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06/12/2018 | FRANCE | N°16/04369

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 06 décembre 2018, 16/04369


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 06 Décembre 2018

(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/04369 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BYN26



Décision déférée à la Cour : sur renvoi après cassation, par arrêt rendu le 21 Janvier 2016 par la Cour de Cassation (RG n° 14-22283), d'un arrêt du pôle 6 chambre 9 de la cour d'appel de Paris en date du 11 juin 2014, sur appel d'un jugement du Conseil de prud'homm

es de PARIS en date du 21 décembre 2011





APPELANT



Monsieur Christophe X...

[...]

né le [...] à Antananarivo (Madagascar)

comparant e...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 06 Décembre 2018

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/04369 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BYN26

Décision déférée à la Cour : sur renvoi après cassation, par arrêt rendu le 21 Janvier 2016 par la Cour de Cassation (RG n° 14-22283), d'un arrêt du pôle 6 chambre 9 de la cour d'appel de Paris en date du 11 juin 2014, sur appel d'un jugement du Conseil de prud'hommes de PARIS en date du 21 décembre 2011

APPELANT

Monsieur Christophe X...

[...]

né le [...] à Antananarivo (Madagascar)

comparant en personne, assisté de Me Lauriane Y..., avocate au barreau de PARIS, toque : R009

INTIMÉE

EPIC AGENCE FRANCAISE DE DEVELOPPEMENT (AFD)

[...]

représentée par Me Anne-Laurence Z..., avocate au barreau de PARIS, toque : J022 substitué par Me Charlotte C..., avocate au barreau de PARIS, toque : U003

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Novembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Stéphane MEYER, conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Bernard BRETON, présidente

M. Stéphane MEYER, conseiller

Mme Isabelle MONTAGNE, conseillère

qui en ont délibéré

Greffière : Mme Clémentine VANHEE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,

- signé par M. Stéphane MEYER, conseiller pour la présidente empêchée, et par Mme Clémentine VANHEE, greffière présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Monsieur Christophe X... a été engagé par l'établissement public industriel et commercial AFD (AGENCE FRANCAISE DE DEVELOPPEMENT), pour une durée indéterminée à compter du 1er juillet 1989, en qualité de chargé de mission, avec le statut de cadre. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur de l'agence de Johannesburg en Afrique du Sud.

Par courriel du 21 mai 2010, Monsieur X... a fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire et par lettre du 11 juin 2010, était convoqué pour le 25 juin à un entretien préalable à son licenciement. Le conseil de discipline de l'entreprise s'est réuni le 13 juillet et son licenciement lui a été notifié le 28 juillet pour faute grave, caractérisée par la prise en charge par l'agence des factures de vidéo-surveillance de sa résidence, par la transmission au comptable de factures relatives au magasin de son épouse, par la violation des règles relatives aux tarifs d'avions ainsi que par d'autres manquements.

Le 3 septembre 2010, Monsieur X... a saisi le conseil de prud'hommes de Paris et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 21 décembre 2011, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Monsieur X... de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Monsieur X... a interjeté appel de ce jugement et par arrêt du 11 juin 2014, la 9ème chambre - pôle 6 de la présente cour, après avoir estimé que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave mais seulement sur une cause réelle et sérieuse, a confirmé partiellement le jugement et statuant à nouveau, a débouté Monsieur X... de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour préjudice distinct mais a condamné l'AFD à payer à Monsieur X...:

- à titre d'indemnité compensatrice de préavis : 29435,58 €

- au titre des congés payés afférents : 2943,56 €

- à titre d'indemnité statutaire de licenciement : 175080,37 €

- la cour a également ordonné la remise d'un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle-emploi, conformes.

Par arrêt du 21 janvier 2016, la Cour de Cassation a cassé et annulé l'arrêt du 11 juin 2014, mais seulement en ce qu'il avait écarté la qualification de faute grave et en ce qu'il avait condamné l'AFD à payer à Monsieur X... les sommes de 29435,28€ à titre d'indemnité compensatrice statutaire de préavis et de 175080,37 € d'indemnité statutaire de licenciement, renvoyant sur ce point devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Lors de l'audience du 2 novembre 2018, Monsieur X... demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner l'AFD à lui payer les sommes suivantes:

- indemnité statutaire de préavis : 29435,58 €

- congés payés afférents : 2943,56 €

- indemnité statutaire de licenciement : 175080,37 €

- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 381412, €

- dommages et intérêts pour préjudice distinct : 100000 €

- les intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2010 avec capitalisation

- au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 8000 €

- Monsieur X... demande également que soit ordonnée la remise d'un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle- emploi, conformes, sous astreinte de 50 € par jour et par document de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, la cour disant l'astreinte définitive et se réservant le droit de la liquider.

Au soutien de ses demandes, Monsieur X... expose:

- que l'arrêt de la Cour de Cassation a pour effet de soumettre l'intégralité du litige à la présente juridiction

- que la mise à pied du 21 mai a perdu son caractère conservatoire et présente un caractère disciplinaire, épuisant ainsi le pouvoir disciplinaire de l'employeur, ce dont il résulte que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse

- que la procédure de licenciement a été mise en oeuvre tardivement

- que les griefs de l'employeur reposent sur un procédé de contrôle illicite

- que ces griefs ne sont pas sérieux

- qu'il justifie de son préjudice.

En défense, l'AFD demande la confirmation du jugement et la condamnation de Monsieur X... à lui rembourser les sommes perçues en exécution de l'arrêt de la Cour d'appel et à lui payer une indemnité de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle fait valoir :

- que la cassation n'étant que partielle, la discussion soumise à la présente juridiction est circonscrite à la qualification de faute grave

- que la mise à pied a conservé son caractère conservatoire

- que la procédure de licenciement a été mise en oeuvre dans des délais normaux

- que les faits commis par Monsieur X... sont constitutifs d'une faute grave

- à titre subsidiaire, que le montant de l'indemnité de licenciement réclamée est erroné.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

***

MOTIFS DE LA DECISION :

Aux termes de l'article 623 du code de procédure civile, la cassation peut être totale ou partielle. Elle est partielle lorsqu'elle n'atteint que certains chefs dissociables des autres et aux termes de l'article 624 du même code, la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

En l'espèce, par arrêt du 11 juin 2014, la 9ème chambre - pôle 6 de la présente cour, après avoir estimé que le licenciement de Monsieur X... ne reposait pas sur une faute grave mais seulement sur une cause réelle et sérieuse, a confirmé partiellement le jugement déféré et a condamné l'AFD à payer à Monsieur X...une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et une indemnité statutaire de licenciement.

Par arrêt du 21 janvier 2016, la Cour de Cassation, accueillant le pourvoi principal de l'AFD, a cassé et annulé l'arrêt du 11 juin 2014, mais seulement en ce qu'il avait écarté la qualification de faute grave et en ce qu'il avait condamné l'AFD à payer à Monsieur X... les sommes de 29435,28 € à titre d'indemnité compensatrice statutaire de préavis et de 175080,37 € d'indemnité statutaire de licenciement, renvoyant sur ce point devant la cour d'appel de Paris autrement composée. Par le même arrêt, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi incident de Monsieur X..., lequel faisait grief à l'arrêt attaqué en ce qu'il avait confirmé le jugement le déboutant de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudice distinct et de publication de l'arrêt.

La Cour de Cassation a donc rendu un arrêt de cassation partielle.

Par ailleurs, il est possible de se prononcer sur la qualification de faute grave, sans

remettre en cause la réalité des faits reprochés au salarié ou leur caractère sérieux, aucun lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire n'existant entre ces questions.

Par conséquent, hormis en ce qui concerne la qualification de faute grave et ses conséquences, la cour d'appel a précédemment statué de façon définitive sur les demandes de Monsieur X... de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour préjudice distinct , lesquelles sont donc irrecevables en ce qu'elles se heurtent à l'autorité de la chose jugée.

Il résulte des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle justifie la rupture immédiate du contrat de travail.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 28 juillet 2010, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, reproche en substance à Monsieur X... d'avoir commis les 'indélicatesses' suivantes:

- avoir tenté d'imputer à l'AFD des factures relatives à l'installation d'un système de vidéo-surveillance dans sa villa de direction, alors que la réalité des prestations correspondante n'est pas établie et que les procédures applicables n'ont pas été respectées.

- avoir imputé à l'AFD des factures relatives à de petits travaux d'électricité, dont une partie concernait le magasin géré par son épouse

- avoir mis à la charge de l'AFD le prix de billets d'avion en classe 'business' non négociable pour acquérir des billets à prix inférieurs et imputer la différence de prix à son compte personnel de l'agence de voyage pour un montant total de 12000 euros.

- faits aggravés par le fait d'avoir tenté d'user de son influence auprès des fournisseurs locaux (agence de voyage, agent immobilier) pour masquer ses indélicatesses, par le fait qu'il ne s'agissait pas de négligences mais d'un comportement délibéré, et qu'il avait précédemment été alerté verbalement au mois d'avril 2010 sur le caractère excessif de ses comportements et dépenses professionnels

- avoir violé de façon répétée les procédures internes de l'entreprise relatives à l'acquisition de sa villa de direction

- le caractère 'troublant' de plusieurs opérations (notes de frais, gestion d'un sinistre lié à l'incendie de la villa de direction, coût des volets roulants dans cette villa).

Monsieur X... fait valoir que l'AFD a mis en oeuvre tardivement la procédure de licenciement, puisque le premier audit sur lequel se fonde la lettre de licenciement a débuté le 18 mai 2010, que sa mise à pied à titre conservatoire n'a débuté le 11 juin 2010 et que son licenciement ne lui a été notifié que le 28 juillet.

Cependant, il résulte des pièces produites par les parties qu'un audit inopiné de l'agence de Johannesburg a été réalisé entre le 18 et le 20 mai 2010, que Monsieur X... a été reçu en entretien informel le 25 mai, qu'une instruction complémentaire a ensuite été réalisée entre le 2 et le 8 juin, que le compte-rendu en a été communiqué le 10 juin, que dès le 11 juin Monsieur X..., était convoqué pour le 25 juin à un entretien préalable à son licenciement, en respectant le délai de 10 jours imposé par l'article 44 des statuts de l'AFD, que par lettre du 30 juin l'AFD a informé Monsieur X... qu'il disposait d'un délai de dix jours francs pour demander que son cas soit déféré au Conseil de discipline, ce qu'il a fait par lettre du 6 juillet, que le conseil de discipline s'est réuni le 13 juillet et a rendu son avis le 21 juillet et que le licenciement a été notifié le 28 juillet 2010.

Il résulte de ces circonstances qu'aucun retard n'a été pris par l'employeur pour mettre en oeuvre la procédure de licenciement et le lui notifier.

Monsieur X... fait également valoir qu'il a en réalité été victime, à compter du 25 avril 2010, des manoeuvres de Monsieur A..., lequel, utilisant son réseau d'influence, s'est débarrassé de lui pour prendre sa place, alors qu'il n'avait précédemment fait l'objet d'aucun reproche et qu'il fonctionnait en parfaite transparente avec les services de gestion parisiens du siège et sous leur contrôle étroit.

Cependant, l'AFD produit l'attestation de Monsieur B..., à l'époque responsable hiérarchique de Monsieur X..., qui déclare qu'il lui avait, dès le 29 octobre 2009, adressé par téléphone des remontrances quant à l'imputation de ses dépenses personnelles, faits que l'audit a ensuite permis de mettre en évidence.

Monsieur X... fait également valoir que, le 23 avril 2010, il avait été promu au niveau F avec la qualification de fondé de pouvoir.

Cependant, l'AFD expose que cette promotion correspond à son ancienneté et à son évolution de carrière précédente. Elle n'est pas de nature à atténuer la gravité de fautes dont l'étendue n'a été découverte que postérieurement.

Concernant le grief relatif aux billets d'avion, Monsieur X... fait valoir qu'il existait une pratique de déclassement y compris au plus haut niveau de la hiérarchie et produit des attestations en ce sens.

Cependant, si certains des faits commis par Monsieur X... ont également pu l'être par certains de ses homologues ou supérieurs hiérarchiques et, pendant un certain temps, n'ont pas donné lieu à critiques de la part de la direction, il n'en reste pas moins, ainsi que l'a estimé à juste titre le conseil de prud'hommes, que Monsieur X... a manifestement usé de sa position de directeur pour des besoins personnels, que son comportement est constitutif d'un manquement à son devoir d'exemplarité à l'égard de ses collaborateurs, en particulier des personnes placées localement sous sa responsabilité et a mis en péril l'image de l'AFD, notamment auprès des autorités locales, ce dont il résulte que l'employeur était fondé à rompre immédiatement son contrat de travail.

C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes, estimant que la faute grave était établie, a débouté Monsieur X... de ses demandes.

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'y a pas lieu à ordonner le remboursement des sommes qui ont pu être perçues par Monsieur X... en exécution de l'arrêt cassé, l'arrêt de la Cour de Cassation constituant un titre exécutoire permettant de plein droit une telle restitution.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Déclare irrecevables les demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour préjudice distinct, formées par Monsieur Christophe X....

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur Christophe X... de ses autres demandes.

Déboute l'AFD de sa demande d'indemnité.

Condamne Monsieur Christophe X... aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE,LE CONSEILLER POUR LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 16/04369
Date de la décision : 06/12/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°16/04369 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-06;16.04369 ?
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