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29/11/2018 | FRANCE | N°17/15776

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 29 novembre 2018, 17/15776


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 2



ARRET DU 29 NOVEMBRE 2018



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/15776



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juin 2017 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 14/12880





APPELANTE



SA AIR FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux

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[Localité 1]



Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03, substitué par Me Aurélien BOULANGER, avocat postulant et plaidant





INTIMEE



UNION SYN...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRET DU 29 NOVEMBRE 2018

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/15776

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juin 2017 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 14/12880

APPELANTE

SA AIR FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03, substitué par Me Aurélien BOULANGER, avocat postulant et plaidant

INTIMEE

UNION SYNDICALE D'AIR FRANCE (UNSA-SMAF)

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065, avocat postulant

Représentée par Me Isabelle GRELIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0178, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 juin 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine MÉTADIEU, Président

Madame Marie Antoinette COLAS, Président appelé à compléter la chambre par ordonnance de roulement en date du 05 janvier 2018

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller, en remplacement de Madame Catherine MÉTADIEU, Président empêché et par Madame FOULON, Greffier.

*********

Statuant sur l'appel interjeté par la société AIR FRANCE d'un jugement rendu le 15 juin 2017 par le tribunal de grande instance de Bobigny lequel, saisi par le syndicat UNSA-SMAF de demandes tendant essentiellement à voir dire que le temps consacré par les membres du PNC au retrait de leur iPad, en ce compris le déplacement nécessaire, constitue bien un temps de travail qui ne saurait être imposé durant un jour de repos, dire que les modalités de remise du CabinPad doivent faire l'objet d'une immobilisation sur ordre, dire que la société AIR FRANCE est tenue de rémunérer ce temps de travail et au besoin l'y condamner, et condamner celle-ci au paiement de la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, a':

- rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société AIR FRANCE,

- déclaré recevable l'action de l'Union Syndicale d'AIR FRANCE,

- dit que le temps consacré par les membres du personnel navigant commercial à la dotation et récupération d'un CabinPad constitue un temps de travail effectif , au sens de l'article L 3121-1 du code du travail, entre dans leurs temps de service au sens de l'article L 6525-2 du code de l'aviation civile et constitue une immobilisation sur ordre au sens de l'accord collectif 2013-2016,

- dit que la société AIR FRANCE est tenue de rémunérer ce temps de travail,

- condamné la société AIR FRANCE à payer à l'Union Syndicale d'AIR FRANCE la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société AIR FRANCE à payer à l'Union Syndicale d'AIR FRANCE la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société AIR FRANCE aux dépens qui seront recouvrés par Maître Isabelle GRELIN, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Vu les conclusions transmises le 5 mars 2018 par la société anonyme AIR FRANCE, qui demande à la cour de':

- réformer le jugement du 15 juin 2017 du tribunal de grande instance de Bobigny,

et statuant à nouveau,

à titre principal,

- dire et juger le syndicat UNSA-SMAF irrecevable en ses demandes,

à titre subsidiaire,

- dire et juger le syndicat UNSA-SMAF infondé en ses demandes,

- en conséquence, l'en débouter,

en tout état de cause,

- condamner le syndicat UNSA-SMAF à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux dépens,

Vu les conclusions transmises le 9 janvier 2018 par l'UNION SYNDICALE D'AIR FRANCE ' UNSA (le syndicat UNSA Aérien - SMAF), intimée, qui forme un appel incident et demande à la cour de':

- confirmer le jugement du 15 juin 2017 du tribunal de grande instance de Bobigny,

statuant à nouveau :

- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes,

- dire que le temps consacré par les membres du PNC au retrait de leur iPad constitue bien un temps de travail qui ne saurait être imposé durant un jour de repos,

- dire que les modalités de remise du CabinPad doivent faire l'objet d'une immobilisation sur ordre,

- dire que la société AIR FRANCE est tenue de rémunérer ce temps de travail, et au besoin

l'y condamner,

- débouter la société AIR FRANCE de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société AIR FRANCE à lui verser la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- condamner la Société AIR FRANCE à lui verser la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société AIR FRANCE aux entiers dépens de la procédure, dont

distraction au profit de Maître ETEVENARD, Avocat, en application des dispositions de

l'article 699 du code de procédure civile,

La cour faisant expressément référence aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 12 avril 2018,

SUR CE, LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

La société AIR FRANCE emploie des hôtesses et des stewards composant le personnel navigant commercial (PNC), parmi lesquels des chefs de cabine (CC) et des chefs de cabine principaux (CCP) représentant environ 3 700 salariés.

La société a souhaité doter les CC et les CCP d'une tablette électronique appelée CabinPad.

En vue de la remise de cet outil, la société a organisé une procédure de délivrance en main propre sur la base d'affectation à compter du 7 avril 2014 et jusqu'au 31 juillet 2014, en mettant à la disposition de chaque PNC, sur le site intranet (LOTUS) de l'entreprise, une aide à la prise de rendez-vous auprès du prestataire extérieur chargé de la remise des CabinPad.

Cette procédure a suscité un contentieux entre les représentants syndicaux et la direction s'agissant de la qualification de ce temps de dotation et sa rémunération, l'employeur refusant de programmer à cet effet une immobilisation au sens des dispositions de l'accord collectif PNC.

C'est dans ces conditions que par assignation délivrée le 21 juillet 2014, l'UNION SYNDICALE D'AIR FRANCE ' UNSA a saisi le tribunal de grande instance de Bobigny de la procédure qui a donné lieu au jugement entrepris.

MOTIFS

Sur la recevabilité':

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte qu'au regard des dispositions de l'article L 2132-3 du code du travail, les premiers juges ont rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société AIR FRANCE, le jugement entrepris étant donc confirmé de ce chef.

Sur le temps consacré à la remise du CabinPad':

L'article L 6521-6 du code des transports dispose': «'Le code du travail est applicable au personnel navigant de l'aéronautique civile et à leurs employeurs, sous réserve des dispositions particulières fixées par le présent titre'».

A cet égard, l'article L 6525-1 du même code prévoit que les dispositions du code du travail relatives au temps de pause, au travail de nuit et au repos quotidien ne s'appliquent pas au personnel navigant de l'aviation civile.

L'article L 6525-2 du même code dispose':

«'La durée annuelle du temps de service des salariés qui exercent l'une des fonctions mentionnées à l'article L 6521-1 [notamment donc le personnel navigant commercial du transport aérien] ne peut excéder 2 000 heures, dans lesquelles le temps de vol est limité à 900 heures.'

Pour l'application du présent article :'

1° Le temps de service comprend au moins la somme des temps de vol, des temps consacrés aux activités connexes au vol et de certaines fractions, déterminées par voie réglementaire pris après consultation des organisations d'employeurs et de salariés intéressées, du temps pendant lequel le salarié est présent sur le site de travail et susceptible, à tout moment, d'être appelé pour accomplir un vol ou une tâche relevant de son contrat de travail ;'

2° Le temps de vol est le temps qui s'écoule entre l'heure à laquelle l'aéronef quitte son lieu de stationnement en vue de décoller et celle à laquelle il s'arrête au lieu de stationnement désigné, une fois que tous les moteurs sont éteints.'»

Il en résulte que sont applicables les dispositions d'ordre public de l'article L 3121-1 du code du travail, en vertu desquelles la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

Enfin, aux termes de l'accord collectif PNC 2013-2016, l'immobilisation sur ordre est définie comme étant une «'activité au sol programmée dans le tour de service individuel à l'initiative de l'employeur': stage, manifestation extérieure, visite médicale, entretien, prestation diverse.'»

Au cas présent, ainsi que l'expose la société AIR FRANCE dans ses conclusions, l'iPad est un outil technologique moderne et innovant, déjà utilisé par d'autres compagnies aériennes, destiné à faciliter la tâche des personnels navigants et de moderniser l'image de la compagnie auprès de ses clients'; il permet au personnel navigant concerné de recevoir par voie électronique des informations professionnelles ainsi que de gérer la clientèle accueillie à bord des appareils et contient également l'ensemble de la documentation de sécurité.

Il ressort en outre des réponses de la direction aux questions des représentants du personnel que la maîtrise avait bien l'obligation de se munir du CabinPad qui est un outil de travail.

A l'examen du tableau des temps de récupération fourni par l'appelante, le temps moyen de remise du CabinPad n'est pas de 12 minutes comme elle le soutient mais proche de 23 minutes, la durée du temps de dotation n'étant en tout état de cause pas déterminante pour la solution du litige.

Si selon son témoignage M. [P] [H] a été en mesure de récupérer son iPad sans prendre rendez-vous parce que le formateur était «'disponible'», il n'en reste pas moins que la procédure d'aide à la prise de rendez-vous mise en place par l'employeur sur l'intranet de l'entreprise précisait que le PNC concerné devait impérativement s'inscrire au préalable et se présenter impérativement à l'heure au rendez-vous en ayant pris soin de se conformer au document récapitulant les prérequis, condition de son acceptation «'en séance'», ces prérequis obligatoires étant selon le courriel type reçu par les intéressés':

- être en possession d'un identifiant Apple,

- être en possession d'un «'Token'» qui fonctionne,

- avoir pris connaissance de la charte sur les conditions d'utilisation du CabinPad disponible sur le site CabinPad,

- pour chaque CCP doté d'un «'Ordi'», restituer impérativement son «'Ordi'» ainsi que tous les accessoires en sa possession à l'exception de l'adaptateur universel.

Il résulte encore des productions que si le PNC concerné avait le choix du jour et de l'heure de la récupération de son iPad sur son lieu de travail, ce choix était néanmoins tributaire des dates et horaires proposés sur le site et ne pouvait se porter sur un temps comptabilisé en activité vol ou en activité sol, la remise devant être effectuée soit sur un temps de repos, soit avant ou après une rotation.

C'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont retenu que le temps consacré par les salariés à la récupération de leur outil de travail, hors de tout temps de service, était un temps de travail effectif dans la mesure où il s'agissait d'une action de travail commandée et encadrée par l'employeur, peu important que ceux-là puissent choisir le jour et l'heure de leur dotation dans le cadre pré-défini par celui-ci, étant précisé que le lieu de remise dépendait de leur base d'affectation.

En effet, pendant le temps de la remise de l'iPad, consacré également à la vérification des pré-requis obligatoires, à la mise en conformité pour exploitation et aux explications du prestataire, les PNC concernés étaient à la disposition de l'employeur et se conformaient à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

La société AIR FRANCE ne saurait par ailleurs sérieusement soutenir qu'aucun contrôle n'était effectué alors que le syndicat verse aux débats un courriel d'une instructrice PNC (siège) à l'intention de M. [V] [N], rédigé en ces termes':

«'La dotation des CabinPad a commencé le 07/04/2014. Un rappel t'a été fait le 28/04 pour venir chercher ton CabinPad. Or à ce jour cette action n'a pas encore été effectuée.'»

«'Je te rappelle que cette action est une obligation professionnelle, par conséquent je te demande de faire le nécessaire dans les plus brefs délais.'»

Enfin, si la direction a pu répondre de façon évasive aux délégués du personnel qu'il n'était pas prévu de sanction en cas de non-retrait de l'iPad, une telle indication relative à ses seules prévisions n'engageait pas l'employeur qui restait en mesure de mobiliser son pouvoir de sanction si ses directives n'étaient pas respectées.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a':

- dit que le temps consacré par les membres du personnel navigant commercial à la dotation et récupération d'un CabinPad constitue un temps de travail effectif , au sens de l'article L 3121-1 du code du travail, entre dans leurs temps de service au sens de l'article L 6525-2 du code de l'aviation civile et constitue une immobilisation sur ordre au sens de l'accord collectif 2013-2016,

- dit que la société AIR FRANCE est tenue de rémunérer ce temps de travail.

Sur la demande en dommages-intérêts pour résistance abusive':

Le droit de se défendre en justice ne dégénérant en faute qu'en cas d'abus caractérisé ou d'intention de nuire, dont la réalité n'est pas suffisamment démontrée au cas présent, la demande en dommages et intérêts pour résistance abusive présentée par le syndicat et son appel incident à ce titre seront rejetés, la décision entreprise étant infirmée sur ce point.

Sur les frais irrépétibles et les dépens':

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance.

Il est équitable d'allouer à l'UNION SYNDICALE D'AIR FRANCE ' UNSA la somme de 3 600 € au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer devant la cour, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société AIR FRANCE qui succombe n'obtiendra aucune indemnité sur ce fondement et supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, en particulier en ce qu'il a':

- déclaré le syndicat recevable en ses demandes,

- dit que le temps consacré par les membres du personnel navigant commercial à la dotation et récupération d'un CabinPad constitue un temps de travail effectif , au sens de l'article L 3121-1 du code du travail, entre dans leurs temps de service au sens de l'article L 6525-2 du code de l'aviation civile et constitue une immobilisation sur ordre au sens de l'accord collectif 2013-2016,

- dit que la société AIR FRANCE est tenue de rémunérer ce temps de travail,

sauf en ce qu'il a condamné la société AIR FRANCE à payer à l'Union Syndicale d'AIR FRANCE la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts';

Statuant à nouveau sur ce point et y ajoutant,

Rejette la demande en dommages-intérêts pour résistance abusive présentée par l'UNION SYNDICALE D'AIR FRANCE ' UNSA et son appel incident à ce titre';

Condamne la société AIR FRANCE à payer à l'UNION SYNDICALE D'AIR FRANCE ' UNSA la somme de 3 600 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour';

Condamne la société AIR FRANCE aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 17/15776
Date de la décision : 29/11/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°17/15776 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-29;17.15776 ?
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