La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/11/2018 | FRANCE | N°15/07988

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 30 novembre 2018, 15/07988


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 30 Novembre 2018



(n° , 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 15/07988 - N° Portalis 35L7-V-B67-BW2JE



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Juin 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 14-04517





APPELANTE

SAS GEOMETRY GLOBAL (anciennement dénommée OGILVY ACTION)

[Adr

esse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Christelle HABERT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0342



INTIMES

Monsieur [E] [Q]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Delphine MOLL...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 30 Novembre 2018

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 15/07988 - N° Portalis 35L7-V-B67-BW2JE

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Juin 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 14-04517

APPELANTE

SAS GEOMETRY GLOBAL (anciennement dénommée OGILVY ACTION)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Christelle HABERT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0342

INTIMES

Monsieur [E] [Q]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Delphine MOLLANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0627

CPAM DE PARIS

Direction du contentieux et de la lutte contre la fraude

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 4]

[Adresse 4]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Octobre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Claire CHAUX, Présidente de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Claire CHAUX, présidente de chambre

Madame Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, conseillère

Monsieur Lionel LAFON, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Venusia DAMPIERRE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par madame Claire CHAUX, présidente de chambre et par Mme Venusia DAMPIERRE, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la SAS GEOMETRY GLOBAL d'un jugement rendu le 16 juin 2015 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à M. [Q] [E] en présence de la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] .

EXPOSE DES FAITS

M . [E] [Q] a été recruté par la société OGILVY ACTION à compter du 3 septembre 2007 en qualité de directeur de création avec pour mission de concevoir des supports et outils de création pour les différentes marques du groupe BAT dont l'activité est la vente de produits de tabac.

Le 22 janvier 2013, il a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] ( ci - après la caisse ) une déclaration de maladie professionnelle concernant un " burn out syndrome dépressif avec inaptitude déclarée " accompagnée d'un certificat médical faisant état de soins depuis le mois de mars 2011 pour un syndrome anxio dépressif en relation avec les conditions de travail.

La caisse a soumis le dossier de l'intéressé au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d'Ile de France qui a retenu l'existence d'un lien de causalité entre cette maladie et l'activité professionnelle. En conséquence, la caisse a pris en charge la maladie au titre de la législation professionnelle par décision du 7 août 2014 .

Chacune des parties a ensuite saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, le salarié pour voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur et ce dernier pour contester la prise en charge et obtenir qu'elle lui soit déclarée inopposable .

Par jugement du 16 janvier 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale a rejeté la demande de la société GEOMETRY GLOBAL d'inopposabilité présentée sur le fondement d'une décision de refus de prise en charge notifiée à M. [Q] à titre conservatoire, désigné un nouveau comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles dans le cadre des rapports caisse / employeur et sursis à statuer sur les autres demandes dans l'attente de l'avis d'un second comité.

Par arrêt rendu le 24 novembre 2016, la cour d'appel a confirmé le jugement en ce qu'il avait rejeté la demande d'inopposabilité présentée par la société Geometry Global sur le fondement d'une décision de refus de prise en charge notifiée à la victime à titre conservatoire et désigné un nouveau comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Evoquant les autres demandes non encore jugées, au vu de l'avis délivré par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles des Pays de la Loire retenant également l'existence d'un lien direct et essentiel entre le travail habituel de M. [Q] et sa maladie , la cour a dit que la maladie déclarée par M. [Q] le 22 janvier 2013 présentait un lien direct et essentiel avec son activité professionnelle et qu'elle était la conséquence de la faute inexcusable imputable à l'employeur, la société Geometry Global anciennement dénommée Ogilvy Action , ordonné la majoration de la rente à son taux maximum , dit que la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur emporte obligation pour celui - ci de s'acquitter des sommes dont il pourrait être redevable en raison des articles L 452 - 1 et L 452 - 3 du code de la sécurité sociale, avant dire droit sur l'indemnisation de ses préjudices, la cour a ordonné la réouverture des débats pour permettre à M. [Q] de présenter ses demandes à ce titre et condamné la SAS GEOMETRY GLOBAL à lui régler une somme de 5000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 22 juin 2017, la cour a rejeté la demande de la victime tendant à obtenir la condamnation directe de l'auteur de la faute inexcusable en paiement des indemnités réparant ses préjudices, rappelé que cette indemnisation sera avancée par la caisse primaire d'assurance maladie et récupérée auprès de l'employeur selon les règles relatives à la faute inexcusable , avant dire droit sur les préjudices personnels de M. [Q], ordonné une expertise confiée au docteur [Z], alloué à M. [Q] une provision de 5000€ à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices et dit que cette somme sera avancée par la caisse, ordonné la consignation par la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] de la somme de 800€ à valoir sur la rémunération de l'expert , renvoyé l'affaire à l'audience du 21 décembre 2017, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'expert a établi son rapport le 19 février 2018 .

La société GEOMETRY GLOBAL fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions aux termes desquelles elle demande à la cour :

- de dire que les demandes indemnitaires dirigées à son encontre sont irrecevables en ce qu'elles sont dirigées contre l'employeur,

- de réduire à de plus justes proportion les demandes présentées par M. [Q] au titre :

* des souffrances physiques et morales endurées qui ne sauraient , en toute hypothèse, excéder la somme de 4000€ ,

* du déficit fonctionnel temporaire qui ne saurait , en toute hypothèse , excéder la somme de 2525,60€ ,

- débouter M. [Q] de ses demandes au titre du préjudice d'agrément, du préjudice esthétique , du préjudice sexuel, de la perte ou diminution des possibilités de promotion professionnelle,

- de déduire la provision à valoir sur les préjudices d'un montant de 5000€ déjà allouée à M. [Q] ,

Sur l'action récursoire de la caisse :

Vu le jugement du tribunal du contentieux de l'incapacité de Paris du 21 février 2017

- dire que le seul taux opposable à l'employeur est le taux de 8% ,

En conséquence,

- dire que l'assiette du recours de la caisse ne pourra porter que sur le taux de 8% ,

- débouter M. [Q] de sa demande présentée au titre des frais irrépétibles et de dépens présentée à l'encontre de la société ,

En tout état de cause,

- débouter M. [Q] et la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] de toutes leurs demandes .

M. [Q] fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions écrites aux termes desquelles il demande à la cour :

- de fixer les préjudices personnels par lui subis aux sommes suivantes:

* 10 000€ au titre des souffrances endurées

* 10 000€ au titre du préjudice d'agrément

* 5 000 € au titre du préjudice esthétique

* 5 000€ au titre du préjudice sexuel

* 120 000€ au titre de la perte de ses possibilités de promotion professionnelle

* 10 000€ au titre du déficit fonctionnel temporaire

- condamner la CPAM de Paris et la société Geometry Global à lui payer ces sommes

- mettre les frais d'expertise à la charge de la CPAM de Paris et de la société Geometry Global

- condamner la société GEOMETRY GLOBAL à lui payer la somme de 10 000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

La caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions écrites aux termes desquelles elle demande à la cour :

- de débouter M. [Q] de ses demandes d'indemnisation au titre du préjudice d'agrément, du préjudice esthétique et de la perte de chance de promotion professionnelle,

- de ramener à de plus justes proportions les sommes sollicitées au titre des souffrances endurées, du préjudice sexuel et du déficit fonctionnel temporaire,

- de dire irrecevable la demande de l'employeur tendant à limiter l'action récursoire de la caisse à son égard et l'en débouter.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions .

SUR CE, LA COUR

Sur l'indemnisation des préjudices

Si l'article L 452 - 3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par le Conseil Constitutionnel dans sa décision QPC 2010- 8 du 18 juin 2010, dispose qu'en cas de faute inexcusable la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation des chefs de préjudices autres que ceux énumérés par le texte précité, c'est à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

Souffrances endurées :

L'article L 452 -3 alinéa 1 du code de la sécurité sociale dispose que la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées.Sont réparables en application de ces dispositions , les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent .

M. [Q] demande à ce titre l'allocation d'une somme de 10 000€ faisant valoir qu'à la suite du burn out professionnel dont il a été victime en mars 2011, il a sombré dans une très profonde dépression nécessitant une prise en charge médicamenteuse lourde et un suivi psychologique très rapproché, que cette dépression a été accompagnée de symptômes physiques violents, d'une grande souffrance liée à la perte de toute confiance en lui et à l'angoisse incessante de ne pas parvenir à sortir de son état et à renouer avec une vie normale.

La société GEOMETRY GLOBAL demande que ce préjudice, évalué par l'expert à 2,5/7, soit réparé par l'allocation d'une somme ne pouvant excéder 4000€ au regard de la jurisprudence habituelle en la matière et des pièces produites qui ne justifient pas de la réalité du préjudice tel qu'allégué par la victime.

La caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] demande à ce que l'indemnisation soit ramenée à de plus justes proportions.

L'expert note que la nécessité d'un traitement psychotrope et la symptomatologie anxio- dépressive à l'origine de l'arrêt de travail du 14 mars 2011 sont à l'origine de souffrances endurées qu'il convient de fixer à 2, 5/7 sur une échelle allant de 1 à 7.

Au regard de ces éléments, il convient d'allouer à ce titre à M. [Q] la somme de 4000€ en réparation des souffrances physiques et morales endurées.

Préjudice d'agrément:

Le préjudice d'agrément résulte de l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir.

Il appartient à la victime de démontrer qu'elle pratiquait ces activités antérieurement à la maladie et qu'elle ne peut plus le faire depuis

A l'appui de sa demande d'indemnisation à hauteur de 10 000€ , M. [Q] fait valoir qu'il a toujours entretenu une vie sociale très riche et mené des activités culturelles quasi quotidiennes nourrissant son travail de créatif, qu'à la suite de sa dépression, il a du se résoudre à vivre isolé à la campagne sur les préconisations de son médecin, que l'expert a d'ailleurs retenu un préjudice d'agrément temporaire .

La société GEOMETRY GLOBAL et la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] concluent au rejet de cette demande , M. [Q] ne rapportant pas la preuve qu'il exerçait des activités de loisirs ou sportives spécifiques avant la maladie , qu'il ne pourrait plus exercer depuis lors .

Bien que l'expert note qu'il existe un préjudice d'agrément temporaire, force est de constater que M. [Q] ne démontre pas qu'il pratiquait avant la maladie une activité spécifique sportive ou de loisir qu'il ne peut plus faire depuis.

Sa demande doit donc être rejetée.

Préjudice esthétique:

Le rapport d'expertise mentionne que cette rubrique est SANS OBJET.

M. [Q] invoque à l'appui de sa demande une perte de poids importante et une négligence à l'égard de son apparence se manifestant par un manque de soin et d'hygiène impactant également l'aspect physique de sa personne.

La société GEOMETRY GLOBAL conclut au rejet de cette demande au motif qu'aucune des pièces versées aux débats ne rattache sa perte de poids à son maladie professionnelle. La caisse primaire d'assurance maladie s'y oppose au regard des conclusions de l'expert.

Force est de constater que les pièces versées aux débats n'établissent pas que sa perte de poids serait imputable à son burn out . En outre, le tribunal du contentieux de l'incapacité dans son jugement du 21 février 2017 mentionne : " Perte récente de 10 kg en rapport avec une autre pathologie non précisée mais ayant justifié une intervention chirurgicale en février 2013 ( ...) "

Ainsi, les pièces produites ne démontrent pas que le préjudice esthétique allégué est imputable à la maladie . La demande sera donc rejetée.

Déficit fonctionnel temporaire:

L'expert mentionne qu'il a existé un déficit fonctionnel temporaire partiel de 25% du 14 mars 2011 au 31 décembre 2011 et de 12% du 1er janvier 2012 jusqu'au 19 mars 2013, date de consolidation .

M. [Q] demande l'indemnisation de ce préjudice à hauteur de 10 000€.

La société GEOMETRY GLOBAL et la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] proposent que ce préjudice soit indemnité au taux journalier de 20€ .

Le déficit fonctionnel temporaire n'est pas couvert par les indemnités journalières et inclut pour la période antérieure à la consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle, le temps d'hospitalisation, les pertes de qualité de vie ainsi que des joies usuelles de la vie courante durant la maladie. La base journalière de 23€ sera retenue.

Dès lors , ce poste de préjudice sera indemnisé comme suit:

- pour la période du 14 mars 2011 au 31 décembre 2011 soit 293 jours à 25%

23€ x 293 jours x 25% = 1684,75€

- pour la période du 1er janvier 2012 au 19 mars 2013 soit 444 jours à 12%

23€ x 444 jours x 12% = 1225,44€

Soit un total de 2910,19€

Préjudice sexuel

M. [Q] sollicite à ce titre la somme de 5000€ faisant valoir qu'il n'avait plus eu de relation affective depuis le mois de mars 2011 .

La société GEOMETRY GLOBAL s'y oppose au regard des conclusions de l'expert qui soulignent l'existence d'un préjudice sexuel temporaire lequel relève du déficit fonctionnel temporaire et ne peut donner lieu à une indemnisation distincte .

La caisse primaire d'assurance maladie demande que l'indemnisation de ce préjudice soit ramenée à de plus justes proportions tenant compte des sommes habituellement accordées à ce titre, étant précisé que le préjudice allégué n'a pas acquis de caractère permanent .

L'expert souligne que la symptomatologie anxio - dépressive et l'exacerbation des tensions psychiques ont été accompagnées d'une baisse de libido, conduisant à une prescription médicamenteuse spécifique de sorte que ce préjudice a été partiel et temporaire.

Au regard de ces éléments caractérisant un préjudice sexuel, il convient d'accorder à M. [Q] à ce titre la somme de 1500€

Perte ou diminution des possibilités de promotion professionnelle

M. [Q] demande à ce titre une somme de 120 000€ faisant valoir que s'il n'avait pas été victime d'un burn out professionnel en mars 2011, il aurait bénéficié d'une évolution dans sa carrière professionnelle, puisque quelques mois avant il s'était vu confié de nouvelles responsabilités en prenant la direction créative de la plate-forme dédiée à la communication de la marque de cigarettes VOGUE , marque leader du groupe BAT à l'échelle mondiale, qu'il s'agissait alors du plus gros budget de l'agence OGILVY ACTION, qu'en accédant à ce niveau de responsabilité, il accédait à une solide notoriété et à une excellente réputation professionnelle dans le milieu de la publicité, que de ce fait les possibilités de promotion professionnelle qui s'offraient à lui étaient considérables non seulement au sein de l'agence qui l'employait mais également auprès des autres grandes agences de publicité.

La société GEOMETRY GLOBAL s'oppose à cette demande au motif que M. [Q] ne rapporte pas la preuve que ses chances de promotion professionnelle avaient un caractère sérieux et certain et n'étaient pas purement hypothétiques.

La caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] s'y oppose en l'absence d' élément de nature à justifier l'existence réelle d'une perte de chance de promotion professionnelle ni dans son principe ni dans son quantum.

L'indemnité au titre de la perte de chance de promotion professionnelle suppose la démonstration que la maladie a privé la victime de perspectives réelles et concrètes d'obtenir un poste mieux qualifié ou rémunéré.

Il appartient au salarié d'établir qu'il aurait eu, au jour de la maladie , de sérieuses chances de promotion professionnelle.

Force est de constater que les pièces produites par M. [Q] ne démontrent pas qu'au jour de la maladie, il avait de sérieuses chances de promotion professionnelle.

Il est vain de sa part de se prévaloir à cet égard des conclusions de l'expert lequel ne peut donner son avis que sur un point médical . De plus ce dernier ne fait que rapporter les propos que lui a tenus M. [Q].

Il convient donc de rejeter cette demande d'indemnisation .

En conséquence le préjudice personnel de M. [Q] s'élève à la somme totale de 8410,19€ , dont il convient de déduire la provision de 5000€ qui lui a été précédemment allouée.

Sur les demandes d'indemnisation présentées à l'encontre de l'employeur :

Il y a lieu de rappeler que dans le cadre de la faute inexcusable , aucune condamnation en paiement des indemnités versées ne peut être prononcée directement contre l'employeur au profit de la victime .

Le demande présentée par M. [Q] contre la société GEOMETRY GLOBAL doit donc être rejetée.

Sur l'action récursoire de la caisse primaire d'assurance maladie :

La société GEOMETRY GLOBAL demande que dans ses rapports avec la caisse, seul le taux d'IPP de 8% lui soit opposable et que l'assiette du recours de la caisse ne puisse porter que sur ce taux de 8% . Elle fait valoir qu'elle a contesté le taux d'IPP du salarié devant le tribunal du contentieux de l'incapacité de Paris (TCI ) qui, par jugement du 21 février 2017, a jugé que la caisse l'avait surévalué et l'a réduit à 8% au lieu de 10% initialement retenu.

La caisse réplique que l'éventuelle réduction du taux d'IPP n'a aucune incidence sur le recours de la caisse s'agissant de l'indemnisation des préjudices complémentaires retenus par la juridiction , que les éventuelles conséquences d'une diminution du taux d'IPP dans les rapports avec la caisse ne peuvent porter en matière de faute inexcusable que sur la majoration de rente, que cependant la question de l'action récursoire de la caisse a d'ores et déjà été tranchée par la cour d'appel dans son arrêt du 24 novembre 2016 de sorte que la demande de l'employeur tendant à limiter l'action récursoire de la caisse est irrecevable en raison de la chose jugée. Elle ajoute pour le surplus que la décision du TCI n'est pas définitive, l'affaire étant pendante devant la CNITAAT suite à l'appel qu'elle a interjeté.

Il est constant que les conséquences d'une diminution du taux d'IPP dans les rapports caisse / employeur ne peuvent porter en matière de faute inexcusable que sur la majoration de la rente.

Par arrêt du 24 novembre 2016, devenu définitif, celui - ci ayant fait l'objet d'un pourvoi qui a été rejeté, la présente cour a jugé que la reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur emportait obligation pour celui - ci de s'acquitter des sommes dont il pourrait être redevable en raison des articles L 452-1 et L 452 -3 .

La société GEOMETRY GLOBAL ne peut tenter, à l'occasion de la présente instance, de remettre en cause la chose jugée en invoquant la décision rendue par le tribunal du contentieux de l'incapacité le 21 février 2017, alors même qu'elle n'avait pas sollicité devant la cour qu'il soit sursis à statuer sur cette question dans l'attente de la décision du tribunal du contentieux de l'incapacité.

La demande tendant à limiter l'action récursoire de la caisse à hauteur de 8% est donc irrecevable.

La caisse procédera donc à l'avance des sommes allouées à M. [Q] et en recouvrera le montant y compris les frais d'expertise à l'encontre de l'employeur.

L'équité commande d'allouer à M. [Q] la somme de 1500€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dont le paiement sera mis à la charge de la société GEOMETRY GLOBAL.

Il sera rappelé que la procédure devant les juridictions de sécurité sociale est gratuite et sans frais avec néanmoins condamnation de l'appelant qui succombe au paiement du droit fixe d'appel .

PAR CES MOTIFS ,

LA COUR,

Rejette la demande de M. [Q] tendant à obtenir la condamnation directe de la société GEOMETRY GLOBAL, auteur de la faute inexcusable en paiement des indemnités réparant ses préjudices ,

Fixe comme suit les préjudices personnels subis par M. [Q] :

- souffrances physiques et morales endurées : 4000€

- déficit fonctionnel temporaire : 2910, 19€

- préjudice sexuel : 1500€

Soit un total de 8410,19€

Dont il convient de déduire la provision de 5000€ qui lui a été précédemment allouée ,

Rejette les demandes présentées au titre

- du préjudice d'agrément

- du préjudice esthétique

- de perte des possibilités de promotion professionnelle

Déclare irrecevable la demande de la société GEOMETRY GLOBAL tendant à limiter l'assiette du recours de la caisse à hauteur de 8%,

Dit que la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 2] fera l'avance des sommes allouées à M. [Q] et en recouvrera le montant y compris les frais d'expertise auprès de la société GEOMETRY GLOBAL,

Condamne la société GEOMETRY GLOBAL à payer à M. [Q] la somme de 1500€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu de statuer sur les dépens ,

Fixe le droit d'appel prévu par l'article R 144 - 10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale à la charge de l'appelant au 10ème du montant mensuel du plafond prévu par l'article L 241 - 3 et condamne la société GEOMETRY GLOBAL au paiement de ce droit s'élevant à 331,10€ .

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 15/07988
Date de la décision : 30/11/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°15/07988 : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-30;15.07988 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award