RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRÊT DU 29 Novembre 2018
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/05657 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5RXP
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Mars 2018 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - section activités diverses - RG n° F 16/08776
APPELANT DU CHEF DE LA COMPETENCE
M. Laurent X...
[...]
représenté par Me Frédéric Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0480, avocat postulant
représenté par Me Jean-christophe Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : A0112, avocat plaidant
INTIMEE DU CHEF DE LA COMPETENCE
GIE PARI MUTUEL HIPPODROME (GIE PMH)
N° SIRET : 345 112 452
[...]
représentée par Me Loïc A..., avocat au barreau de PARIS, toque : K0168, substitué par Me Aymeric B..., avocat postulant et plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 octobre 2018 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant
Monsieur François LEPLAT, Président
Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur François LEPLAT, Président
Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller
Madame Monique CHAULET, Conseiller
GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François LEPLAT, Président et par Madame FOULON, Greffier.
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Statuant sur l'appel interjeté le 26 avril 2018 par M. Laurent X... d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence rendu le 9 mars 2018 par le conseil de prud'hommes de Paris lequel, saisi par l'intéressé de demandes tendant essentiellement à obtenir paiement de dommages-intérêts pour vice du consentement dans le cadre de la conclusion d'une convention de rupture d'un commun accord non fondée sur un motif économique et par le Groupement d'Intérêt Economique PARI MUTUEL HIPPODROME d'une exception d'incompétence matérielle au profit du tribunal administratif de Paris, s'est déclaré incompétent pour se prononcer sur la fraude à l'article L 1224-1 du code du travail et a invité les parties à mieux se pourvoir devant le tribunal administratif de Paris en réservant les dépens,
Vu la requête transmise à la cour le 26 avril 2018 et l'ordonnance sur requête rendue le 17 mai 2018 par la délégataire du premier président de la cour de céans autorisant l'appelant à assigner à jour fixe pour l'audience du 11 octobre 2018,
Vu l'assignation à jour fixe délivrée le 29 juin 2018 au Groupement d'Intérêt Economique PARI MUTUEL HIPPODROME, aux termes de laquelle M. Laurent X... demande à la cour de':
- infirmer le jugement entrepris,
- dire que le conseil de prud'hommes de Paris est compétent pour connaître de ses demandes,
- débouter le GIE PMH de l'intégralité de ses demandes,
- condamner le GIE PMH à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le GIE PMH aux entiers dépens,
Vu les conclusions transmises le 5 octobre 2018 par le Groupement d'Intérêt Economique PARI MUTUEL HIPPODROME (le GIE PMH), intimé, qui demande à la cour de':
A TITRE PRINCIPAL,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur la fraude alléguée à l'article L 1224-1 du code du travail,
en conséquence,
- se déclarer incompétente et inviter les parties à mieux se pourvoir,
- débouter les salariés de l'intégralité de leurs demandes,
A TITRE «'RECONVENTIONNEL'»,
- condamner chacun des appelants à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les appelants aux entiers dépens,
La cour faisant expressément référence aux écrits susvisés pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties,
SUR CE, LA COUR
EXPOSE DU LITIGE
Créé le 1er janvier 1988 par les sociétés de courses hippiques, le GIE PMH était chargé de la mise en 'uvre des moyens humains, techniques, administratifs, juridiques et financiers nécessaires à la collecte des paris sur les hippodromes de ces sociétés, c'est-à-dire les hippodromes parisiens ainsi que ceux de Chantilly et de Deauville.
Confronté à des difficultés économiques, le GIE PMH a élaboré un projet de plan de réorganisation en envisageant deux options':
- l'externalisation de l'activité de prise de pari sur les hippodromes en dehors de l'institution des courses';
- la transformation de l'activité par la création d'un parcours client sur les hippodromes parisiens reposant sur une automatisation de la prise de pari, mis en 'uvre par le GIE PMU qui de fait était chargé jusque-là de la seule organisation du pari mutuel hors des hippodromes.
Un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) a été élaboré dans le cadre de cette seconde option, le plan de transformation prévoyant la cessation d'activité du GIE PMH et la suppression des 209 postes de travail en son sein.
Ce plan a fait l'objet d'un accord collectif majoritaire signé le 2 juin 2015 par des organisations syndicales représentatives au sein du GIE PMH, qui a été validé le 30 juin 2015 par l'administration.
Salarié du GIE PMH depuis le 1er janvier 1978, M. Laurent X... occupait en dernier lieu le poste de guichetier très hautement qualifié.
Le salarié et l'employeur ont conclu le 22 septembre 2015 une convention de rupture d'un commun accord du contrat de travail pour motif économique dans le cadre du dispositif de pré-retraite prévu dans le PSE.
C'est dans ces conditions que le 27 juillet 2016, M. Laurent X..., à l'instar de douze autres salariés, a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de la procédure qui a donné lieu au jugement entrepris.
MOTIFS
Sur l'exception d'incompétence matérielle':
Après avoir exposé que le salarié contestait l'existence du motif économique de la rupture du contrat et faisait valoir que celle-ci procédait en réalité d'une fraude à l'application de l'article L 1224-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes de Paris s'est déclaré incompétent en retenant l'argumentation du GIE PMH, réitérée devant la cour.
Le GIE PMH rappelle les alinéas 1 et 2 de l'article L 1235-7-1 du code du travail, qui disposent':
«'L'accord collectif mentionné à l'article L 1233-24-1, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation mentionnée à l'article L 1233-57-4.
Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.'»
Sur le fondement de ce texte, il fait valoir':
- d'une part que seul le tribunal administratif est compétent pour les contestations relatives à la régularité de la procédure de licenciement collectif et que la question de l'application de l'article L 1224-1 du code du travail est une question qui touche à la régularité de la procédure de licenciement pour motif économique,
- d'autre part que cette question a bien été étudiée par l'administration à la suite d'une demande d'injonction formulée par le comité d'entreprise du GIE PMH, demande qui est expressément visée dans la décision de validation du PSE.
Il en conclut que le juge judiciaire ne peut statuer sur l'application de l'article L 1224-1 du code du travail, ce qui reviendrait à remettre en cause la décision de validation du PSE prise par la DIRECCTE.
Cependant et ainsi que le soutient à juste titre le salarié, il appartient au juge judiciaire notamment d'apprécier le caractère éventuellement frauduleux de la rupture du contrat de travail et de vérifier l'existence du motif économique sur lequel elle est fondée ainsi que le respect par l'employeur de ses obligations individuelle et conventionnelle de reclassement.
Dès lors qu'en l'espèce le salarié contestait également l'existence des difficultés économiques alléguées par l'employeur, le conseil de prud'hommes de Paris ne pouvait se déclarer matériellement incompétent.
S'agissant de la question de l'application de l'article L 1224-1 du code du travail, elle ne touche pas à la régularité de la procédure de rupture du contrat pour motif économique mais s'inscrit dans un débat de fond portant sur l'existence même du motif économique de la rupture dans la mesure où le transfert légal du contrat de travail évite précisément la suppression ou la transformation de l'emploi et n'emporte aucune modification de ses éléments essentiels.
Il doit être en outre rappelé qu'en application des dispositions de l'article L 1233-57-2 du code du travail, l'autorité administrative valide l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 dès lors qu'elle s'est assurée de :
1° Sa conformité aux articles L 1233-24-1 à L 1233-24-3 ;
2° La régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique ;
3° La présence dans le plan de sauvegarde de l'emploi des mesures prévues aux articles L 1233-61 et L 1233-63 ;
4° La mise en 'uvre effective, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L 1233-57-9 à L 1233-57-16, L 1233-57-19 et L 1233-57-20.
Il en résulte que les dispositions d'ordre public de l'article L 1224-1 du code du travail ne figurent pas parmi les règles et mesures dont l'autorité administrative doit s'assurer qu'elles ont été respectées par l'employeur.
Dès lors, l'action individuelle d'un salarié contestant le motif économique de la rupture de son contrat sur le fondement d'un vice du consentement ou de la fraude de son employeur, spécialement lorsqu'il soutient que son contrat de travail aurait dû être transféré en application des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail, relève de la compétence exclusive de la juridiction prud'homale.
Enfin, s'il est exact que la DIRECCTE a visé dans sa décision de validation du PSE la demande d'injonction formulée par le comité d'entreprise du GIE PMH qui contestait l'exclusion de l'article L 1224-1, il ne ressort pas des termes de cette décision que l'administration ait statué sur ce point.
Il s'ensuit que le litige ainsi délimité ressortit à la compétence de la juridiction prud'homale, de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de rejeter l'exception d'incompétence soulevée au profit de la juridiction administrative et de dire que le conseil de prud'hommes de Paris est matériellement compétent pour connaître de ce litige.
Sur les frais irrépétibles et les dépens':
En application de l'article 700 du code de procédure civile, il apparaît équitable d'allouer à l'appelant la somme de 500 € au titre des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer devant la cour.
Le GIE PMH, qui succombe en son exception de procédure, n'obtiendra aucune indemnité sur ce fondement et supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions';
Rejette l'exception d'incompétence soulevée par le GIE PMH au profit de la juridiction administrative';
Dit le conseil de prud'hommes de Paris matériellement compétent pour connaître du litige';
Renvoie l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Paris';
Condamne le GIE PMH à payer à M. Laurent X... la somme de 500 € au titre des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer devant la cour';
Condamne le GIE PMH aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT