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13/12/2018 | FRANCE | N°17/02795

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 13 décembre 2018, 17/02795


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 13 DECEMBRE 2018



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/02795 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2WYI



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Octobre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 15/06452





APPELANTE

Madame [D] [Q]

[Adresse 1]

[Adresse 1

]

Représentée par Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

substitué par Me Caroline SUBSTELNY, avocat au barreau de REIMS





INTIMÉE

SAS LES ECHOS

[Adresse...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 13 DECEMBRE 2018

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/02795 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2WYI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Octobre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 15/06452

APPELANTE

Madame [D] [Q]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

substitué par Me Caroline SUBSTELNY, avocat au barreau de REIMS

INTIMÉE

SAS LES ECHOS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Caroline HEUSELE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2454

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Octobre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre

Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Anna TCHADJA-ADJE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre et par Madame Anna TCHADJA-ADJE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [D] [Q] a été embauchée à compter du 24 janvier 2005 en qualité de secrétaire technique par la société Boetie Compo.

A compter du 1er janvier 2012, le contrat de travail de Mme [D] [Q] a été transféré au sein de la société Les Echos, en qualité de secrétaire de rédaction adjoint, et le contrat de travail prévoyait qu'elle devienne secrétaire de rédaction 1er échelon, et après deux années, secrétaire de rédaction 2ème échelon.

La rémunération prévue à compter du 1er janvier 2014 n'aurait pas été appliquée.

Le 2 juin 2015, Mme [Q] a saisi le conseil de Prud'hommes de Paris, aux fins de demander le versement de rappels de salaires, ainsi que des dommages intérêts pour non respect des engagements contractuels.

Par jugement du 26 octobre 2016, le conseil de Prud'hommes a rejeté ses demandes, en indiquant qu'un nouvel accord salarial avait été conclu et s'appliquait à l'ensemble des salariés.

Mme [Q] a fait appel de ce jugement le 20 février 2017.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises le 29 mai 2018, Mme [Q] sollicite l'infirmation du jugement de première instance, et la condamnation de la société Les Echos à lui verser les sommes suivantes :

- 30 847,80 euros bruts à titre de rappel de salaire du 01 janvier 2014 au 31 décembre 2018;

- 3084,78 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi

- 1 500 € au titre des frais en première instance, et 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Elle expose que la mention dans le contrat de travail d'une clause conventionnelle vaut contractualisation ; que la société Les Echos a régularisé un contrat de travail le 1er juin 2011 reprenant ces engagements conventionnels ; qu'il ne peut être dérogé au contrat de travail par la voie d'un accord collectif en vertu du principe de faveur qui s'impose en matière de rémunération ; que seul l'accord du salarié permettrait l'application de l'accord collectif moins favorable.

Elle soutient que l'accord du 28 juin 2013 nommé « accord de substitution» aux accords d'entreprise du 1er juillet (grille maison fixant les salaries minimum hors ancienneté) et du 1er septembre 1989 (fixant les taux d'augmentation sur les salaries de base ) ne constitue en rien un accord de substitution à l'accord du 19 avril 2011 relatif à l'évolution professionnelle et de rémunération des salariés de Boetie Compo transférés vers la société Les Echos, car ils n'ont pas le même objet ; que l'accord du 1er juillet 1989 a ainsi été dénoncé par courrier du 28 mars 2013 ; que l'accord du 19 avril 2011 n'a jamais été dénoncé; qu'elle devait se voir appliquer son augmentation au 1er janvier 2014 correspondant au coefficient 184, soit le salaire de base mensuel de 4518, 31 euros.

Elle indique qu'elle a subi un manque à gagner d'un montant de 514,13 € bruts depuis le 1er janvier 2014, de sorte que le rappel de salaires dû s'élève à la somme de 30 847,80 €, et que compte tenu de ce préjudice financier causé par le manque à gagner pendant 5 années, de la forte perte de pouvoir d'achat et de l'impossibilité de réaliser des projets, elle sollicite également des dommages intérêts en sus.

Dans ses dernières conclusions transmises le 29 mars 2018, la société Les Echos sollicite la confirmation du jugement de première instance et le débouté de l'ensemble des demandes de Mme [Q], outre la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle indique que l'accord d'entreprise en date du 19 avril 2011 dont se prévaut la salariée a été régularisé entre la société Boetie Compo et le syndicat CGT, ce qui ne l'engageait pas puisqu'elle n'est pas signataire de cet accord ; que seul le contrat de travail, conclu entre les parties, les lie ; qu'elle a respecté les engagements pris aux termes du contrat de travail, tant au niveau du salaire qu'au niveau de la qualification ; que le contrat de travail est très clair et prévoit que la rémunération serait égale au coefficient 184 applicable au 1er janvier 2014; que ces dispositions ont fait naître un avantage subordonné à l'applicabilité du coefficient 184 à cette date.

Elle expose qu'elle a dénoncé par courrier du 28 mars 2013 les accords collectifs d'entreprise des 1er juillet et 1er septembre 1989 portant sur les barèmes maisons de fixation des rémunérations et des catégories professionnelles ; qu'à compter de cette date, les coefficients 155, 175 et 184 n'étaient plus rattachés à une rémunération de base minimale; que les deux accords ont le même objet, le traitement des salaires des journalistes.

Elle indique que Mme [Q] ne s'est jamais plainte de son poste ou n'a contesté son affectation auprès de son ancien employeur ; que cette affectation ne peut être reprochée à la société Les Echos.

Le dossier a été clôturé le 20 septembre 2018.

MOTIFS

Sur le rappel de salaires du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2018 :

L'avenant au contrat de travail de Mme [Q] conclu avec la société Les Echos le 1er juin 2011 prévoit dans son article 1er : 'A compter du 1er janvier 2012, Mme [D] [Q] deviendra secrétaire de rédaction 1er échelon 1er échelon (coefficient 175A - applicable au 1er janvier 2012) ; puis au 1er janvier 2014, (elle) deviendra secrétaire de rédaction 2ème échelon (coefficient 184 - applicable au 1er janvier 2014)'.

Cette clause contractuelle est la reprise de l'accord du 19 avril 2011, intitulé minute de discussion, conclue entre la direction de la société Boetie Compo et le syndicat Info'com CGT, en prévision du transfert des salariés vers la société Les Echos.

Les coefficients mentionnés dans la clause contractuelle rappelée ci-dessus correspondent aux coefficients prévus par la grille de salaires des journalistes de la société Les Echos, issue des accords passés les 1er juillet et 1er septembre 1989 ; le coefficient 184 correspondait ainsi à un salaire minimum de 4 518,31 € pour un poste de secrétaire de rédaction 2ème échelon.

Mme [Q] sollicite l'application de la rémunération correspondante à ce coefficient, indiquant qu'à compter du 1er janvier 2014, ses fiches de paie mentionnent bien un coefficient 184, mais que le salaire mensuel appliqué s'élève seulement à la somme de 4 004,18 €, en violation des dispositions contractuelles.

L' accord du 19 avril 2011 prévoit expressément que Mme [Q] sera 'soumise aux dispositions de la convention collective nationale de travail des journalistes en date du 27 octobre 1987, au règlement intérieur et à ses annexes, ainsi qu'à toutes les dispositions applicables aux salariés des Echos SAS'.

Cet accord du 19 avril 2011 a été repris dans l'avenant au contrat de travail du 1er juin 2011 de Mme [Q], ce qui a eu pour effet de contractualiser cette évolution de carrière au 1er janvier 2012 et au 1er janvier 2014, et de faire naître un avantage individuel acquis.

Or, sauf disposition légale contraire, une convention collective ne peut permettre à un employeur de procéder à la modification du contrat de travail sans recueillir l'accord exprès du salarié.

En l'espèce, l'avenant du 1er juin 2011 stipule qu'au 1er janvier 2014, Mme [Q] deviendra secrétaire de rédaction 2ème échelon (coefficient 184-applicable au 1er janvier 2014).

Lors de la signature de l'avenant, ce coefficient 184 correspondait à un salaire mensuel brut de 4 518,31 € en application de la grille de salaire ; ainsi, l'obligation prise par l'employeur d'appliquer un coefficient précis renvoyait nécessairement à une rémunération correspondante au jour de l'engagement, nonobstant le fait que l'accord ultérieur du 28 juin 2013 passé entre les organisations syndicales représentatives et le groupe Les Echos était destiné à renoncer définitivement aux grilles de salaire maison Les Echos et aux augmentations indicielles prévues par les accords des 1er juillet et 1er septembre 1989, auxquels il se substituait.

L'accord collectif du 28 juin 2013 appliqué au contrat de travail de Mme [Q] a donc eu pour effet de diminuer le salaire contractuellement prévu au 1er janvier 2014, en fixant celui-ci à la somme de 4 004,18 € mensuel brut.

En outre, si dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire 2013, une première augmentation générale du salaire brut a été appliquée à hauteur de 0,5 % au 1er mai 2013, puis une seconde augmentation a été appliquée au 1er décembre 2013 à hauteur de 0,2% pour tout salaire compris entre 3 501 et 4500 €, ces augmentations appliquées à la rémunération de Mme [Q] ont été bien inférieures à l'augmentation prévue à l'avenant du 1er juin 2011.

Par ailleurs, il résulte du tableau des salaires des secrétaires de rédaction versé aux débats par la société Les Echos que Mme [Q], au vu de son âge -55 ans- et de son ancienneté - 11 ans-, perçoit un salaire inférieur aux autres secrétaires de rédaction d'âge et d'ancienneté équivalents, et que l'application du salaire mensuel brut de 4 518,31 € ne créera aucune rupture d'égalité entre elle et les autres salariés.

Il y a donc lieu de condamner la société Les Echos à procéder à un rappel de salaires en faveur de Mme [Q], à hauteur de la somme de 29 819,54 € pour la période du 1er janvier 2014 au mois d'octobre 2018 incluse, soit 58 mois, outre la somme de 2 981,95 € au titre des congés payés y afférents.

Le jugement de première instance sera donc infirmé de ce chef.

Sur le préjudice subi en raison du manque à gagner supporté durant 5 ans :

Mme [Q] sollicite la somme de 10 000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice financier subi par le manque à gagner, ayant pour conséquence une perte de pouvoir d'achat et de possibilité de réaliser des projets.

Toutefois, elle ne verse aux débats aucun justificatif pour démontrer le préjudice allégué.

Dès lors, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande de dommages intérêts.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

La société Les Echos sera condamnée à supporter les dépens de l'appel et de la première instance.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [Q] la totalité des frais qu'elle a dû supporter au cours de la première instance.

Il y a lieu de lui accorder la somme de 2 000 € au titre des fais irrépétibles supportés en cause d'appel et de première instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement dans toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

Condamne la société Les Echos à verser à Mme [Q] la somme de 29 819,54 € à titre de rappel de salaires pour la période du 1er janvier 2014 au 31 octobre 2018, outre la somme de 2 981,95 € au titre des congés payés y afférents ;

Condamne la société Les Echos à rectifier les bulletins de salaire de Mme [Q] conformément à la présente décision, et à les lui remettre ;

Déboute Mme [Q] de ses demandes complémentaires ou supplémentaires ;

Condamne la société Les Echos à verser à Mme [Q] la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles engagés en première instance comme en cause d'appel ;

Condamne la société Les Echos au paiement des dépens d'appel et de première instance.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 17/02795
Date de la décision : 13/12/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-13;17.02795 ?
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