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11/12/2018 | FRANCE | N°17/00445

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 11 décembre 2018, 17/00445


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 11 Décembre 2018

(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/00445 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2L45



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Novembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN RG n° 12/00609





APPELANTE

SA PROCARS

[Adresse 1]

[Adresse 2]

N° SIRET : B 3 21 254 161

représentée par Me Isabelle WASSELIN, avocat au barreau de MELUN





INTIME

Monsieur [U] [C]

Chez M. et Mme [R] [Adresse 3]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 2] ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 11 Décembre 2018

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/00445 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2L45

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Novembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN RG n° 12/00609

APPELANTE

SA PROCARS

[Adresse 1]

[Adresse 2]

N° SIRET : B 3 21 254 161

représentée par Me Isabelle WASSELIN, avocat au barreau de MELUN

INTIME

Monsieur [U] [C]

Chez M. et Mme [R] [Adresse 3]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 2] (08) (08)

représenté par Me Albert HAMOUI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1760

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 octobre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laurence SINQUIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de Chambre

Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

Greffier : Mme Sylvie FARHI, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de Chambre et par Madame Valérie LETOURNEUR, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [U] [C], engagée par la société PROCARS, à compter du 21 août 2006, a occupé comme dernières fonctions celles d'hôtesse d'accueil, au salaire mensuel brut de 1350 euros. Elle a été licenciée par courrier du 6 juillet 2012 et a fait connaître son acceptation au contrat de sécurisation professionnelle, le 12 juillet 2012.

La lettre de rupture énonçait les motifs suivants :

' Nous vous notifions notre décision de vous licencier pour le motif économique suivant :

Comme nous vous l'avons déjà évoqué dans la convocation à votre entretien préalable, les activités de transport public routier de voyageurs de Procars en Ile de France sont réalisées principalement sous contrat avec le Syndicat des Transports d'Ile-de-France (STIF). La publication du Règlement européen relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route (ROSP) le 23 octobre 2007, a conduit à la mise en 'uvre des contrats successifs de Type 1 (T1) et de Type Il (T2) pour l'ensemble des transporteurs d'Ile de France. C'est dans ce cadre très contraint et après des négociations difficiles, que Procars a dû mettre en 'uvre le contrat T2 le 1er avril 2011.

Ce nouveau contrat T2 n'apportant pas la rentabilité que le contrat T1 avait fournie ces dernières années, la Direction Générale a souhaité analyser la situation économique de l'entreprise après la validation des comptes au 30 septembre 2011.

Le résultat du dernier exercice comptable a révélé une perte de 320 937€.

Nous avons constaté une baisse du CA liée au Contrat T2 du STIF pour un montant de 2314000 euros sachant que le contrat T2 représente 72% des recettes du CA dans le budget 2012.

Notre endettement étant important (87.41% en 2011). Il est inhérent à notre activité de transporteur de voyageurs nécessitant des investissements lourds et quasi permanents pour assurer des missions de services publics. Les collectivités imposant leur cadencement de renouvellement de matériel pour répondre aux normes de sécurité ainsi qu'aux évolutions technologiques.

Par ailleurs, la situation comptable du 2ème semestre du nouvel exercice comptable laisse apparaître une perte de 861 609 euros.

Comme nous vous l'avons expliqué lors de nos diverses réunions avec le personnel et notamment lors de la présentation des comptes de l'année 2011 le 06 mars 2012, nous perdons sur le premier semestre près de 4700 euros par jour de fonctionnement.

En outre, la fin de l'année 2011 nous a réservé comme à la quasi-totalité des entreprises, tous secteurs confondus, une crise comme nous n'en avions jamais connu : concurrence accrue sur nos marchés, systématisation des procédures d'appel d'offre, prix de marchés négociés à la baisse en raison de l 'habitude que les clients ont pris de choisir le transporteur le mieux-disant etc....

L'activité s'est effondrée brutalement et dans des proportions que nous ne pouvions imaginer à partir du mois d'octobre 2011.

En plus des difficultés évoquées précédemment viennent s'ajouter des contraintes économiques externes : le resserrement du crédit bancaire, la baisse de moyens des collectivités, le niveau élevé du prix du carburant, la hausse de la T.V.A. de 5,5 % à 7%...

Autant de contraintes que nous subissons dans un climat économique tendu et dans un secteur de plus en plus concurrentiel.

Ces mauvais chiffres nous pénalisent doublement. Ils nous contraignent à changer rapidement nos modes de fonctionnement. Ils sont aussi source de méfiance à notre égard. Les banques, les assurances, les collectivités demandent déja des explications sur nos résultats déficitaires.

Nous constatons donc une accélération de la dégradation de notre situation économique.

Nous sommes engagés dans un déficit chronique qui conduira, si nous ne réagissions pas, à la disparition de l'entreprise.

Après 5 mois dans cette situation, nous avons compris que cette tendance était durable.

La Direction Générale a donc dû se résigner à mettre en place un plan de redressement.

Nous avons donc pris, dès février 2012, des mesures visant à éviter une dégradation trop importante des comptes de la société :

- Baisse des rémunérations des cadres et des dirigeants de 3 a 6%.

- Suppression des heures supplémentaires du personnel administratif.

- Aucune embauche supplémentaire jusqu'à la fin de l'année 2012 au niveau du personnel administratif et de l'atelier.

- Programme d'économies sur les achats de matières premières notamment par la re-négociation de tous les contrats externes et par la recherche des meilleurs tarifs sur le marché etc...

Malgré ces mesures d'économies «tous azimuts '', nous avons du travailler sur la réorganisation de nos services afin de répondre à leur nécessaire adaptation et à nos besoins de sauvegarde de compétitivité.

Ces restructurations ont pour conséquence la suppression de 9 postes de travail au niveau du personnel administratif, dont le vôtre.

Malheureusement, malgré nos efforts,nous n'avons pu trouver aucune solution de reclassement permettant de vous conserver un emploi dans notre entreprise...'

Madame [C] a contesté son licenciement et a saisi le conseil de prud'hommes.

Par jugement du 21 novembre 2016, le conseil de prud'hommes de [Localité 3] a considéré le licenciement économique sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société PROCARS au paiement de :

' 15579,60 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les intérêts légaux et les dépens.

Il a également ordonné la remise d'une copie de la décision à Pôle Emploi, le remboursement des indemnités chômage versées à la salariée, l'exécution provisoire du jugement et a débouté les parties pour le surplus des demandes.

La société PROCARS a relevé appel de cette décision.

Par conclusions récapitulatives auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société PROCARS demande à la Cour l'infirmation du jugement, le rejet de l'intégralité des demandes de Madame [C], le remboursement de la somme de 15579,60 euros outre les intérêts légaux et la condamnation de la salariée à 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par des conclusions postérieures transmises le 10 octobre 2018, la société demande le rejet de la pièce numéro G communiquée par Madame [C] le 6 octobre 2018, soit postérieurement à l'ordonnance de clôture.

Par conclusions récapitulatives auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, Madame [C] sollicite à titre principal, la nullité du licenciement ou subsidiairement l'absence de cause réelle et sérieuse et la condamnation de la société à la somme de 23369,94 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif.

En tout état de cause, elle réclame la confirmation des condamnations prononcées par le conseil outre la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et celle de 20'000 euros à titre d'indemnité spécifique pour exécution déloyale du contrat de travail.

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

MOTIFS

Sur la demande de rejet de pièce

Il n'est pas contesté par Madame [C] que la pièce G a été transmise à la partie adverse postérieurement à l'ordonnance de clôture. À défaut pour elle de justifier du respect du principe du contradictoire la pièce devra être rejetée.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur les difficultés économiques

Pour avoir une cause économique, le licenciement doit ainsi que le dispose l'article L 1233-3 du code du travail être prononcé pour un motif non inhérent à la personne du salarié et être consécutif soit à des difficultés économiques, soit à des mutations technologiques, soit à une réorganisation de l'entreprise, soit à une cessation d'activités ; que la réorganisation, si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.

Le conseil des prud'hommes de [Localité 3] a considéré dans son jugement que les éléments constitutifs du licenciement pour motif économique étaient réunis mais a estimé que l'entreprise s'était précipitée dans une procédure de licenciement alors que la situation de l'entreprise redevenait stable au mois d'octobre 2012 par le versement d'une subvention et pérenne en 2013. Il a en outre considéré que la volonté de l'entreprise de faire des économies ne pouvait être assimilée aux difficultés économiques qui devaient justifier les licenciements.

Reprenant ces deux arguments, la salariée fait valoir que les difficultés économiques auxquelles a été confrontée la société ont été provisoires, résolues par l'octroi en octobre 2012 d'une subvention d'1 million 600'000 euros et qu'avec les négociations en cours entre la société et Syndicat des Transports d'Île-de-France (ci-après désigné STIF) l'employeur ne pouvait ignorer qu'un réajustement viendrait couvrir les difficultés budgétaires. La salariée en déduit que le licenciement a été prononcé pour un motif personnel qui le rend sans cause réelle et sérieuse.

Au vu des explications et pièces communiquées par les parties, il est constant que l'organisation du transport en Île-de-France sous l'égide STIF confère à une société comme la société PROCARS une situation de dépendance économique estimée par l'employeur à hauteur de 80 % et qui la confronte à une concurrence importante face à d'autres sociétés géants du transport routier en Île-de-France.

Il n'est pas non plus contesté que dans ce cadre-là, la renégociation des conditions du marché imposée par le STIF à compter d'avril 2011 dans le nouveau Contrat T2 a été à l'origine des difficultés rencontrées par la société sur ces deux années 2011 et 2012.

L'ensemble des documents comptables budgétaires et des analyses des experts démontrent non seulement une perte sur l'exercice 2011(clôt au 30 septembre 2011) à hauteur de 320'937 euros

alors que les exercices précédents étaient bénéficiaires à plus de 621'000 euros pour 2009 et 118000 euros pour 2010.

Ces pertes ont encore perduré sur toute la période 2012 puisqu'au 30 juin 2012, la société enregistrait une perte de 1'187 266 euros et au 30 septembre 2012 de 1 951 024 euros.

Ces mêmes documents confirment une baisse du chiffre d'affaires du fait du nouveau contrat entre 2012 et 2013 de 1 million'236'189 euros en une année.

Il ressort des pièces communiquées et notamment de la séance de délibération 2012/36 et de la délibération du 10 juillet 2013 du STIF que d'une part, la somme allouée à la société par le STIF en octobre 2012, à hauteur de 1'600'000 euros, constitue une revalorisation de la rémunération au titre de l'année 2012 pour assurer l'équilibre économique du contrat. Cette revalorisation est octroyée au regard des difficultés économiques nées du contrat dans la relation conventionnelle mise en place avec la société PROCARS.

Ce déséquilibre contractuelle sera confirmé puisque le STIF augmentera la rémunération de façon plus pérenne pour la période 2013 /2016 à partir de juillet 2013.

Ainsi contrairement aux explications données par la salariée, cette subvention n'avait pas vocation à combler les difficultés économiques de l'entreprise mais à rééquilibrer les modalités d'application des dispositions conventionnelles du contrat de T2.

Si l'apport de cette rémunération supplémentaire a permis de réduire partiellement les problèmes économiques de la société PROCARS, les chiffres transmis par la société démontrent la persistance de ses difficultés au moins jusqu'à la fin du premier trimestre 2013.

En mars 2013, les documents comptables budgétaires et fiscaux relèvent encore une perte de résultats avant impôt de 1147 845 euros alors qu'elle n'était que de 861'609 euros en mars 2012.

Le chiffre d'affaires entre mars 2012 et mars 2013 a accusé encore une perte supplémentaire de 159'354 euros.

Ainsi s'il n'est pas contesté la société PROCARS ait retrouvé un équilibre, les pièces démontrent qu'elle n'y est parvenu qu'un an après les licenciements économiques en septembre 2013.

Contrairement aux allégations de la salariée, rien ne prouve que la société PROCARS connaissait le montant qu'elle pouvait escompter et la date d'octroi de la revalorisation qu'elle avait sollicitée auprès du STIF.

La dégradation de la situation depuis 2011 et sa persistance en 2012 ne lui permettait pas d'adopter une position d'attentisme sur une période aussi longue sans tenter de mettre en place des solutions pour résorber les difficultés financières.

La société PROCARS justifie avoir du, dès l'année 2011, adopter des mesures visant à restructurer l'ensemble des postes et services afin d'en minorer les coûts et les charges. Elle démontre ainsi avoir transmis des ordres, des mails et des notes de service concernant la gestion des heures supplémentaires, la réduction des salaires, l'optimisation des achats, le contrôle des dépenses outre le fait qu'elle a tenté de diversifier son offre pour sortir de la dépendance économique dans laquelle elle évoluait.

Dans ce contexte et malgré toutes les mesures prises, les difficultés ont continué jusqu'en 2013.

La société prouve également à travers les différentes documents financiers que les deux filiales comportant la même activité de transport de voyageurs, la société PROCARS CHAMPAGNE et la société LES PETITS TRAINS DE PROVINS se trouvaient dans une situation économique difficile qui ne permettait pas de compenser les pertes financières de la société mère.

Ces éléments permettent de considérer que les difficultés économiques de la société PROCARS étaient réelles et n'étaient pas passagères et pouvaient être invoquées à l'appui du licenciement économique de la salariée.

Sur la mise en place d'un Plan de sauvegarde de l'emploi

L'obligation de mettre en place une Plan de sauvegarde de l'emploi s'impose dès lors que l'employeur envisage un licenciement économique de plus de 10 salariés. La salariée estime que la société PROCARS a en réalité licencié plus de 9 salariés et se trouvait donc dans l'obligation de mettre en place un Plan de sauvegarde de l'emploi.

S'agissant du départ de Madame [K], il convient de rappeler qu'en application de l'article L. 1237-11 du code du travail, l'employeur et la salariée peuvent valablement rompre le contrat de travail par une rupture conventionnelle mais le recours à ce mode de rupture ne peut avoir pour objet ou pour effet d'éluder l'application du droit du licenciement collectif pour motif économique et de priver la salariée des garanties attachées à un plan de sauvegarde de l'emploi.

La société justifie par un courrier de Madame [K] en date du 29 janvier 2012 que le motif qui a conduit à la rupture conventionnelle signée avec cette salariée résulte d'une volonté de la salariée de s'installer dans la région de la Sarthe. Rien n'indique que ce mode de rupture ait constitué un détournement de la procédure de licenciement économique intervenue plusieurs mois postérieurement.

S'agissant de la situation de Monsieur [P], son licenciement est intervenu dans la cadre des transferts de contrats de travail suite à la perte du marché du pays de Brie et Champagne et du refus du salarié d'accepter une mutation. Conformément à la situation de trois autres salariés pour lesquels le licenciement est intervenu dans les mêmes circonstances, le caractère économique du licenciement n'a pas été reconnu et rien n'indique que ces difficultés nées du transfert suite à la perte de marche aient été à l'origine d'une fraude au licenciement économique.

L'analyse du Registre d'entrée et de sortie du personnel fait apparaître que sur la période entourant les licenciements économiques, soit du mois de mars au mois d'octobre 2012, il y a eu un certain nombre de mouvements de personnel au sein de l'entreprise.

Néanmoins le registre répertorie plusieurs ruptures en raison de l'arrivée du terme des contrats à durée déterminée et une fin de contrat d'apprentissage, le départ de deux salariés pour inaptitude physique, d'un autre pour faute grave et de cinq démissions. Aucun de ces départs n'apparaît comme ayant été motivé pour contrevenir aux droits des salariés affectés par le licenciement économique collectif.

En conséquence, le moyen tiré de l'absence de Plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas justifié.

Sur le reclassement

Selon l'article L 1233 - 4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts d'adaptation et de formation ont été réalisés et que le reclassement ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans le groupe auquel elle appartient. Les recherches de reclassement s'effectuent au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient. Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a loyalement et sérieusement exécuté son obligation de recherche de reclassement dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel elle appartient, étant rappelé que le groupe s'entend de toutes les entreprises à l'intérieur desquelles peut être effectuée la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour justifier du reclassement des salariés, la société PROCARS transmet le registre d'entrée et de sortie du personnel pour la société PROCARS, la société PROCARS CHAMPAGNE et la société ALBA VOYAGE, l'organigramme des sociétés, les attestations des gérants de ces sociétés et les réponses nominatives suite aux recherches de reclassement.

Ces registres et pièces démontrent qu'il n'existait pas de poste correspondant à la qualification de Madame [C] ou d'un niveau inférieur pouvant lui être proposé. Seul des postes de conducteurs receveurs nécessitant l'obtention d'une formation qualifiante étaient disponibles.

L'employeur justifie en outre que la société LES PETITS TRAINS DE PROVINS ne pouvait offrir aucun poste, faute de disposer de salariés propres.

L'employeur démontre également avoir procédé en vain à des démarches de reclassement à l'extérieur du groupe et notamment auprès de la clinique [Établissement 1], la mairie de [Localité 4], le centre hospitalier [Établissement 2], le centre Leclerc de [Localité 4] et l'Intermarché de [Localité 4].

Si des postes ont enfin pu être proposées à la salariée ce n'est qu'à partir du mois de septembre 2012, soit dans le cadre de sa priorité de réembauche.

Au moment du licenciement et sur la période antérieure, l'employeur justifie avoir procédé à des recherches sérieuses de reclassement et s'être trouvé dans l'impossibilité de reclasser Madame [C].

Sur les critères d'ordre du licenciement

En vertu des dispositions de l''article L 1233-5 du code du travail, l'employeur, lorsqu'il procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif applicable, définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements après consultation du CE ; ces critères doivent être appréciés, dans le cadre de l'entreprise, par référence aux catégories d'emploi et aux fonctions réellement exercées, qui doivent être de même nature et supposent une formation professionnelle commune.

L'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements n'a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse. Cette illégalité entraîne un préjudice, pouvant aller jusqu'à la perte injustifiée de l'emploi, qui doit être intégralement réparé, selon son étendue, par des dommages-intérêts.

Madame [C] soutient que la consultation du comité d'entreprise serait viciée et qu'en ne transmettant pas la situation des autres salariés pour permettre d'apprécier la place qu'elle occupait dans l'ordre de licenciement, l'employeur a contrevenu aux dispositions relatives à l'ordre des licenciements.

Il est constant qu'au travers de deux notes économiques et de deux procès verbaux de réunions les 21 et 24 mai 2012, l'employeur a présenté au comité d'entreprise les critères d'ordre qu'il entendait retenir dans le cadre des neufs licenciements économiques projetés.

L'employeur signale en exergue l'absence de dispositions dans la convention collective et l'application des critères du code du travail, il mentionne les catégories professionnelles concernées et détaille les modalités de calcul des points selon les charges de famille, l'ancienneté, les difficultés particulières de réinsertion et les qualités professionnelles.

Le seul fait que cette évaluation des points soit effectuée par l'employeur ne conduit pas à conclure que les critères d'ordre n'ont pas été respectés ou que la consultation du comité d'entreprise soit irrégulière.

L'employeur qui a transmis individuellement à chacun des salariés les critères d'ordre retenus justifie par l'organigramme de la société et par les observations non contestées de la note du 24 mai 2012 que dans le service administratif auquel elle était rattachée, Madame [C] appartenait à une catégorie professionnelle composée de trois autres personnes. Deux postes ont été supprimées et au regard de son ancienneté, de ses charges de famille et de l'ensemble des autres critères d'ordre, Madame [C] n'était pas prioritaire à conserver son poste.

Ainsi, il ne peut être fait grief à l'employeur de n'avoir pas respecté l'ordre des licenciements.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Madame [C] invoque un manquement de l'employeur à ses obligations faute d'avoir assuré l'adaptation de ses salariés à l'évolution de leur emploi des technologies et des organisations pendant toute la durée de leur contrat, d'avoir mis en place un entretien périodique professionnel et un entretien de carrière conforme aux dispositions des articles L 63 21-1 du code du travail.

La société PROCARS justifie avoir satisfait à ses obligations en ayant financé entre 2008 et 2010 pour le compte de sa salariée, la réalisation d'un bilan de compétences et de plusieurs formations.

S'agissant des entretiens, il est constant que l'employeur n'en a pas organisé et qu'aucun n'a été sollicité par la salariée. Cette dernière ne justifie d'aucun préjudice et la demande sur ce point sera rejetée.

Sur la priorité de réembauche

Madame [C] fait valoir que dans le cadre de la priorité de réembauche qu'elle avait sollicité les propositions ont été trop courtes pour lui permettre d'en bénéficier.

Toutefois, elle ne formule aucune demande spécifique sur ce point.

En effet, elle évoque ces difficultés dans le champ du reclassement, soit dans celui de l'exécution déloyale du contrat de travail.

Or les conséquences du non respect de la priorité de réembauche n'emportent pas les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse comme le défaut du reclassement.

En outre, le non respect de cette priorité de réembauche ne peut être considéré comme un manquement à l'exécution du contrat de travail déjà rompu.

PAR CES MOTIFS

ORDONNE le rejet de la pièce G communiquée par Madame [C] ;

INFIRME le jugement ;

Et statuant à nouveau ;

DIT que le licenciement économique de Madame [C] est justifié et déboute la salariée de l'ensemble de ses demandes concernant la nullité ou l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et les demandes financières subséquentes ;

Y ajoutant,

ORDONNE le remboursement par Madame [C] à la société PROCARS des dommages-intérêts alloués et exécutés en vertu des dispositions du jugement infirmé ;

VU l'article 700 du code de procédure civile

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties du surplus des demandes ;

CONDAMNE la société PROCARS aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 17/00445
Date de la décision : 11/12/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°17/00445 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-11;17.00445 ?
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