La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/12/2018 | FRANCE | N°15/17189

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 2, 05 décembre 2018, 15/17189


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 2



ARRÊT DU 05 DÉCEMBRE 2018



(n° , 11 pages)



Sur renvoi après cassation, selon l'arrêt rendu le 12 mai 2015 par la 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation (pourvoi n°13-21-958), de l'arrêt rendu le 24 avril 2013 par le Pôle 4 - Chambre 2 de la cour d'appel de PARIS ( RG: 12/09143 ), sur appel d'un jugement rendu 11 octobre 2011 par le Tribunal de Gra

nde Instance de BOBIGNY - ( RG n° 09/17009 ).





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/17189 - N° Portalis 35L7-V-B67-BW7A...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2

ARRÊT DU 05 DÉCEMBRE 2018

(n° , 11 pages)

Sur renvoi après cassation, selon l'arrêt rendu le 12 mai 2015 par la 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation (pourvoi n°13-21-958), de l'arrêt rendu le 24 avril 2013 par le Pôle 4 - Chambre 2 de la cour d'appel de PARIS ( RG: 12/09143 ), sur appel d'un jugement rendu 11 octobre 2011 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - ( RG n° 09/17009 ).

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/17189 - N° Portalis 35L7-V-B67-BW7AE

APPELANTE

Madame Christine E... C...

née le [...] à [...]

Rietstrasse 5

8703 ERLENBACH - SUISSE

Représentée par Me Matthieu F... de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Patrick X... de la SCP BOUYEURE X... G... D..., avocat au barreau de PARIS, toque P 56

INTIME

Syndicat des copropriétaires [...]

[...]

Représenté par Me Jean-marie Y... de la SCP Y... & ASSOCIES, avocat postulant et plaidant , avocat au barreau de PARIS, toque : P0274

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Septembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre

M. Frédéric ARBELLOT, Conseiller

Madame Muriel PAGE, Conseiller

qui en ont délibéré, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Amédée TOUKO-TOMTA

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre et par Amédée TOUKO-TOMTA, Greffier présent lors de la mise à disposition .

***

FAITS ET PROCÉDURE

Mme Christine C..., ayant cause de Mme Suzanne C... décédée le [...] et de MM. Gérard et Jean-Marc C..., est, en vertu d'un acte de partage du 22 décembre 2009, propriétaire de divers lots dépendant d'un ensemble immobilier en copropriété situé au [...] (93160) et possède ainsi en pleine propriété de la totalité des lots du bâtiment C (lots n° 79 à 94) de cet ensemble.

La copropriété comprend, outre le bâtiment C (R+3) seul existant à l'origine, édifié dans la première moitié du XIXème siècle, le bâtiment A sur rue (R+6) édifié en 1962 et le bâtiment B (ensemble de box en sous-sol) également édifié en 1962 entre les bâtiments A et C.

En 1932, la commune des Lilas a fait édifier sur la parcelle voisine une école, dont le mur de clôture rectiligne et d'un seul tenant, a été construit après démolition du mur pignon du bâtiment C, sur toute sa hauteur depuis le niveau du sol : le nouveau mur constitue ainsi à la fois le mur séparatif entre l'école et la copropriété du [...] sur toute la longueur, le mur d'héberge de toutes les constructions de l'école et le mur pignon du bâtiment C.

Alertée courant mars 1996 par ses locataires de l'existence de désordres de fissuration, Mme Suzanne C..., unique propriétaire depuis 1972 de tous les lots composant le bâtiment C, a obtenu par une ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Bobigny du 17 décembre 1996, au contradictoire du syndicat des copropriétaires et de la commune des Lilas et sur la base de l'avis et du conseil d'un architecte ayant procédé à la visite des lieux, la désignation d'un expert judiciaire chargé d'examiner les désordres constatés, d'en déterminer les causes, le ou les auteurs, de préconiser les remèdes et d'évaluer le coût des travaux de reprise éventuellement nécessaires, ainsi que de manière générale de fournir tous les renseignements techniques ou de fait permettant au tribunal de se prononcer sur les responsabilités encourues et les préjudices éventuellement subis.

Le technicien désigné, M. François Z..., investi de sa mission par le juge, a procédé à l'exécution de celle-ci et a déposé un pré-rapport le 23 mars 1998 avant de décéder [...].

Par une ordonnance de référé du 20 février 2000, M. Gilbert A... a été désigné en remplacement de ce technicien afin de terminer les opérations d'expertise et par suite, l'origine des désordres étant établie, d'évaluer le montant des travaux de réparations nécessaires et de chiffrer les préjudices subis.

Par une ordonnance de référé du 16 juin 2004, ces opérations ont été rendues communes à la société Freyssinet et à la société Bureau Sol Consultant auxquelles la commune des Lilas avait fait appel au cours de l'été 1999 pour la réalisation de travaux confortatifs en sous-sol avec notamment, l'installation de micro-pieux.

Le technicien désigné a exécuté la mission confiée par le juge et déposé son rapport complémentaire et définitif le 12 janvier 2009 consacrant la responsabilité de la commune des Lilas.

Par une ordonnance de référé du 29 octobre 2004, la cour administrative de Versailles a alloué à Mme Suzanne C... une provision de 70 000 euros (au lieu des 110 000 euros) alloués par le tribunal administratif sur le montant de la réparation des désordres affectant le mur mitoyen séparant sa propriété de l'école publique communale en retenant, qu'il n'était pas établi que « le mur litigieux, eu égard à son inclusion dans le gros oeuvre et à sa mitoyenneté, ne devait pas, au moins en partie, être regardé comme une partie commune dont il appartenait au seul syndicat des copropriétaires de procéder à l'entretien et à la remise en état » et donc que la créance dont se prévalait Mme Suzanne C... était « dépourvue de caractère sérieusement contestable à hauteur de l'intégralité des travaux de remise en état des désordres ».

Sur procédure au fond engagée par Mme Christine C..., venant aux droits de Mme Suzanne C..., par requête enregistrée le 23 octobre 2008 et après mise en cause par la commune des Lilas, des sociétés Freyssinet et Bureau Sol Consultant, le tribunal administratif de Montreuil a, par jugement devenu définitif du 3 décembre 2010, dit pour droit que « les désordres affectant le bien immobilier de Mme Christine C... résultent directement de ceux inhérents à l'ouvrage public appartenant à la commune des Lilas [et] que par suite, la responsabilité de cette dernière est engagée au titre de ces désordres » puis a condamné la commune des Lilas à supporter, avec garantie partielle de la société Freyssinet, l'intégralité du coût des travaux réparatoires du bâtiment sinistré préconisés par l'expert pour un total de 126 062,78 euros, dont 84 041, 85 euros au bénéfice de Mme C... et 46 223 euros au bénéfice du syndicat des copropriétaires outre les frais annexés à ces travaux, soit 8 404, 18 euros en faveur de Mme Christine C... et 4 202, 09 euros en faveur du syndicat des copropriétaires.

Sur convocation adressée aux copropriétaires de l'immeuble du [...] (93160), le 14 août 2009, une assemblée générale de copropriétaires du 19 septembre 2009, dont le procès-verbal a été notifié aux copropriétaires par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 2 octobre 2009, a notamment adopté une résolution n° 2 autorisant le syndicat des copropriétaires à agir en justice conjointement avec Mme Christine C... contre la commune des Lilas et la société Freyssinet afin d'obtenir réparation des désordres subis par la copropriété outre une résolution n° 3 autorisant « Mme Christine C... à entreprendre à ses frais toute mesure réparatoire sur le mur mitoyen».

Le 1er décembre 2009, Mme Christine C... a fait assigner le syndicat des copropriétaires devant le tribunal de grande instance de Bobigny en nullité de la résolution n° 3 de l'assemblée générale du 19 septembre 2009, ainsi qu'en condamnation de celui-ci, sous astreinte, à réaliser les travaux réparatoires.

Le 24 février 2010, Mme Christine C... a fait assigner le syndicat devant le même tribunal en indemnisation du solde de ses préjudices immatériels (non indemnisés dans le cadre du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 3 décembre 2010) découlant de l'inertie et de la carence du syndicat des copropriétaires.

Par une ordonnance du 1er juin 2010, les deux procédures ont fait l'objet d'une décision de jonction.

Par jugement du 11 octobre 2011, le tribunal de grande instance de Bobigny a :

- déclaré recevable l'action en contestation de l'assemblée générale du 19 septembre 2009 du syndicat des copropriétaires de l'immeuble ;

- déclaré nulle la résolution n° 3 de l'assemblée générale du 19 septembre 2009 ;

- débouté Mme Christine C... de sa demande de condamnation du syndicat des copropriétaires à faire exécuter aux frais de l'ensemble des copropriétaires les travaux litigieux ;

- dit que le mur séparatif entre la copropriété du [...] et la parcelle voisine où se situe l'école appartenant à la commune des Lilas appartient aux parties communes générales en application du règlement de copropriété ;

- dit que les travaux préconisés par l'expert judiciaire, M. A..., portent sur des parties communes spéciales telles que définies par le règlement de copropriété, et doivent être réalisés et leur coût réparti selon les dispositions du règlement de copropriété applicables à cette catégorie ;

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de Mme Christine C... ;

- débouté Mme Christine C... de toutes autres demandes, plus amples ou contraires, jugées non fondées ;

- débouté le syndicat des copropriétaires de toutes autres demandes, plus amples ou contraires jugées non fondées ;

- ordonné l'exécution provisoire de ce jugement ;

- condamné le syndicat des copropriétaires aux dépens, qui incluront le coût des assignations, le coût de la signification et de la mise à exécution de cette décision, et qui pourront être recouvrés directement par Maître B..., avocat, pour ceux dont il aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamné le syndicat des copropriétaires à payer à Mme Christine C... la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles ;

- dispensé Mme Christine C... de participer aux frais du syndicat des copropriétaires générés par la présente instance et par l'exécution du jugement.

Le 18 mai 2012, Mme Christine C... a relevé appel à l'encontre de ce jugement (RG n° 12 /9143).

Par arrêt du 24 avril 2013 (RG n° 12 /9143), la cour d'appel de Paris a :

- infirmé le jugement déféré sauf en ce qu'il a :

+ annulé la résolution n° 3 de l'assemblée générale des copropriétaires du 19 septembre 2009,

+ dit que le mur séparatif entre la copropriété du [...] (93260) et la parcelle voisine où se situe l'école appartenant à la commune des Lilas, appartient aux parties communes générales en application du règlement de copropriété applicable,

+ rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de Mme Christine C... ;

+ condamné le syndicat des copropriétaires à payer les dépens comprenant notamment le coût des assignations au fond et en référé ;

Statuant à nouveau du seul chef des dispositions infirmées et y ajoutant,

- condamné le syndicat des copropriétaires à entreprendre selon la clé de répartition "charges communes générales" les travaux de réparation, tels que décrits aux termes du rapport d'expertise de M. A... du 19 janvier 2009 dans les 6 mois de cette décision et sur la base des devis retenus par ce technicien actualisés sur l'indice BT 01 entre la date d'établissement de ce devis et le présent arrêt et à souscrire une assurance dommages-ouvrage ;

- dit que le syndicat des copropriétaires entreprendra les travaux seulement après avoir reçu de Mme Christine C... le montant des sommes obtenues par elle de la commune des lilas en exécution du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 3 décembre 2010 soit la somme de 92 446, 03 euros ;

- condamné le syndicat des copropriétaires à payer à Mme Christine C... la somme de 230 480 euros au titre de la perte de ses revenus locatifs pour la période d'avril 2007 à novembre 2012 inclus, à parfaire jusqu'à la réception des travaux outre celle de 25 352, 12 euros au titre des travaux d'investigations et frais de conseils techniques engagés ;

- condamné le syndicat des copropriétaires à payer les dépens de première instance et d'appel en ce compris le coût des rapports d'expertise Z... et A..., ainsi que le coût des diverses instances en référé ayant conduit à la désignation de ces techniciens, avec pour faculté de recouvrement direct en faveur des avocats qui en font la demande ;

- condamné le syndicat des copropriétaires à payer à Mme Christine C... la somme de 15 000 euros à titre de frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

- dispensé Mme Christine C... de toute participation à la dépense commune des frais de procédure par application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par un arrêt rectificatif du 12 février 2014, la cour d'appel de Paris a disposé que la condamnation du syndicat des copropriétaires à payer à Mme C... au titre de la perte de ses revenus locatifs d'un montant de 230 480 euros arrêté à novembre 2012 serait indexée sur la base de l'indice BT01 entre la date des devis retenus par l'expert et le présent arrêt.

Le 26 juillet 2013, le syndicat des copropriétaires a formé un pourvoi (n° M 13-21.958) à l'encontre de l'arrêt du 24 avril 2013.

Par un arrêt du 12 mai 2015, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé l'arrêt du 24 avril 2013, "mais seulement en ce qu'il condamne le syndicat à payer à Mme C... une certaine somme au titre de la perte de ses revenus locatifs pour la période d'avril 2007 à novembre 2012 inclus, à parfaire jusqu'à réception des travaux et en ce qu'il condamne le syndicat des copropriétaires aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût des rapports d'expertise Z... et A..." aux motifs que "Vu l'article 1147 du code civil ; Attendu que l'arrêt dit que le syndicat entreprendra les travaux seulement après avoir reçu de Mme C... les sommes obtenues par elle de la commune des Lilas en exécution du jugement du tribunal administratif du 3 décembre 2010 et condamne le syndicat à payer à Mme C... une certaine somme au titre de la perte de ses revenus locatifs pour la période d'avril 2007 à novembre 2012 inclus, à parfaire jusqu'à réception des travaux ; Qu'en statuant ainsi, sans exclure du calcul de la perte de loyers la période séparant la signification de l'arrêt et le versement effectif par Mme C... des sommes reçues par elle de la commune des Lilas, la cour d'appel, qui a fait peser sur le syndicat les conséquences d'un retard dans l'exécution des travaux qui ne pouvait lui être imputable durant cette période, a violé le texte susvisé ;".

A la suite de cette cassation partielle avec renvoi devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, Mme Christine C... a saisi la cour de renvoi par requête du 5 août 2015.

La procédure devant la cour de renvoi a été clôturée le 5 septembre 2018.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions signifiées le 24 juillet 2018, Mme Christine C..., demanderesse au renvoi, invite la cour à :

Sur le préjudice locatif,

- infirmer le jugement rendu le 11 octobre 2011 par le tribunal de grande instance de Bobigny en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation du syndicat des copropriétaires à indemniser son préjudice locatif ;

- condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer, au titre de son préjudice locatif, la somme de 489 541 euros suivant décompte pour la période d'avril 2007 à septembre 2017, à parfaire jusqu'à la date de la réception des travaux sans réserves, avec actualisation de cette somme sur la base de l'indice de révision des loyers (IRL) entre septembre 2007 et la date de réception des travaux sans réserves ;

- débouter le syndicat des copropriétaires de toutes ses prétentions et demandes ;

- condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 10 000 euros à titre d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande d'indemnité de procédure ;

- la dispenser de toute participation à la dépense commune des frais de procédure par application des dispositions de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;

- condamner le syndicat des copropriétaires à payer les dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût du rapport d'expertise de M. Z... ;

Par conclusions signifiées le 26 juin 2018, le syndicat des copropriétaires, défendeur au renvoi, demande à la cour de :

A titre principal

- dire que Mme Christine C... a été entièrement indemnisée de son préjudice locatif par le jugement rendu par le tribunal administratif de Montreuil du 3 décembre 2010 ;

- dire que depuis le mois d'avril 2007, Mme Christine C... par ses manoeuvres l'empêche de réaliser les travaux nécessaires à la rénovation des lots de copropriété qu'elle possède dans l'immeuble sis [...] ;

- dire que Mme Christine C... est seule responsable de la perte de ses loyers et ne peut réclamer à ce titre des dommages et intérêts au syndicat des copropriétaires ;

- la débouter de l'intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire et pour le cas ou par impossible la cour rentrerait en voie de condamnation pour tout ou partie des demandes de Mme Christine C... et en ce qui concerne l'appréciation de son préjudice, appliquer un abattement de 30% sur les dommages et intérêts qui pourraient être alloués à elle pour ses pertes de loyers en raison du fait que si elle avait touché des loyers elle aurait payé l'impôt sur les revenus (IRPP) alors que touchant des dommages et intérêts, elle ne sera pas imposable ;

En tous les cas,

- condamner Mme Christine C... à lui payer la somme de 100 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer tous les dépens de l'instance ;

SUR CE,

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;

Sur l'étendue de la cassation de l'arrêt du 24 avril 2013

Aux termes de l'article 624 du code de procédure civile, 'la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire' ;

Aux termes de l'article 625 alinéa 1 du code de procédure civile, 'sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé' ;

Par un arrêt du 12 mai 2015, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a cassé l'arrêt du 24 avril 2013, 'mais seulement en ce qu'il condamne le syndicat à payer à Mme C... une certaine somme au titre de la perte de ses revenus locatifs pour la période d'avril 2007 à novembre 2012 inclus, à parfaire jusqu'à réception des travaux et en ce qu'il condamne le syndicat des copropriétaires aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût des rapports d'expertise Z... et A...' ;

La Cour de cassation a ainsi motivé sa cassation partielle de l'arrêt du 24 avril 2013 :

'Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu que l'arrêt dit que le syndicat entreprendra les travaux seulement après avoir reçu de Mme C... les sommes obtenues par elle de la commune des Lilas en exécution du jugement du tribunal administratif du 3 décembre 2010 et condamné le syndicat à payer à Mme C... une certaine somme au titre de la perte de ses revenus locatifs pour la période d'avril 2007 à novembre 2012 inclus, à parfaire jusqu'à réception des travaux ;

Qu'en statuant ainsi, sans exclure du calcul de la perte de loyers la période séparant la signification de l'arrêt et le versement effectif par Mme C... des sommes reçues par elle de la commune des Lilas, la cour d'appel, qui a fait peser sur le syndicat les conséquences d'un retard dans l'exécution des travaux qui ne pouvait lui être imputable durant cette période, a violé le texte susvisé' ;

Ainsi, il ressort des termes de cet arrêt que la Cour de cassation a censuré l'arrêt du 24 avril 2013 uniquement pour avoir intégré dans les indemnités allouées à Mme C... au titre de la perte de ses loyers la période séparant la signification de l'arrêt et le versement effectif du montant perçu par elle de la part de la commune des Lilas ;

S'agissant de l'indemnisation de ses préjudices complémentaires, l'arrêt du 24 avril 2013 retient que :

'Considérant qu'il s'infère des énonciations du rapport d'expertise que c'est à juste titre que Mlle Christine C... impute au syndicat des copropriétaires une négligence fautive dans l'exécution des réparations nécessaires et qu'elle soutient que cette négligence, que le syndicat des copropriétaires admet au demeurant implicitement dans ses écritures, a contribué à la persistance et donc à l'aggravation de son préjudice immatériel du fait de la vacance de ses appartements que la gravité des désordres rend incontestable;

que dans ces conditions, la cour fera droit à la demande de Mlle Christine C... à hauteur de 230 480 euros pour la période comprise entre avril 2007 et novembre 2012, mais non à celle tendant au remboursement des charges locatives dont le quantum n'est pas exactement justifié par les éléments du débat ; que l'examen du jugement du tribunal administratif de Montreuil établit en effet que la somme allouée correspond à la période antérieure et qui correspond à celle envisagée par l'expert dans son rapport ;

Considérant que Mlle Christine C... est également en droit d'obtenir le remboursement des frais des travaux d'investigation et de conseils techniques dont l'expert a reconnu la nécessité dans son rapport ;

Que Mlle C... se verra donc allouer une somme totale de 255 832, 12 euros TTC (230 480 + 25 352, 12 euros) dûment justifiée par l'instruction du dossier et non sérieusement contredits par le syndicat des copropriétaires, dont 230 480 euros avec actualisation de cette somme sur la base de l'indice BT01 entre la date des devis retenus par l'expert et le présent arrêt';

D'une part, il convient de rappeler que la cour est tenue de statuer sur renvoi après une cassation partielle de l'arrêt du 24 avril 2013 dans la limite de sa saisine, ce qui ne l'autorise pas à juger à nouveau du principe même de la condamnation du syndicat des copropriétaires à indemniser Mme Christine C... au titre de la perte de ses revenus locatifs, principe qui été retenu par l'arrêt du 24 avril 2013 sans être remis en cause par l'arrêt du 12 mai 2015 ;

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur les demandes contraires des parties, et notamment celle du syndicat tendant à voir rejuger ce point dans le cadre de la présente procédure sur renvoi;

D'autre part, l'arrêt du 24 avril 2013 a entendu subordonner la réalisation des travaux litigieux par le syndicat au versement préalable par Mme Christine C... au syndicat de la somme de 92 446, 03 euros qu'elle a perçue en exécution du jugement du tribunal administratif du 3 décembre 2010 (' - dit que le syndicat des copropriétaires entreprendra les travaux seulement après avoir reçu de Mme Christine C... le montant des sommes obtenues par elle de la commune des Lilas en exécution du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 3 décembre 2010 soit la somme de 92 446, 03 euros'), de sorte que le syndicat ne peut être tenu de payer à Mme C... une somme de 255 832, 12 euros TTC, augmentée d'une somme supplémentaire à parfaire correspondant à sa perte de loyers sur la période allant de la signification de l'arrêt au versement effectif à son profit des sommes reçues par elle de la commune des Lilas en ce que cette dernière date dépend de la seule volonté de Mme C... d'exécuter l'arrêt du 24 avril 2013 ;

En l'espèce, il est établi que Mme Christine C... n'a payé au syndicat la somme de 92 446,03 euros (pièce n° 49 du syndicat), résultant de l'exécution du jugement du tribunal administratif du 3 décembre 2010, en exécution de l'arrêt du 24 avril 2013, que le 26 août 2014, tandis que cet arrêt a été signifié au syndicat à personne habilitée le 28 mai 2013 ;

Il en résulte que pour la période allant du 28 mai 2013 au 24 août 2014, Mme Christine C... n'a droit à aucune indemnisation au titre de la perte de ses revenus locatifs comme elle le soutient pourtant devant la cour de renvoi ;

Par ailleurs, il ressort du rapport d'expertise du 12 janvier 2009 (pièce n° 1 de Mme Christine C...) que c'est à juste titre que Mme Christine C... impute au syndicat des copropriétaires une négligence fautive dans l'exécution des réparations nécessaires et qu'elle soutient que cette négligence a contribué à la persistance et donc à l'aggravation de son préjudice immatériel du fait de la vacance de ses appartements que la gravité des désordres rend incontestable ;

Dans ces conditions, la cour, se référant à la méthodologie de l'expert sur la perte des loyers des appartements évaluée à la somme moyenne de 555 euros par appartement et à l'estimation locative du 18 juin 2016 versée aux débats évaluée à la somme moyenne de 860 euros par appartement (pièce n° 21 de Mme Christine C...), fait droit à la demande de Mme Christine C... à concurrence de 189 610 euros (soit 707, 50 euros correspondant à la moyenne de perte de loyer mensuel par appartement x 4 appartements x 67 mois) pour la période comprise entre avril 2007 et novembre 2012 inclus étant précisé en outre que la somme de 229 215 euros déjà allouée à Mme Christine C... par le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 3 décembre 2010 correspond à l'indemnisation de la perte de ses revenus locatifs jusqu'au 31 mars 2007 ;

Cependant, compte tenu du retard mis par Mme Christine C... à exécuter l'arrêt du 24 avril 2013 quant au versement au syndicat de la somme de 92 446,03 euros, il convient de la débouter de sa demande d'indemnisation de la perte de ses revenus locatifs sur la période allant du 28 mai 2013 au 24 août 2014 ;

S'agissant de sa demande d'indemnisation de la perte de ses revenus locatifs sur la période allant du 25 août 2014 à septembre 2017 inclus, aux termes de l'article 633 du code de procédure civile : 'La recevabilité des prétentions nouvelles est soumise aux règles qui s'appliquent devant la juridiction dont la décision a été cassée.' ;

Aux termes de l'article 566 du code de procédure civile, 'Les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément.' ;

La cour, se référant à la méthodologie de l'expert sur la perte des loyers des appartements évaluée à la somme moyenne de 555 euros par appartement et à l'estimation locative du 18 juin 2016 versée aux débats évaluée à la somme moyenne de 860 euros par appartement (pièce n° 21 de Mme Christine C...), fait droit à la demande supplémentaire de Mme Christine C... à concurrence de 102 332, 80 euros (soit 707, 50 euros correspondant à la moyenne de perte de loyer mensuel par appartement x 4 appartements x 36, 16 mois) pour la période comprise entre le 25 août 2014 à septembre 2017 inclus ;

Par ailleurs, il convient de rejeter tant les demandes contraires de Mme Christine C... tendant à voir augmenter le montant de l'indemnisation de la perte de ses revenus locatifs tant celles du syndicat des copropriétaires tendant à voir supprimer ou minorer le montant de l'indemnisation de la perte de ses revenus locatifs ;

Sur les dépens, l'application de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965

Dans son arrêt du 24 avril 2013, la cour a 'condamné le syndicat des copropriétaires à payer les dépens de première instance et d'appel en ce compris le coût des rapports d'expertise Z... et A..., ainsi que le coût des diverses instances en référé ayant conduit à la désignation de ces techniciens, avec pour faculté de recouvrement direct en faveur des avocats qui en font la demande' ;

Compte tenu de la cassation partielle intervenue sur les dépens, par laquelle l'arrêt du 12 mai 2015 casse l'arrêt du 24 avril 2013 en ce qu'il a condamné le syndicat des copropriétaires aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût des rapports d'expertise Z... et A...', il convient de condamner le syndicat des copropriétaires, partie perdante, à payer les dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût du rapport d'expertise judiciaire de M. A... du 12 janvier 2009, ainsi que le coût des instances en référé ayant conduit aux ordonnances des 20 février 2000 et 16 juin 2004 en relation directe avec la désignation de ce technicien ;

Le syndicat des copropriétaires, partie perdante, doit être condamné aux dépens d'appel dans la présente procédure ;

L'équité commande de condamner le syndicat des copropriétaires à payer à Mme C... la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande du syndicat présentée sur ce fondement ;

Selon les dispositions de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, 'le copropriétaire qui, à l'issue d'une instance judiciaire l'opposant au syndicat, voit sa prétention déclarée fondée par le juge, est dispensé, même en l'absence de demande de sa part, de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires' ;

Mme Christine C..., gagnant son procès en appel sur renvoi contre le syndicat, il y a lieu de faire application de ce texte à son profit ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant sur renvoi après cassation, publiquement ;

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 24 avril 2013 (RG n° 12/09143) ;

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 12 mai 2015 (pourvoi n° M 13-21.958) ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur l'infirmation par l'arrêt du 24 avril 2013 du jugement du 11 octobre 2011 en ce qu'il a débouté Mme Christine C... de sa demande de condamnation du syndicat des copropriétaires du [...] (93160) à l'indemniser de son préjudice locatif ;

Statuant sur les chefs cassés du dispositif de l'arrêt du 24 avril 2013 et y ajoutant,

Condamne, s'agissant de l'étendue du préjudice locatif initial, le syndicat des copropriétaires du [...] (93160) à payer à Mme Christine C... la somme de 189 610 euros au titre de la perte de ses revenus locatifs pour la période allant d'avril 2007 à novembre 2012 inclus, outre celle de 25 352, 12 euros au titre des travaux d'investigations et frais de conseils techniques engagés, avec actualisation de ces sommes sur la base de l'indice BT01 entre la date des devis retenus par l'expert et le présent arrêt ;

Condamne, s'agissant de l'étendue du préjudice locatif complémentaire, le syndicat des copropriétaires du [...] (93160) à payer à Mme Christine C... la somme de 102 332, 80 euros au titre de la perte de ses revenus locatifs pour la période comprise entre le 25 août 2014 à septembre 2017 inclus, avec actualisation de cette somme sur la base de l'indice BT01 entre la date des devis retenus par l'expert et le présent arrêt ;

Condamne le syndicat des copropriétaires du [...] (93160) à payer à Mme Christine C... la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de rejette la demande du syndicat présentée sur ce fondement ;

Condamne, s'agissant des dépens, le syndicat des copropriétaires du [...] (93160) à payer les dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût du rapport d'expertise judiciaire de M. A... du 12 janvier 2009, ainsi que le coût des instances en référé ayant conduit aux ordonnances des 20 février 2000 et 16 juin 2004 en relation directe avec la désignation de ce technicien, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne le syndicat des copropriétaires du [...] (93160) au paiement des dépens de l'instance de renvoi ;

Dispense Mme Christine C..., en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge sera répartie entre les autres copropriétaires ;

Rejette toute autre demande ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 15/17189
Date de la décision : 05/12/2018

Références :

Cour d'appel de Paris G2, arrêt n°15/17189 : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-05;15.17189 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award