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18/12/2018 | FRANCE | N°14/11608

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 18 décembre 2018, 14/11608


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 18 Décembre 2018

(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 14/11608 - N° Portalis 35L7-V-B66-BU5KQ



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Juillet 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F 13/14044





APPELANT

Monsieur Emeric X...

[...]

comparant en personne, assisté de Me Rachel Y..

., avocate au barreau de PARIS, toque: B0335

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/003084 du 15/03/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 18 Décembre 2018

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 14/11608 - N° Portalis 35L7-V-B66-BU5KQ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Juillet 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F 13/14044

APPELANT

Monsieur Emeric X...

[...]

comparant en personne, assisté de Me Rachel Y..., avocate au barreau de PARIS, toque: B0335

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/003084 du 15/03/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉE

SAS UBIQUS

[...]

N° SIRET : 349 279 216 00064

représentée par Me Sonia A..., avocate au barreau de PARIS, toque : B0793, et par Mme Florence Z... (DRH) en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Juin 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Jacqueline LESBROS, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sylvie HYLAIRE, présidente

Madame Jacqueline LESBROS, conseillère

Monsieur Christophe BACONNIER, conseiller

Greffier : Mme Caroline GAUTIER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- Mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- Signé par Madame Sylvie HYLAIRE, présidente, et par Mme Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Ubiqus propose à ses clients des prestations de rédaction des échanges intervenus à l'occasion de rencontres professionnelles (réunions d'assemblées générales, de comités d'entreprises, de conseils municipaux, de sessions parlementaires ...).

Elle emploie plus de dix salariés et n'applique aucune convention collective.

Elle recourt pour l'exécution de ses missions à des rédacteurs employés par contrat à durée indéterminée relevant du statut cadre (80% des effectifs) et de rédacteurs «freelance» engagés par contrat à durée déterminée relevant du statut employé (20% des effectifs).

Monsieur X..., né [...], a été engagé à compter du [...] et [...] en qualité de rédacteur, suivant 408 contrats à durée déterminée successifs dits d'usage puis pour accroissement temporaire d'activité.

Ne se voyant plus confier de missions après le 24 janvier 2013, Monsieur X... a saisi le 18 septembre 2013 le conseil de prud'hommes de Paris de demandes tendant à la requalification de ses contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée à temps complet et à la condamnation de la société Uniqus au paiement de diverses sommes à titre indemnitaire.

Par jugement du 24 juillet 2014, le conseil de prud'hommes a débouté Monsieur X... de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Monsieur X... a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 23 octobre 2014.

A l'audience, les conseils des parties ont soutenu les conclusions déposées et visées par le greffe.

Monsieur X... demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

- requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 26 novembre 2002,

- fixer le salaire de référence à 2.100 euros bruts mensuel,

- condamner la société Ubiqus à lui verser la somme de 25.000 euros nets en réparation du préjudice subi pour recours illicite à l'emploi précaire,

- constater l'absence de fourniture de travail pendant les inter-contrats,

En conséquence,

- condamner la société Ubiqus à lui payer la somme de 76.304,05 euros, à titre de rappel de salaire pour les périodes inter-contrats, sur la période non prescrite de septembre 2008 à janvier 2013 et 7.630,40 euros à titre de congés payés afférents,

- condamner la société Ubiqus à lui payer la somme de 12.600 euros nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- requalifier la rupture du contrat de travail intervenue sans motif licite le 24 janvier 2013 en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- condamner la société Ubiqus à lui verser les sommes suivantes':

* 4.200 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 420 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés-payés,

* 4.292 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte injustifiée de l'emploi,

- condamner la société Ubiqus à lui fournir sous astreinte de 300 euros par jour de retard et par document à compter du 8ème jour suivant sa notification, le conseil se réservant le contentieux de la liquidation de l'astreinte,

* les bulletins de paie conformes à la décision à intervenir,

* un certificat de travail conforme,

* une attestation Pôle Emploi conforme,

- condamner la société Ubiqus à régulariser la situation auprès des organismes sociaux sous astreinte de 300 euros par jour de retard et par organisme,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner la société Ubiqus à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et éventuels frais d'exécution.

La société Ubiqus demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes et de le condamner au paiement d'une somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour se réfère expressément aux conclusions des parties pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions qu'elles ont soutenus.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription de la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

La société Ubiqus invoque la prescription de la demande de requalification de Monsieur X... concernant la période antérieure au 18 septembre 2008.

L'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En cas de succession de contrats à durée déterminée, le délai de prescription ne court qu'à compter du terme du dernier contrat irrégulier.

En l'espèce, le dernier contrat remonte au 24 janvier 2013. Monsieur X... ayant saisi le conseil de prud'hommes de sa demande de requalification le 18 septembre 2013, son action n'est pas prescrite. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

A l'appui de sa demande de requalification, Monsieur X... fait valoir que les contrats à durée déterminée ne lui étaient pas remis dans le délai de deux jours suivant son embauche, comme l'exige l'article L. 1242-13 du code du travail, que par ailleurs, la société Ubiqus a recouru à tort à un contrat à durée déterminée d'usage du 19 novembre 2002 au 19 septembre 2005 puis à un contrat à durée déterminée motivé par un accroissement temporaire d'activité du 20 septembre 2005 au 24 janvier 2013, sans justifier du motif de recours invoqué et il soutient qu'il occupait en réalité un emploi lié à l'activité normale et permanente de la société.

La société Ubiqus s'oppose à la demande au motif qu'aucun texte ne sanctionne le non-respect des dispositions de l'article L. 1242-13 du code du travail. Elle soutient que Monsieur X... était informé par la remise d'une lettre de mission de tous les éléments contractuels, notamment de la durée de l'intervention et des éléments de sa rémunération, qu'en tout état de cause, il recevait ses contrats dans le délai de deux jours, qu'il a signé l'ensemble des contrats à durée déterminée de sorte que l'éventuelle irrégularité de forme serait couverte par la novation et qu'enfin, Monsieur X... ne peut prétendre avoir occupé un emploi permanent relevant de l'activité normale de la société alors qu'il est établi qu'il n'a été sollicité que pour des interventions ponctuelles n'excédant pas quelques jours par mois et représentant au total 10 mois d'activité sur une période de 52 mois.

*

Aux termes de l'article L. 1242-13 du code du travail, le contrat de travail est transmis au salarié, au plus tard, dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche. La transmission tardive équivaut à une absence d'écrit qui entraîne la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée. En cas de contestation, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a transmis le contrat dans le délai.

En l'espèce, la société Ubiqus ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce qu'elle a adressé au salarié ses contrats dans le délai de deux jours suivant l'embauche.

Il résulte au contraire des pièces produites par Monsieur X... qu'au moins jusqu'au mois d'avril 2009, la société Ubiqus n'établissait le contrat de travail qu'à l'issue de la mission, en même temps que le bulletin de paie ainsi qu'il résulte d'un mail du 27 avril 2009 ( pièce 3 de l'appelant) intitulé «nouvelle procédure d'envoi des contrats de travail» spécifiant «désormais, vous recevrez vos contrats au plus tard dans les deux jours suivant la mission et non plus avec les bulletins de paie». Aucune preuve de la remise du contrat dans le délai de deux jours n'est rapportée par la société Ubiqus pour la période postérieure au mois d'avril 2009, la fiche de mission préalable à la signature du contrat ne se substituant pas au document contractuel.

Par ailleurs, il apparaît que jusqu'au mois de septembre 2005, la société Ubiqus a mentionné dans le contrat qu'il était conclu dans le cadre d'un contrat d'usage alors que l'activité de la société ne relève pas d'un secteur d'activité défini par décret ou convention collective dans lequel il est d'usage de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Enfin, il est établi que Monsieur X... a été employé sans discontinuer depuis le 29 novembre 2002 jusqu'au 24 janvier 2013, tous les mois hors périodes de congés payés.

La société Ubiqus justifie le recours au contrat à durée déterminée par le fait qu'elle est soumise à des pics d'activité ponctuels les mardis, jeudis et les fins de semaine qui correspondent aux jours d'activité les plus importants de ses clients.

Cependant, le fait que la demande des clients soit plus importante certains jours de la semaine ne permet pas de justifier d'un accroissement temporaire d'activité mais procède de l'activité normale et permanente de l'entreprise et d'un choix de gestion qu'elle expliquait lors d'une réunion du comité d'entreprise du 18 juillet 2008 (pièce 18 de l'appelant) en indiquant que le système mis en place - à savoir la répartition de l'activité entre 80% de rédacteurs permanents et 20% de rédacteurs non-permanents - permettait de faire face à des pics d'activité très importants tout en maîtrisant les coûts fixes.

Pour l'ensemble de ces raisons, il y a lieu de requalifier les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 26 novembre 2002 et d'infirmer le jugement de ce chef.

Sur les conséquences de la requalification

Sur l'indemnité de requalification

Monsieur X... demande à la cour de fixer son salaire de référence à la somme mensuelle de 2.100 euros bruts correspondant à celui d'un rédacteur permanent relevant du statut cadre, à temps plein, poste qu'il aurait dû occuper depuis l'origine de la relation de travail.

Il demande à la cour de lui allouer en application de l'article L. 1245-2 du code du travail, une indemnité de 25.000 euros équivalente à 12 mois de salaire destinée à réparer le préjudice résultant de son maintien dans un statut précaire, l'empêchant de bénéficier de l'ensemble des avantages réservés aux rédacteurs-cadres notamment du suivi médical, du décompte du temps de travail, de l'impossibilité de prétendre à une évolution de carrière, de la privation d'une partie de ses droits à Pôle Emploi du fait de l'absence de déclaration de la totalité des heures de travail réalisées, de celle de participer aux élections professionnelles et de bénéficier des actions sociales et culturelles du comité d'entreprise.

La société Ubiqus s'oppose à la demande.

L'indemnité de requalification à laquelle le salarié peut prétendre en application de l'article L.1245-2 du code du travail ne peut être inférieure à un mois de salaire correspondant à la dernière moyenne des salaires perçus.

C'est donc à tort que Monsieur X... sollicite que l'indemnité de requalification soit calculée sur la base du salaire mensuel d'un rédacteur permanent employé à temps complet.

Par ailleurs, le droit à l'indemnité de requalification sanctionne exclusivement la conclusion du contrat à durée déterminée en méconnaissance des exigences légales de sorte que Monsieur X... ne saurait prétendre à obtenir à ce titre réparation d'autres chefs de préjudice.

En l'espèce, la moyenne des trois derniers salaires de Monsieur X... s'élève à la somme de 407,21 euros.

Au vu de la durée du recours aux contrats à durée déterminée, la cour fixe l'indemnité de requalification à la somme de 1.221,63 euros équivalente à trois mois de salaire.

Sur la demande de rappel de salaire pour les périodes d'inter-contrats

Monsieur X... sollicite à ce titre un rappel de salaire de 76.304,05 euros outre 7.630,40 euros au titre des congés payés, pour la période de 2008 à 2013, sommes calculées sur la base du salaire mensuel minimum d'un rédacteur à temps plein, soit 2.100 euros bruts. Il soutient en effet qu'il travaillait à temps complet si l'on tient compte du fait que la société Ubiqus ne rémunérait pas la totalité des heures effectuées mais seulement ses heures de présence chez le client sans compter le temps nécessaire à la rédaction des comptes-rendus et qu'il s'est par ailleurs tenu constamment à la disposition de l'employeur.

La société Ubiqus oppose aux demandes antérieures au 24 janvier 2010 la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail et s'oppose au fond à la demande pour la période postérieure. Elle fait valoir à cet effet que Monsieur X..., ainsi qu'il l'a lui-même reconnu, ne travaillait pas à temps complet, qu'il prétend sans preuve qu'il n'était pas payé de la totalité de ses prestations, qu'il ne réalisait que des filages qui ne nécessitaient la rédaction d'aucun écrit et qu'il n'était pas exigé de lui qu'il se tienne à disposition en permanence puisque, notamment, il est établi qu'il a travaillé pour des sociétés concurrentes.

*

Aux termes de l'article 21 de la loi du 14 juin 2013, les dispositions réduisant les délais de prescription s'appliquent à celles qui sont en cours à compter de la promulgation de la loi, soit le 17 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit en l'espèce 5 ans.

Monsieur X... ayant saisi le conseil de prud'hommes le 18 septembre 2013 est recevable en ses demandes à compter du 18 septembre 2008.

Au fond, il est établi que Monsieur X... qui n'avait pas d'autre employeur sur la période considérée de 2008 à 2013 que la société Uniqus - ainsi qu'en attestent son relevé de carrière du régime général de sécurité sociale (sa pièce 23) et ses avis d'imposition- se tenait à la disposition permanente de cette dernière ainsi qu'il résulte de la production de 56 fiches de mission (pièce 9) établissant que ces missions lui étaient confiées le jour même (par exemple, le 27 janvier 2012 à 10h52 pour une mission le même jour à 15heures) ou tout au plus avec un délai de prévenance de deux jours. Le fait que Monsieur X... ait refusé très exceptionnellement une mission -seuls deux exemples d'un tel refus étant produits- ne démontre pas qu'il n'était pas à la disposition de l'employeur.

Monsieur X... est donc bien-fondé en sa demande de rappel de salaire pour les périodes interstitielles. En revanche, il ne peut prétendre à un rappel de salaire sur la base d'un temps complet alors qu'il résulte de ses bulletins de paie qu'il n'a toujours travaillé qu'à temps partiel ne dépassant pas 100 heures par mois. En outre, il admet lui-même que ses missions n'ont consisté à partir de septembre 2010 qu'en la réalisation de filages qui n'exigeaient pas la rédaction de comptes-rendus en dehors de son temps de présence chez le client de sorte qu'il faut considérer que les heures payées correspondaient aux heures travaillées ; il ne produit pour la période antérieure pendant laquelle il a rédigé des comptes-rendus aucun élément permettant d'établir que son temps de travail excédait les heures rémunérées.

Au vu des périodes non travaillées, la cour est en mesure d'allouer à Monsieur X... un rappel de salaire d'un montant de 8.800,92 euros outre 880,09 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande au titre de l'indemnité pour travail dissimulé

Monsieur X... sollicite sur le fondement des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail une indemnité de 12.600 euros au motif que la société Ubiqus ne déclarait ni ne rémunérait la totalité des heures de travail qu'il effectuait et en particulier la demi-heure de présence exigée avant toute intervention, le temps de rédaction, le temps de travail de préparation et de fin des interventions.

La société Ubiqus s'oppose à la demande.

Il résulte des pièces produites aux débats que la rémunération de Monsieur X... était arrêtée sur une base déclarative des horaires effectués par le salarié comprenant les déplacements, la disponibilité passive, la prestation de travail proprement dite et le cas échéant le temps de rédaction.

Il n'est donc pas établi que Monsieur X... n'ait pas été rémunéré pour la totalité des prestations exécutées.

Par ailleurs, le caractère intentionnel de la dissimulation du travail alléguée n'est pas suffisamment établi.

Il y a lieu en conséquence de débouter Monsieur X... de sa demande à ce titre.

Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail

La rupture du contrat de travail requalifié à durée indéterminée, résultant de la seule survenance du termes du dernier contrat, s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit à l'indemnité de préavis, à l'indemnité de licenciement et à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par l'effet de la requalification des contrats à durée déterminée, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de sa première embauche.

En l'espèce, à la date de la rupture de la relation de travail le 24 janvier 2013, Monsieur X... avait 10 ans et deux mois d'ancienneté et c'est à tort que la société Ubiqus fait valoir qu'il ne saurait se prévaloir, pour le calcul de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une ancienneté supérieure à 10 mois de service continu, compte tenu de la durée totale des contrats à durée déterminée.

Le salaire mensuel moyen était en dernier lieu de 407,21 euros.

Il y a lieu en conséquence d'allouer à Monsieur X... une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire soit la somme de 814,42 euros.

L'indemnité de licenciement calculée conformément à l'article L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail s'élève à la somme de 823,46 euros que la société Ubiqus est condamnée à payer à Monsieur X....

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Monsieur X..., de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L.1235-3 du code du travail.

En application des dispositions de l'article L. 1235-4 du Code du travail, il sera ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié depuis son licenciement dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur les autres demandes

Compte tenu de l'issue du litige, il y a lieu d'ordonner à la société Ubiqus la régularisation de la situation de Monsieur X... auprès des organismes sociaux, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner en l'état une mesure d'astreinte.

La société Ubiqus devra délivrer à Monsieur X... les bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes aux dispositions du présent arrêt dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, sans qu'il y ait lieu en l'état d'assortir cette obligation d'une astreinte.

L'issue du litige conduit à infirmer le jugement qui a laissé les dépens à la charge de Monsieur X.... Succombant à l'instance, la société Ubiqus est condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement au conseil de Monsieur X..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, de la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700. 2° du code de procédure civile, dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, en contrepartie de sa renonciation à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Déclare recevables les demandes de Monsieur X...,

Requalifie les contrats à durée déterminée de Monsieur X... en contrat à durée indéterminée à compter du 26 novembre 2002,

Condamne la société Ubiqus à payer à Monsieur X... les sommes suivantes :

- 1.221,63 euros au titre de l'indemnité de requalification,

- 8.800,92 euros à titre de rappel de salaire,

- 880,09 euros au titre des congés payés afférents,

- 814,42 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 81,44 euros au titre des congés payés afférents,

- 823,46 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

ces sommes étant assorties de l'intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes,

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Dit que les intérêts dus pour une année entière seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Ordonne à la société Ubiqus le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié depuis son licenciement dans la limite de six mois d'indemnités,

Condamne la société Ubiqus à payer à Maître Y..., avocat de Monsieur X... bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire,

Condamne la société Ubiqus aux dépens de première instance et d'appel et aux éventuels frais d'exécution.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 14/11608
Date de la décision : 18/12/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°14/11608 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-18;14.11608 ?
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