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12/12/2018 | FRANCE | N°16/09067

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 12 décembre 2018, 16/09067


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4



ARRÊT DU 12 DÉCEMBRE 2018



(n° , 25 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/09067 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BYUCS



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mars 2016 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2013026523





APPELANTES



- SA CONFORAMA HOLDING

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[Adresse 1]

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N° SIRET : 582 014 445 (MEAUX)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège



- SA CONFORAMA FRANCE

Ayant son s...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRÊT DU 12 DÉCEMBRE 2018

(n° , 25 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/09067 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BYUCS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mars 2016 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2013026523

APPELANTES

- SA CONFORAMA HOLDING

Ayant son siège social : [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 582 014 445 (MEAUX)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

- SA CONFORAMA FRANCE

Ayant son siège social : [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 414 819 409 (MEAUX)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

- SA KERING, anciennement dénommée PPR et venant aux droits de la société FNAC

Ayant son siège social : [Adresse 2]

[Adresse 3]

N° SIRET : 552 075 020 (PARIS)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Ayant pour avocat plaidant : Me Iwona JOWIK de la SELARL COPERNIC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0187

INTIMÉE

SAS EDENRED FRANCE, venant aux droits de la société ACCENTIV' KADEOS

Ayant son siège social : [Adresse 4]

[Adresse 4]

N° SIRET : 393 365 135 (NANTERRE)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant : Me Noémie DE GALEMBERT de la SELEURL GALEMBERT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A776

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Septembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Irène LUC, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Irène LUC, Présidente de chambre, rédacteur,

Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère,

Madame Laure COMTE, Vice-Présidente Placée,

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Irène LUC, président et par Madame Cécile PENG, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La Fnac et Conforama, appartenant à l'époque des faits au groupe Pinault-Printemps-Redoute (PPR) (devenu aujourd'hui Kering), ont en commun de commercialiser des produits et services de consommation sur tout le territoire français.

En 1999, la société Kering, alors dénommée PPR, a créé la société Kadéos pour regrouper les activités de ses enseignes Conforama, Fnac, Printemps et La Redoute, en matière de titres-cadeaux (chèques cadeaux et cartes cadeaux multi-enseignes).

Le secteur concerné

Les titres cadeaux, à savoir les chèques cadeaux, les cartes cadeaux et les coffrets cadeaux, sont des titres prépayés permettant à leur porteur d'acheter un produit ou un service auprès d'un vendeur ou d'un prestataire qui les accepte comme moyens de paiement.

S'agissant des cartes cadeaux, seules concernées par le présent litige, l'on distingue les cartes cadeaux multi-enseignes et les cartes cadeaux mono-enseigne.

La carte multi-enseignes permet à son porteur (qui l'a reçue en cadeau) de payer tous produits et services auprès de plusieurs enseignes, alors que la carte mono-enseigne impose nécessairement au porteur l'enseigne auprès de laquelle le titre cadeau est reconnu comme moyen de paiement.

Le schéma de la carte multi-enseignes comporte trois étapes

- 1° étape : l'émission de la carte cadeau : un émetteur de cartes cadeaux recherche des enseignes commerciales pour les référencer sur sa carte multi-enseignes, l'objectif étant que les consommateurs puissent utiliser la carte-cadeau dans les points de vente de ces enseignes ;

- 2° étape : la distribution de la carte cadeau : une carte est achetée dans un réseau de distribution (grands magasins, magasins spécialisés, supermarchés, magasins de proximité, bureaux de poste, comités d'entreprise etc.) par une personne désirant offrir un cadeau d'une valeur faciale déterminée (ex. : 10 euros, 20 euros ou 50 euros) ; pour cette opération de distribution, l'enseigne est rémunérée par l'émetteur par une commission de distribution ;

- 3° étape : l'acceptation de la carte cadeau : la personne détentrice d'une carte-cadeau l'utilise comme moyen de paiement de ses achats effectués chez un commerçant (dont l'enseigne figure sur la carte cadeau) ; l'enseigne qui accepte la carte-cadeau verse à l'émetteur une commission d'acceptation, qui est une commission d'apporteur d'affaires.

Un titre cadeau multi-enseignes est adossé à un réseau d'enseignes ; son attractivité est fonction de la notoriété et de la diversité de ces enseignes affiliées.

Le propre de la carte mono-enseigne est, au contraire, d'être vendue et transformée en totalité dans l'enseigne concernée. Il n'existe donc pas d'accords d'acceptation pour une carte mono-enseigne.

Il peut en revanche arriver qu'une enseigne fasse appel à un prestataire pour le service d'émission et de gestion essentiellement informatique de sa carte mono-enseigne, la rémunération de cette prestation de service prenant la forme d'un montant fixe à la prestation.

Les accords de cession de la société Kadeos au groupe Accor

Aux termes d'un contrat de cession du 30 mars 2007, les sociétés Kering (PPR), Conforama Holding, Fnac et Redcats, actionnaires de la société Kadéos, ont cédé l'intégralité du capital de celle-ci à la société Accor Services, déjà active dans le secteur des titres-cadeaux, par l'intermédiaire de sa filiale Accentiv'House.

L'article 6-1 de ce contrat, intitulé « engagement d'exclusivité » imposait à ces sociétés de n'accepter que les bons cadeaux proposés par les sociétés Accentiv'House et Kadeos : « les Enseignes [FNAC, CONFORAMA, REDCATS et leurs filiales, à l'exception de celles figurant à l'Annexe 1(e)], s'engagent, tant en leur nom que pour le compte des sociétés qu'elles contrôlent respectivement à, ce que pendant une durée de cinq (5) ans à compter des présentes, en France, (elles) les enseignes n'acceptent, en règlement des marchandises vendues, aucun règlement par Bons Cadeaux autres que ceux proposés par la Société [KADEOS] ou par Accentiv'House ».

Parallèlement, l'article 6.2 de ce même contrat, intitulé « non-concurrence », interdisait à chacun des cédants, pendant une durée de cinq ans, d' « émettre des Bons cadeaux concurrençant ceux proposés par la société (Kadéos) » (c'est la cour qui souligne).

Le même jour, selon l'article 2 d) du contrat de cession, les sociétés Kadéos et Accentiv'House ont conclu des contrats de partenariat avec les sociétés Fnac et Conforama, conformes au modèle en annexe du contrat de cession, qui mettaient à leur charge deux types d'obligations : des obligations d'exclusivité et une obligation de non-concurrence.

Obligations d'exclusivité : les contrats de partenariat conclus par Kadéos avec Fnac et Conforama, pour une durée de 5 ans à compter du 1er janvier 2007 prévoyaient à l'article 1.1 a) l'engagement de Fnac et Conforama « aux opérations essentielles suivantes » : « (i) distribuer auprès de sa clientèle les Solutions Cadeaux Kadeos, (ii) accepter, en échange de produits ou services qu'elle distribue les Solutions Cadeaux Kadeos et les Solutions Cadeaux Accentiv'House' » ;

Obligation de non-concurrence : Fnac et Conforama s'engageaient au terme du même article pendant la même durée à : « (iii) pour la durée des présentes ['] ne pas mettre sur le marché français à travers son système de distribution d'autres cartes prépayées ou chèques cadeaux que les Solutions Cadeaux Kadeos (') » (c'est la cour qui souligne).

La société Kadeos s'obligeait de son côté à l' « opération essentielle suivante » : « créer des Solutions Cadeaux mono-enseigne à la demande de Fnac » (article 1.1 b).

Les obligations de distribution et d'acceptation mises à la charge des sociétés Fnac et Conforama par l'article 1.1 a) points (i) et (ii) susvisés ont été souscrites, comme le précise l'article 3.1 des contrats de partenariat, à titre exclusif (interdiction de distribuer, émettre ou accepter « tout autre titre offrant des services identiques ou similaires aux solutions cadeaux Kadeos »).

Le 5 août 2009, la société Titres Cadeaux, concurrent de la société Kadéos, a saisi l'Autorité de la concurrence des clauses d'exclusivité précitées, conclues entre Kadéos et les enseignes Fnac et Conforama, mises en 'uvre dans le secteur des titres-cadeaux prépayés, qui rendaient difficile la constitution d'une offre concurrente de celle de Kadéos, les principales enseignes étant liées à Kadéos par une relation d'exclusivité. Elle soutenait que ces clauses auraient eu pour objet ou pour effet de verrouiller les marchés de la distribution et de l'acceptation des cartes cadeaux multi-enseignes ; elle a par ailleurs sollicité le prononcé de mesures conservatoires sur le fondement de l'article L. 464-1 du code de commerce. Selon la société Titre Cadeaux, la société Kadéos aurait en effet abusé de sa position dominante sur les marchés pertinents concernés et aurait pris part à des ententes anticoncurrentielles, en introduisant ces clauses d'exclusivité dans ses contrats avec les commerçants acceptant et distribuant sa carte et en verrouillant techniquement l'accès aux terminaux de paiement électroniques installés chez les commerçants partenaires.

Le 30 novembre 2009, la société Kadéos a fusionné avec la société Accentiv'House et pris le nom d'Accentiv'Kadéos.

Par décision du 2 mars 2010 (n°10-D-07), l'Autorité de la concurrence a, d'une part, rejeté la demande de mesures conservatoires de la société Titres Cadeaux pour défaut d'urgence et, d'autre part, décidé de poursuivre l'instruction au fond, en estimant que « les clauses d'exclusivité dénoncées sont ['] susceptibles de constituer des pratiques contraires aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce et aux articles 101 et 102 TFUE » (§114), mais qu'en revanche, « le verrouillage technique dénoncé par Titres Cadeaux ne paraît pas, sous réserve d'une instruction au fond, résulter de pratiques mises en 'uvre par Kadéos susceptibles d'être contraires aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de Commerce et aux articles 101 et 102 TFUE » (§118).

L'effet de forclusion souligné par l'Autorité était expliqué de la façon suivante : compte tenu de la forte position de la société Kadéos sur le marché des cartes cadeaux multi-enseignes, il était difficile pour ses concurrents de pénétrer sur ce marché. En effet, les enseignes qui avaient conclu une clause d'exclusivité avec Kadéos figuraient parmi celles détenant de fortes positions de marché dans leur univers de consommation (AM PM, Anne Weyburn, La Redoute, So Home, Somewhere, Taillissime, Vertbaudet, Cyrillus, FNAC, FNAC Voyages, Conforama, Surcouf, Eveil&Jeux, Citadium, Made in Sport, Madelios, Printemps, Printemps Voyages, Courir, Go Sport), de sorte que les concurrents de Kadéos ne disposaient, pour construire leur offre concurrente, que de paniers d'enseignes fort limités.

Or, au cours du processus d'achat d'une carte cadeau multi-enseignes par les consommateurs finals, c'est le nombre et la renommée des enseignes figurant sur une carte-cadeau (c'est-à-dire les enseignes « acceptant » la carte) qui déterminent son attractivité, et sont par conséquent décisifs dans le choix, par le consommateur, d'une carte plutôt qu'une autre.

Au paragraphe 93 de sa décision, l'Autorité soulignait que « Le couplage d'une exclusivité d'acceptation et d'une exclusivité de distribution interdisant à l'enseigne affiliée l'émission d'une carte mono-enseigne pourrait avoir pour effet de permettre à Kadéos de capter une part importante des recettes de l'enseigne. Il expliquerait ainsi que Kadéos puisse maintenir une part de marché prépondérante. A cet égard, la valeur d'émission de la carte Kadéos, soit 86 millions d'euros en 2008, est sans commune mesure avec celle de la carte Kyrielles, soit 1 million d'euros au titre de la même année, alors même que cette dernière est adossée à un groupe de distribution prestigieux, les Galeries Lafayette, et dispose d'un portefeuille d'enseignes de qualité » (c'est la cour qui souligne).

En juillet 2010, la société Accor Services a été séparée de la branche hôtelière du groupe Accor et a pris la dénomination d'Edenred France.

Le lancement de cartes mono-enseignes par les sociétés Fnac et Conforama

Dès novembre 2009, la société Fnac a informé la société Accentiv'Kadéos de son souhait de développer une carte-cadeau mono-enseigne et l'a interrogée pour savoir si elle souhaitait l'assister dans la mise en place de cette carte et à quelles conditions. Les conditions posées par elle ont été jugées inacceptables par la Fnac et refusées par courrier du 5 mars 2010.

La société Conforama a lancé sa propre carte, suscitant l'opposition de la société Accentiv'Kadéos par lettre du 11 juin 2010. Celle-ci prétendait que l'émission de la carte violait l'obligation de non-concurrence de l'article 1.1. a) iii) du contrat de partenariat.

Le 28 juin 2010, le groupe PPR répondait qu'il n'entrait pas dans les prévisions des parties au contrat de cession de 2007 de garantir à Accor un accès exclusif à des activités nouvelles. Il soulignait que « la mise en place et la gestion d'une carte mono-enseigne est une activité propre et interne à l'Enseigne qui n'a rien à voir avec le développement du réseau multi-enseignes développé par Kadeos : ce n'est qu'une activité de gestion de ses propres moyens de paiement par l'Enseigne ».

Les sociétés Fnac et Conforama ont décidé de mettre en vente sur le marché leurs propres cartes cadeaux mono-enseigne, en septembre et octobre 2010.

La procédure en référé initiée par Accentiv'Kadéos à l'encontre de La Fnac

Invoquant une violation de la clause de non-concurrence, la société Accentiv'Kadéos a, par exploit du 12 octobre 2010, fait assigner la société Fnac devant le juge des référés du tribunal de commerce de Créteil, pour qu'il lui soit fait interdiction de poursuivre la distribution de cartes cadeaux mono-enseigne et obtenir une provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.

La société Fnac s'est opposée à ces demandes et a sollicité reconventionnellement la suspension, à titre provisoire, de l'exclusivité accordée à la société Accentiv'Kadéos sur les cartes cadeaux multi-enseignes et, en particulier, de l'application de certaines dispositions de l'accord de cession et du contrat de partenariat.

Par ordonnance du 3 novembre 2010, le juge des référés du tribunal de commerce de Créteil, aux motifs que l'application des contrats nécessitait une interprétation de ceux-ci, a dit n'y avoir lieu à référé et dit que la demande reconventionnelle de la société Fnac relevait de la seule compétence du tribunal de commerce de Paris. La société Accentiv'KadéosKadéos a interjeté appel de cette décision et, après avoir démontré l'existence d'un péril, s'est faite autoriser à assigner la Fnac à jour fixe devant la cour d'appel de Paris.

Par arrêt du 1er décembre 2010 (n°10/22405), la cour d'appel de Paris a infirmé l'ordonnance entreprise, a condamné la société Fnac à cesser la distribution sur le marché français de sa carte mono-enseigne sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard, et l'a condamnée à verser à la société Accentiv'Kadéos une provision d'un montant de 200.000 euros.

Par décision du 17 décembre 2010, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Créteil a liquidé l'astreinte à la somme de 100.00 euros et a sanctionné la Fnac pour son défaut d'exécution de l'arrêt du 1er décembre en doublant l'astreinte de 10.000 euros par jour dont avait été assortie la condamnation prononcée par la cour d'appel de Paris.

Par arrêt du 15 novembre 2011 (n°10-27.388), la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la société Fnac.

La procédure en référé initiée par Accentiv'Kadéos à l'encontre de Conforama

Par exploit du 26 novembre 2010, la société Accentiv'Kadéos a assigné la société Conforama devant le juge des référés du tribunal de commerce de Meaux, pour qu'il lui soit également fait interdiction de poursuivre la distribution de cartes cadeaux mono-enseigne et obtenir une provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.

Par ordonnance du 17 décembre 2010, la société Conforama a été condamnée sous astreinte, à cesser la distribution de cartes cadeaux portant exclusivement son enseigne en contravention à la clause de non-concurrence. Aucun appel n'a été interjeté.

Le jugement déféré et la décision d'engagements

Dans ces conditions, par exploit du 23 décembre 2010, la société Fnac, aux droits de laquelle vient la société Kering, a assigné la société Accentiv'Kadéos devant le tribunal de commerce de Paris pour notamment obtenir la levée de la clause de non concurrence et l'allocation de dommages-intérêts. Le 28 janvier 2011, les sociétés Conforama France et Conforama Holding sont intervenues volontairement à la procédure en formant des demandes identiques.

Parallèlement, ayant décidé de mettre en 'uvre la procédure d'engagements dans le cadre de l'instruction au fond de la saisine de la société Titres Cadeaux, l'Autorité de la concurrence a publié sur son site Internet, le 27 décembre 2010, une synthèse des préoccupations de concurrence et les engagements proposés par la société Accentiv'Kadéos, portant sur l'abandon des exclusivités en matière d'acceptation et de distribution des cartes cadeaux. Ceux-ci ont été mis en ligne afin de recueillir les observations des parties et des tiers présents sur le secteur des titres cadeaux. Dans le cadre de ce test de marché, la société Fnac a formulé des observations le 27 janvier 2011. Le 27 avril 2011, l'Autorité de la concurrence a rendu sa décision rendant obligatoires les engagements pris par la société Accentiv'Kadéos (n°11-D-08).

Devant le tribunal de commerce de Paris, la société Edenred France, anciennement dénommée Accentiv'Kadéos, a soulevé, in limine litis, l'incompétence de la juridiction étatique à l'égard des demandes relatives au contrat de cession en se prévalant de la clause compromissoire qui y était insérée. Le tribunal de commerce, en considération de la connexité des questions en débat s'est déclaré incompétent à l'égard de l'ensemble du litige par un jugement du 22 juin 2012, contre lequel Accentiv'Kadéos a formé contredit le 9 juillet 2012. Par arrêt du 26 mars 2013 (n°12/15655), la cour d'appel de Paris a dit que le tribunal de commerce de Paris était compétent pour connaître des demandes relatives aux contrats de partenariat à l'exclusion des demandes relatives au contrat de cession d'actions et a renvoyé l'affaire devant cette juridiction pour statuer sur ces demandes. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par les sociétés Fnac et Conforama par arrêt du 12 février 2014 (n°13-18.059.

Par jugement du 14 mars 2016, le tribunal de commerce de Paris a, sous le régime de l'exécution provisoire :

- débouté la société Kering, anciennement dénommée PPR, venant aux droits de la société Fnac, la société Conforama France et la société Conforama Holding de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné la société Kering, anciennement dénommée PPR venant aux droits de la société Fnac, la société Conforama France et la société Conforama Holding à payer à la société Edenred France venant aux droits de la société Accentiv'Kadéos les sommes de :

* 6.666.351 euros en réparation des préjudices subis,

* 100.000 euros en réparation du préjudice subi pour procédure abusive,

- condamné la société Kering, anciennement dénommée PPR, venant aux droits de la société Fnac, la société Conforama France et la société Conforama Holding aux entiers dépens.

Le tribunal de commerce a estimé que les engagements d'exclusivité du contrat de cession et des contrats de partenariats visaient toutes les cartes, multi et mono enseignes, de sorte que les sociétés Conforama et Fnac les avaient enfreints en éditant une carte mono enseigne. Il a également relevé que l'article 1.1.a (ii) du contrat de cession n'avait pas été jugé illicite par l'Autorité de la concurrence, au regard des articles L.420-1 ou L. 420-2 du code de commerce, et 101 ou 102 du TFUE.

Par déclaration du 11 février 2016, les sociétés Conforama Holding, Conforama France, et Kering, venant aux droits de la Fnac, ont relevé appel de ce jugement. La procédure devant la cour a été clôturée le 4 septembre 2018.

Vu l'appel interjeté par les sociétés Conforama Holding, Conforama France, et Kering et leurs conclusions, déposées et notifiées le 20 août 2018, par lesquelles il est demandé à la cour, au visa des articles L.420-1 et L.420-2 du code de commerce, 101 et 102 du TFUE, 6 et 1134 anciens du code civil, 484 et 488 alinéa 1 du code de procédure civile, et L.111-10 alinéa 2 et L.131-1 du code des procédures civiles d'exécution, de :

- dire l'action des sociétés Kering, Conforama France et Conforama Holding recevable et bien fondée,

par conséquent,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 14 mars 2016,

statuant à nouveau,

- condamner la société Edenred France à restituer à la société Kering la somme de 7.914.529,04 euros,

- condamner la société Edenred France à restituer aux sociétés Conforama France et Conforama Holding la somme de 3.815.718,08 euros,

- dire la société Edenred France mal fondée en sa demande reconventionnelle et l'en débouter,

par conséquent,

- condamner la société Edenred France à restituer aux sociétés Kering, Conforama France et Conforama Holding la somme de 6.766.351 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2016,

- dire la société Edenred France mal fondée en son appel incident et l'en débouter,

- condamner la société Edenred France à verser aux sociétés Kering, Conforama France et Conforama Holding une somme de 150.000 euros chacune au titre de l'art. 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Edenred France aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître François Teytaud, conformément aux dispositions de l'art. 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions de la société Edenred, intimée, déposées et notifiées le 2 juillet 2018, par lesquelles il est demandé à la cour, au visa des articles 1217, 1231-1 et 1240 du code civil, et L. 464-2 du code de commerce, de :

- constater que les contrats de partenariat du 30 mars 2007 interdisaient à la Fnac et Conforama de distribuer leurs cartes-cadeaux mono-enseigne dans leurs magasins et/ou sur leur site internet jusqu'au 31 décembre 2011,

- constater que la décision n°11-D-08 de l'Autorité de la concurrence du 27 avril 2011 n'a constaté aucune violation par Accentiv'Kadéos du droit de la concurrence et n'a pas remis en cause l'obligation de non-concurrence figurant à l'article 1.1 a (iii) des contrats de partenariat,

- dire que la Fnac et Conforama ont manqué à leurs obligations contractuelles en distribuant leurs propres cartes-cadeaux mono-enseigne sur le marché français depuis respectivement les 30 septembre et 20 octobre 2010 jusqu'au 31 décembre 2011,

- dire que Kering et Conforama n'établissent pas l'illicéité de l'article 1.1 a (iii) des contrats de partenariat,

en conséquence,

- confirmer le jugement entrepris du 14 mars 2016 en ce qu'il a rejeté la demande de Kering et de Conforama visant à obtenir qu'il soit jugé qu'Edenred a engagé sa responsabilité en procédant à l'exécution forcée des contrats de partenariat du 30 mars 2007,

- confirmer le jugement entrepris du 14 mars 2016 en ce qu'il a condamné solidairement Kering et Conforama à réparer le préjudice subi par Edenred du fait du lancement prématuré de leur carte cadeaux mono-enseigne Fnac et Conforama, ce montant restant à parfaire,

- réformer partiellement le jugement entrepris du 14 mars 2016 en ce qu'il a condamné Kering et Conforama à verser à Edenred la somme totale de 100.000 euros au titre de l'article 1382 ancien du code civil,

et statuant à nouveau,

- condamner Kering et Conforama à verser chacune à Edenred la somme de 100.000 euros de ce chef,

en toute hypothèse,

- condamner Kering et Conforama aux entiers dépens ;

SUR CE, LA COUR,

Sur la portée de l'obligation de non-concurrence stipulée à l'article 1.1. a (iii) des contrats de partenariat

Les appelantes soutiennent que la société Edenred ne démontre pas que la clause litigieuse interdisait la distribution de leurs cartes mono-enseigne. Elles soutiennent que :

- la position d'Edenred sur la prétendue interdiction de distribution des cartes mono-enseigne par Fnac et Conforama a varié tout au long des procédures engagées, ce qui démontre que l'interprétation de la clause était loin d'être évidente ;

- l'interdiction ne porterait, selon l'intimée, que sur la distribution, et non sur l'émission ou l'acceptation de la carte, ce qui n'aurait aucun sens économique, le propre de la carte mono-enseigne étant d'être vendue et transformée en totalité dans l'enseigne concernée ;

- la cession du capital de Kadéos s'est effectuée sur la base de la poursuite des exclusivités existantes entre les enseignes et le groupe PPR, auquel a succédé le groupe Accor ; or, les cartes mono-enseignes n'existaient pas lors de la cession et leur sort ne pouvait donc pas être prévu dans le contrat de cession.

En conséquence, les appelantes concluent à la licéité de la pratique ayant consisté, pour les enseignes Fnac et Conforama, à mettre sur le marché, respectivement en septembre et octobre 2010, une carte mono-enseigne.

En réplique, sollicitant la confirmation du jugement entrepris, la société Edenred fait valoir qu'aux termes de l'article 1.1 a (iii), les sociétés Fnac et Conforama s'étaient interdites, pendant la durée des contrats de partenariat, soit jusqu'au 31 décembre 2011, de mettre sur le marché français à travers leur système de distribution d'autres cartes cadeaux prépayées que les cartes cadeaux multi-enseignes émises et/ou distribuées par la société Accentiv'Kadéos, ce qui aurait d'ailleurs été jugé par plusieurs décisions de justice.

***

Selon l'article 1.1 a) (iii) des contrats de partenariat signés entre d'une part la société Kadéos et Accentiv'House et d'autre part les sociétés Fnac et Conforama : « les parties s'engagent, dans les conditions des présentes, aux opérations essentielles suivantes a) pour l'enseigne (') (iii) pour la durée des présents à ne pas mettre sur le marché français à travers son système de distribution d'autres cartes cadeaux prépayées ou chèques cadeaux que les Solutions Cadeaux Kadeos à l'exception des solutions en place à la date des présentes soit : la carte Fnac Musique, les Chèques Lire, les chèques cadeaux virtuel Fnac direct et les coffrets cadeaux weekenddesk ainsi que les solutions cadeaux qui pourraient être émises localement dans le cadre d'une opération promotionnelle telle que l'animation d'un centre commercial dont l'enseigne fait partie ».

Il résulte de ce texte que les sociétés Fnac et Conforama ne pouvaient, pendant la durée du partenariat, à savoir jusqu'au 31 décembre 2011, émettre sur le marché français, dans leurs magasins et sur leur site Internet d'autre cartes cadeaux prépayées que les solutions cadeaux multi enseignes Kadeos. Le terme « autres cartes cadeaux » est en effet un titre générique englobant cartes mono et multi enseignes.

Les exceptions à cette clause de non-concurrence contractuelle étaient limitativement énumérées à l'article ci-dessus et ne comprenaient pas, de façon générale, les cartes mono enseigne de Fnac et Conforama.

Les sociétés appelantes ne peuvent soutenir que les cartes mono-enseigne n'étaient pas concernées par la clause de non concurrence, la carte Fnac Musique, mentionnée parmi les exceptions, étant précisément une carte mono-enseigne, limitée aux produits musicaux de la chaîne.

Elles ne peuvent davantage prétendre que les cartes mono enseigne ne pouvaient rentrer dans le périmètre de l'accord puisqu'elles n'existaient pas au moment de sa signature. En effet, outre la carte Fnac Musique, la grande distribution avait déjà, à l'époque, introduit des cartes mono-enseigne sur le marché.

Il y a donc lieu de conclure que le périmètre de la clause de non concurrence litigieuse couvrait aussi bien les cartes mono-enseigne, que les cartes pluri-enseignes.

Sur le manquement contractuel de la société Accentiv'Kadéos

Les appelantes estiment qu'en vertu des contrats de partenariat (article 1.1 b), la société Accentiv'Kadéos était tenue de créer une carte mono-enseigne si les sociétés Fnac et Conforama lui en faisaient la demande. Or, la société Accentiv'Kadéos aurait estimé que l'émission d'une telle carte « remettait en cause l'équilibre économique » des contrats de partenariat. Les appelantes concluent dès lors, qu'en refusant d'exécuter son obligation contractuelle, la société Accentiv'Kadéos s'est rendue coupable d'un manquement qui engage sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 1134 ancien du code civil, manquement qui les autorisait à émettre leurs propres cartes mono-enseigne.

La société Edenred réplique, en premier lieu, qu'un tel moyen ne pourrait valoir que pour la société Fnac puisque la société Conforama n'a jamais fait aucune demande auprès de la société Accentiv'Kadéos au sujet d'une quelconque carte mono-enseigne. En second lieu, l'intimée soutient que la société Fnac a elle-même expressément et formellement indiqué le 18 février 2010 à la société Accentiv'Kadéos que la demande qu'elle avait formulée fin 2009 était étrangère à l'article 1.1 b du contrat de partenariat.

***

L'article 1.1 b) des contrats de partenariat stipule : « les parties s'engagent, dans les conditions des présentes, aux opérations essentielles suivantes (') b) pour Kadeos (I) créer des solutions cadeaux mono-enseigne à la demande de Fnac ».

Il résulte du courrier adressé le 18 février 2010 par la Fnac à la société Accor Service que la société Fnac n'a pas formellement demandé à la société Accor la mise en 'uvre de l'article 1.1 b des contrats de partenariat : « Il nous semble important de recadrer dès à présent nos discussions. En effet, au vu des termes de votre lettre, nous pensons qu'il y a incompréhension du contexte de nos demandes. Vous nous écrivez que nous vous avons « formellement demandé de réaliser la carte mono enseigne B2C de la Fnac ». Nous avons plus précisément indiqué que nos réflexions marketing nous amènent à penser qu'il serait pertinent de proposer à notre clientèle une carte cadeaux mono-enseigne Fnac. Aussi, c'est au titre du respect de nos relations de partenaires que nous vous avons informés dès le début du mois de novembre 2009, de notre souhait d'émettre et de distribuer, début 2010 dans nos « magasins », aux côtés de vos Solutions Cadeaux, une carte cadeaux mono enseigne Fnac. Cette carte étant distribuée et acceptée exclusivement dans les magasins Fnac. Toujours dans le cadre de nos bonnes relations, nous vous avons demandé si vous seriez intéressés d'émettre une telle carte cadeaux Fnac et à quelles conditions vous seriez prêts à le faire. En ce sens nous vous avons fait part de nos objectifs financiers. Il s'agissait donc pour nous, simplement de recueillir, en toute transparence, votre avis et vos propositions avant de prendre une décision sur ce sujet (...) ».

Les sociétés appelantes ne démontrent donc pas avoir invoqué cette stipulation à l'encontre de la société Accor Services. Dès le départ, elles ont expliqué qu'elles lui demandaient une proposition sur l'émission d'une carte mono-enseigne, mais se réservaient la faculté de la mettre en oeuvre elles-même.

Les propositions effectuées par la société Accor Services, dans le cadre d'une discussion avec la Fnac, dont les conditions étaient jugées inacceptables par celle-ci, ne constituent donc pas un manquement à l'article 1.1. b des contrats de partenariat, aucune mauvaise foi dans les négociations ne ressortant par ailleurs des courriers versés aux débats.

Sur le caractère anticoncurrentiel de la clause 1.1. a (iii) des contrats de partenariat

Les sociétés appelantes exposent que l'obligation d'exclusivité et de non-concurrence prévue à l'article 1. 1. a) (iii) est illicite, car contraire aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce ainsi qu'aux articles 101 et 102 du TFUE prohibant les ententes et les abus de position dominante, ce qui autorisait la Fnac et Conforama à émettre leur propre carte cadeau mono-enseigne.

Il convient de rappeler liminairement la valeur probatoire de la décision d'engagements de l'Autorité et sa portée matérielle dans la présente espèce (1). La cour vérifiera ensuite si les appelants apportent la démonstration, qui leur incombe, du caractère restrictif de concurrence de la clause litigieuse (2).

1. La valeur probatoire de la décision d'engagements de l'Autorité et sa portée matérielle dans la présente espèce

L'adoption d'une décision d'acceptation d'engagements de l'Autorité de la concurrence ne certifie pas la conformité au droit de la concurrence des pratiques faisant l'objet de « préoccupations » et n'atteste pas davantage de leur caractère infractionnel, l'Autorité ne s'étant livrée qu'à une simple évaluation préliminaire de la situation concurrentielle qui n'a pas pour objet de prouver la réalité et l'imputabilité d'infractions au droit de la concurrence mais d'identifier des 'préoccupations de concurrence', « susceptibles » de constituer une pratique prohibée.

Des préoccupations de concurrence n'établissant pas l'existence de pratiques anticoncurrentielles, il appartient aux sociétés appelantes, qui allèguent l'illicéité de la clause de non-concurrence au regard du droit de la concurrence, de démontrer qu'elle constitue une infraction aux règles de ce droit. A cet égard, la décision d'engagements ne peut en général servir de seul fondement à la caractérisation de la pratique, cette décision constituant dans la plupart des cas un simple commencement de preuve.

Il en est de même de la décision rendue en matière de mesures conservatoires dans laquelle l'Autorité a renvoyé à l'instruction l'examen de la pratique « susceptible » de constituer un abus ou une entente anticoncurrentiels.

Les décisions de mesures conservatoires et d'engagements fournissent donc des indices dont le juge ou les victimes doivent tenir compte dans leur tâche de caractérisation de la pratique anticoncurrentielle.

Or, en l'espèce, il ressort de la lecture des deux décisions (mesures conservatoires et engagements) que si l'Autorité ne s'est pas prononcée spécifiquement et distinctement sur la clause de non-concurrence, n'étant saisie que des clauses d'exclusivité portant sur l'acceptation des titres, elle a toutefois pris en compte cette clause au titre de l'analyse globale à laquelle elle s'est livrée des exclusivités au profit de Kadéos. La cour reprendra chacun de ces éléments dans l'analyse concurrentielle de la clause infra.

Dans la partie de la décision d'engagements où l'Autorité vérifie, après les observations au test de marché, le caractère suffisant des engagements de la société Accentiv'Kadeos, la circonstance que La Fnac et Conforama aient lancé leurs propres cartes mono enseigne a été, pour l'Autorité, un des facteurs pris en considération, au titre d'une « intensification de la concurrence » (§§ 200 et 205), de telle sorte que les engagements proposés par Accentiv'Kadéos ont été estimés suffisants.

2. Le caractère anticoncurrentiel de la clause de non-concurrence

La pratique étant appréhendée sous le double prisme de l'abus de position dominante et de l'entente, la cour examinera successivement les deux griefs.

Sur l'application du droit de l'Union

L'application du droit de l'Union n'est pas contestée.

Sur l'abus de position dominante

Aux termes de l'article 102 du TFUE : « Est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci (...) ».

L'article L. 420-2 du code de commerce prévoit de même : « Est prohibée, dans les conditions prévues à l'article L. 420-1, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci ».

La caractérisation de l'abus nécessite au préalable celle du marché pertinent et d'une position dominante sur ce marché.

Les sociétés appelantes, sur lesquelles repose la charge de la preuve, prétendent que les cartes mono et multi enseignes constitueraient des marchés distincts et connexes, la substituabilité devant être appréciée au niveau de la demande des enseignes. S'appuyant sur la consultation des professeurs [D] [Z] et [P] [G] versée aux débats, les appelantes précisent que l'analyse, concernant un marché bi-face, doit être effectuée, non pas sur le marché aval sur lequel les consommateurs achètent les cartes, mais sur le marché amont où les enseignes arbitrent entre un référencement par un prestataire éditant des cartes-cadeaux multi-enseignes, moyennant une commission, et l'édition, par elles-mêmes, de leur propre carte. La position dominante d'Accentiv'Kadéos sur le premier marché lui aurait permis de commettre un abus sur le second. En retenant cette délimitation, elles soutiennent que la part de la société Accentiv'Kadéos sur les marchés des cartes-cadeaux multi-enseignes « B-to-C » était de 81 % en 2009. En tout état de cause, elles font valoir que si l'on retient un marché pertinent incluant les cartes-cadeaux multi et mono-enseigne, la part de marché de la société Accentiv'Kadéos sur ce marché serait encore de 43 % en 2008.

La société Edenred soutient, au contraire, la parfaite substituabilité des deux produits. Elle expose que la société Accentiv'Kadéos a toujours prétendu que le marché pertinent était celui des titres cadeaux dans leur ensemble et que, sur ce marché, elle détenait une part de marché inférieure à 30 %.

Dans sa décision d'engagements, l'Autorité a laissé ouverte la question du marché pertinent, marché limité aux titres-cadeaux multi-enseignes, ou marché comprenant aussi bien les titres multi-enseignes que les titres mono-enseigne, n'ayant pas besoin, dans une décision d'engagements, de définir aussi précisément le contour du marché, dès lors que la société Kadéos détenait sur ces deux marchés une part supérieure à 30 %, seuil d'exonération automatique au titre du règlement d'exemption des ententes verticales. Elle a souligné à cet égard la contrainte concurrentielle exercée par les cartes mono-enseigne sur les titres multi-enseignes, du point de vue des comportements d'achat final (§ 76), « contrainte matérialisée par les transferts de valeur d'émission qui apparaissent importants » (§ 75), sans en conclure pour autant au caractère substituable des cartes mono-enseigne et multi-enseignes.

La cour ne peut en l'état définir plus précisément que l'Autorité le marché pertinent de produits et services, aucun élément complémentaire n'étant versé aux débats depuis la décision d'engagements, en terme d'analyse de la substituabilité de la demande.

Les appelants ne démontrent donc pas que la clause constitue un abus de position dominante de la société Accentiv'KadeosKadeos, faute de délimitation du marché pertinent sur lequel cette société serait en position dominante.

Sur l'entente anticoncurrentielle

Les appelantes soutiennent qu'une entente horizontale était caractérisée en l'espèce.

Par ailleurs, elles estiment que les effets anticoncurrentiels d'une telle entente sont d'un niveau sensible en l'espèce, compte tenu de :

- la durée des obligations d'exclusivité et de non-concurrence,

- leur portée très étendue,

- la qualité de partenaire incontournable de la société Accentiv'KadéosKadéos,

-la capacité commerciale des enseignes référencées, telles que Fnac et Conforama, à lancer leurs cartes mono-enseigne, et

-les caractéristiques du marché.

Les appelantes exposent que la clause litigieuse a eu pour effet d'empêcher tout transfert de la demande des consommateurs de la carte multi-enseignes vers la carte mono-enseigne et a donc renforcé l'effet des clauses d'exclusivité examinées par l'Autorité.

Elles ajoutent que la clause visait à empêcher ou à retarder l'émergence d'un produit nouveau, la carte mono enseigne, pour lequel existait une forte demande des consommateurs (pièce 61, note des professeurs [Z] et [G], page 11).

La société Edenred réplique que les appelantes n'établissent pas le caractère illicite de la pratique alléguée, celle-ci bénéficiant de l'exemption automatique du règlement sur les restrictions verticales, ou à tout le moins d'une exemption individuelle, et qu'en tout état de cause, la clause constitue une restriction accessoire à l'accord de cession du 30 mars 2007. Elle produit à ce titre une consultation du professeur [H] [M] qui conclut que « l'obligation de non-concurrence est proportionnée si sa durée et son champ d'application matériel et géographique n'excèdent pas ce qui est nécessaire pour la réalisation de l'opération de concentration. En l'espèce, la détermination de personnes liées (FNAC, CONFORAMA), le produit concerné (les titres mono-enseigne), le territoire (la France), la durée de l'obligation sont proportionnés au prix versé pour acquérir KADEOS ».

***

Selon l'article 101, alinéa 1 du TFUE : « Sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats-membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre, ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à : fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction; limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements ; répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement ; appliquer, à l'égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes (...) »;

L'article L. 420-1 du code de commerce prohibe de la même façon « lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à 1° limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ; 2° faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ; 3° limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ; 4° répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement ».

La démonstration d'une entente au sens de ces textes nécessite la démonstration d'un concours de volonté ayant pour objet ou effet une restriction de concurrence.

* Sur le concours de volontés

Il n'est pas discuté que celui-ci résulte de la signature des contrats de partenariat contenant la clause litigieuse.

* Sur la restriction de concurrence

Dans la mesure où les pratiques sont examinées, en l'espèce, au titre de la prohibition des ententes illicites, il n'est pas nécessaire de définir le marché avec davantage de précision, dès lors que le secteur a été suffisamment identifié pour qualifier les pratiques observées et permettre de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en 'uvre

Les restrictions de concurrence et leurs effets seront donc examinés sur le secteur des titres cadeaux mono et pluri-enseignes, marché le plus vaste et hypothèse la plus favorable à la société Edenred ; ce marché est de dimension nationale, les enseignes étant essentiellement présentes en France.

Il convient de rappeler que, pour relever de l'interdiction énoncée à l'article 101, paragraphe 1 du TFUE ou à l'article L. 420-1 du code de commerce, un accord, une décision d'association d'entreprises ou une pratique concertée doit avoir « pour objet ou pour effet » d'empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence dans le marché intérieur.

Si les sociétés appelantes décrivent les effets potentiels de la clause, leurs arguments relèvent aussi de son objet, de sorte qu'il ne peut leur être fait le reproche de s'en être tenues aux effets.

Afin d'apprécier si un accord entre entreprises, ou une décision d'association d'entreprises, présente un degré suffisant de nocivité pour être considéré comme une restriction de concurrence par objet au sens de l'article 101, paragraphe 1, TFUE, il convient de s'attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu'il vise à atteindre ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel il s'insère. Dans le cadre de l'appréciation dudit contexte, il y a lieu également de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question.

En outre, bien que l'intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif d'un accord entre entreprises, rien n'interdit aux autorités de la concurrence ou aux juridictions nationales et de l'Union d'en tenir compte.

- Les dispositions de la clause

L'obligation découlant des articles 1.1 a) (iii) et de l'article 3.1, b du contrat de partenariat, qui interdisent aux enseignes référencées de « mettre sur le marché français à travers (leur) système de distribution d'autres cartes cadeaux prépayées (') que les Solutions Cadeaux Kadéos (') et d'« émettre, directement ou indirectement par une entité sous son contrôle, un/des titres offrant des services identiques ou similaires aux solutions cadeaux Kadeos ou Accentiv, à l'exception des solutions listées à l'article 1.1. a (iii) » prive les enseignes Fnac et Conforama de la faculté d'émettre des cartes cadeaux multi enseignes concurrentes d'Accentiv'Kadeos ou leur propre carte mono-enseigne.

Elle constitue donc une obligation de non-concurrence entre opérateurs concurrents. En s'engageant à ne pas créer de titres concurrents de ceux émis par Kadeos, les deux opérateurs s'interdisent de faire concurrence à Kadéos, non seulement en émettant des cartes cadeaux multi enseignes, mais en émettant des cartes de leur propre enseigne, ce qui, non seulement porte un frein à leur liberté commerciale, mais les empêche de satisfaire la demande des consommateurs, obligés d'acheter une carte multi enseignes comportant la Fnac ou Conforama parmi d'autres enseignes, même s'ils ne souhaitent acheter que le service de l'une de ces deux enseignes.

- Les objectifs de la clause

Elle empêche les enseignes de venir concurrencer la société Kadéos pendant cinq ans en exerçant une activité concurrente d'émetteurs de titres cadeaux, pluri ou mono enseigne.

- Le contexte juridique

Les contrats de partenariat dans lesquels s'insère la clause litigieuse revêtent plusieurs dimensions.

Certaines des obligations mises à la charge de la Fnac et Conforama relèvent d'une relation verticale : il s'agit notamment des clauses d'exclusivité relatives à l'acceptation et à la distribution des cartes multi-enseignes qui ont fait spécifiquement l'objet des engagements de Kadéos, dans la décision de l'Autorité.

D'autres obligations s'inscrivent dans le cadre d'une relation horizontale : l'interdiction faite aux enseignes d'émettre leurs propres cartes cadeaux mono-enseigne ou pluri-enseignes. En effet, s'agissant de la possibilité d'émettre une carte mono-enseigne, la Fnac et Accentiv'Kadeos n'agissent pas à un niveau différent de la chaîne de production mais au même stade, ce qui explique d'ailleurs qu'Accentiv'Kadeos qualifie elle-même cette obligation d'« obligation de non-concurrence ».

La société Edenred ne peut alléguer qu'il s'agit seulement d'une interdiction de distribution des titres mono-enseigne dans les magasins de la Fnac ou de Conforama, l'émission de ces titres et leur distribution en dehors des magasins des deux enseignes étant permises. En effet, outre que cette lecture est dépourvue de sens, l'intérêt d'une carte mono-enseigne étant d'être distribuée dans le magasin de l'enseigne en question, les termes de la clause de non-concurrence eux-mêmes, éclairés par ceux du contrat de cession, évoquent bien les notions d'« émettre », et de « mettre sur le marché » des titres concurrents.

- Le contexte économique

. L'indissociabilité des clauses

La clause de non-concurrence est indissociable des clauses d'exclusivité et vient en renforcer les effets, ainsi que l'Autorité l'a constaté dans ses deux décisions. L'Autorité de la concurrence a analysé l'article 1.1.a (iii) des contrats de partenariat comme contribuant au pouvoir de la société Accentiv'Kadéos sur le marché des cartes-cadeaux et par conséquent, à l'effet de forclusion de ce marché.

L'Autorité, saisie par un concurrent de la société Kadeos, la société Titre Cadeaux, d'une demande de mesures conservatoires (décision 10-D-07) concernant la clause d'exclusivité interdisant aux enseignes partenaires d'accepter en paiement les cartes cadeaux multi-enseignes des concurrents de Kadéos (cf § 27 de la décision), a estimé que leur effet de verrouillage du marché de l'acceptation des cartes cadeaux prépayées était amplifié par des « exclusivités de distribution interdisant aux enseignes partenaires de distribuer leur propre carte cadeau mono-enseigne » (c'est la cour qui souligne) (§ 92 de la décision de mesures conservatoire). Elle a, par ailleurs, souligné que « Le couplage d'une exclusivité d'acceptation et d'une exclusivité de distribution interdisant à l'enseigne affiliée l'émission d'une carte mono-enseigne pourrait avoir pour effet de permettre à Kadéos de capter une part importante des recettes de l'enseigne » (§ 93).

L'Autorité de la concurrence a donc analysé l'article 1.1.a (iii) du contrat de partenariat comme contribuant au pouvoir de la société Edenred sur le marché des cartes-cadeaux et, par conséquent, à l'effet de forclusion des clauses d'exclusivité sur ce marché.

Son analyse dans la décision d'engagements n° 11-D-08 est identique : la clause de non concurrence litigieuse vient renforcer la portée des clauses d'exclusivité d'acceptation Kadeos, seules expressément concernées par les engagements pris par Kadéos.

L'Autorité conclut ainsi clairement son analyse en ces termes, au point 121 : « Les exclusivités conclues entre Accentiv'Kadéos et les enseignes affiliées à la carte Kadéos sont susceptibles d'avoir pour effet de forclore les marchés français de l'acceptation et de la distribution des cartes cadeaux B-to-C ou des cartes cadeaux multi-enseignes B-to-C, dans la mesure où elles conduiraient à capter un portefeuille d'enseignes générant une forte valeur d'émission, permettant à Accentiv'Kadéos de détenir 81 % des marchés français d'acceptation et de distribution de la carte cadeau multi-enseignes en B-to-C ou [40-45 %] des marchés français d'acceptation et de distribution de la carte cadeaux en B-to-C, et dans la mesure où les alternatives offertes sur ces marchés aux concurrents ou aux nouveaux entrants paraissent modestes ».

Or, à la lecture de la décision, il ressort que les exclusivités en cause sont toutes les exclusivités d'acceptation, de distribution et d'émission des cartes-cadeaux, ce qui recouvre l'émission de cartes-mono-enseigne et que le « marché français de l'acceptation et de la distribution des cartes cadeaux B-to-C » recouvre les cartes mono et multi-enseignes, ce qui démontre bien que la clause en cause fait également partie des clauses considérées comme susceptibles de constituer une pratique anticoncurrentielle par l'Autorité.

La cour fait sienne cette analyse aux termes de laquelle les clauses d'exclusivité conclues par la société Kadéos avec les sociétés Fnac et Conforama avaient pour effet de capter les enseignes les plus intéressantes à son profit, à savoir celles disposant d'une très forte notoriété générale ou sectorielle et d'un chiffre d'affaires significatif ; il est rappelé dans la décision 10-D-07 que La Fnac détenait à l'époque 28 % de son marché. En conséquence, les concurrents de la société Accentiv'Kadéos ne pouvaient composer une offre concurrente de celle d'Accentiv'Kadéos ; en outre, la clause de non-concurrence qui empêchait les deux enseignes d'émettre leurs propres cartes mono-enseigne contribuait au verrouillage du marché, en conférant une forte valeur d'émission à la carte Kadéos (§ 93), par la captation des recettes de ces deux enseignes.

. La position des parties sur le marché

La position des parties sur les marchés affectés par l'accord est déterminante. Conclue par des entreprises disposant pour l'une, d'une position prééminente sur le marché de l'émission des cartes et de l'acceptation, pour les autres de position prééminente sur leurs marchés respectifs, et dotées d'une très forte notoriété et attractivité dans leurs secteurs respectifs (cf l'évaluation préliminaire du rapporteur, pièce 48 des appelantes, page 14), cette clause de l'accord contribuait, avec les clauses d'exclusivité, à empêcher l'émergence, pendant cinq ans, de cartes mono-enseignes au sein des enseignes les plus attractives du marché.

La Fnac était l'enseigne la plus recherchée par les acquéreurs de titres cadeaux. Elle détenait à l'époque une part prépondérante de la valeur d'émission de la carte Kadeos.

La portée de ces deux clauses de non-concurrence était donc significative au regard de cette valeur d'émission.

. Les effets potentiels

Cette clause de non-concurrence n'a été appliquée que pour sa partie cartes pluri-enseignes. Elle n'a pu avoir que des effets potentiels pour les cartes mono enseigne, puisqu'elle n'a pas été appliquée.

Sur le secteur des cartes pluri-enseignes, cette clause, qui empêchait les enseignes référencées d'émettre leurs propres cartes mono-enseigne, devait permettre à Accentiv'Kadeos de conserver son volume d'affaires et de maintenir le large périmètre du marché de la carte multi-enseignes ; elle était de nature à empêcher tout transfert de la demande des consommateurs de la carte multi-enseignes vers la carte mono-enseigne et donc à préserver la position prééminente de Kadeos sur le secteur des cartes multi-enseignes où elle avoisinait déjà les 80 % d'après les constatations de l'Autorité, non sérieusement remises en cause.

S'agissant du secteur de la carte mono-enseigne, la clause de non-concurrence était susceptible d'y restreindre la concurrence pendant cinq ans, puisqu'elle visait à empêcher ou à retarder l'émergence d'acteurs importants tels que La Fnac ou Conforama, privés de la faculté d'émettre leur propre carte.

Elle visait ainsi à empêcher l'apparition d'un produit encore nouveau à l'époque, pour lequel il y avait pourtant une demande des consommateurs, ainsi que l'indique l'Autorité au point 76 de la décision d'engagements (pièce 61 des appelants, note des professeurs [Z] et [G], page 11).

Les consommateurs se voyaient donc privés, par cette clause, de cartes mono-enseignes Fnac et Conforama, et contraints d'acheter une carte multi-enseignes Kadéos pour avoir recours aux services de ces deux enseignes.

En ce que les deux enseignes étaient les seules à pouvoir proposer leurs cartes mono-enseigne, la clause interdisait aux consommateurs de profiter de ce produit nouveau.

. La durée

La durée de cette clause, de cinq ans non reconductibles, n'est pas justifiée par la société Edenred et contribue à l'effet de verrouillage souligné plus haut.

En conclusion, les clauses de non concurrence convenues entre les sociétés Kadeos d'une part et les sociétés Fnac et Conforama d'autre part constituent des ententes anticoncurrentielles, contraires aux articles L. 420-1 du code de commerce et 101, alinéa 1 du TFUE.

Sur les justifications de la société Edenred

Sur les restrictions accessoires

La société Edenred expose qu'il s'agit d'une restriction accessoire à l'accord de cession du 30 mars 2007, dans ses dernières conclusions (p. 58) et qu'elle n'est donc pas contraire à l'alinéa 1 de l'article 101 du TFUE ou à l'article L. 420-1 du code de commerce : « si l'opération de concentration avait dû être notifiée, il ne fait nul doute que l'article 1.1 a. (iii) des Contrats de Partenariat - ainsi que les deux obligations d'exclusivité de l'article 1.1 a. d'ailleurs - aurait été regardée comme une restriction accessoire et déclarée licite à ce titre ».

Les appelantes soutiennent au contraire que les conditions limitatives des restrictions accessoires ne sont pas réunies.

La notion de restriction accessoire couvre toute restriction qui est directement liée et nécessaire à la réalisation d'une opération principale. Par restriction directement liée à la réalisation d'une opération principale, il convient d'entendre toute restriction qui est subordonnée en importance par rapport à la réalisation de cette opération et qui comporte un lien évident avec celle-ci. Quant à la condition relative au caractère nécessaire d'une restriction, celle-ci implique un double examen. En effet, il convient de déterminer, d'une part, si la restriction est objectivement nécessaire à la réalisation de l'opération principale et, d'autre part, si elle est proportionnée par rapport à celle-ci

Par conséquent, l'examen du caractère objectivement nécessaire d'une restriction par rapport à l'opération principale ne peut être que relativement abstrait. Il s'agit non d'analyser si, au vu de la situation concurrentielle sur le marché en cause, la restriction est indispensable pour le succès commercial de l'opération principale, mais bien de déterminer si, dans le cadre particulier de l'opération principale, la restriction est nécessaire à la réalisation de cette opération. Si, en l'absence de la restriction, l'opération principale se révèle difficilement réalisable, voire irréalisable, la restriction peut être considérée comme objectivement nécessaire à sa réalisation.

Dès lors qu'une restriction est objectivement nécessaire à la réalisation d'une opération principale, il convient encore de vérifier si sa durée et son champ d'application matériel et géographique n'excèdent pas ce qui est nécessaire pour la réalisation de ladite opération. Si la durée ou le champ d'application de la restriction excèdent ce qui est nécessaire pour la réalisation de l'opération, elle doit faire l'objet d'une analyse séparée dans le cadre de l'article'101, paragraphe'3, TFUE

En premier lieu, la cour note que la société Edenred reconnaît implicitement que la clause de non-concurrence constitue bien une restriction de concurrence, puisqu'elle évoque cette cause justificative. La cour souligne également que la société Edenred invoque la théorie des restrictions accessoires également pour les clauses d'exclusivité, alors qu'elle ne l'a pas fait devant l'Autorité.

En deuxième lieu, la société Edenred ne démontre pas que la clause litigieuse était « directement liée à la réalisation de l'opération ». En effet, l'opération est intervenue à une date à laquelle seule la carte multi-enseignes était commercialisée par Kadeos.

Or, ainsi que le rappelle la « Communication de la Commission relative aux restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation des opérations de concentration », dont s'inspirent les autorités nationales de concurrence et les juridictions nationales comme guide d'analyse utile, invoquée par les appelantes : « De même, les clauses de non-concurrence doivent rester limitées aux produits (y compris leurs versions améliorées ou actualisées et les produits qui les remplacent) et aux services qui constituaient l'activité économique de l'entreprise cédée. Il peut s'agir de produits et de services ayant atteint un stade de développement avancé au moment de l'opération, ou encore de produits dont le développement est achevé mais qui ne sont pas encore commercialisés. La protection contre la concurrence du vendeur sur les marchés de produits ou de services sur lesquels l'entreprise cédée n'était pas active avant la cession n'est pas considérée comme nécessaire » (point 23) (c'est la cour qui souligne).

En troisième lieu, la société Edenred, en page 60 de ses conclusions, révèle que ce type de clause avait été conclu avec d'autres enseignes que celles parties au contrat de cession, telles La Redoute, Cyrillus, VertBaudet, Fnac Eveil § Jeux, Surcouf, ce qui démontre qu'elle ne répondait pas aux préoccupations de ce contrat de cession, à savoir garantir le transfert à Accor, mais visait en réalité d'autres objectifs ou excédait celui-ci.

En quatrième lieu, la clause discutée n'est pas justifiée par un objectif légitime, la durée de cinq ans apparaissant trop longue.

Ainsi, la Commission européenne, dans la Communication de la Commission relative aux restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation des opérations de concentration prévoit-elle : « De telles clauses de non-concurrence ne sont cependant justifiées par l'objectif légitime de réalisation de la concentration que dans la mesure où leur durée, leur champ d'application territorial et leur portée matérielle et personnelle n'excèdent pas ce qui est raisonnablement nécessaire à cette fin » (point 19).

Les clauses de non-concurrence se justifient pour des périodes n'excédant généralement pas trois ans lorsque la cession de l'entreprise inclut la fidélisation de la clientèle sous la forme à la fois du fonds commercial et du savoir-faire (point 20).

Or, la société Edenred ne tente aucunement la démonstration, dans la présente espèce, de ce que la durée de cinq ans était justifiée par le montant des investissements réalisés en 2007, ainsi qu'elle le soutient pourtant comme seule explication économique de la clause.

La cour note à cet égard que cet argument était également soutenu devant l'Autorité pour les clauses d'exclusivité d'acceptation et de distribution (cette notion recouvrant l'émission de titres mono-enseigne), sans que l'Autorité en soit convaincue.

Il est exposé dans l'étude du professeur [M] que « les obligations d'exclusivité et de non concurrence souscrites dans le contrat de cession ou dans les contrats de partenariat dont le modèle est annexé au contrat de cession ont pour objet de garantir que Kadeos aura, après la cession, des relations commerciales (et donc un chiffre d'affaires) avec les sociétés du groupe PPR équivalentes à celles qui existaient avant la cession », pendant cinq ans. Mais la proportionnalité de cette durée de cinq ans à l'objectif poursuivi, à savoir « l'amortissement du prix d'achat des droits sociaux » n'est nullement établie, alors que cette preuve repose sur l'intimée. L'amortissement sur trois ans ou une durée moindre aurait peut-être suffi. Il convient à cet égard de souligner que la clause a été respectée par les deux enseignes jusqu'en septembre et octobre 2010, le contrat de cession et les contrats de partenariats ayant été conclus fin mars 2007, de sorte que la durée de trois ans était dépassée, durée habituelle de telles clauses de non concurrence, lorsqu'elles ont mis en oeuvre leurs cartes mono-enseigne.

Sur l'effet cumulatif

La société Edenred expose que les appelantes auraient dû justifier de la contribution des partenariats avec Conforama et Fnac à l'effet cumulatif des contrats.

Mais l'analyse menée par les appelantes est relative à chacun des partenariats conclus, sans qu'il soit nécessaire de mettre en oeuvre la théorie des effets cumulatifs, qui permet de sanctionner des clauses, qui, prises individuellement, ne seraient pas répréhensibles.

Sur la portée de la décision d'engagements

Selon l'intimée, en n'évoquant pas la question des clauses de non-concurrence et en n'acceptant pas d'engagements de Kadeos d'y mettre un terme, l'Autorité les aurait implicitement validées.

Or, en premier lieu, il ne peut être considéré que le silence de l'Autorité vaut approbation.

En outre, la décision d'engagements ne vaut pas non-lieu partiel s'agissant des pratiques visées dans la saisine qui n'ont pas fait l'objet d'engagements.

En deuxième lieu, les appelantes soulignent à juste titre que ces clauses ont été mentionnées dans la décision de mesures conservatoires comme renforçant l'effet de forclusion des clauses d'exclusivité d'acceptation. Or, les décisions par lesquelles l'Autorité, saisie d'une demande de mesures conservatoires, décide que la pratique sous examen est « susceptible de constituer une pratique anticoncurrentielle » et renvoie à l'instruction, après avoir rejeté, faute d'urgence, la demande de mesure conservatoire, ont une force équivalente à celle des décisions d'engagement, en ce que le niveau de caractérisation des pratiques est de même niveau. La décision d'engagements en fait également mention, en son point 121 comme vu supra.

Enfin, si les engagements pris par Accentiv'KadéosKadéos n'en font pas mention, c'est qu'entre la décision de mesures conservatoires n° 10-D-07 et la décision d'engagements n° 11-D-08, la société Fnac et la société Conforama avaient déjà lancé des cartes mono-enseigne, ce qui avait d'ailleurs été signalé au rapporteur par la société Edenred elle-même, à l'appui de sa demande de délimitation large du marché pertinent (comme incluant cartes mono et multi-enseignes), le 18 novembre 2010. En effet, la société a expliqué que le lancement de ces cartes avait fortement impacté ses propres ventes, ce qui démontrait la substituabilité des deux types de cartes mono et multi enseignes.

En troisième lieu, à aucun moment, la société Edenred ne démontre qu'elle a, devant les services d'instruction, soutenu que cette activité d'émission de cartes mono-enseigne par La Fnac et Conforama était illicite au regard de la clause litigieuse des contrats, ni qu'elle a révélé au rapporteur chargé de l'affaire qu'elle exerçait des actions en justice pour faire cesser cette pratique, considérée avec faveur par l'Autorité.

Cette clause de non-concurrence étant dépourvue d'exécution, l'Autorité n'a pas demandé qu'il y soit mis fin, spécifiquement. Mais la présence des cartes mono-enseignes sur le marché a été prise en considération par l'Autorité pour accepter les engagements de Kadeos. Ces cartes ont été considérées comme atténuant l'effet des clauses d'exclusivité et favorisant la concurrence (cf § 205 de la décision 11-D-08).

Sur l'effet sensible

Il résulte de l'article 7 de la Communication de la Commission concernant les accords d'importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne (devenu 101, alinéa 1 du TFUE) (de minimis), que « les accords entre entreprises qui affectent le commerce entre Etats membres ne restreignent pas sensiblement la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité : a) si la part de marché cumulée détenue par les parties à l'accord ne dépasse 10 % sur aucun des marchés en cause affectés par ledit accord, lorsque l'accord est passé entre des entreprises qui sont des concurrents existants ou potentiels sur l'un quelconque de ces marchés (accords entre concurrents) ».

Or, il n'est pas établi par la société Edenred qui s'en prévaut que les parts de marché des sociétés impliquées dans le partenariat soit inférieures au seuil de sensibilité, de 10 % entre concurrents.

Sur l'application du règlement d'exemption

La société Edenred expose que la position d'Accentiv'Kadeos sur le marché pertinent était inférieure à 30 % au moment de la signature du contrat de partenariat. Elle en veut pour preuve l'étude de marché réalisée par le ministre de l'économie dans sa lettre d'autorisation C2006-06 du 17 février 2006, relative à une opération de concentration dans le domaine des titres-cadeaux.

Or, le règlement d'exemption (CE) n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertée ne s'applique pas à la pratique concernée, qui constitue comme vu plus haut, une entente horizontale dont les effets viennent renforcer ceux d'une entente verticale. Dès lors, les seuils d'exonération de ce règlement ne s'appliquent pas.

Enfin, la décision du ministre citée décrit les positions suivantes : Kadéos ([20-30] % de parts de marché en valeur) et Accentiv ([0-10] %), ce qui conduit, en additionnant les parts de marché des deux sociétés à une fourchette de 20-40 % pour Accentiv'Kadeos.

Il n'est donc pas établi que l'exemption automatique de l'article 5 du règlement, concernant les clauses de non-concurrence contractuelles dont la durée est au plus égale à cinq ans, s'applique en l'espèce.

Sur l'exemption individuelle

L'intimée prétend que la clause litigieuse est susceptible de bénéficier d'une exemption individuelle, accordée sur le fondement des articles 101, paragraphe 3 du TFUE et L. 420-4 du code de commerce.

Mais outre l'existence de gains d'efficacité qu'il convient d'établir, il est exigé de celui qui en invoque le bénéfice qu'il démontre que la restriction de concurrence en cause est indispensable pour l'obtention de ces gains, qu'une part substantielle des profits retirés revienne à l'utilisateur final et qu'il n'y ait pas élimination de la concurrence sur une partie substantielle des produits en cause, ce que la société intimée n'établit pas.

Sur les conséquences civiles

Si en vertu de l'alinéa 2 de l'article 101 du TFUE, « Les accords ou décisions interdits en vertu du présent article sont nuls de plein droit », et selon les dispositions de l'article L.420-3 du code de commerce, « Est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par les articles L. 420-1 et L. 420-2 », la cour note que les appelantes ne demandent pas la nullité de la clause, mais qu'elle soit déclarée illicite.

Sur le comportement prétendument fautif de la société Edenred devant le juge judiciaire au regard de sa position devant l'Autorité de la concurrence

Les appelantes soutiennent que l'attitude de la société Accentiv'Kadéos est contraire au devoir de bonne foi, puisque cette dernière ne pouvait sérieusement, d'une part, prétendre accepter la commercialisation par les appelantes de leurs cartes mono-enseigne pour diminuer sa position sur le marché et réduire la portée de ses engagements devant l'Autorité et, d'autre part, solliciter l'interdiction de cette commercialisation devant les juridictions saisies. Les sociétés Kering (aux droits de FNAC) et Conforama demandent en conséquence la condamnation de la société Edenred à leur restituer au titre des liquidations d'astreinte :

- à la société Conforama, un montant total de 3.815.718,08 euros, à savoir :

- 3.730.000 euros en liquidation d'astreinte,

- 50.000 euros à titre de provision sur le préjudice,

- 35 .718,08 euros de frais de justice (art. 700 CPC, huissiers, avoué) ;

-à la société Kering, une somme de 7.914.529,04 euros, à savoir :

- 7.640.000 euros en liquidation d'astreinte,

- 200.000 euros à titre de provision sur le préjudice,

- 74.529,04 euros à titre de frais de justice (art.700 CPC, huissiers, avoué).

Elles demandent en outre la restitution des sommes auxquelles le jugement querellé les a condamnées au titre de la violation de la clause, à savoir les sommes de :

- 6.666.351 euros en réparation du préjudice d'exploitation,

-1.000.000 euros en réparation du préjudice de marque,

- 100.000 euros pour procédure abusive.

La société Edenred réplique que la société Accentiv'Kadéos n'a pas accepté la commercialisation des cartes mono-enseigne Fnac et Conforama et que sa position devant l'Autorité de la concurrence sur la définition du marché pertinent est parfaitement compatible avec sa volonté de faire respecter, par les sociétés Fnac et Conforama, leurs obligations de non-concurrence souscrites au titre des contrats de partenariat.

En tout état de cause, l'intimée soutient que, quand bien même la société Accentiv'KadéosKadéos aurait commis une faute en exploitant la présence des cartes mono-enseigne pour convaincre l'Autorité de la concurrence de l'existence d'un marché global, cette démarche n'a eu aucune conséquence dans la mesure où l'Autorité a rejeté la définition du marché pertinent suggérée par la société Accentiv'Kadéos.

Mais dans la partie de la décision où l'Autorité vérifie, après les observations au test de marché, le caractère suffisant des engagements d'Accentiv'Kadeos, la circonstance que la Fnac et Conforama aient lancé leurs propres cartes mono enseigne est, pour l'Autorité, à prendre en considération, au titre d'une « intensification de la concurrence » (§ 200). Le lancement d'une carte mono enseigne par Conforama est également cité au point 205.

Cette pratique d'émission de cartes cadeaux mono-enseigne était donc considérée comme un facteur d'atténuation des autres pratiques et a été prise en compte par l'Autorité pour vérifier que les engagements d'Edenred étaient suffisants pour rétablir la concurrence.

La société Edenred ne pouvait donc sans mauvaise foi alléguer cette pratique pour en obtenir l'indulgence de l'Autorité et, en même temps la contester sans délais devant les juridictions, nonobstant la décision de mesures conservatoires de l'Autorité, qui critiquait la clause de non-concurrence.

La clause étant illicite au regard du droit des ententes, les sociétés Fnac et Conforama ne pouvaient être sanctionnées pour avoir violé cette clause, de sorte que le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions.

La clause ayant servi de fondement aux décisions d'astreinte rendues en la forme des référés étant illicite, elle a privé les décisions de liquidation d'astreintes de leur fondement juridique ; les sommes versées au titre de ces deux décisions ayant liquidé les astreintes à l'encontre des sociétés Fnac et Conforama doivent donc être restituées aux deux sociétés.

Sur l'appel incident de la société Edenred

La société Edenred soutient qu'il est manifeste que les sociétés Kering et Conforama ont utilisé de façon abusive les voies judiciaires disponibles avec un seul objectif, contraindre la société Accentiv'Kadéos à l'abandon, avant le 31 décembre 2011, du bénéfice de l'obligation de non-concurrence sur l'ensemble des titres cadeaux. En conséquence, sollicitant l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné les sociétés Kering et Conforama à lui payer la somme totale de 100.000 euros, la société Edenred demande qu'elles soient condamnées chacune à lui verser la somme de 100.000 euros pour cause de procédure abusive.

En réplique, les intimées incidentes soutiennent qu'en engageant la présente instance, elles n'ont rien fait d'autre que de soumettre au juge du fond, juge du contrat et du droit de la concurrence, leurs contestations relatives au contrat de partenariat, ce dont elles avaient parfaitement le droit, compte tenu du caractère provisoire des décisions intervenues jusqu'alors sur ce point. Partant, elles sollicitent l'infirmation du jugement entrepris sur ce point et, pour les mêmes raisons, le débouté de la société Edenred de son appel incident.

Mais aucun abus du droit d'ester en justice ne saurait découler de l'appel exercé par les sociétés Kering (aux droits de La Fnac) et Conforama, couronné de succès.

Cette demande sera donc rejetée.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Succombant au principal, la société Edenred France sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ainsi qu'à payer aux sociétés Kering, Conforama France et Conforama Holding une somme de 150.000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement du tribunal de commerce de Paris du 14 mars 2016 ;

et, statuant à nouveau,

DIT que la clause de non-concurence constitue une entente, contraire aux articles 101, alinéa 1 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

DEBOUTE en conséquence la société Edenred France de toutes ses demandes de condamnation des sociétés Kering, Conforama France et Conforama Holding pour violation de cette clause ;

CONDAMNE la société Edenred France à restituer à la société Kering la somme de 7.914.529,04 euros ;

CONDAMNE la société Edenred France à restituer aux sociétés Conforama France et Conforama Holding la somme de 3.815.718,08 euros ;

REJETTE la demande reconventionnelle de la société Edenred pour procédure abusive ;

CONDAMNE la société Edenred France aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Edenred France à verser aux sociétés Kering, Conforama France et Conforama Holding une somme de 150.000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

Cécile PENG Irène LUC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 16/09067
Date de la décision : 12/12/2018

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°16/09067 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-12;16.09067 ?
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