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11/12/2018 | FRANCE | N°13/08961

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 11 décembre 2018, 13/08961


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 11 Décembre 2018

(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 13/08961 - N° Portalis 35L7-V-B65-BSLVA



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Août 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY RG n° 09/01848





APPELANTE

Madame [K] [M]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1]

1976 à [Localité 1]

représentée par Me Aymeric BEAUCHENE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 095

substitué par Me Charles HUSSON, avocat au barreau de PARIS, toque : E08...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 11 Décembre 2018

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 13/08961 - N° Portalis 35L7-V-B65-BSLVA

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Août 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY RG n° 09/01848

APPELANTE

Madame [K] [M]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 1]

représentée par Me Aymeric BEAUCHENE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 095

substitué par Me Charles HUSSON, avocat au barreau de PARIS, toque : E0895

INTIMEE

COMITE D'ETABLISSEMENT AIR FRANCE CARGO

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Laurence CAMBONIE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB183

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Octobre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de Chambre

Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

Greffier : Mme Sylvie FARHI, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de Chambre et par Madame Valérie LETOURNEUR, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [K] [M] a été engagée et compter du 1er octobre 1999 en qualité d'agent hôtelier 1, au service restaurant du Comité d'Etablissement Air France FRET, coefficient hiérarchique 188, niveau A3, échelon 1, le montant du salaire brut moyen communiqué étant dans son dernier état de 2152,04 euros.

Ce Comité d'Etablissement a pour activité de gérer les oeuvres sociales des agents de la société Air France CARGO.

Madame [M] a été dispensée d'activité à compter du 24 septembre 2014. Après un congé maternité du 15 août 2015 au 14 février 2016 , elle est de nouveau en dispense d'activité .

Par jugement rendu le 30 août 2013, le conseil de prud'hommes de Bobigny a débouté Madame [M] de ses demandes portant sur la reconstitution de sa carrière, les discriminations et le harcèlement moral et sexuel dont elle aurait fait l'objet,.

Madame [M] a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe social de la cour le 1er octobre 2013,

Par conclusions visées au greffe le 5 décembre 2017 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Madame [M] demande l'infirmation du jugement et la condamnation de Le Comité d'Etablissement AIR FRANCE CARGO à lui régler les sommes suivantes :

14'040 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la grille de salaires pour la période de septembre 2003 au 31 août 2007 et violation du principe travail égal/salaire égal,

voir ordonner son rétablissement à la qualification B 3 coefficient 320,02 et une fonction équivalente en tant que technicienne au sein du CE AIR FRANCE CARGO à compter de la date du prononcé de la décision à intervenir

60'989 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination liée à la maternité

puis au titre de la discrimination syndicale pour la période de 2007 à 2016

10'000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement sexuel,

30'000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

la capitalisation des intérêts et la condamnation de Le Comité d'Etablissement AIR FRANCE CARGO aux entiers dépens,

Par conclusions visées au greffe le 5 décembre 2017 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Le Comité d'Etablissement AIR FRANCE CARGO demande la confirmation du jugement, le rejet des demandes de Madame [M] et sa condamnation à lui verser la somme de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les parties ont accepté d'entrer en voie de médiation et par ordonnance du 18 décembre 2017, Madame [U] [C] a été désignée en qualité de médiateur;

La médiation n'ayant pas abouti, les parties ont été rappelées en dernier lieu à l'audience du 22 octobre 2018 et se sont référées aux débats et à leurs écritures déposées le 5 décembre 2017 .

MOTIFS

- sur la qualification et le respect de la grille de salaire du 30 septembre 2003 au 31 août 2007

Madame [M] fait ici valoir qu'elle a exercé des fonctions de technicienne , responsable de salle( niveau B01) entre le mois de septembre 2003 et le 31 août 2007. Elle se fonde, pour ce faire, sur ses entretiens d'évaluation 2003 et 2005, sa formation de management d'équipe en mars 2004 et les mentions portées sur ses bulletins de salaire de 2005 au 31 août 2007;

Elle dénonce en conséquence le fait qu'elle soit restée à une qualification de A7/A03 puis A7/04 ce qui correspond dans la grille salariale à une qualification d'agent hôtelier 1 (A 03) et d'agent hotelier 2 (A 04) alors que la qualification de responsable de salle correspond à une qualification de technicien des services hôteliers soit une qualification B01,

Elle retient également qu'elle est en droit d'opposer la violation du principe travail égal/salaire égal alors que la qualification de technicienne qu'elle revendique n'a pas été rémunérée conformément aux statuts;

Il est rappelé que la qualification professionnelle d'un salarié dépend des fonctions qu'il exerce réellement;

Il résulte de la convention d'entreprise du comité d'établissement Air France cargo que les agents (groupe A) assurent, sous le contrôle de l'encadrement, la mise en 'uvre du programme d'exploitation du comité impliquant notamment la restauration collective. Il est retenu que les opérations concernées vont de l'exécution de tâches simples et normalisées à une maîtrise des outils, procédures et méthodes relevant d'une technicité approfondie ou d'un professionnalisme plus large,

Il est ajouté que selon l'expérience, la qualification et la capacité d'initiative de l'intéressé, son champ d'action se limite aux opérations prescrites ou s'étend à des fonctions plus créatives telles que l'analyse et la résolution de problèmes individuels ou collectifs de travail, la transmission sélective d'informations, la coordination d'activités à l'intérieur d'une ou plusieurs équipes, voir l'animation d'un groupe;

Le technicien (groupe B) exerce une compétence requérant des connaissances ou des qualifications professionnelles, théoriques et pratiques, s'appliquant à un secteur bien défini dans l'une des branches d'activité du comité d'établissement. Il est retenu que son intervention participe d'une ou de plusieurs techniques et, dans certains cas de techniques connexes, que le technicien, seul ou assisté par des collaborateurs, effectue des travaux de production, d'études, de recherches, de contrôle, d'analyse ou de synthèse à partir des directives ou des programmes définissant son objectif et son cadre d'action, qu'il dispose d'une latitude d' initiative pour déterminer les procédures et moyens d'action applicables aux situations, qu'il détermine avec la maîtrise et les cadres responsables des services les mesures d'ajustements et d'innovation propre à optimiser les matériels et les processus employés;

Afin de justifier des fonctions exercées par Madame [M] du 30 septembre 2003 au 1er septembre 2007, il est communiqué aux débats ses fiches annuelles d'appréciation des années 2001, 2002 et 2003, une attestation de stage de trois jours en 2004 à une formation de management d'équipe, les bulletins de salaire de Madame [M] années2004 à 2007, visant son emploi d'agent de service hôtelier 1, service restaurant /responsable salle, un compte rendu d'entretien annuel d' évaluation de l'année 2005,

Sa fiche d'évaluation 2002 permet de retenir des critères personnels et professionnels de travail axés sur son dynamisme, la qualité de son travail et sa faculté d'adaptation,

Sa fiche d'évaluation 2003 vise le sérieux de son travail et la capacité de 'se développer' à son nouveau pose . Elle met l'accent sur des absences trop nombreuses.

Si cette fiche vise que l'intéressée doit 'servir de modèle pour le poste de responsable', il convient d'observer que cette seule mention ne permet pas de retenir le rattachement de l'intéressée au groupe B alors que l'appartenance au groupe A est également caractérisée par la coordination d'activités à l'intérieur d'une ou plusieurs équipes, voir l'animation d'un groupe , qu'ainsi d'autres éléments entrent en ligne de compte pour un rattachement au groupe B dont des marges de manoeuvre laissée à la salariée en termes de propositions et d'initiative, et une détermination avec la maîtrise et les cadres responsables des services de mesures de nature à optimiser les matériels et les processus employés;

L'entretien 2005 mentionne plus précisément que Madame [M] est placée sous l'autorité du chef de cuisine, qu'elle met en zone de distribution les denrées, qu'elle fait l'encaissement des grillades du matin, affiche les plats chauds, contrôle la propreté de la salle de restaurant, des chaînes et des couverts, du frigidaire central, qu'elle contrôle et relance ' les documents HACCP', supervise la mise des verres, couverts, plateaux et serviettes, vérifie le bon fonctionnement des caisses qu'elle utilise pendant le service, l'intéressée pouvant être sollicitée pour remplacer la responsable HO 'et/ou la caisse centrale',

Ces éléments ne permettent pas de retenir que Madame [M] exerçait des fonctions du groupe B telles qu'énoncées par la convention collective étant relevé qu'ils ne justifient notamment pas d'une latitude d' initiative de l'appelante pour déterminer les procédures ou des moyens d'action, ni d'une détermination de sa part, avec la maîtrise, de mesures tenant à l'organisation du service, la cour observant par ailleurs que, dans les termes de la convention d'entreprise susvisée, son appartenance au groupe A n'excluait pas des fonctions d'animation à l'intérieur d'un groupe,

Les demandes financières de Madame [M] seront donc écartées, la violation qu'elle allègue du principe travail /égal salaire/ égal ne pouvant non plus être retenue alors que sa qualification de technicienne a été écartée.

- sur la discrimination au retour de congé maternité

En vertu de l'article L 1225-55 du code du travail, à l'issue du congé parental d'éducation ou de la période de travail à temps partiel ou dans le mois qui suit la demande motivée de reprise de l'activité initiale mentionnée à l'article L. 1225-52, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente.

L'article 3.18 du titre 8 de la convention d'entreprise du comité d'établissement Air Cargo mentionne qu'à l' issue du congé ou dans le mois qui suit la demande motivée de reprise anticipée, l'agent retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire de même classement hiérarchique,

Madame [M] fait ici valoir qu'elle n'a pas récupéré ses fonctions à son retour de congé maternité le 3 septembre 2007, qu'à compter de cette date, ses fiches de salaire mentionnent une qualification de serveur et non plus de responsable de salle, qu'elle n'a donc pas retrouvé son poste ni un emploi équivalent, cette situation ayant perduré les années postérieures;

S'agissant des conditions de son retour de congé matérnité, il est justifié aux débats que Monsieur [Y], secrétaire du comité a répondu favorablement le 11 juillet à la demande de Madame [M] formulée le 29 juin 2007 de reprendre son travail à temps partiel pour éduquer ses deux enfants,

Le bulletin de salaire de septembre 2007, date de sa reprise, vise un traitement de base fixe (844,93 euros) correspondant à la moitié du traitement mensuel antérieurement perçu (1689,86 euros) compte tenu de son travail à temps partiel,

Si l'échelon et le coefficient restent inchangés, la salariée justifie cependant d'un courriel adressé par Monsieur [N] à Monsieur [Y] le 26 octobre 2007aux termes duquel celui ci relaie son souhait de retrouver ses fonctions antérieures au sein du restaurant d'entreprise ce avec l'agrément des autres employés, Madame [M] justifiant d'un courrier de sa part visant la même demande le 5 décembre 2007, l'entretien d'évaluation de 2007 reprenant ce souhait ainsi que celui de récupérer ses fonctions à la caisse centrale;

Madame [M] justifie de même de courriers en date du 27 février 2009 et 6 mars 2009 comprenant la même demande, l'intéressée indiquant n'y pas comprendre l'explication donnée par l'employeur tenant à 'un changement de fonctionnement du restaurant',

Il s'en déduit que la salariée présente ici des éléments de fait laissant présumer qu'à son retour de maternité en septembre 2007, elle ne s'est plus vue confier certaines fonctions, qu'elle accomplissait antérieurement dans les termes énoncés dans le compte rendu d'évaluation de 2005, notamment à la caisse centrale,

Le Comité d'Etablissement AIR FRANCE CARGO fait ici valoir que lors de sa reprise en 2007, Madame [M] effectue un temps partiel et que ses fonctions ont été adaptées à ce dernier. Il retient l'esprit de polyvalence et de coopération avec lequel il souhaitait que les postes soient tenus dans les termes d'un courrier du 27 mai 2009.

Ces moyens ne sont cependant pas pertinents alors que la salariée travaillait également à temps partiel dans les années précédentes, notamment à 50% de juin à octobre 2005 , ce qui n'avait pas écarté sa possibilité de prendre des fonctions notamment en caisse centrale dans les termes de l'entretien de l'année 2005,

De même, l'employeur ne justifie pas en quoi l'esprit de polyvalence et de coopération avec lequel il souhaitait que les postes soient tenus empêchait tout retour de Madame [M] à ses fonctions antérieures ou à des fonctions analogues,

A défaut d'autres éléments justificatifs de la part de l'employeur , le traitement discriminatoire lié à la maternité doit donc être retenu.

Le préjudice subi, d'ordre moral, conduira à condamner Le Comité d'Etablissement AIR FRANCE CARGO à régler à Madame [M] la somme de 15'000 € à titre de dommages-intérêts

- sur la discrimination syndicale

Définie à l'article L.2141-5 du code du travail, la discrimination syndicale est le fait pour l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesure de discipline et de rupture du contrat de travail;

Conformément à l'article L.1134-1 de ce code, il appartient dans un premier temps au salarié syndicaliste qui se prétend victime d'une discrimination de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement puis, dans un second temps, à l'employeur d'établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des critères objectifs, étrangers à toute discrimination fondée sur l'appartenance à un syndicat;

Madame [M] fait ici valoir , qu'à compter de juin 2009, elle a fait en outre l'objet d'une discrimination syndicale et retient que, dans ce contexte, elle a été victime d'une absence d'évolution de carrière sachant que tandis qu'elle aurait du bénéficier depuis le mois de septembre 2003 d'une qualification de technicien B1, elle n'a bénéficié d'aucune promotion, qu'en 2008, période durant laquelle elle subit une discrimination liée à la maternité, elle est moins bien payée que ses collègues plongeurs, que cette situation a perduré en 2010, que si l'on se réfère au tableau d'avancement 2008, elle est la moins payée des salariés de la branche restauration sans même tenir compte de son statut B1 depuis septembre 2003 tous éléments laissant présumer d'une discrimination;

Madame [M] a bénéficié d'un statut de salariée protégée depuis le 25 juin 2009,

Les pièces produites justifient qu'elle a travaillé à temps partiel à 50 % du 1er juin au 31 octobre 2005, à 67,6 % du 1er novembre au 31 décembre 2005, à 80 % du 1er janvier au 30 juin 2006, qu'elle a été en congé maladie maternité et congé parental jusqu'au 3 septembre 2007 date à laquelle elle a repris son activité professionnelle à 50 % jusqu'à la fin du mois de novembre 2008, pour effectuer ensuite un travail à 89,14 % puis un temps plein à compter du 1er juin 2009,

Les bulletins de paie justifient qu'au 1er janvier 2005, Madame [M] bénéficiait d'un échelon A07/03 coefficient 243.3917, que ce coefficient est passé à 249. 4208 en juillet 2005. Son échelon est passé à A07/04 en octobre 2005, le coefficient précédent restant identique. Au 1er mars 2006, le coefficient est passé à 252. 9017.

Son échelon A07/04 et son coefficient (2529017) restent les mêmes en 2007 jusqu'au 31 mars 2008, date à laquelle son coefficient passe à 255.4307, puis 256 7326 au 30 avril 2008,

Son échelon se trouve augmenté au niveau A07/05 au mois de septembre 2008, son coefficient passant à 257. 2355 en octobre 2008, puis à 260.1125 en avril 2009

Les bulletins de salaire produits justifient d'un coefficient 268 9585 en décembre 2011, celui de décembre 2012 visant un échelon A7/06 et un coefficient 268. 9585, demeuré inchangé en décembre 2013 et 2014, les bulletins de salaire produits pour l'année 2017 ( février à août) visant un échelon supérieur A07/07 coefficient 268 9585;

La cour a retenu que les fonctions exercées par Madame [M] telles que ressortant de ses évaluations et entretiens de carrière de 2003 à 2005 ne ressortaient pas de la qualification B,

Il convient d'observer que de 2005 à 2010, Madame [M] a bénéficié de quatre augmentations individuelles de salaire, qu'elle a bénéficié des majorations d'échelons et de coefficients, qu'aucun élément ne vient justifier d'une modification des modes de revalorisation et augmentation salariales à compter de 2009;

Pour justifier d'une discrimination ou d'une inégalité de traitement, l'appelante produit les bulletins de salaire de Messieurs [V] et [I], plongeurs, pour le mois de février 2010;

Cependant ceux ci ne sauraient à eux seuls être significatifs d'une inégalité de traitement sans autres justificatifs portant sur l'ancienneté, parcours et qualification de ces deux salariés,

De même, la seule production d'un tableau portant sur les coefficients de salariés de 2003 à 2016 ne saurait justifier d'une telle inégalité sans autres éléments sur l'ancienneté, les qualifications, les fonctions exercées par chacun,

La discrimination syndicale sera donc écartée.

- sur les harcèlements invoqués

Madame [M] fait ici état de ce qu'elle a déposé plainte à l'encontre de Monsieur [P], chef du restaurant, le 25 juin 2009, qu'elle a en effet fait l'objet d'un harcèlement sexuel de la part du chef de restaurant. Elle sollicite l'allocation d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef.

Elle fait également valoir que son refus de céder aux avances de son supérieur a conduit à la dégradation de ses conditions de travail, de fausses rumeurs étant propagées à son encontre conduisant la médecine du travail à préconiser un aménagement de ses horaires le 7 décembre 2009, une reprise d'activité sur un autre secteur le 1er juillet 2014 puis à retenir son inaptitude au poste de restauration sans qu'elle n'ait fait à ce jour l'objet d'un reclassement ;

Elle sollicite l'allocation d'une somme de 30'000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

Il ressort de témoignages circonstanciés produits par Madame [M] qu'outre des rumeurs divulguées à son encontre au sein de la collectivité de travail, elle a fait l'objet d'avances de la part de Monsieur [P], Monsieur [V], agent d'atelier, rapportant que celui ci lui avait indiqué '[K], elle m'excite, je l'aurai', Madame [H] relatant que ce supérieur, dont le regard était très appuyé sur les femmes, avait clairement dit qu'il se laissait jusqu'à la fin de l'année pour 'se faire [K]' , Monsieur [P] s'arrangeant pour la convoquer seule et pour n'importe quelles raisons, Monsieur [B] rapportant que le directeur se renseignait sur la vie sentimentale de l'appelante et savoir si malgré son mariage, elle avait des aventures avec d'autres hommes, mentionnant qu'il 'aurait [K] dans son lit'.

Il est par ailleurs justifié par la salariée de ce que par lettre du 4 février 2010, elle s'est plainte du comportement de Monsieur [P] auprès de Monsieur [Y], secrétaire de Le Comité d'Etablissement AIR FRANCE CARGO, qu'elle a informé celui ci du dépôt d'une plainte pour harcèlement moral sexuel envers Monsieur [P],

Il est justifié de cette plainte aux débats selon procès-verbal en date du 25 juin 2009 aux termes duquel Madame [M] décrit en termes circonstanciés l'attitude progressivement harcelante de Monsieur [P] à son égard jusqu'à l'énoncé explicite d'avances;

Face à ces éléments qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement sexuel , la cour relève qu'aucune pièce n'est produite par l'employeur venant justifier d'une enquête interne ni d'une convocation de Monsieur [P] début 2010;

Le préjudice subi du fait du harcèlement sexuel ici établi conduira à condamner Le Comité d'Etablissement AIR FRANCE CARGO à régler à Madame [M] la somme de 10'000 € à titre de dommages-intérêts

S'agissant du harcèlement moral invoqué, Madame [M] fait valoir qu'elle travaillait dans des conditions dégradées, que sa direction a créé de manière artificielle des incidents pour la pousser à la faute, que ce comportement de la direction a eu des conséquences graves sur sa santé conduisant à son inaptitude au poste de restauration;

L'appelante verse aux débats divers courriers adressés à sa hiérarchie dont une lettre du 17 mars 2009 aux termes de laquelle elle fait état du parti pris par Monsieur [P] en faveur d'un petit groupe de collègues qui ne l'apprécient pas, de la défaveur dont elle fait l'objet compte tenu de son temps partiel, du travestissement de ses dires par son supérieur notamment au sujet d'une altercation entre collègues le 5 février 2009, du défaut de réponse à ses candidatures pour changer de poste;

Dans des lettres des 3 et 4 février 2010, elle se plaint d'être notée de manière injuste et médiocre par Monsieur [P] et du refus qui lui est opposé d'être évaluée par une autre personne ,

Madame [M] produit également aux débats une lettre du délégué du personnel FO visant l'intervention qu'il avait dû faire au motif que Monsieur [P] souhaitait faire travailler Madame [M] à la plonge, ce délégué rapportant que le responsable lui avait fait en outre état de l'implication de Madame [M] dans une affaire de vol trois ans auparavant, sans autres éléments,

Dans une lettre du 2 avril 2010, Madame [M] dénonce à sa hiérarchie le harcèlement moral dont elle fait l'objet,

Elle communique en outre de nombreuses pièces médicales dont des certificats de médecins rattachés à la consultation de pathologie professionnelles de l'hopital [Établissement 1] de [Localité 2] visant un syndrome anxio dépressif et une souffrance au travail nécessitant une prise en charge à partir, pour le moins, de 2009.

Ces pièces justifient de la persistance de ce suivi en 2013 et 2014 et de ce qu'aux termes d'une fiche d'aptitude du 23 septembre 2014, la médecine du travail a retenu que Madame [M] était apte à un poste administratif dans l'attente d'un reclassement dans une autre entité mais conclu à son inaptitude temporaire pour raisons médicales au poste d'agent de restauration,

Il ressort à cet égard des termes d'une lettre du 4 décembre 2014, que Madame [M] proteste alors contre la mise en disponibilité d'office avec traitement dont elle fait l'objet malgré l'obligation de reclassement de l'employeur,

Il convient ici d'observer qu'à la suite d'un avis émis par le médecin inspecteur régional du travail le 27 janvier 2015,, l'inspection du travail a retenu, par décision du 16 février 2015 que Madame [M] était inapte à un poste d'agent hôtelier au sein du comité d'établissement d'Air France cargo, qu'elle était apte à un poste d'agent hôtelier dans un environnement différent au sein d'un autre comité d'établissement du groupe Air France et à un poste administratif au sein du comité Air France cargo ou dans une autre entité du groupe Air France; qu'aux termes d'une décision rendue le 20 mai 2016, l'inspection du travail, après voir relevé que du 15 août 2015 au 12 février 2016, Madame [M] a été en congé maternité et a bénéficié d'une visite de reprise en date du 15 février 2016 reprenant les conclusions susvisées, a rejeté la demande d'autorisation de licenciement de la salariée pour inaptitude; que dans son dernier état, l'avis du médecin inspecteur du travail en date du 3 janvier 2017 retient que l'état de santé de Madame [M] est incompatible avec la poursuite de son activité d'agent hôtelier au sein du comité d'établissement Air France cargo, qu'elle est donc inapte à son poste d'agent hôtelier au sein de ce comité mais le reste à un poste d'agent hôtelier au sein d'un autre comité d'établissement du groupe Air France outre à une activité administrative de bureau ;

Or, il n'est pas justifié de diligences concrètement opérées par l'employeur pour son reclassement depuis mars 2016 et le rejet par l'inspection du travail le 20 mai 2016 de l'autorisation de procéder à son licenciement ;

Face à ces éléments laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral caractérisé par une mise à l'écart de la salariée, une partialité de la hiérarchie à son égard, le défaut de toutes diligences pour un éventuel changement de poste en interne puis en vue de son reclassement depuis mars 2016, l'employeur se limite à remettre en cause l'appréciation que la salariée fait des éléments par elle produits sans communiquer d'éléments de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que les décision ont été justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Dès lors, le harcèlement moral étant retenu, Le Comité d'Etablissement AIR FRANCE CARGO sera condamnée à régler à Madame [M] la somme de 10 000 euros de ce chef.

Les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la présente décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

La capitalisation des intérêts, sollicitée , sera ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement entrepris excepté en ce qu'il a rejeté les demandes du chef de la discrimination syndicale et de la rétrogradation,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne Le Comité d'Etablissement AIR FRANCE CARGO à payer à Madame [M] les sommes suivantes:

15 000 euros à tire de dommages et intérêts pour discrimination liée à la maternité,

10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel,

10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

avec intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2018,

Autorise la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile

Condamne Le Comité d'Etablissement AIR FRANCE CARGO à payer à Madame [M] en cause d'appel la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Le Comité d'Etablissement AIR FRANCE CARGO aux dépens

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 13/08961
Date de la décision : 11/12/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°13/08961 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-11;13.08961 ?
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