Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 2
ARRET DU 29 NOVEMBRE 2018
(n°604, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/07494 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5PIX
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 30 Mars 2018 -Tribunal de Grande Instance de MELUN - RG n° 18/00064
APPELANT
Monsieur [J] [L]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1]
Représenté par Me Mélanie SPANIER-RUFFIER de la SELARL DBCJ AVOCATS, avocat au barreau de MELUN
Assisté par Me Emile DUPIN substituant Me Mélanie SPANIER-RUFFIER de la SELARL DBCJ AVOCATS, avocat au barreau de MELUN
INTIMEE
SCI LA TRAVANCE agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés au siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 409 426 442
Représentée et assistée par Me Eric TROUVE de la SCP LAURENT ADAMCZYK - ERIC TROUVE, avocat au barreau de MELUN
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Octobre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard CHEVALIER, Président
Mme Véronique DELLELIS, Présidente
Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : M. Aymeric PINTIAU
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Bernard CHEVALIER, Président et par Aymeric PINTIAU, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE
La SCI de la Travance est une société civile immobilière familiale dont le capital social est divisé en 16 parts réparties comme suit :
- M. [A] [L] : 6 parts ;
- M. [P] [L] : 4 parts ;
- M. [J] [L] : 6 parts.
La SCI de la Travance est propriétaire d'un unique bien situé [Adresse 2] et donné à bail à la SARL [L], constituée entre les mêmes associés.
M. [A] [L] est gérant de la SCI de la Travance et de la SARL [L].
Une mésentente est apparue entre M. [P] [L] et M. [A] [L], d'une part, et M. [J] [L], d'autre part.
Le 14 décembre 2015, M. [J] [L] a demandé le remboursement du compte courant d'associé qu'il détenait au sein de la SCI de la Travance.
Par ordonnance de référé en date du 17 juin 2016, le président du tribunal de grande instance de Melun a condamné à la SCI de la Travance à régler à M. [J] [L] la somme de 67 450,79 euros correspondant au compte courant d'associé à la date du 31 décembre 2015 avec intérêt au taux légal à compter du 14 décembre 2015.
Le gérant de la SCI de la Travance a alors convoqué les associés à une assemblée générale extraordinaire afin notamment d'être autorisé à vendre le bien appartenant à la SCI. La résolution n'a pas été adoptée.
Par acte du 21 juillet 2017, M. [J] [L] a fait procéder à une saisie attribution des loyers réglés par la SARL [L] à la SCI de la Travance en exécution de l'ordonnance de référé du 17 juin 2016.
Une nouvelle assemblée générale extraordinaire a été convoquée pour le 19 décembre 2017 afin d'autoriser la vente du bien. La résolution n'a pas été adoptée.
Sur la procédure de cession de parts au sein de la SARL [L]
Par ordonnance de référé en date du 5 avril 2017, un expert judiciaire a été désigné afin de procéder à l'évaluation du montant des parts détenues par M. [J] [L] au sein de la SARL [L].
L'expert a rendu son rapport le 30 janvier 2018.
Par acte en date du 20 avril 2018, M. [J] [L] a fait assigner la SARL [L] et M. [P] [L] et M. [A] [L] afin d'obtenir le rachat de ses parts sociales et sa sortie de la SARL.
Par acte du 31 janvier 2018, la SCI de la Travance a fait assigner M. [J] [L] devant le président du tribunal de grande instance de Melun statuant en référé aux fins d'obtenir :
- aux frais du défendeur, la désignation d'un mandataire ad hoc avec pour mission d'exercer à la place de celui-ci le droit de vote attaché à ses parts lors de la prochaine assemblée générale extraordinaire de la SCI de la Travance qui aura pour ordre du jour la vente de l'immeuble sis à [Adresse 2] pour un montant de 300 000 euros ;
- sa condamnation à payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens ;
- l'autorisation d'exécuter l'ordonnance sans signification préalable.
M. [J] [L] a formé les demandes reconventionnelles suivantes :
- in limine litis : donner injonction à la SCI de la Travance de lui communiquer les pièces dont elle entend se servir à l'appui de ses demandes ;
- débouter la SCI de la Travance de ses demandes ;
- ordonner la désignation d'un mandataire ad hoc avec pour mission d'exercer les fonctions de gérant à la place du gérant en titre afin de lui permettre de refinancer la trésorerie ;
- condamner la SCI de la Travance à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de son avocat.
Par ordonnance contradictoire rendue le 30 mars 2018, la juridiction saisie a :
- dit n'y avoir lieu à injonction sollicitée en défense ;
- désigné la la SCP [U] [Q], [Adresse 3] en qualité de mandataire ad hoc avec pour mission d'exercer à la place M. [J] [L] le droit de vote attaché à ses parts au sein de la SCI de la Travance, et ce lors de la prochaine assemblée générale extraordinaire de la SCI de la Travance et sur les seules questions relatives au principe de la vente de l'immeuble sis à [Adresse 2] et au montant du prix de la vente de cet actif lequel ne saurait être inférieure à 300 000 euros ;
- dit que la rémunération du mandataire ad hoc sera avancée par la SCI de la Travance ;
- condamner M. [J] [L] aux dépens et à payer à la SCI de la Travance la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 489, alinéa 2, du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 10 avril 2018, M. [J] [L] a relevé appel de cette ordonnance.
Au terme de ses conclusions communiquées par voie électronique le 4 octobre 2018, M. [J] [L] a demandé à la cour de :
- infirmer l'ordonnance RG n°18/00064 du 30 mars 2018 ;
Statuant à nouveau,
- ordonner la désignation d'un mandataire ad hoc avec pour mission d'exercer à la place de M. [A] [L], les fonctions de gérant au sein de la SCI de la Travance afin de lui permettre notamment de refinancer simplement sa trésorerie ;
- condamner la SCI de la Travance à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Mélanie Spanier-Ruffier.
Il a fait valoir en substance les éléments suivants :
- La procédure de première instance a été construite de toutes pièces afin de se débarrasser de lui. Il ne souhaite pas quitter la SCI.
- Il est nécessaire d'ordonner la désignation d'un mandataire ad hoc devant exercer les fonctions du gérant, le gérant de la SCI mettant en péril la société. Il existe de nombreuses solutions à la situation financière de la SCI, notamment l'augmentation du loyer dû par la SARL [L], la renégociation des emprunts ou l'entrée d'un nouvel associé. Il s'engage par écrit au sein de ses conclusions à ne pas s'opposer au sein de la SARL aux décisions permettant à la SCI d'améliorer sa trésorerie. L'argument selon lequel il bloquerait les décisions au sein de la SARL est infondé.
- Le premier juge a confondu les deux sociétés car s'il existe des dissensions au sein de la SCI, ce n'est pas le cas au sein de la SARL, puisqu'il va la quitter.
- Il s'est engagé sur une solution amiable qui ne nécessite pas de modification des statuts mais qui constitue une décision de gestion entre associés.
La SCI de la Travance, par conclusions transmises par voie électronique le 9 octobre 2018, a demandé à la cour, sur le fondement des articles 489, 686, 808 et 809 du code de procédure civile et de l'article 1240 du code civil, de :
- déclarer infondé l'appel interjeté par M. [J] [L] ;
- confirmer la décision entreprise ;
- condamner M. [J] [L] à porter et payer à la SCI de la Travance la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.
Elle a exposé en résumé ce qui suit :
- Le refus de M. [J] [L] de voter la résolution consistant en la vente du bien constitue un abus de minorité. Il s'oppose à la vente du bien et a fait saisir les loyers perçus par la SCI qui sont sa seule source de revenus. Cette opposition est contraire à l'intérêt général de la société, puisqu'elle interdit une opération essentielle pour sa sauvegarde ; La SCI ne peut plus faire face au passif exigible et doit procéder à la réalisation de ses actifs. Ce n'est que parce que la vente du bien a été autorisée que la SCI n'a pas été contrainte de se déclarer en cessation des paiements.
- Augmenter le loyer payé par la SARL [L] constituerait un abus de biens sociaux;
- L'attitude de M. [J] [L] s'explique car il est désormais directeur général d'une société concurrente de la SARL [L];
- La demande de désignation d'un administrateur ad hoc n'est justifiée ni en droit, ni en fait.
SUR CE LA COUR
En application des dispositions de l'article 809, alinéa 1, du code de procédure civile, le juge des référés du tribunal de grande instance peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Il est de principe que, si le juge des référés n'a pas à s'immiscer dans la gestion d'une société, il peut intervenir pour permettre la solution d'une crise sociale ou la prévenir, en recourant au besoin à la nomination d'un mandataire de justice.
Comme l'a exactement énoncé le premier juge, une mésentente grave s'est durablement installée entre MM [A] [L] et [P] [L] , d'une part, et M. [J] [L], d'autre part, comme en témoignent les procédures judiciaires passées et en cours devant le juge des référés civil et commercial.
Il résulte par ailleurs des éléments de la cause que la SCI de La Travance doit faire face au remboursement des emprunts suivants :
- un prêt d'un montant de 42 600 euros remboursable de janvier 2007 à décembre 2018, par mensualités de 385,81 euros, ce prêt étant pratiquement soldé à la date à laquelle cette cour rend son arrêt ;
- un prêt d'un montant de 45 900 euros remboursable d'août 2007 à juillet 2009, par mensualités de 415,37 euros ;
- un prêt d'un montant de 194 000 euros remboursable d'août 2007 à juillet 2019 , par mensualités de 1 749,40 euros ;
- un prêt d'un montant de 60 000 euros remboursable jusqu'en décembre 2019 par mensualités de 1 083,77 euros.
Il s'ensuit que la charge mensuelle liée aux emprunts est d'un montant de 3 634,35 euros et de 3 248,54 euros si l'on excepte le prêt qui est pratiquement soldé lors des débats devant la cour.
Le loyer que règle la SARL [L] est actuellement d'un montant de 3 400 euros.
Il s'ensuit que le loyer tant qu'il est payé à la SCI de la Travance équilibre tout juste le montant des charges liées au remboursement d'emprunts.
La SCI de la Travance se trouve toutefois en l'état privée du montant de ses loyers, puisqu'il résulte des éléments de la cause que M.[J] [L] a effectivement sollicité le remboursement de son compte courant d'associé ; que suivant ordonnance en date du 17 juin 2016 , je juge des référés du tribunal de grande instance de Melun a en conséquence condamné à titre provisionnel la SCI de la Travance à payer à M.[J] [L] la somme de 67 450,79 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2015; que M.[J] [L] a fait pratiquer une saisie-attribution à exécution successive sur les loyers dus par la SARL [L] suivant procès-verbal de saisie en date du 21 juillet 2017.
M. [J] [L] ne peut à cet égard se contenter de dire que la solution résiderait dans une augmentation des loyers dus par la SARL [L].
En effet, l'augmentation du loyer versé par la SARL [L] pour les seuls besoins du renflouement de la SCI de la Travance n'est pas une solution facilement envisageable et serait susceptible de constituer une infraction pénale telle qu'un abus de biens sociaux.
Du reste, l'augmentation de loyers serait captée par la saisie-attribution jusqu'au règlement complet des causes de l'ordonnance de référé du 17 juin 2016.
Dès lors, il en résulte que la SCI de la Travance ne dispose pas de la trésorerie nécessaire pour faire face à ses charges d'emprunt.
En conséquence, le refus itératif de M.[J] [L] d'accepter la vente de l'immeuble sis [Adresse 2], manifesté lors de plusieurs assemblées générales extraordinaires, n' apparaît pas dicté par l'intérêt social, le risque évident étant que l'immeuble soit réalisé à l' initiative des créanciers dans des conditions défavorables.
Au regard des graves dissensions opposant deux associés au troisième, de la minorité de blocage dont dispose ce dernier, le bon fonctionnement de la SCI intimée se trouve compromis et expose cette dernière aux poursuites de ses créanciers.
Il convient d'en conclure que c'est à bon droit que le premier juge a fait droit à la demande de désignation d'un mandataire ad hoc ave mission d'exercer la place de M.[J] [L] le droit de vote attaché à ses parts au sein de la SCI de la Travance lors de la prochaine assemblée générale extraordinaire et sur les seules questions relatives au principe de la vente de l'immeuble sis [Adresse 2], et ce sans consigne de vote, si ce n'est celle implicite et nécessaire de voter conformément à l'intérêt social, en prévoyant par ailleurs que, en tout état de cause, le prix de mise en vente ne pourrait être inférieur à 300 000 euros.
Il convient dès lors de confirmer la décision entreprise et de rejeter l'appel en ce qu'il propose une mission alternative dans le cadre du mandat ad hoc.
Le sort des dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ont été exactement réglés par le premier juge.
Il convient de confirmer la décision de ce chef.
M.[L] supportera les dépens d'appel.
Il sera par ailleurs condamné à payer à la partie intimée une indemnité procédurale dont le montant est repris au présent dispositif.
PAR CES MOTIFS
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
Condamne M.[J] [L] aux dépens d'appel ;
Le condamne à payer à la SCI de la Travance une indemnité de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.
Le greffier, Le président,