La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/12/2018 | FRANCE | N°16/15614

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 3, 17 décembre 2018, 16/15614


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE


délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS











COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 2 - Chambre 3





ARRET DU 17 DECEMBRE 2018





(n° 2018/ , 14 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/15614 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZIWP





Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/16208






r>
APPELANT





Monsieur Jerry X...


[...]


né le [...] à UCCLE (BELGIQUE)





Représenté par Me Sylvie Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0079


Assisté de Me Hélène KOZACZYK- CABINET BARRELIER du barreau de C...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3

ARRET DU 17 DECEMBRE 2018

(n° 2018/ , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/15614 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZIWP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/16208

APPELANT

Monsieur Jerry X...

[...]

né le [...] à UCCLE (BELGIQUE)

Représenté par Me Sylvie Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0079

Assisté de Me Hélène KOZACZYK- CABINET BARRELIER du barreau de CAEN

INTIMEES

Société MACIF prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [...]

Représentée par Me Jeanne Z... de la SCP Jeanne Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée de Me Myriam A... avocat plaidant, de la SCP PYTKIEWICZ CHAUVIN-DE-LA ROCHE-A... avocat au barreau de PARIS toque : L89

Organisme RSI pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [...]

Défaillant

INTERVENANTE VOLONTAIRE

SARL AFRICANESSENCE prise en la personne de Me E... , ès qualités de mandataire judiciaire, domiciliée [...]

Représentée par Me Sylvie Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0079

Assisté de Me Hélène KOZACZYK- CABINET BARRELIER du barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Novembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

M. Thierry RALINCOURT, Président de chambre

Mme Marie-Françoise D'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre

Mme Clarisse GRILLON, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Thierry RALINCOURT dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Zahra BENTOUILA

ARRET : Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Thierry RALINCOURT, Président de chambre et par Zahra BENTOUILA, Greffière présent lors du prononcé.

********

Le 12/05/2010, Jerry X..., né le [...] et alors âgé de 35ans, a été victime d'un accident corporel de la circulation dans lequel a été impliqué un véhicule terrestre à moteur assuré par la société MACIF qui ne conteste pas le droit à entière indemnisation de la victime.

Par ordonnance de référé du 8/10/2012, le Docteur C... a été désigné en qualité d'expert pour examiner Jerry X.... Il a clos son rapport le 9/06/2013.

Un protocole d'accord transactionnel a été conclu le 25/10/2014 entre Jerry X... et la société MACIF concernant l'indemnisation de ses préjudices extra-patrimoniaux et de certains postes de préjudices patrimoniaux pour un montant total de 27.843,91€, déduction faite des provisions déjà versées pour un montant de 12.800€. L'indemnisation de la perte de gains professionnels actuels et de l'incidence professionnelle a été réservée.

Par jugement du 17/05/2016 (instance n°14/16208), le Tribunal de grande instance de Paris a:

- dit n'y avoir lieu à ordonner une expertise financière,

- condamné la société MACIF à payer à Jerry X... les sommes suivantes :

$gt; 25.000€ au titre de la perte de ses gains professionnels actuels,

$gt; 26.172€ au titre du préjudice professionnel, desquels il conviendra de déduire la provision de 7.200€ allouée par le juge des référés,

$gt; 3.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, desquels il faudra déduire la provision ad litem de 1.500€ déjà versée,

- condamné la société MACIF à payer au RSI d'Ile de France les sommes suivantes:

$gt; 7.492,94€ avec intérêts au taux légal à compter du 10/09/2012, desquels il conviendra de déduire la provision déjà versée de 7.348,73€,

$gt; 1.047€ à titre d'indemnité forfaitaire,

$gt; 1.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société MACIF à payer les dépens.

Sur appel interjeté par déclaration du 15/07/2016, et selon dernières conclusions notifiées le 10/02/2017, il est demandé à la Cour par Jerry X... et par la SARL AFRICANESSENCE, intervenante volontaire, représentée par Maître Valérie F..., mandataire de justice désignée par ordonnance du président du Tribunal de commerce de Paris en date du 3/10/2016 pour représenter ladite société dans la présente instance, de:

à titre principal :

- ordonner une expertise judiciaire confiée à un collège d'experts composé d'un expert dans le secteur de l'édition de livres, d'un expert en gestion de copropriétés et d'un expert en valorisation d'entreprises innovantes, afin qu'ils donnent leurs avis sur:

$gt; la pertinence de l'activité de la SARL AFRICANESSENCE et du projet d'entreprise EASY SYNDIC,

$gt; les chances de succès de ces deux entreprises sans la survenance de l'accident,

$gt; les pertes de gains et répercussions économiques subies par la SARL AFRICANESSENCE et Jerry X...,

- surseoir à statuer sur l'indemnisation des préjudices professionnels de Jerry X... et de la SARL AFRICANESSENCE,

à titre subsidiaire,

- évaluer les préjudices de Jerry X... de la façon suivante :

$gt; au titre de ses pertes de gains professionnels actuels : 389.850,18 €

$gt; au titre de ses pertes de gains professionnels futurs : 10.000,00 €

$gt; au titre de l'incidence professionnelle : 20.937,50 €

- évaluer les préjudices subis par la SARL AFRICANESSENCE à 382.027,58€

- condamner la MACIF à payer :

$gt; 420.787,68 € à Jerry X...

$gt; 382.027,58 € à la SARL AFRICANESSENCE (sic)

- dire et juger que l'indemnité allouée :

$gt; à Jerry X..., y compris la créance des organismes sociaux, produira intérêts au double du taux légal à compter du 8/11/2013 jusqu'au jour où l'arrêt à intervenir aura un caractère définitif,

$gt; à la SARL AFRICANESSENCE, à compter du 14/01/2017, jusqu'au jour où l'arrêt à intervenir aura un caractère définitif (sic),

outre les intérêts de droit à compter de l'acte introductif d'instance,

- dire que les intérêts ayant plus d'un an d'ancienneté seront eux-mêmes productifs d'intérêts,

- déclarer l'arrêt commun au RSI,

- condamner la société MACIF à payer à Jerry X... et à la SARL AFRICANESSENCE une indemnité de 7.000€ chacun au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile en sus des 1.000€ alloués à Jerry X... par le Tribunal,

- condamner la société MACIF aux entiers dépens, l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement prévus à l'article L.111-8 du code des procédures civiles d'exécution (sic).

Selon dernières conclusions notifiées le 29/12/2017, il est demandé à la Cour par la société MACIF de:

- rejeter la demande d'expertise financière de Jerry X... et de la SARL AFRICANESSENCE,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le préjudice professionnel de Jerry X... à la somme de 26.172€,

- dire et juger les réclamations de Jerry X... au titre de la perte de gains actuels et futurs résultant de son activité en sa qualité de gérant de la société AFRICANESSENCE irrecevables en application de l'article 908 (sic), en l'absence de réclamations dans le premier jeu de conclusions,

- en tout état de cause, déclarer la réclamation au titre des pertes de gains professionnels futurs irrecevable en application de l'article 564 du Code de Procédure Civile, demande faite pour la première fois devant la Cour,

- en conséquence, rejeter les réclamations de Jerry X...,

- le condamner à restituer à la société MACIF les indemnités allouées par le Tribunal (25.000€) puisque la décision était assortie de l'exécution provisoire pour partie, soit la somme de 16.666,67€ au titre de la perte de gains actuels,

- réformer en conséquence le jugement entrepris puisque les demandes seront déclarées irrecevables devant la Cour au titre de la perte de gains actuels résultant de son activité de gérant au sein de la société AFRICANESSENCE,

- rejeter l'intégralité des demandes de la SARL AFRICANESSENCE,

- rejeter la demande de Jerry X... relative à ses pertes de gains professionnels et actuels relatives à l'absence de création de la société EASY SYNDIC,

- rejeter la demande de Jerry X... au titre de l'incidence professionnelle ainsi que les pénibilité accrue et dévalorisation sur le marché de l'entrepreneuriat,

- rejeter la demande de Jerry X... au titre du doublement des intérêts,

- dire et juger que, si la Cour devait la prononcer, elle serait limitée dans le temps jusqu'au 22/09/2015,

- rejeter la demande d'anatocisme de Jerry X...,

- rejeter sa demande fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamner Jerry X... à payer à la société MACIF une indemnité de 7.000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Le RSI, auquel la déclaration d'appel a été signifiée à personne habilitée, n'a pas constitué avocat mais a fait savoir par courrier du 11/07/2018 que le décompte définitif des prestations servies à Jerry X... ou pour son compte s'est élevé à la somme de 7.492,94€ exclusivement à titre de prestations en nature.

MOTIFS de l'ARRET

Le Docteur C..., expert, a émis l'avis suivant sur le préjudice corporel subi par Jerry X...:

- blessures provoquées par l'accident: fracture luxation du coude droit

- déficit fonctionnel temporaire:

$gt; total du 12 au 15/05/2010 puis du 20 au 25/08/2010 puis du 30/11 au 5/12/2011

$gt; partiel à 50% du 16 au 19/05/2010 puis du 26/08 au 17/12/2010 puis du 6/12/2011 au 27/01/2012

$gt; partiel à 25% du 18/10 au 29/11/2010 puis du 28/01 au 28/04/2012

$gt; partiel à 10% du 29/04 au 5/09/2012

- consolidation acquise au 5/09/2012 (à l'âge de 38 ans)

- déficit fonctionnel permanent de 6% (déficit de flexion-extension et de pronosupination du bras droit)

- état clinique compatible avec une activité identique à celle exercée avant les faits.

Jerry X... expose, à l'appui de ses prétentions et de celles de la société AFRICANESSENCE:

- qu'avant l'accident, il avait été salarié du groupe ACCOR et que, ayant profité d'un plan de départ volontaire en 2010, il a perçu une indemnité de licenciement de 104.425€ qu'il a décidé d'investir dans la création d'entreprises,

- qu'ainsi, il a créé la SARL AFRICANESSENCE dont il était l'associé majoritaire à 90,56%, le gérant et le directeur commercial, qui avait été immatriculée le 11/02/2010 (3 mois avant l'accident), société d'édition dont l'objet social tendait à "promouvoir et de rendre accessible au plus grand nombre les fragments de culture afro dispersés dans le monde, au travers d'ouvrages grand public publiés sur tous types de supports",

- qu'il avait simultanément le projet de créer une société devant être dénommée "EASY SYNDIC" de syndic de copropriétés à bas coût avec services en ligne (démarches pour l'attribution d'une carte professionnelle entreprises le 5/03/2010; statuts adoptés le 18/03/2010),

- que la SARL AFRICANESSENCE a été mise en redressement judiciaire le 17/05/2011 puis en liquidation judiciaire le 20/07/2011, avec clôture pour insuffisance d'actif le 23/10/2012,

- que la société EASY SYNDIC n'aurait pu être créée en raison de l'indisponibilité de Jerry X... après son accident,

- qu'en effet, ce dernier aurait été en arrêt de travail du 12/05 au 28/06/2010, puis du 20/08 au 24/10/2010, et qu'il aurait repris son activité à temps partiel du 25/10/2010 jusqu'au 17/12/2010.

1 - sur la demande d'expertise comptable

Jerry X... et Maître F... ès qualités font valoir:

- que, pour chiffrer leurs demandes indemnitaires, Jerry X... a consulté un cabinet Global Corporate Solutions qui, selon rapport du 11/06/2014, a chiffré les préjudices suivants:

$gt; concernant la SARL AFRICANESSENCE :

* perte de l'investissement initial : 88.341 €,

* perte potentielle de revenus : entre 99.360€ et 419.940€ au 31/12/2012,

$gt; concernant EASY SYNDIC: perte potentielle de revenus à 522.534€ au 31/12/2012,

- que la société MACIF a, pour sa part, mandaté le cabinet ERGET qui a évalué les préjudices subis par ces deux entités :

$gt; pour la SARL AFRICANESSENCE :

* perte de 30% de l'investissement initial soit 26.172€,

* perte de revenus de gérant : 25.000€

$gt; pour EASY SYNDIC: perte de chance

- que le cabinet ERGET n'a retenu aucun préjudice de la SARL AFRICANESSENCE elle-même compte tenu de sa liquidation judiciaire,

- qu'au regard des très nombreuses divergences d'analyses entre ces deux rapports, le recours à une expertise financière s'imposerait afin de déterminer la crédibilité des projets que Jerry X... était en train de concrétiser, et le montant des pertes subies par la SARL AFRICANESSENCE et par Jerry X... pour chacune des activités.

En réplique, la société MACIF conclut à la confirmation du rejet de la demande d'expertise financière en faisant valoir:

- que le Tribunal a judicieusement retenu que les éléments qui lui étaient soumis étaient suffisants pour permettre de déterminer la réalité de la perte de gains professionnels et qu'une expertise financière n'était donc pas indispensable,

- qu'en application de l'article 1353 (nouveau) du code civil, il appartiendrait à Jerry X... et à la SARL AFRICANESSENCE d'établir que les projets invoqués étaient crédibles et que l'accident les a impactés,

- que l'ensemble des documents versés aux débats démontreraient en réalité le contraire,

- qu'en effet, d'une part, concernant la société EASY SYNDIC, la signature des statuts de cette société ne démontrerait en rien qu'elle n'aurait pas pu suivre sa création du fait de l'accident (sic),

- que, d'autre part, le Docteur C... a rappelé que l'état clinique de Jerry X... était compatible avec une activité identique à celle exercée avant les faits et n'a retenu aucune incidence professionnelle du fait de l'accident du 12/05/2010,

- que Jerry X... présenterait des demandes exorbitantes sur des chimères (sic), et que la simple lecture des business plans permettrait de considérer que ses projets n'étaient pas crédibles.

En droit, l'article 147 du code de procédure civile dispose: le juge doit limiter le choix de la mesure (d'instruction) à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s'attachant à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux.

En fait, ainsi que l'a précédemment relevé le Tribunal avec pertinence, les pièces respectivement produites par les parties constituent des éléments suffisants pour permettre à la Cour d'apprécier les demandes indemnitaires dont elle est saisie par Jerry X... et Maître F... ès qualités, sans que le recours à une mesure d'expertise soit nécessaire pour la solution du litige.

2 - sur la demande d'indemnisation du préjudice invoqué au nom de la SARL AFRICANESSENCE

Maître F... ès qualités fait valoir, en substance:

- que l'accident du 12/05/2010 aurait interrompu toute la réalisation de la stratégie commerciale prévue par son gérant Jerry X...,

- qu'au moment de l'accident, le bon à tirer du premier livre de la société d'édition venait d'être imprimé,

- que, du fait de l'accident et de l'impossibilité pour Jerry X... de se déplacer, le démarchage et la prospection des librairies et bibliothèques auraient été interrompus, la mise en place du jeu destiné à faire connaître la maison d'édition aurait été annulée, la promotion médiatique aurait été largement réduite, et la production de livres audio aurait été abandonnée,

- que la diffusion et la promotion réduites de ce premier ouvrage auraient impacté ses ventes alors qu'il aurait eu toutes les chances de rencontrer son public, compte tenu de l'accueil chaleureux que lui auraient réservé les médias, des commentaires positifs émis par ses lecteurs et de sa résonance avec l'actualité puisqu'il aurait été le seul livre de banalisation sur les indépendances africaines publié à l'occasion du cinquantenaire de celles-ci,

- que le démarchage des points de vente pour permettre la diffusion des livres n'aurait jamais pu être repris,

- que la directrice éditoriale n'aurait pas donné satisfaction et aurait dû être remplacée moyennant un salaire de 1.690€ par mois au dernier trimestre 2010, puis de 3.190€ par mois à partir de janvier 2011,

- qu'au vu des statistiques publiées sur les créations d'entreprise au premier semestre 2010, il s'en déduirait que la SARL AFRICANESSENCE aurait eu 76% de chance d'avoir une activité pérenne durant 3 ans après sa création,

La mandataire de justice représentant ladite SARL demande une indemnisation de 382.027,58€ correspondant, pour les 3 exercices 2010 à 2012, à la somme du résultat d'exploitation prévu par le business plan établi par Jerry X... et des charges fixes, avec application du ratio chiffres d'affaires prévu par le business plan / effectivement réalisé, puis application du taux de perte de chance de 76% précité, et avec actualisation à la valeur du SMIC de 2017.

La société MACIF conclut au rejet de la demande en faisant valoir, en substance:

- qu'en 2010, Jerry X... avait une expérience professionnelle dans le secteur de l'hôtellerie, mais aucune dans le secteur de l'édition,

- que les statistiques qu'il invoque ne correspondraient pas à la fragilité des entreprises d'édition de petite taille,

- que le cabinet ERGET, consulté par la société MACIF, démontrerait:

$gt; que le chiffrage de la demande indemnitaire de la SARL AFRICANESSENCE serait fondé sur des chiffres d'affaires non crédibles et qui n'auraient aucun sens sur le plan comptable,

$gt; que le taux de chance de réussite d'un tel projet de société d'édition ne serait pas de 76%, mais au maximum de 30%,

$gt; que l'existence d'un lien de causalité entre l'indisponibilité temporaire (3 mois) de Jerry X... en 2010 et l'échec du lancement de sa société d'édition survenu l'année suivante, ne serait pas démontrée.

Concernant en premier lieu les perspectives économiques de la société AFRICANESSENCE, il résulte de l'étude comptable que Jerry X... a fait réaliser par le cabinet GCS (pièce n°5, page 9) que le chiffre d'affaires prévisionnel de 305.182€ pour 2010, figurant dans la seconde version du business plan établi par Jerry X..., et constituant la base de la demande indemnitaire présentée pour la société AFRICANESSENCE (conclusions page 13), correspond, pour l'année 2010, à une prévision de publication de 12 ouvrages, et d'une vente moyenne de 2.000exemplaires pour chacun d'eux, soit une vente totale de 24.000livres dans l'année et donc un chiffre d'affaires unitaire de 12,72€.

Ainsi que l'a relevé avec pertinence le cabinet ERGET, consulté par la société MACIF, dans sa note n°3 en date du 26/06/2017 (pièce n°9 de l'intimée), ce chiffre d'affaires prévisionnel est dénué de réalisme et de crédibilité.

Il en est a fortiori de même pour les chiffres d'affaires prévisionnels de 420.950€ pour 2011 et de 711.232€ pour 2012, figurant dans ledit business plan et constituant la base de la demande indemnitaire pour la société AFRICANESSENCE.

D'une part, ni Maître F... ès qualités ni Jerry X... ni le cabinet GCS n'ont produit de quelconques éléments de comparaison avec le niveau de ventes effectivement réalisées pour d'autres ouvrages de nature comparable, visant un lectorat ciblé, et ayant vocation à une diffusion limitée.

D'autre part, la société AFRICANESSENCE n'a, en réalité, été mesure de publier que 4ouvrages successivement en juin 2010, janvier 2011 et février 2011.

De dernière part, Maître F... ès qualités n'a pas justifié du volume des ventes effectives de ces 4 ouvrages. Il y a toutefois lieu d'observer que la société AFRICANESSENCE a réalisé un chiffre d'affaires de 7.185€ en 2010 pour la publication d'un seul ouvrage (faisant présumer une vente d'environ 565 exemplaires sur la base du chiffre d'affaires unitaire précité) et a réalisé en 2011, jusqu'au 19/07/2011, date du prononcé de sa liquidation judiciaire sans autorisation de poursuite d'activité, un chiffre d'affaires de 8.484,03€ pour la publication de 4 ouvrages, faisant présumer une vente d'environ 667 exemplaires, sur la base unitaire précitée. Il s'en déduit que la société AFRICANESSENCE a vendu environ 1.232 exemplaires en environ 18 mois, représentant un niveau approximatif annuel de ventes de 821 exemplaires, représentant 3,4% de la "prévision" de vente de 24.000 exemplaires figurant dans le business plan pour l'année 2010.

Concernant en second lieu les causes de l'échec commercial de la société AFRICANESSENCE, il résulte du dossier qu'elles ont été multiples et ont procédé notamment des éléments suivants:

- compte tenu de la structure du marché français de l'édition, les chances de développement et de pérennité des sociétés d'édition de dimensions modestes sont limitées, ainsi qu'il résulte d'une étude réalisée, à partir de l'année 1997, par deux économistes et commanditée par le Syndicat National de l'Edition (pièce n°4 de la société MACIF; cf. notamment : "dans l'édition, le taux de création d'entreprises a chuté depuis 1997, contrairement au reste de l'économie, tombant à 5,4% en 2013. Dans le même temps, le taux de survie à cinq ans des nouvelles structures ne cesse de se dégrader"), ce risque étant nécessairement accru pour une société d'édition publiant des ouvrages visant un lectorat ciblé, telle la société AFRICANESSENCE;

- la réception, par les libraires prospectés, des ouvrages publiés par la société AFRICANESSENCE et l'acception de leur mise en vente ont été à tout le moins mitigées, la société s'étant heurtée à des refus (cf. pièce n°26.12.20 de Jerry X...: "nous constatons une certaine indifférence des libraires à la production éditoriale de notre petite maison d'édition, laquelle propose des contenus différents de ceux à quoi ils sont habitués. (...) De nombreux libraires refusent de prendre nos livres au motif que ceux-ci concernent principalement une clientèle afro ou que le sujet n'est pas intéressant. C'est un jugement tronqué que certains libraires ont déjà commencé à réviser. En effet, nous avons placé des livres dans des librairies fréquentées majoritairement par une population de lecteurs n'ayant aucun lien avec l'Afrique ou les Caraïbes et les livres se sont biens vendus");

- la société AFRICANESSENCE a appliqué une politique de rémunération de ses personnels et collaborateurs coûteuse, et disproportionnée avec son chiffre d'affaires, ainsi que le font apparaître les comptes de résultat de ses exercices 2010 et 2011 (pièce n°26.14.4):

$gt; exercice 2010 à compter du 11/02 (date d'immatriculation): charges de personnel: 27.147€;

$gt; exercice 2011, jusqu'au 19/07/2011, date du prononcé de sa liquidation judiciaire: charges de personnel : 12.999€ et sous-traitance: 35.236€, dont, notamment, rémunération d'un conseil éditorial à hauteur de 2.100€HT par mois (pièce n°26.13.7);

- il résulte du rapport d'expertise médicale judiciaire du Docteur C... clos le 8/06/2013:

$gt; que Jerry X... a été en arrêt de travail du 12/05 au 13/06/2010, qu'il a repris son activité le 14/06/2010, qu'il a été à nouveau en arrêt de travail (pour une arthrolyse du coude droit) du 20/08 au 24/10/2010, qu'il a repris son activité à temps partiel du 25/10 au 17/12/2010 alors qu'il était en rééducation en hôpital de jour, puis a repris son activité à temps complet à compter du 18/12/2010 (page 8),

$gt; que son état clinique après consolidation est compatible avec une activité identique à celle exercée avant les faits (page 9);

- le cabinet ERGET, consulté par la société MACIF, convient, dans sa note n°3 précitée du 26/06/2017, qu' "il ne peut être nié que l'indisponibilité passagère de M.X... a pu avoir des conséquences dommageables sur le lancement de la société AFRICANESSENCE" (page 4);

- l'incidence des arrêts de travail de Jerry X... durant 12 semaines en 2010 sur l'activité de la société AFRICANESSENCE doit être relativisée, dans la mesure où l'activité de prospection des libraires a été assurée, durant cette période, par la salariée Marie D... (pièces n°26.12.12 et 26.13.1).

En l'état de l'ensemble des éléments d'appréciation qui précèdent, les arrêts de travail et réductions d'activité de Jerry X..., consécutifs à l'accident du 12/05/2010, ont privé la société AFRICANESSENCE d'une chance de réaliser, jusqu'à sa mise en liquidation judiciaire, un volume de vente de livres, évalué comme au moins égal au double de celui effectivement réalisé.

Pour la période ayant couru du début d'activité de ladite société jusqu'à l'ouverture de sa liquidation judiciaire, le préjudice économique indemnisable est égal au taux de marge sur coûts variables appliqué au chiffre d'affaires manqué.

Il est établi (pièce n° 26.14.7 de la requérante) que le montant cumulé de ses coûts variables s'est élevé à 80.809,18€ pour la période précitée.

Durant cette même période, la société a réalisé un chiffre d'affaires cumulé de 15.669,03€ (pièce n°26.14.4). Le chiffre d'affaires manqué est donc évalué à cette même somme.

La marge sur coûts variables s'est élevée au montant négatif de - 65.140,15€.

Le taux de marge sur coûts variables a été de - 80,6%.

Le produit du chiffre d'affaires manqué par le taux de marge sur coûts variables étant négatif, il n'existe aucun préjudice indemnisable (15.669,03€ * - 80,6% = - 12.629,24€).

Concernant la demande indemnitaire de Maître F... ès qualités pour la partie de l'année 2011 postérieure à l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société AFRICANESSENCE et pour l'année 2012, la requérante n'a pas produit le rapport qu'elle a adressé, en qualité que mandataire judiciaire de ladite société, au Tribunal de commerce préalablement à la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire prononcée le 19/07/2011, ce rapport étant présumé comporter le chiffrage du passif social et énoncer la/les cause(s) pour la(les)quelle(s) le redressement de la société était manifestement impossible.

Il doit toutefois être relevé qu'aux termes du jugement du 19/07/2011, la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire a été motivée par le fait que "la commande de la région de la Guadeloupe n'est pas parvenue (et) que la société n'a plus aucune activité".

Il n'est pas démontré - ni allégué par les appelants - que ces circonstances aient été en lien avec l'état de santé de Jerry X... qui avait repris son activité à temps complet depuis le 18/12/2010, soit 7mois avant l'ouverture de la liquidation judiciaire.

Maître F... ès qualités, sur laquelle pèse la charge de la preuve du préjudice invoqué, ne démontre pas que, sans la survenance de l'accident du 12/05/2010 et l'interruption temporaire d'activité de Jerry X..., et avec la réalisation d'un chiffre d'affaires double de celui effectivement réalisé, la liquidation judiciaire de la société AFRICANESSENCE aurait pu être évitée.

Il s'en déduit que l'existence d'un lien de causalité direct entre l'accident dont a été victime Jerry X... le 12/05/2010 et l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société AFRICANESSENCE n'est pas établie, et que la poursuite de l'activité de la société AFRICANESSENCE au-delà du 19/07/2011, en l'absence dudit accident, présente un caractère hypothétique, de sorte que la perte de chiffre d'affaires afférent à cette activité hypothétiquement poursuivie ne constitue pas un préjudice juridiquement indemnisable.

Il résulte de l'ensemble des motifs qui précèdent que la demande de la société AFRICANESSENCE en indemnisation d'un préjudice économique en lien de causalité direct avec l'accident subi par Jerry X... est rejetée.

3 - sur la demande d'indemnisation du préjudice personnel de Jerry X...

Ce dernier invoque un quadruple préjudice.

3.1 - Jerry X... demande une indemnisation de 68.583,17€ correspondant à la perte de son apport au capital de la SARL AFRICANESSENCE et de ses apports en compte courant, avec application du taux de perte de chance précité de 76%.

En réplique, la société MACIF fait valoir que Jerry X... ne démontrerait pas l'existence d'un lien de causalité entre son indisponibilité temporaire et le dépôt de bilan de la société, et que seule serait indemnisable une perte de chance de 30 %, soit une somme de 26.172€, en confirmation de l'indemnisation allouée en première instance.

Il résulte des motifs qui précèdent (§2) que l'existence d'un lien de causalité entre l'accident dont a été victime Jerry X... le 12/05/2010 et l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société AFRICANESSENCE n'est pas établie.

La preuve de l'imputation audit accident de la perte, subie par Jerry X..., de son apport au capital de la SARL AFRICANESSENCE et de ses apports en compte courant, n'est pas rapportée.

Il sera dès lors alloué au requérant l'indemnisation de 26.172€ offerte par la société MACIF, en confirmation du jugement dont appel.

Cette somme est productive d'intérêts au taux légal à compter dudit jugement en application de l'article 1153-1 alinéa 2 ancien du code civil.

3.2 - Jerry X... demande une indemnisation de 70.000€ correspondant à la perte de rémunération de gérant de 2.500€ par mois, dont il aurait dû bénéficier de septembre 2010 à décembre 2012.

La société MACIF conclut à l'irrecevabilité de cette demande en vertu des articles 908 et 564 du code de procédure civile, au double motif qu'elle serait nouvelle en cause d'appel et n'aurait pas été présentée dans les premières conclusions d'appel, dans le délai imparti par l'article 908 du code de procédure civile.

En tant que de besoin, la société MACIF soutient que cette demande serait mal fondée, aux motifs:

- que, selon l'étude du cabinet ERGET, la SARL AFRICANESSENCE n'aurait pas versé de rémunération à son gérant avant 2012 dès lors que ce dernier bénéficiait d'allocations de chômage,

- que cette demande serait injustifiée dès lors qu'elle ferait double emploi avec celle présentée au nom de la SARL AFRICANESSENCE qui, en cas d'indemnisation de sa perte d'exploitation, retrouverait son capital et permettrait de verser une rémunération à Jerry X....

La demande de Jerry X... en indemnisation de sa perte de rémunération de gérant de la société AFRICANESSENCE constitue le complément, au sens de l'article 566 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret n°2017-891 du 6/05/2017, de ses demandes soumises eu premier juge en indemnisation de 740.644,66€ au titre de sa perte de gains professionnels actuels et de 850.000€ au titre de son préjudice professionnel. Elle est donc recevable en application du texte précité.

La seconde fin de non-recevoir soulevée par la société MACIF est rejetée aux motifs:

- qu'elle est implicitement fondée sur l'article 910-4 alinéa 1er du code de procédure civile qui dispose: à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures,

- que ce texte, créé par le décret n°2017-891 du 6/05/2017 applicable à compter du 1/09/2017, est inapplicable à la présente instance introduite par déclaration d'appel du 15/07/2016, et aux dernières conclusions des appelants notifiées le 10/02/2017.

Sur le fond, Jerry X... ne justifie d'aucune perte de rémunération de gérance de septembre 2010 à décembre 2012, dès lors que le business plan, dans sa version "V1.3" (pièce n°26.2.3), considérée par les appelants comme pertinente puisque Maître F... ès qualités y a puisé (page 8) le montant des chiffres d'affaires prévisionnels de la société AFRICANESSENCE pour les exercices 2010 à 2012 qu'elle a invoqués à l'appui de sa demande d'indemnisation du préjudice économique de la société, mentionne expressément en page 13: salaire gérant pour les années 2009 à 2012: 0€.

Ce chef de demande est rejeté.

3.3 - Jerry X... demande une indemnisation de 261.267€ au titre de l'impossibilité d'avoir pu entreprendre son activité de syndic de copropriété, correspondant à une perte de bénéfice espéré de 174.158€ durant 3 ans avec application d'un taux de perte de chance de 50%.

Il fait valoir, concernant la réussite potentielle de cette activité:

- qu'il avait suivi une formation auprès de l'Ecole Supérieure de l'Immobilier,

- qu'il était propriétaire de plusieurs immeubles et connaissait les contraintes de la copropriété, ayant exercé la fonction de président de conseil syndical en 2008,

- qu'à partir de sa consolidation, le 5/09/2012, la reprise de son projet de création de cette activité serait devenue impossible au triple motif: qu'il n'aurait plus disposé de l'apport de 20.000€ initialement envisagé, qu'il aurait investi entre temps dans la société AFRICANESSENCE; qu'il aurait fait l'objet d'une cotation négative au fichier FIBEN de la Banque de France en raison de la liquidation judiciaire de la société AFRICANESSENCE et qu'il aurait ainsi perdu sa capacité d'emprunt; qu'entre temps, un concurrent ("Syndic +") se serait installé sur le marché en proposant un concept similaire à celui d' "EASY SYNDIC".

En réplique, la société MACIF conclut au rejet de la demande en faisant valoir:

- que le cabinet ERGET, missionné par elle, a relevé que les prétentions de Jerry X... sont fondées sur un revenu qui se serait élevé au montant "invraisemblable" de 552.518€ pour les trois premiers exercices,

- que, s'agissant d'une société qui n'avait pas encore été créée, aucun élément ne permettrait de savoir quels auraient été ses résultats, étant observé que l'un de ses concurrents a réalisé des résultats financiers "catastrophiques" puisqu'il n'aurait enregistré que des pertes,

- que le Tribunal a judicieusement relevé qu'à partir du moment où Jerry X... était consolidé, il aurait pu constituer sa société de syndic de copropriété, ce qu'il n'a pas fait.

La rejet de la demande de Jerry X... est confirmée pour les motifs pertinents retenus par le Tribunal et que la Cour adopte, en ce que:

il ressort des pièces produites qu'au jour de l'accident de la circulation (12/05/2010), Jerry X... n'avait immatriculé aucune société commerciale de gestion de syndic par internet et rien ne permet de savoir s'il allait réellement le faire et à quelle date;

il est uniquement produit un business plan rédigé par le demandeur, de démarches auprès de "prospects" et de discussions avec une banque afin d'ouvrir un compte bancaire à cette fin;

ces éléments sont insuffisants pour caractériser l'imminence de la création d'une telle société;

même si une telle société avait été créée, rien ne garantissait qu'elle serait rentable voire bénéficiaire et l'analyse des comptes d'une société concurrente sur ce créneau, la société Syndic +, démontre que celle-ci a été largement déficitaire (compte de résultat de l'exercice 2011déficitaire de 661.092€ - pièce n°27.21.6 de l'appelant).

Il sera ajouté que Jerry X... invoque vainement l'existence de circonstances qui ne lui auraient pas permis de créer sa société et d'entreprendre l'activité de syndic de copropriété à la date de sa consolidation (5/09/2012), alors qu'il ne justifie d'aucun empêchement à la réalisation de ce projet à compter de sa reprise d'activité à temps complet (18/12/2010), date à laquelle le prétendu concurrent Syndic + n'avait que 6 mois d'existence (société immatriculée le 8/06/2010).

Il résulte de l'ensemble des motifs qui précèdent que Jerry X... invoque un préjudice hypothétique, non indemnisable juridiquement.

3.4 - Jerry X... demande, au titre de l'incidence professionnelletemporaire:

- d'une part une indemnisation de 8.937,50€ correspondant à une fraction de 50% puis de 25% de la rémunération de gérant de la SARL AFRICANESSENCE qu'il aurait dû percevoir (2.500€ par mois), au titre de la pénibilité temporaire accrue, induite par les séances de rééducation et les traitements médicamenteux,

- d'autre part, une indemnisation de 12.000€ (3.000€ * 4 ans) au titre de sa dévalorisation sur le marché de l'entrepreneuriat induite par la liquidation judiciaire de la SARL AFRICANESSENCE, étant précisé qu'il a créé en mai 2015 une nouvelle entreprise de fabrication de chaussures.

En réplique, la société MACIF conclut au rejet de la demande en faisant valoir:

- que Jerry X... a déjà été indemnisé, par transaction, de son déficit fonctionnel temporaire,

- qu'il ne justifierait pas de sa dévalorisation sur le marché de l'entrepreneuriat puisqu'il aurait créé deux nouvelles sociétés, l'une en 2015 (fabrication et commercialisation de chaussures, vêtements et accessoires) et l'autre en 2016 ayant le même objet.

Le premier chef de demande est rejeté aux motifs:

- que le Docteur C..., expert, a recueilli la doléance suivante de Jerry X... (rapport page 7): "Monsieur X... nous signale une sensation d'engourdissement à la face dorsale du coude et des douleurs péri-trapéziennes au niveau de l'épaule qui semblent survenir au bout d'une heure de travail devant un ordinateur",

- que la pénibilité accrue dans l'exercice de l'activité professionnelle avant la consolidation relève du poste de préjudice extra-patrimonial temporaire des souffrances endurées,

- que, selon acte transactionnel des 22 et 25/10/2013, la société MACIF et Jerry X... ont fixé l'indemnisation des souffrances endurées par ce dernier à la somme de 18.800€,

- que la demande de Jerry X... est donc irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à ladite transaction, en vertu de l'article 2052 ancien du code civil.

Le second chef de demande de Jerry X... est rejeté aux motifs que ce dernier impute sa dévalorisation sur le marché de l'entrepreneuriat à la liquidation judiciaire de la société AFRICANESSENCE, et qu'il résulte des motifs qui précèdent (cf. §2) que l'existence d'un lien de causalité entre l'accident dont il a été victime le 12/05/2010 et l'ouverture de la liquidation judiciaire de ladite société n'est pas établie.

4 - sur le doublement du taux de l'intérêt légal

Jerry X... demande la condamnation de la société MACIF au paiement des intérêts au double du taux légal à compter du 8/11/2013 jusqu'au jour où le présent arrêt sera devenu définitif en faisant valoir:

- que la société MACIF aurait eu jusqu'au 8/11/2013 pour lui adresser une offre complète d'indemnisation incluant le préjudice économique dans toutes ses composantes,

- que la société MACIF lui aurait présenté une offre d'indemnisation le 22/09/2015, en ayant limité son offre aux pertes de gains professionnels actuels et au préjudice professionnel, correspondant à la perte des investissements dans la SARL AFRICANESSENCE, évalués par elle respectivement à 25 000 € et 26 172 €,

- que la société MACIF n'aurait pas présenté d'offre d'indemnisation de la perte de chance concernant le projet EASY SYNDIC.

Maître F... ès qualités demande la condamnation de la société MACIF au paiement des intérêts au double du taux légal à compter du 14/01/2017 jusqu'au jour où le présent arrêt sera devenu définitif en faisant valoir:

- que, par conclusions du 14/10/2016, elle aurait formé, pour la société AFRICANESSENCE, une demande d'indemnisation chiffrée et justifiée,

- que la société MACIF aurait donc eu jusqu'au 14/01/2017 pour lui adresser une offre d'indemnisation, ce qu'elle n'aurait pas fait.

4.1 - L'article L.211-9 alinéas 1 à 4 du code des assurances dispose:

Quelle que soit la nature du dommage, dans le cas où la responsabilité n'est pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n'est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n'a pas été entièrement quantifié, l'assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.

Une offre d'indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident. En cas de décès de la victime, l'offre est faite à ses héritiers et, s'il y a lieu, à son conjoint. L'offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu'ils n'ont pas fait l'objet d'un règlement préalable.

Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.

En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s'applique.

L'article L.211-13 du même code dispose:

Lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L.211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur.

4.2 - Dès lors que le Docteur C... a fixé la date de consolidation de Jerry X... dans son rapport clos le 8/06/2013, il incombait à la société MACIF de présenter à la victime une offre d'indemnisation de sa perte de gains professionnels le vendredi 8/11/2013 au plus tard, en application de l'article L.211-9 alinéa 3 précité.

La société MACIF a présenté une offre d'indemnisation de ce poste de préjudice par conclusions de première instance en date du 22/09/2015, pour les montants de 25.000 € et 26.172 €, supérieurs à l'indemnisation allouée supra à Jerry X....

En conséquence, le cours des intérêts au taux légal doublé à couru à l'encontre de la société MACIF à compter du 9/11/2013, et a été interrompu par l'offre présentée le 22/09/2015.

En application de l'article L.211-13 in fine précité, l'assiette de ces intérêts est réduite au montant de 26.172€ correspondant à l'indemnisation allouée à la victime.

4.3 - La demande de Maître F... ès qualités est sans objet puisqu'en l'état du rejet de sa demande indemnitaire au nom de la SARL AFRICANESSENCE, les intérêts réclamés sont dépourvus d'assiette.

5 - sur les autres demandes

La demande de la société MACIF tendant à la restitution des sommes excédentaires versées par elle en exécution provisoire du jugement dont appel est sans objet puisque le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à restitution des sommes versées en exécution provisoire dudit jugement.

Le présent arrêt infirme le jugement dont appel en défaveur de Jerry X... et rejette la demande indemnitaire formée au nom de la SARL AFRICANESSENCE.

En conséquence, les dépens d'appel doivent incomber à Jerry X..., en tant que de besoin in solidum avec Maître F... ès qualités.

L'équité ne commande pas de faire application, en cause d'appel, de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la Cour

Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Paris en date du 17/05/2016 en ce qu'il a:

- dit n'y avoir lieu à ordonner une expertise financière,

- condamné la société MACIF à payer à Jerry X... les sommes suivantes :

$gt; 26.172€ au titre du préjudice professionnel, desquels il conviendra de déduire la provision de 7.200€ allouée par le juge des référés,

$gt; 3.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, desquels il faudra déduire la provision ad litem de 1.500€ déjà versée,

- condamné la société MACIF à payer au RSI d'Ile de France les sommes suivantes:

$gt; 7.492,94€ avec intérêts au taux légal à compter du 10/09/2012, desquels il conviendra de déduire la provision déjà versée de 7.348,73€,

$gt; 1.047€ à titre d'indemnité forfaitaire,

$gt; 1.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société MACIF à payer les dépens.

Infirme ledit jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société MACIF à payer à Jerry X...des intérêts, capitalisables annuellement, sur la somme de 26.172€ en capital, au double du taux de l'intérêt légal du 9/11/2013 au 22/09/2015, et au taux légal à compter 17/05/2016,

Rejette tous chefs de demande de Maître F... ès qualités de mandataire de justice représentant la SARL AFRICANESSENCE,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Déclare le présent arrêt commun au Régime Social des Indépendants,

Condamne Jerry X...aux dépens d'appel, en tant que de besoin in solidum avec Maître F... ès qualités de mandataire de justice représentant la SARL AFRICANESSENCE.

LA GREFFIERE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 16/15614
Date de la décision : 17/12/2018

Références :

Cour d'appel de Paris C3, arrêt n°16/15614 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-17;16.15614 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award