre 2018 à titre provisionnel.

La société Efidis conclut à titre principal à l'incompétence de la juridiction de référé et à titre subsidiaire au rejet de la demande au motif qu'elle a été contrainte de procéder au licenciement de Mme X... qui a refusé de se rendre aux visites médicales de reprise auxquelles elle a été convoquée les 24 février 2016, 29 mars 2016 et 21 avril 2016, faisant obstacle à la reprise d'activité ; que ce refus constitue la faute grave qui permet de rompre le contrat de travail suspendu pour accident du travail.

La compétence de la juridiction de référé est fondée sur l'existence d'un trouble manifestement illicite qui résulte de la violation de l'article L.1132-1 du code du travail.

Il convient par suite d'examiner si les éléments de l'espèce laissent présumer l'existence d'une discrimination interdite par la loi.

La lettre de licenciement du 31 mai 2016 est rédigée dans ces termes :

"Suite à votre placement en invalidité 2ème catégorie, vous avez été convoquée, dans la perspective d'une reprise d'activité, à une première visite médicale de reprise le 11 février 2016 pour le 24 février 2016. Vous ne vous y êtes pas présentée sans justifier d'aucun motif.

Vous avez dès lors été convoquée de nouveau le 25 février 2016 à une seconde visite médicale de reprise pour le 29 mars 2016. De nouveau, vous ne vous y êtes pas présentée sans justifier de motif.

Vous avez en conséquence été convoquée le 6 avril 2016 à une troisième visite médicale de reprise le 21 avril 2016 et nous vous avons mise en demeure de vous y présenter.

Nous vous rappelions notamment «que le fait pour le salarié de ne pas se présenter à la visite médicale de reprise sans motif légitime constitue un acte d'insubordination qui est de nature à justifier une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute grave. A défaut de vous présenter à cette nouvelle visite médicale de reprise, nous serions contraints d'en tirer toutes les conséquences de droit ».

Or vous avez persisté dans votre comportement et vous ne vous êtes pas présentée à la visite médicale de reprise du 21 avril 2016 sans motif. Votre refus réitéré nonobstant une mise en demeure de vous présenter aux visites médicales de reprise que nous avons organisées caractérise une faute grave.

Les explications fournies au cours de notre entretien ne sont pas de nature à modifier notre appréciation des faits.

Dans ces conditions, nous vous informons que nous sommes contraints de vous licencier pour faute grave."

Les termes de ce courrier montrent que la rupture du contrat de travail est fondée sur l'inaptitude de Mme X... à laquelle il est reproché de ne pas se présenter aux visites de reprise.

La société Efidis doit démontrer que sa décision de rompre le contrat de travail est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Or la convocation de Mme X... à des visites de reprise n'était pas justifiée dès lors que la société Efidis avait été informée de la décision d'inaptitude du 6 décembre 2010 de l'inspecteur du travail, à son poste de gardienne d'immeuble.

La société Valestis n'a proposé à Mme X... aucun poste de reclassement alors que celle -ci a été déclarée apte à un poste administratif à mi-temps, ni repris le paiement de son salaire alors qu'elle n'avait pas procédé à son licenciement pour inaptitude.

La société Valestis a organisé de nouvelles visites de reprise en février, mars et avril 2016, alors qu'elle avait eu connaissance de l'arrêt rendu le 29 octobre 2015 par la cour d'appel de Paris, qui lui a enjoint de reprendre le paiement du salaire.

Les termes de la lettre de licenciement, comme la convocation à des visites de reprise, inutiles en présence d'une décision d'inaptitude connue depuis le 6 décembre 2010, et l'absence de toute offre de reclassement sur un poste administratif, établissent le caractère discriminatoire de la rupture.

Par suite, Mme X... est bien-fondée à obtenir le paiement à titre provisionnel des salaires qui sont dûs par l'employeur en présence d'une rupture illicite, représentant la somme de 66.061,83 euros bruts au titre de la période du 1er juin 2016 au 1er novembre 2018 et celle de 6.606,18 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Au vu de la solution du litige, les dépens seront supportés par la société Efidis qui devra verser à Mme X... la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intervention volontaire du syndicat D... Z... Efidis, pour s'associer aux demandes de la salariée, est recevable dès lors que la violation des règles relatives à la protection des accidentés du travail comme celles relatives à la lutte contre les dicriminations, porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession.

Il convient de fixer à son profit une indemnité de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de ce texte.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, sur les points restant à juger au vu de l'arrêt rendu le 20 décembre 2017 par la Cour de cassation,

Condamne la société Efidis à payer à Mme X... les sommes provisionnelles de :

* 122.522,35 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 6janvier2011 au 31 décembre 2015,

* 12.252,35 euros bruts au titre des congés payés afférents,

ces sommes produisant des intérêts légaux capitalisés à compter de la réception par la société Efidis de la convocation devant la formation de référé du conseil de prud'hommes de Paris,

Y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme X... du 31 mai 2016 est constitutif d'un trouble manifestement illicite,

Condamne la société Efidis à payer à Mme X... les sommes provisionnelles de :

* 66.061,83 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 1er juin 2016 au 1er novembre 2018,

* 6.606,18 euros bruts au titre des congés payés afférents,

ces sommes produisant des intérêts légaux capitalisés à compter de la réception par la société Efidis des conclusions de Mme X... réclamant le paiement de cette somme devant la cour d'appel de Paris,

Ordonne la remise par la société Efidis des bulletins de paie conformes à l'arrêt,

Condamne la société Efidis à payer à Mme X... la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au syndicat D... Z... Efidis celle de 1.500euros sur ce fondement,

Rejette les autres demandes des parties,

Condamne la société Efidis aux entiers dépens de l'instance en référé.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 18/02319
Date de la décision : 20/12/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°18/02319 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-20;18.02319 ?
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