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19/12/2018 | FRANCE | N°17/08530

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 19 décembre 2018, 17/08530


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 19 DECEMBRE 2018



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/08530 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3SUG



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Février 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 15/09555



APPELANTE

Madame Christine X...

[...]

[...]



Représentée par Me Frédéric Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0480





INTIMÉE

EPIC RATP

[...]

Représentée par Me Sophie Z... de l'ASSOCIATION PERELSTEIN ZERBIB Z..., a...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 19 DECEMBRE 2018

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/08530 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3SUG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Février 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 15/09555

APPELANTE

Madame Christine X...

[...]

[...]

Représentée par Me Frédéric Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

INTIMÉE

EPIC RATP

[...]

Représentée par Me Sophie Z... de l'ASSOCIATION PERELSTEIN ZERBIB Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : R062, substituée à l'audience par Me Francisco A..., avocat au barreau de PARIS, toque D1514

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Novembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme D...-Luce GRANDEMANGE, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Mme D...-Luce GRANDEMANGE, Présidente de chambre

Mme Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

Mme Aline DELIERE, Conseillère

Greffier : Mme Clémence UEHLI, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame D...-Luce GRANDEMANGE, Présidente et par Madame Clémence UEHLI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Madame Christine X... a été embauchée par la régie autonome des transports parisiens (RATP) par contrat en date du 20 février 1988 en qualité d'élève d'exploitation du réseau ferré. Elle était, au dernier état de la relation de travail, conseiller de clientèle, plus précisément chargée de recouvrement des procès-verbaux.

Par lettres recommandées avec accusé de réception en date des 05 et 25 février 2015 la RATP notifiait à Mme X... deux avertissements.

Le 27 février 2015 Mme X... faisait l'objet d'un arrêt maladie pour accident du travail ou maladie professionnelle.

Par lettres recommandées avec accusé de réception en date des 4 et 27 mars 2015 Madame X... était convoquée à un entretien préalable à son éventuelle révocation les 19 mars puis 9 avril 2015.

Le 14 avril 2015 la RATP demandait la comparution de Madame X... devant le conseil de discipline en vue de sa révocation.

Par lettre recommandée, en date du 20 avril 2015, le président du conseil de discipline la convoquait devant ce dernier le 13 mai 2015, après une audience préparatoire qui s'est tenue le 5 mai 2015. Le conseil de discipline a émis un avis de révocation.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 01 juin 2015 la RATP notifiait à Mme X... sa révocation.

Le 29 juillet 2015, Madame X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris en annulation de la décision de révocation, en réintégration sous astreinte, en paiement d'indemnités de rupture de dommages-intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, pour harcèlement moral, pour manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement, en réparation du préjudice subi du fait de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité, en reconstitution de carrière, une expertise étant ordonnée et une provision allouée. Subsidiairement elle contestait le bien-fondé de son licenciement.

Par décision en date du 2 février 2017, le Conseil de Prud'hommes a requalifié le licenciement pour faute grave de Madame X... en licenciement pour cause réelle et sérieuse et a condamné la RATP à lui payer les sommes suivantes :

- 5759,98 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 575,99 euros au titre des congés payés afférents,

- 22'079,91 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 900 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Il a débouté Madame X... de ses autres demandes, le syndicat autonome Tout RATP de l'ensemble de ses demandes et la RATP de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 15 juin 2017, Madame X... a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 2 juillet 2018, auxquelles il est expressément fait référence, Madame X... conclut à la réformation du jugement entrepris.

Elle demande à la cour d'annuler la décision de révocation prononcée par la RATP le 1er juin 2015 et d'ordonner sa réintégration, sous astreinte de 1000 € par jour de retard passé un mois à compter de la notification de la décision à intervenir. Elle sollicite le versement des sommes suivantes :

- 50'000 € à titre de provision à valoir sur son rappel de salaire,

- 17'279,94 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- 11'519,96 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention du harcèlement moral,

- 5759,98 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de la violation par l'employeur de son obligation de résultat.

Elle demande que soit ordonnée sous astreinte de 1000 € par jour de retard la reconstitution de sa carrière avec toutes conséquences sur ses salaires et sa retraite, le paiement d'une provision de 50'000 € à valoir sur ces derniers, enfin elle demande que soit ordonnée une expertise pour déterminer les montants des salaires et de la retraite qui lui sont dus depuis sa révocation.

À titre subsidiaire elle demande à la cour de dire son licenciement dépourvu de cause réelle sérieuse et forme les demandes suivantes:

- 17'279,94 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- 11'519,96 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention du harcèlement moral,

- 5759,98 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat,

- 170'000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct au titre de la perte estimée pour la retraite,

- 22'079, le 91 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 6335,97 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 28'799,90 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

- 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle demande que soit ordonnée l'exécution provisoire de la décision à intervenir et sollicite la capitalisation des intérêts au taux légal.

Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 2 octobre 2018, auxquelles il est expressément fait référence, la RATP demande l'infirmation du jugement entrepris, elle demande à la cour de dire que la révocation de Madame X... est bien fondée et de la débouter de toutes ses demandes. Subsidiairement elle sollicite la confirmation du jugement entrepris et, en tout état de cause, la condamnation de Madame X... à lui payer la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION

* Sur la nullité du licenciement pour violation du statut du personnel de la RATP :

Contrairement à ce que soutient Mme X... les articles 49, 159 et 160 du statut du personnel de la RATP n'imposent pas le recours à la procédure d'urgence et la suspension de service de l'agent dans tous les cas de révocation. Ce moyen de nullité ne sera pas retenu.

L'article 149 du même statut prévoit dans son dernier alinéa qu'aucune mesure disciplinaire ne peut-être prononcée à raison d'un manquement à la discipline survenu plus de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire, sauf, notamment, si ce fait était inconnu de la régie.

La lettre de révocation vise des faits commis entre le 07 janvier et le 27 février 2015, la procédure en vue d'une éventuelle mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'à la révocation a été engagée le 04 mars, avec convocation à un entretien préalable qui s'est tenu le 19 mars 2015. L'employeur lui reprochant d'avoir commis des faits nouveaux le 20mars 2015, l'a reconvoquée à un second entretien le 27 mars 2015. La procédure de révocation de Madame X... a été donc engagée dans le respect du délai de prescription prévu par l'article 149 susvisé, ce moyen ne sera pas davantage retenu.

L'article 165 du statut dispose « La mention d'une mesure du 1er degré incluse au dossier de l'agent en activité est radiée après l'expiration d'un délai de 5 années à condition que d'une manière générale cet agent se soit, depuis la mesure dont il a fait l'objet, conformé à la discipline interne à l'entreprise. Les mêmes dispositions sont applicables, après l'expiration d'un délai de 10 années aux agents auxquels une mesure du second degré a été appliquée. La radiation est faite sur le relevé des mesures disciplinaires. En aucun cas, il ne peut être fait état des mesures dont la mention est ainsi rayée. Les mesures prises pour un manquement aux règles de sécurité sont toujours maintenues. Aucune mesure disciplinaire prononcée depuis plus de 3 ans ne peut être invoquée à l'appui de nouvelles mesures. »

La lettre par laquelle la RATP a saisi le conseil de discipline aux fins de comparution de Madame X... ne se réfère à aucune sanction antérieure, en revanche la lettre de révocation se réfère sans les citer à des sanctions antérieures.

Sont versées aux débats par la RATP un rappel à l'ordre du 14 septembre 2004, notifié le 15, pour une permutation de service sans l'accord du supérieur, mesure disciplinaire du 1er degré niveau- a 2ème, suivi de deux avertissement les 08 mars et 01 août 2005 pour des propos grossiers et déplacés, mesures disciplinaires du 1er degré niveau- a 3ème.

Suite à ces sanctions, et avant la procédure de révocation, Mme X... a fait l'objet de quatre rapports d'information, pour une non communication de ses heures de sortie pendant un arrêt maladie (06 janvier 2012), un manque d'attention à l'origine d'une absence de rapprochement dans un procès-verbal (6 janvier 2012), un défaut de vigilance et une mauvaise application des règles de gestion du courrier (13 septembre 2012), un manque de vigilance à l'origine d'une erreur dans des états de caisse (31 mars 2014).

Plus de cinq ans s'étaient écoulés entre la dernière sanction du 01 août 2005 et ces rapports d'information, les mesures disciplinaires antérieures au 01 août 2005 inclus, auraient du être rayées.

Toutefois ces sanctions anciennes ne font l'objet d'aucun visa dans le cadre de la procédure de rupture du contrat de travail, étant observé qu'en revanche deux avertissements ont été notifiés à la salariée au début de l'année 2015 et pouvaient figurer dans son dossier.

Aucune nullité de la mesure de révocation ou de la procédure n'est donc encourue de ce chef.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient Mme X..., l'employeur justifie du respect de la procédure prévue par l'article 160 du statut. Mme X... a reconnu lors de l'audience préparatoire du 5 mai 2015 avoir eu accès à son dossier administratif et avoir eu connaissance des pièces motivant sa comparution devant le conseil de discipline.

Le respect de cette procédure n'interdit pas à la RATP de produire dans le cadre de l'instance prud'homale la main courante déposée par un autre salarié, M. B..., non produite devant le conseil de discipline, pas plus qu'elle n'interdit à Mme X... de produire des attestations alors qu'elle n'avait présenté aucun élément devant la commission de discipline. La contestation de la pertinence des éléments de preuve fournis par la RATP dans le cadre de la présente instance n'est pas de nature à justifier la nullité de la procédure de révocation. Ce moyen ne sera pas retenu.

Madame X... invoque également un non-respect par l'employeur de l'article 1. 2 de l'instruction générale numéro 408 relative à la discipline. Elle considère que les faits qui lui sont reprochés ne rentrent pas dans la définition prévue par ces dispositions et qu'en l'absence de faute lourde telle que définie par ce texte elle doit être réintégrée.

Cependant, cet article précise « Sont notamment, et par exemple, considérés comme des manquements à la discipline entraînant suivant leur gravité et les circonstances dans lesquelles ils ont été commis, mais en l'absence de tout cumul ou récidive : (...) Une mesure disciplinaire du 2e degré : une faute lourde : par rapport aux règlements d'exploitation (consignes, notes instruction de service, instruction de direction, etc....) , un délit particulièrement grave commis dans le service dans les domaines suivants (...)»

Il se déduit de cette rédaction que la liste des faits énumérés à l'article 1. 2 n'est pas exhaustive.

Ce moyen de nullité de la révocation ne sera pas davantage retenu.

* Sur la nullité du licenciement pour harcèlement moral :

Aux termes des dispositions de l'article L 1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 du code du travail, il incombe à Madame X... d'établir la matérialité de faits précis et répétés qui permettent, pris dans leur ensemble, de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Dans cette hypothèse, il incombera à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Plus précisément Mme X... invoque :

- un acharnement disciplinaire avec des sanctions injustifiées pour des faits véniels les 05 et 25 février 2015, avant l'engagement de la procédure de révocation,

- un management par la pression avec une mise sous surveillance disproportionnée, plus exactement une mise sous écoute,

- une dégradation de son état de santé avec un arrêt maladie à compter du 27 février 2015.

Ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer une situation de harcèlement moral.

L'avertissement du 5 février 2015 est motivé par la pratique de mots croisés alors qu'elle était référent sur le plateau téléphonique le 16 décembre 2014, avec passation le même jour de deux appels privés, par des pressions exercées sur son manager le 30 janvier 2015, sous la forme de menaces de divulgation d'écrits, en cas de non proposition à l'avancement et enfin la consultation de ses SMS le 3 février 2015 en violation d'une note du pôle recouvrement du 5 mars 2013 qui interdit la tenue de conversations téléphoniques personnelles sur le temps de travail. Dans sa lettre de contestation du 05 février 2005 Mme X... conteste tout propos menaçant. Si la teneur exacte des propos tenus par Mme X... reste incertaine, le doute devant lui profiter, la matérialité des autres faits est établie par deux courriels de Mme C.... La sanction prononcée qui reste modérée est proportionnée et justifiée.

L'avertissement du 25 février 2015 est motivé par une série d'appels téléphoniques privés entre le 13 et le 28 janvier 2015, deux d'entre excédant 10 minutes et par une concertation avec un autre collègue le 31 décembre 2014 pour être affectée en renfort, non justifié, dans un service peut chargé. Ces faits sont établis par les attestations de Ms D... et de Mme C.... La sanction est proportionnée et mesurée.

Ces deux sanctions sont donc fondées sur des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

Par ailleurs, contrairement à ce que prétend Mme X... elle n'a pas fait l'objet d'une surveillance particulière et d'une mise sur écoute.

En revanche, la RATP justifie qu'en janvier 2013 dans le cadre de sa démarche qualité l'unité SCC, certifiée ISO 9001, a fait l'acquisition d'une solution d'enregistrement des appels téléphoniques des clients du centre d'appel du RCD au centre d'appel du pôle Recouvrement. Le protocole prévoit que l'ensemble du personnel doit être informé dès réception de l'équipement par une note d'entité conforme aux engagements pris envers la CNIL, les clients étant eux-mêmes informés par un message d'attente lors de leur appel que la conversation est enregistrée. L'employeur justifie de la tenue d'une réunion pluri-syndicale d'information, le 15 mai 2013, sur la généralisation du dispositif d'enregistrement des appels susvisés et sur la mesure des prestations réalisées par les contrôleurs multi modaux, la RATP produit également la note d'entité diffusée dans l'entreprise ainsi que le récépissé de déclaration à la CNIL en date du 6 février 2015.

Ainsi l'enregistrement des appels clients repose sur des motifs objectifs étrangers à tout acte de harcèlement moral de Mme X....

Enfin les éléments médicaux produits démontrent l'anxiété générée par la procédure de révocation engagée à l'encontre de Mme X..., cette réaction anxio-dépressive n'est pas en lien avec un quelconque harcèlement moral en cours d'exécution du contrat de travail

mais avec la rupture de celui-ci.

En conséquence les décisions de l'employeur reposant sur des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral, il convient de rejeter les demandes de Madame X... en annulation de sa révocation pour harcèlement moral, en réintégration sous astreinte, en paiement d'une provision à valoir sur son rappel de salaire, en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral et pour manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement moral, demandes sur lesquelles le premier juge a omis de statuer.

Il en va de même de la demande de Mme X... en paiement de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de l'employeur. En effet, contrairement à ce que soutient la salariée, l'employeur n'a pas manqué à ses obligations en la matière. L'exercice d'un droit d'alerte déposé le 4 mars 2015, au sujet de la situation de Madame X..., par deux délégués du personnel, a été suivi d'une réunion organisée par l'employeur le 6 mars 2015 afin de définir le périmètre et les modalités de l'enquête, des entretiens ont été programmés, ils devaient être menés conjointement par la direction et les délégués du personnel, ces derniers devant fournir à la direction le nom des agents désirant témoigner ainsi que l'ordre souhaité pour ces entretiens. Le 14 avril 2015 la direction communiquait aux autres membres de la commission d'enquête le calendrier des entretiens devant être tenus. Le 15 avril 2015 l'un des délégués du personnel demandait le report de l'ensemble des entretiens au mois de mai en raison de ses congés. Lors d'une réunion le 15 mai les membres de la direction et les délégués en charge de l'enquête décidaient d'un nouveau report des entretiens à mener. Aucun reproche ne peut dans ces conditions être formulé à l'encontre de l'employeur. Il y a donc lieu de rejeter la demande de Mme X... de ce chef.

* Sur le bien-fondé de la révocation :

La lettre de révocation, qui fixe les termes du litige, vise les faits suivants :

«- Non prise en charge d'appels de contrevenants : le 2 février 2015 (par 5 fois), 3 février 2015 (par 3 fois), 11 février 2015 (par 8 fois), 20 février 2015 (par 3 fois), 25 février 2015 (par 1 fois), 26 février 2015 (part 7 fois) et le 27 février 2015 (par 1 fois), vous avez délibérément refusé de prendre en charge les appels des clients, et ce, sans aucune raison.

- Propos menaçants envers vos collègues : le vendredi 20 mars 2015 vous portez, à plusieurs reprises et en présence de vos collègues, des menaces à l'encontre de certains d'entre eux : 'si je retrouve la personne qui m'a dénoncée, je vais la détruire' et ' je lui péterai la gueule'.

- Dépassement important des temps de pause réglementaires : l'état de vos retraits, lorsque vous êtes affectée sur le poste de téléacteur, montre que, les 30 janvier, 17,18 et 25 février 2015, vous avez dépassé de 40 minutes à une heure vos temps de pause réglementaire prévus dans la note horaires en date du 12 février 2015 numéro 2015-01.

- Traitement d'appels non conformes aux modes opératoires en vigueur malgré les nombreux rappels de vos managers : du 7 janvier au 27 février 2015 vous avez omis de saisir 486 dossiers et de demander les numéros de téléphone des contrevenants et par voie de conséquence, vous n'avez pas rempli convenablement les fiches des contrevenants.

- Utilisation par un autre agent de votre poste de travail pour répondre à des clients : le 26 février 2015,un autre agent répond à votre place sur votre combiné téléphonique et met en attente le contrevenant durant une minute et 30 secondes, avant que le client finisse par raccrocher.

- Application erronée des réductions en vigueur dans le cadre de la politique de recouvrement des procès-verbaux d'infraction : dans 6 dossiers référencés (...) que vous suiviez les 5 janvier et 19 février 2015, vous avez appliqué des réductions que vous saviez délibérément n'avoir pas lieu d'être et alors même que les conditions de mise en 'uvre desdites réductions vous avaient été rappelées ; le 9 février 2015 vous accordez même une réduction pour « motif social » de 70 € sur plusieurs dossiers alors que vous n'aviez ni demandé ni été autorisée par vos managers à accorder une telle remise.

Ces comportements sont d'autant plus inacceptables que vous avez fait l'objet de nombreux rappels de la part de vos supérieurs sur la conduite à tenir et les procédures à suivre et de sanctions pour les mêmes comportements. De plus vos manquements non seulement nous empêchent de respecter nos engagements qualité auxquels nous sommes astreints dans le cadre de la certification ISO 9001 mais de plus alourdissent considérablement la charge de travail de vos collègues. Par ailleurs, les propos que vous avez tenus sont particulièrement violents, choquants et inacceptables dans le cadre des relations de travail. Ces propos ont eu des conséquences extrêmement préjudiciables à l'encontre des autres salariés présents, dont certains ont craint pour leur sécurité. Malgré l'ensemble de vos explications recueillies, je persiste à considérer vos agissements comme constitutifs d'une faute grave rendant impossible votre maintien dans l'entreprise.»

Mme X... est mal fondée à prétendre au caractère illicite des éléments de preuve tirés par l'employeur des enregistrements des appels clients au motif qu'ils étaient clandestins. En effet comme sus-indiqué la salariée n'ignorait pas que tous les échanges avec les clients étaient susceptibles d'enregistrement, comme le rappelle au demeurant systématiquement l'avis donné à tous les clients appelant le service par un message pré-enregistré, ce moyen de défense n'est pas sérieux.

Il résulte des pièces produites par l'employeur des relevés d'appels téléphoniques, des propres explications de la salariée, des nombreuses plaintes de clients que les faits de non prise en charge d'appels, de traitement d'appels non conformes aux modes opératoires en vigueur, d'utilisation par un autre agent de son poste de travail pour répondre à des clients, d'application erronée et délibérée à six reprises, sans accord de ses supérieurs, de réductions du montant des procès-verbaux, de temps de pause largement excessifs dépassant de plus de quarante minutes, voire d'une heure, le temps de pause réglementaire, sont tous établis.

En revanche, s'agissant des propos menaçants qui lui sont imputés tenus le 20 mars 2015, au lendemain de son entretien préalable, à l'encontre de la ou des personnes l'ayant dénoncée, ils ne sont pas démontrés. La main courante déposée par M. B... l'a été le 17 mars, soit antérieurement aux menaces visées par la lettre de licenciement, et elle ne fait état que de rumeurs selon lesquelles il serait à l'origine de ces révélations, il ne mentionne aucune menace. Le document produit par la RATP, sensé regrouper des messages, ou des parties de messages, de façon totalement anonyme, est un document 'construit' qui n'a de ce fait aucune valeur probante. De plus, le doute doit profiter à la salariée qui a toujours contesté avoir tenu de tels propos. Ce grief n'est donc pas établi.

Reste, un ensemble de manquements professionnels commis dans un contexte de grand relâchement dans le service de recouvrement des procès-verbaux, plusieurs autres salariés ont été sanctionnés par des mises à pied de quelques jours pour des comportements de même nature. C'est ce type de sanction que les membres salariés de la commission de discipline avaient préconisée pour Mme X... à hauteur d'une durée de trois semaines.

Cependant, la salariée avait déjà été sanctionnée par deux avertissements les 5 et 25 février 2015, le 05 février son laisser-aller professionnel lui était reproché, mots-croisés appels téléphoniques personnels pendant le service etc ; malgré cette sanction la salariée a persisté dans un comportement non professionnel.

La salariée avait, certes, 27 ans d'ancienneté cependant, elle a manifestement totalement perdu de vue ce que le lien de subordination et l'intérêt de l'entreprise signifient ; avertie de son dysfonctionnement par l'employeur elle a démontré sa volonté de ne pas en tenir compte et de persister dans son attitude.

En conséquence, les faits multiples et répétés retenus à son encontre présentent un degré de gravité suffisant pour constituer une faute grave susceptible de justifier la révocation de Mme X.... Réformant le jugement entrepris il y a lieu de dire la révocation de Mme X... fondée sur une cause grave, de la débouter de toutes ses demandes, en ce compris sa demande en paiement des indemnités de rupture.

Le jugement entrepris sera réformé sur ce dernier point.

* Sur les autres demandes

À ce stade de la procédure la demande d'exécution provisoire est sans objet.

Mme X... qui succombe conservera la charge de ses frais irrépétibles en première instance et en appel et sera condamnée aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

L'équité et les circonstances de la cause, la situation économique des parties, ne commandent pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la RATP.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Réforme le jugement déféré en ce qu'il a dit le licenciement de Mme X... fondé sur une cause réelle et sérieuse et a condamné la RATP à lui payer diverses sommes,

Le confirme pour le surplus,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Dit la révocation de Mme X... fondée sur une faute grave,

Déboute Madame X... de ses demandes subséquentes,

Y ajoutant,

Dit n'ya voir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme X... aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 17/08530
Date de la décision : 19/12/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°17/08530 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-19;17.08530 ?
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