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19/12/2018 | FRANCE | N°17/09936

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 19 décembre 2018, 17/09936


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS








COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 5 - Chambre 3





ARRÊT DU 19 DÉCEMBRE 2019





(n° , 12 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/09936 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3DB2





Décision déférée à la Cour :


Jugement du 15 mai 2013 - Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY- RG n° 09/10978


Arrêt du 1er jui

llet 2015 - Cour d'Appel de Paris- RG n° 13/11873


Arrêt du 12 Janvier 2017 -Cour de Cassation - n° 46 F-D - Pourvois n° N 15-24.336 et C 15-24.649





APPELANTS





Monsieur Simon X...


né le [...] à CASABLAN...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 19 DÉCEMBRE 2019

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/09936 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3DB2

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 15 mai 2013 - Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY- RG n° 09/10978

Arrêt du 1er juillet 2015 - Cour d'Appel de Paris- RG n° 13/11873

Arrêt du 12 Janvier 2017 -Cour de Cassation - n° 46 F-D - Pourvois n° N 15-24.336 et C 15-24.649

APPELANTS

Monsieur Simon X...

né le [...] à CASABLANCA (MAROC)

[...]

Représenté par Me Philippe F... de la Y... , avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 188, substitué par Me Hayette G... de la Y... , avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 188

Madame Marie Z... épouse X...

née le [...] à TUNIS (TUNISIE)

[...]

Représentée par Me Philippe F... de la Y... , avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 188, substitué par Me Hayette G... de la Y... , avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 188

SARL PÂTISSIER TRAITEUR OPÉRA prise en la personne de ses représentants légaux

immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le numéro 420 593 212

[...]

Représentée par Me Philippe F... de la Y... , avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 188, substitué par Me Hayette G... de la Y... , avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 188

INTIMÉE

SCI DU [...]

immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le numéro 345 085 930

[...]

Représentée par Me Karine A..., avocat au barreau de PARIS, toque : E1438

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Novembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre

Madame Sandrine GIL, conseillère

Madame Françoise BARUTEL-NAULLEAU, conseillère

qui en ont délibéré,

un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle H...

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre et par Madame Marie-Gabrielle H... , à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

*****

FAITS ET PROCÉDURE :

Suivant acte sous seing privé en date du 19 décembre 2000, la SCI du [...] , a donné à bail à effet du 1er janvier 2001 à la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA, des locaux dépendant d'un ensemble immobilier situé [...] , à usage de 'tous commerces dont le négoce et la fabrication de pâtisserie ainsi que traiteur (...)' .

La société locataire ayant souhaité vendre son fonds de commerce, a conclu le 3 avril 2006 un acte intitulé 'promesse de vente' pour un montant de 332.000 euros au bénéfice d'une société DSD Cash, laquelle s'est ensuite rétractée au motif qu'elle avait appris que les locaux commerciaux faisaient l'objet d'un permis de démolir octroyé à la société bailleresse par arrêté du maire de Livry-Gargan en date du 11 mars 2006.

Un protocole d'accord a été conclu entre la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA et la SCI du [...] le 6 décembre 2006 aux termes duquel notamment :

- la SCI du [...] accepte de faire une remise des loyers normalement dus pour la période du 1er septembre 2006 au 31 décembre 2006, soit la somme de 6.097,96 euros en principal, en contrepartie de quoi la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA s'estime indemnisée du préjudice lié à l'échec de la cession envisagée en avril 2006 ;

- la SCI s'engage, sous réserve de critères objectifs d'honorabilité et de solvabilité, à agréer tout candidat acquéreur, à répondre favorablement à une demande d'extension de locaux, à consentir au renouvellement du bail consécutif à la cession, et renonce parallèlement à toute opération immobilière qui impliquerait la restriction des droits de la société Opera ou de son cessionnaire.

En février 2007, les sociétés Grand Frais et ED, intéressées à l'acquisition du fonds, n'ont pas davantage donné suite.

Le 22 janvier 2008, la bailleresse a fait délivrer à la société locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail pour la somme de 25.005,55 euros.

C'est dans ces circonstances que la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA, estimant avoir été victime de la mauvaise foi de la bailleresse qui lui aurait caché le projet de démolition de l'ensemble immobilier, lui aurait ensuite laissé croire qu'elle y renonçait et aurait fait preuve d'indécision sur ce projet, a saisi le tribunal de grande instance de Bobigny, par assignation du 5 mars 2008, en réparation du préjudice subi pour avoir été empêchée d'assurer un développement normal à son activité et de céder son fonds de commerce.

Le 26 mai 2009, la bailleresse a donné congé à la locataire pour le 31 décembre 2009 et offert de payer une indemnité d'éviction.

Par une ordonnance du 10 mars 2010, le juge de la mise en état a condamné la société Pâtissier Opéra Traiteur à payer à la SCI du [...] la somme provisionnelle de 8.314,68 euros correspondant à des loyers et charges impayés et a désigné un expert aux fins de donner son avis sur le montant de l'indemnité d'éviction.

Par une ordonnance de référé du 19 mars 2010, des délais de paiement ont été accordés à la société Pâtissier Opéra Traiteur et les effets de la clause résolutoire suspendus. La déchéance du terme a été signifiée le 17 mai 2010 et la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA expulsée le 28 septembre 2010.

Par assignation du 22 novembre 2010, la SCI du [...] a attrait à la procédure M. Simon X... et Mme Marie Z... épouse X... en leur qualité respective de cautions de la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA .

L'expert judiciaire M. Thierry B... a déposé son rapport le 4 novembre 2011.

Par jugement en date du 15 mai 2013, le tribunal de grande instance de BOBIGNY a :

- condamné la SCI du [...] à payer à la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA la somme de 40.000 euros au titre de la perte de chance de céder le fonds de commerce,

- débouté la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA du surplus de sa demande,

- condamné la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA à payer à la SCI du [...] de 6.736 euros au titre du solde des loyers et indemnités d'occupation d'août 2009 à septembre 2010 inclus,

- condamné la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA à payer à la SCI du [...] de 3.500 euros au titre de la perte de chance de relouer le local entre septembre 2010 et mars 2011,

- débouté la SCI du [...] pour procédure abusive,

- condamné la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA à payer à la SCI du [...] de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens comprenant notamment les frais de commandement de 176 euros et le coût de l'expertise.

Par déclaration en date du 13 juin 2013, la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA, M. Simon X... et Mme Marie Z... épouse X... ont interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt du 1er juillet 2015 la Cour d'Appel de Paris a :

Réformé le jugement dont appel,

Statuant à nouveau,

Condamné la société du [...] à payer à la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA, à titre de dommages-intérêts, les sommes de :

- 50.000 euros pour perte de chance de céder le fonds de commerce en 2006 et 2007,

- 30.000 euros pour la perte de chiffre d'affaires subie de 2006 à 2009,

Condamné la société Pâtissier Traiteur Opéra à payer à la société du [...] de 6.736 euros au titre du solde de loyers et indemnités d'occupation d'août 2009 à septembre 2010 inclus,

Débouté les parties du surplus de leurs demandes,

Condamné la société du [...] à payer à la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens de première instance, comprenant le coût de l'expertise judiciaire, et d'appel .

La société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA et les époux X... ont formé un pourvoi devant la cour de cassation.

Par arrêt rendu le 12 janvier 2017 la cour de cassation a :

- Cassé et annulé en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er juillet 2015, entre les parties, par la cour d'appel de PARIS,

- Remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant le cour d'appel de PARIS, autrement composée.

- Condamné la SCI du [...] aux dépens ;

- Vu l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejeté la demande de la SCI du [...] et l'a condamnée à payer la somme globale de 3 000 euros à M. et Mme X... et la société Pâtissier traiteur Opéra ;

- Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé.

Aux motifs que :

Vu l'article 954 du code de procédure civile ;

Attendu que, s'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er juillet 2015), que la société civile immobilière du [...] (la SCI) a donné à bail à la société Pâtissier traiteur Opéra, à effet du 1er janvier 2001, des locaux dépendant d'un ensemble immobilier ; que, le 3 avril 2006, la société locataire a signé un compromis de cession du fonds de commerce au bénéfice d'une société DSD Cash qui s'est rétractée ; qu'en février 2007, les sociétés Grand Frais et ED ont renoncé à un projet similaire ; que, soutenant avoir été victime de la mauvaise foi de la bailleresse, la société locataire a assigné la SCI pour obtenir réparation ;

Attendu que l'arrêt se prononce au visa de conclusions déposées le 17 février 2015 par la société Pâtissier traiteur Opéra et M. et Mme X... ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des productions que ceux-ci avaient fait signifier et déposer au greffe, le 25 février 2015, leurs dernières conclusions, accompagnées de nouvelles pièces, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

La cour d'appel de Paris, cour de renvoi a été saisie le 10 avril 2017 par la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA et les époux X....

Dans leurs dernières conclusions notifiées par le RPVA le 23 octobre 2018, la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA et les époux X... demandent à la cour de :

Dire et Juger que la SCI 11 rue d'AVRON a violé les engagements du protocole d'accord du 06 Décembre 2006 justifiant les demandes de perte de chance de la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA

Condamner la SCI AVRON au paiement d'un somme de 332.000 € au titre de la perte de chance de vendre son fonds de commerce.

Condamner la SCI AVRON au titre de la perte de chiffre d'affaires résultant de l'attitude de la société bailleresse durant les années 2006 à 2009, laquelle perte a constitué un préjudice distinct de la perte de chance de céder le fonds de commerce en avril 2006 et en 2007, à la réparation intégrale du préjudice, soit la somme de 450.000 €.

Condamner la SCI AVRON à la juste évaluation de la dépréciation définitive du fonds à laquelle la Cour condamnera la SCI d'AVRON soit la somme de 540.000 €.

Condamner la SCI AVRON à rembourser la somme de 22.524 euros x 3 ans et 9 mois, soit 84.465 euros à titre de loyers.

Condamner la SCI AVRON à payer a la SARL OPERA TRAITEUR la somme de 1.500.000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de n'avoir pu développer son activité d'école de Pâtisserie à PARIS.

Condamner la SCI AVRON à régler à ce titre :

- à la société OPERA la somme de 200.000 € de dommages et intérêts pour perte de matériels et stocks de traiteur,

- à M. X... la somme de 350.000 € pour la perte de matériels de luminaires.

Condamner la SCI AVRON à régler à ce titre la somme de 289.020 € à titre de dommages et intérêts pour perte personnelle de chance pour M. X... de prétendre à une retraite plus significative de pension de retraite et de 20.000 € à chacun des époux X... à titre de préjudice moral.

Infirmer la décision de première instance en ce qu'elle a condamné la SARL PÂTISSIER TRAITEUR OPERA au paiement d'une somme de 6.736 € pour solde de loyers, et de 3.500 € pour perte de chance de relouer.

Débouter la SCI d'AVRON de toutes ses demandes et notamment de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Condamner la SCI d'AVRON à payer à la Société OPERA et aux époux X..., unis d'intérêts, la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 11 octobre 2018, la SCI du [...] demande à la cour de :

- Vu le bail en date du 19 décembre 2000 à effet du 1 er janvier 2001,

- Vu l'article L 141-1 du Code de Commerce,

- Vu le protocole d'accord signé le 6 décembre 2006,

- Vu le jugement en date du 15 mai 2013,

- Vu les conclusions d'appelants et les pièces qui y sont visées,

Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY en date du 13 mai 2013 en ce qu'il a condamné la SCI 11 RUE D'AVRON à payer à la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA la somme de 40 000 € au titre de la perte de chance de céder son fonds de commerce.

Confirmer le jugement déféré dans toutes ses autres dispositions.

Dire que la SCI AVRON n'est pas responsable de la perte par la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA de son droit au bail.

Constater que la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA ne démontre pas l'existence d'un préjudice imputable à la SCI AVRON.

Constater que la SCI AVRON n'a agi que sur le fondement de décisions de justice définitives, et dès lors qu'elle n'a pu engager sa responsabilité.

Dire Monsieur X... irrecevable et mal fondé à demander le paiement d'un stock pour une exploitation qui a cessé au 1er janvier 2000 et alors qu'il s'est fait radier de cette activité en nom propre.

Dire les époux X... irrecevables et mal fondés en leurs demandes relatives à leur prétention de retraites, ainsi qu'en toutes demandes de préjudice, toutes causes confondues.

Débouter la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA et les époux X... de toutes leurs prétentions et demandes.

Condamner la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA et les époux X... solidairement, à rembourser les sommes perçues et à payer à la SCI 11 RUE D'AVRON la somme de 15 000 € au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Condamner solidairement la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA et les époux X... à payer à la SCI AVRON la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 novembre 2018.

MOTIFS

Sur la perte de chance de vendre le fonds de commerce

Les époux X... et la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA soutiennent que la SCI du [...] a déposé un permis de démolir en contradiction avec les accords découlant du protocole du 6 décembre 2006, que son comportement fautif lui a fait perdre une chance de réaliser la vente de son fonds de commerce, a découragé les candidats intéressés tels que la société DSD CASH en avril 2006, puis dans le courant de l'année 2007 les enseignes Ed, Grand frais, Lidl et Système U, et l'a empêchée de mener à bien son projet de cession en violation de son engagement d'accepter tout candidat à l'acquisition sous réserve d'honorabilité et de solvabilité. Ils font valoir que c'est à tort que le jugement a limité l'indemnisation à 40.000 euros en se fondant sur la valeur théorique d'un fonds de commerce de réception-traiteur calculé en pourcentage du chiffre d'affaires alors que cette perte de chance doit être évaluée à partir du prix de la cession annulée du fait du comportement de la SCI du [...] , soit 332.000 euros.

La SCI du [...] fait valoir qu'elle n'est pas responsable d'une perte de chance de céder le fonds de commerce alors que la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA n'a pas présenté de candidat susceptible de lui succéder, que l'obtention d'un permis par le bailleur n'est pas une faute dès lors qu'il garantit la jouissance paisible à son locataire, que l'information relative au permis de démolir a bien été transmise à la société locataire ainsi que cela résulte du protocole transactionnel, que le document signé le 3 avril 2006 entre la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA et la société DSD CASH n'est pas un compromis de vente en ce que la bailleresse n'a pas été informée de cette cession conformément aux clauses contractuelles, qu'elle ne comporte pas les mentions prescrites par l'article L. 141-1 du code de commerce, et qu'il s'agissait d'une cession de droit au bail requérant l'autorisation du bailleur.

Les époux X... et la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA justifient du projet de vente du fonds de commerce en versant à la procédure les éléments suivants :

- le mandat de vente exclusif conclu le 12 novembre 2005 entre la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA et la société CENTURY 21 relativement au fonds de commerce litigieux pour un prix de 330.000 euros ;

- le document intitulé 'compromis - promesse de vente' daté du 3 avril 2006, par lequel la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA représentée par son gérant M. X..., promet la vente du fonds de commerce litigieux à M. André C..., pour la société DSD CASH, qui l'accepte pour un prix de 322.000 euros, un chèque de 10.000 euros ayant été réglé par la société DSD CASH à titre d'acompte, la rédaction de l'acte de vente devant intervenir au plus tard le 25 mai 2006.

Il est également justifié que par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 24 mai 2006 adressée à la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA par la société DSD CASH, cette dernière a indiqué annuler l'acquisition en précisant : 'suite à ma visite sur les lieux (...) On m'apprend que le bâtiment est en projet de démolition. Le service d'urbanisme de la mairie de Livry Gargan me confirme le projet de démolition sous la référence 93046 C 003 du 11 mars 2006. Pour cette cause j'annule ma promesse et vous demande de me restituer le chèque d'acompte'.

Le projet de cession de fonds de commerce puis son annulation sont corroborés par l'attestation sur l'honneur de M. C... versée à la procédure, qui atteste qu'il était le fournisseur de la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA, qu'il s'est montré intéressé à la reprise du fonds de commerce, qu'après s'être rendu sur les lieux pour effectuer des relevés il a signé un 'compromis de vente' et remis un chèque de 10.000 euros pour 'bloquer l'affaire', son projet étant de créer une société de fabrication et vente en gros de produits pâtisserie/traiteur en complément de son activité. Il précise : 'suite à un projet de démolition de l'ensemble des bâtiments, j'ai annulé le compromis de vente le 24 mai 2006 (...)'.

Il est également versé à la procédure l'arrêté du maire de Livry Gargan en date du 11 mars 2006, relatif à une demande de permis de démolir déposée le 20 janvier 2006, accordant à la SCI du [...] de démolir pour des locaux situés [...] , et précisant que les locaux devront être libres de toute occupation avant l'exécution des travaux.

Par courrier du 25 octobre 2006, le conseil de la SCI bailleresse a indiqué à la société locataire : 'la SCI AVRON entend faire application du bail commercial signé avec la société OPERA le 19 décembre 2000. Le preneur reste donc libre de céder son fonds de commerce sous réserve d'avoir respecté la clause relative au droit de préférence du bailleur. De plus, la SCI AVRON a réajusté son projet initial en considérant que les locataires de locaux commerciaux, dont fait partie la société OPERA, seraient maintenus à l'identique. Vous trouverez ci-joint copie de la lettre du 26 septembre 2006 destinée à monsieur I... mentionnant le maintien des 2 commerces sur le boulevard Marx Dormoy.'

Aux termes d'un protocole transactionnel du 6 décembre 2006 conclu entre les parties, la SCI du [...] a accepté une remise de loyers de 6.097,96 euros pour la période du 1er septembre 2006 au 31 décembre 2006 en contrepartie de laquelle la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA s'est estimée être indemnisée du préjudice lié à l'échec de la cession envisagée en avril 2006 au bénéfice de M. André C....

L'article 2 dudit protocole stipule en outre : 'La SCI du [...] se déclare informée des recherches de sa locataire en vue de céder son fonds de commerce ou son droit au bail. Elle en accepte le principe sous réserve de son droit de préemption (...)'.

L'article 6 précise que 'sous réserve de critères objectifs d'honorabilité et de solvabilité, la SCI du [...] s'engage à agréer tout candidat acquéreur du fonds de commerce ou du droit au bail et à répondre favorablement à la demande d'extension des locaux qui pourrait être formulée. Sous les mêmes réserves, la SCI bailleresse s'engage à consentir le renouvellement de bail dans le cadre d'une cession de fonds de commerce ou de droit au bail avec un prix de loyer de 100 euros/m². Enfin la SCI du [...] renonce à toute opération immobilière qui impliquerait la restriction des droits de la société OPERA ou de son cessionnaire'.

La société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA, à la suite de la conclusion du protocole transactionnel, justifie avoir poursuivi son projet de vente de son droit au bail ou de son fonds de commerce ainsi qu'il résulte :

- d'une facture du 11 décembre 2006 pour une annonce pendant une période de huit semaines dans le mensuel 'bureaux et commerces' de la société 'particulier à particulier' de vente du droit au bail pour un prix de 330.000 euros ;

- d'un courrier de M. D..., ingénieur conseil, daté du 11 janvier 2008 auquel est joint une attestation respectant les prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile, expliquant que dans le cadre du projet de cession du bail commercial, il a présenté cet emplacement commercial aux enseignes Ed, groupe Carrefour et Grand Frais en précisant qu'une extension de surface jouxtant le local était possible. Il précise que le bailleur a semblé sensible et ouvert aux choix qui lui étaient proposés ; 'cependant au cours des mois qui ont suivi nos entretiens et des relances que nous lui avons adressées, celui-ci nous a opposé une attitude faite d'atermoiements et trouvant tous prétextes au demeurant contradictoires pour ne pas avoir à se prononcer sur son choix tout en nous laissant accroire à une possible réalisation'.

Par courrier du 18 juin 2007 en réponse à une demande de la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA, la mairie de Livry Gargan lui a indiqué que la SCI du [...] n'avait pas encore déposé de permis de démolir et de permis de construire, et a ajouté 'je pense toutefois que cette situation devrait évoluer rapidement puisqu'un architecte a été choisi par M. et Mme E... pour finaliser le projet de construction sur le site'.

Par un courrier du 15 novembre 2007, la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA, après avoir rappelé à la SCI bailleresse qu'elle mettait tout en oeuvre depuis plusieurs mois pour céder son fonds de commerce, qu'elle l'avait conviée à de nombreuses réunions organisées avec les acquéreurs potentiels du fonds de commerce, et que ces derniers n'ayant jamais obtenu de sa part de réponse claire sur la renonciation à ses projets immobiliers, n'avaient pas donné suite à leur projet du fait de cette incertitude, a ajouté avoir interrogé le maire de Livry Gargan qui lui a confirmé que la bailleresse devait leur proposer un projet immobilier par l'intermédiaire de son architecte.

Le 30 novembre 2007, la société du [...] a répondu par son gérant M.E..., dans les termes suivants : 'Le protocole exprime très clairement que la SCI du [...] renonce à toute opération immobilière qui impliquerait la restriction des droits de la société OPERA TRAITEUR ou de son cessionnaire. En tant que de besoin, je réitère qu'il n'existe pas de projet immobilier en cours. Mon engagement est donc respecté. Les prétendues inquiétudes de vos acquéreurs ne peuvent dès lors être liées à des projets inexistants'.

Il ressort de l'ensemble des éléments qui précèdent que la société locataire a appris au mois d'avril 2006 par l'intermédiaire de l'acquéreur potentiel de son fonds de commerce, la société DSD Cash, que les locaux donnés à bail faisaient l'objet d'un permis de démolir daté du 11 mars 2006, la SCI bailleresse ne produisant aucun élément pour justifier qu'elle avait informé la société locataire lors du dépôt de la demande de permis de démolir en janvier 2006 ou de son obtention en mars 2006, la seule mention dans le cadre du protocole signé en décembre 2006 de ce que 'les discussions ont permis au bailleur d'informer le locataire d'un projet immobilier (...)' ne suffisant à prouver que cette information était antérieure au mois d'avril 2006.

Il est également démontré que la bailleresse a ensuite annoncé à la société locataire en octobre 2006 que le projet de démolition ne concernerait pas ses locaux, puis s'est engagée dans le protocole transactionnel du 6 décembre 2006 à renoncer à toute opération immobilière qui impliquerait la restriction des droits de la société OPERA ou de son cessionnaire, puis lui a indiqué faussement le 30 novembre 2007 qu'elle n'avait aucun projet immobilier en cours, alors que le maire de Livry- Gargan indiquait par courrier du 18 juin 2007 que le projet de construction sur le site devait être finalisé très prochainement.

Un tel comportement de la SCI d'AVRON qui a maintenu la société locataire dans l'incertitude quant à la mise en oeuvre du programme de démolition et de construction et a ainsi découragé les candidats potentiellement repreneurs du fonds de commerce ou du droit au bail, est fautif, et ce d'autant qu'il constitue une violation des engagements pris dans le protocole transactionnel du 6 décembre 2006 aux termes duquel la SCI bailleresse s'engageait à agréer tout candidat acquéreur du fonds de commerce ou du droit au bail et à répondre favorablement à la demande d'extension des locaux qui pourrait être formulée, et à renoncer à toute opération immobilière qui impliquerait la restriction des droits de la société OPERA ou de son cessionnaire.

La cour rappelle que la perte de chance réparable est la privation actuelle et certaine d'une éventualité raisonnable favorable. En outre, la réparation de la perte de chance se limite à la fraction du préjudice correspondant à la seule chance perdue.

En l'espèce, la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA a justifié par la production de la promesse de vente le 3 avril 2006 au profit de la société DSD Cash, par la signature du protocole transactionnel le 6 décembre 2006 par lequel la société bailleresse se déclare informée des démarches de sa locataire pour céder son fonds de commerce ou son droit au bail et s'engage à agréer tout candidat repreneur sous réserve de critères objectifs d'honorabilité et de solvabilité, et par les contacts pris au cours de l'année 2007 avec les enseignes Le Grand Frais et ED Groupe Carrefour, que le comportement fautif de la bailleresse l'a privée de l'éventualité raisonnable favorable de procéder à la vente de son fonds de commerce.

Cependant cette perte de chance, qui doit être indemnisée à la fraction du préjudice correspondant à la chance perdue, ne peut être évaluée à 332.000 euros correspondant au montant figurant sur la promesse de vente consentie le 3 avril 2006 à la société DSD CASH alors que cet acte ne comprend aucune indication sur les chiffres d'affaires réalisés durant les trois exercices comptables précédant celui de la vente et les bénéfices commerciaux, énonciations prescrites à peine de nullité de la cession de fonds de commerce par l'article L. 141-1du code de commerce dans sa rédaction applicable en 2006.

L'expert judiciaire Thierry B... a indiqué que le chiffre d'affaires hors taxes du fonds de commerce litigieux s'est élevé en 2005 à 93.233 euros et en 2006 à 61.666 euros, et que la valeur d'un fonds de commerce de réception-traiteur varie entre 30 % et 80 % du chiffre d'affaires.

Au vu de ces éléments, il y a lieu d'évaluer le préjudice de la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA relatif à la perte de chance de vendre son fonds de commerce en 2006 et 2007, à un montant de 50.000 euros.

Sur la demande au titre de la perte de chiffre d'affaires

La société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA fait valoir que le comportement de la bailleresse a perturbé son activité, qu'elle a réduit la part de son activité la plus lucrative relative aux grandes réceptions de peur de ne pouvoir honorer ses engagements pour des mariages ou autres cérémonies à moyen et long terme ; qu'entre 2007 et 2009 elle a accusé des pertes cumulées de 181.762 euros, soit un préjudice de 90.000 euros par an, qu'elle

évalue en conséquence à un montant de 450.000 euros pour les années 2006 à 2009.

La SCI du [...] oppose l'absence de comptabilité régulière et l'abandon de l'exploitation normale du fonds ainsi qu'il résulte du procès-verbal d'huissier de justice.

Le comportement de la bailleresse, qui a obtenu un permis de démolir relatif aux biens loués et a maintenu la société locataire dans l'incertitude sur ses projets de démolition et de construction, a perturbé l'activité de la société locataire, contrainte de réduire la part de son activité générée par les réceptions par crainte de ne pouvoir honorer ses engagements à moyen et long terme. Cependant il n'est pas justifié que le comportement fautif de la bailleresse est à l'origine de la totalité de la baisse de chiffre d'affaires de 80% relevée par l'expert judiciaire, le chiffre d'affaires étant de 93 233 euros en 2005 pour n'être plus que de 19.298 euros en 2009, date à laquelle le procès-verbal de constat dressé par huissier de justice à la demande de la société bailleresse montre que la boutique est fermée et qu'elle ne fonctionne plus que sur commandes et sur rendez-vous.

Il résulte de ces éléments que le préjudice lié à la baisse de chiffre d'affaires doit être réparé à hauteur de 30.000 euros.

Sur la demande au titre de la dépréciation du fonds de commerce

La société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA prétend qu'un autre traiteur s'est installé à proximité pendant qu'elles se démenait pour trouver un acquéreur, qu'il a récupéré une partie de sa clientèle et que cela a contribué à la dépréciation du fonds. Elle sollicite à ce titre la somme de 450.000 euros.

Ces éléments ne sont soutenus par aucune pièce, de sorte que la société locataire ne justifie d'aucun autre préjudice que ceux déjà réparés au titre de la perte de chance de vendre son fonds de commerce, et la perte de chiffre d'affaires.

Sur la demande au titre du remboursement des loyers

La société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA sollicite la condamnation de la bailleresse à lui payer la somme 84.465 euros au titre du remboursement des loyers versés depuis 2007 jusqu'à son départ.

Il n'est cependant pas justifié d'une impossibilité d'utiliser les locaux pour exercer son activité de sorte que la demande de remboursement à ce titre n'est pas fondée.

Sur la demande de dommages-intérêts pour perte de chance de n'avoir pu développer son activité d'école de pâtisserie à Paris

La société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA soutient qu'elle avait le projet de créer une école de pâtisserie à Paris, que le bénéfice escompté de cette activité était de plus de 700.000 euros, que le comportement du bailleur lui a fait perdre cette chance, de sorte qu'elle demande à ce titre sa condamnation à lui payer une somme de 1.500.000 euros à titre de dommages-intérêts correspondant à deux ans de bénéfices escomptés.

Les pièces produites à savoir le devis d'installation frigorifique d'un laboratoire datant du mois de février 2004, le catalogue d'un fournisseur, le devis daté de février 2006 relatif à la création de réseaux de ventilation et le courrier d'un directeur d'agence bancaire daté du 20 février 2010 relatant que M. et Mme X... qui sont clients de l'agence lui ont fait part de leur projet de créer une école de formation de pâtisserie-cuisine et de leur conflit avec leur bailleur en lien avec leur projet de vente de leur fonds de commerce, si elles peuvent établir que M. et Mme X... ont eu le projet de créer une école de pâtisserie, ne donnent cependant aucun élément sur la faisabilité ni l'état d'avancement de ce projet de sorte que la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA qui ne justifie pas de l'éventualité raisonnable favorable de créer une telle école sera déboutée de ses demandes de dommages-intérêts à ce titre.

Sur la demande de dommages-intérêts pour perte de stocks et de matériels de traiteur et de luminaire

La société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA fait valoir qu'elle a fait constater par huissier de justice le 30 novembre 2010 le stock de matériel de traiteur, que l'expert judiciaire ne l'a pas chiffré, et demande de ce chef une somme de 200.000 euros, ces stocks ayant été laissés sur place lors de l'expulsion forcée.

M. X... sollicite en outre une somme de 350.000 euros au titre d'un stock de luminaires lui appartenant qui étaient également sur place.

La société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA et M. X... ne justifient d'aucune faute imputable à la bailleresse, alors que l'expulsion des lieux loués a été prononcée en exécution d'une décision de justice pour non paiement des loyers, et qu'il leur appartenait conformément au procès-verbal d'expulsion versé à la procédure de retirer l'ensemble des biens garnissant les lieux loués dans le délai d'un mois, ce qu'ils n'ont pas fait, pas plus qu'ils n'ont concouru aux opérations du commissaire priseur qui les y a pourtant invités, de sorte que leurs demandes d'indemnisation de ce chef seront rejetées.

Sur les demandes d'indemnisation au titre de la perte de chance de M. X... à prétendre à une retraite significative et du préjudice moral des époux X...

M. X... soutient que les manquements de la société bailleresse à ses obligations contractuelles lui ont occasionné un préjudice personnel en ce qu'il n'a pas pu exercer normalement son activité professionnelle, et développer un chiffre d'affaires suffisant pour cotiser pour sa retraite. Cette perte de chance de prétendre à une retraite significative doit selon lui être indemnisée à hauteur de 289.020 euros correspondant au capital représentatif d'une rente annuelle de 15.000 euros commençant à courir en mai 2016, date de sa mise à la retraite.

Les époux X... demandent aussi la somme de 20.000 euros à titre de préjudice moral.

Cependant en application de l'article 564 du code de procédure civile, ces demandes qui sont nouvelles en cause d'appel, sont irrecevables.

Sur les demandes de la société du [...]

La société bailleresse demande la confirmation du jugement qui a condamné la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA à lui payer la somme de 6.736 euros au titre d'un solde de loyers et d'indemnité d'occupation d'août 2009 à septembre 2010 inclus, ainsi que la somme de 3.500 euros à titre d'indemnité réparant le préjudice de n'avoir pu relouer les locaux immédiatement. Elle sollicite aussi la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Le décompte des sommes dues au titre des loyers et indemnités d'occupation, arrêté au mois de juillet 2012, n'est pas contesté de sorte qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA à une somme de 6.736 euros au titre d'un solde de loyers et indemnités d'occupation pour la période d'août 2009 à septembre 2010.

S'agissant de l'indemnité pour n'avoir pu relouer les lieux, il n'est pas établi que la bailleresse, qui avait déposé le 28 juillet 2009 une demande de permis de construire, et qui a procédé à l'expulsion de la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA le 28 septembre 2010, ait tenté de relouer immédiatement les locaux de sorte que sa demande au titre du manque à gagner pour la période du 29 septembre 2010 au 8 mars 2011 n'est pas justifiée, et qu'elle en sera donc déboutée.

Enfin, il n'est pas justifié d'une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit d'ester en justice de la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA et des époux X..., de sorte que la demande de la SCI bailleresse sur ce fondement sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

La société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA dont la demande en indemnisation prospère partiellement ne sera pas tenue aux dépens de première instance, ni à la somme de 2.000 euros mise à sa charge au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et il convient d'infirmer le jugement entrepris sur ce point, la SCI du [...] étant condamnée aux dépens de première instance.

En cause d'appel, l'équité commande de condamner la SCI du [...] à payer à la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA et aux époux X..., ensemble, la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de l'appel seront mis à la charge de la SCI du [...] .

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le quantum alloué à la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA au titre de la perte de chance de céder le fonds de commerce, en ce qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation au titre de la perte de chiffre d'affaires, en ce qu'il a condamné la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA au titre de la perte de chance de relouer le local ainsi que sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

L'Infirme sur ces points ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

CONDAMNE la SCI du [...] à payer à la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA les sommes de :

- 50.000 euros pour perte de chance de vendre le fonds de commerce,

- 30.000 euros pour la perte de chiffre d'affaires subie de 2006 à 2009 ;

DECLARE irrecevables les demandes des époux X... d'indemnisation de la perte de chance à prétendre à une retraite significative et du préjudice moral,

DEBOUTE la SCI du [...] au titre de la perte de chance de relouer le local ;

CONDAMNE la SCI du [...] à payer à la société PÂTISSIER TRAITEUR OPERA et aux époux X..., ensemble, la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCI du [...] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 17/09936
Date de la décision : 19/12/2018

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°17/09936 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-19;17.09936 ?
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