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29/11/2018 | FRANCE | N°14/08961

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 29 novembre 2018, 14/08961


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 29 Novembre 2018

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 14/08961 - N° Portalis 35L7-V-B66-BUO5C



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Février 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F13/02413





APPELANTE

SARL COMM'9

[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 342 176 468

re

présentée par Me Michael SKAARUP, avocat au barreau de PARIS, toque : J100







INTIME

Monsieur [O] [E]

[Adresse 2]

[Localité 2]

né le [Date naissance 1] 1969 à

représenté par Me M...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 29 Novembre 2018

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 14/08961 - N° Portalis 35L7-V-B66-BUO5C

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Février 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F13/02413

APPELANTE

SARL COMM'9

[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 342 176 468

représentée par Me Michael SKAARUP, avocat au barreau de PARIS, toque : J100

INTIME

Monsieur [O] [E]

[Adresse 2]

[Localité 2]

né le [Date naissance 1] 1969 à

représenté par Me Marie-gaelle MAUZE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0769

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Octobre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Catherine BRUNET, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine BRUNET , présidente

M. Stéphane MEYER, conseiller

Mme Isabelle MONTAGNE, conseillère

Greffier : Monsieur Philippe ANDRIANASOLO, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,

- signé par Mme Catherine Brunet, Présidente de chambre et par M. Philippe ANDRIANASOLO, Greffier présent lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [O] [E] a été engagé par la société COMM'9 par contrat de travail à durée déterminée en date du 19 janvier 2001 en qualité d'agent de propreté ce à compter du 22 janvier 2001. La relation contractuelle s'est poursuivie au-delà du terme à compter du 23 avril 2001.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de propreté.

La société COMM'9 occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Monsieur [O] [E] a été convoqué par lettre du 16 octobre 2012 à un entretien préalable fixé au 25 octobre.

Il a été licencié pour cause réelle et sérieuse par une lettre recommandée avec avis de réception en date du 5 novembre 2012 qui a été présentée mais n'a pas été réclamée.

Contestant son licenciement, Monsieur [O] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement en date du 20 février 2014 auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties a condamné la société COMM'9 à lui verser la somme de :

- 11.989,20 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

et l'a débouté du surplus de ses demandes.

La société COMM'9 a régulièrement relevé appel de ce jugement le 4 août 2014.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 4 octobre 2018.

Aux termes de ses conclusions visées par le greffier et soutenues oralement, la société COMM'9 soutient qu'elle a régulièrement notifié le licenciement au salarié, que la procédure de licenciement est régulière et que celui-ci est fondé.

En conséquence, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter Monsieur [E] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre le paiement des dépens.

Reprenant oralement à l'audience ses conclusions visées par le greffier, M.[E] fait valoir que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en ce que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis.

En conséquence, il sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de la société COMM'9 à lui payer les sommes suivantes :

- 35.967,60 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

outre le paiement des dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIVATION

Sur le licenciement

Le conseil de prud'hommes a considéré que le licenciement de M.[E] était dépourvu de cause réelle et sérieuse en retenant qu'il lui avait été notifié verbalement. M.[E] ne soutient pas devant la cour d'appel avoir été licencié verbalement et/ou de façon irrégulière. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce point.

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

' (...) Nous sommes au regret de vous informer que nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour fautes pour les raisons suivantes :

- travail non réalisé,

- travail mal réalisé,

- non respect des consignes données,

En effet, en date du 16 octobre 2012, nous avons procédé à une inspection sur l`un de vos chantiers, à savoir, le [Adresse 3], où nous avons pu vous y rencontrer.

Avant de procéder à la visite des parties communes, nous avons pu constater que vous n'aviez pas entreposé votre panneau de signalisation dans le hall d'entrée, indiquant aux habitants un éventuel danger de glissade.

Vous n'aviez pas non plus votre badge permettant de vous identifier auprès des copropriétaires.

Malgré nos nombreux rappels à ce sujet, nous constatons que vous ne respectez pas les consignes qui vous sont données.

Nous avons donc commencé notre inspection en votre compagnie et avons pu constater de nombreux détritus dans les espaces verts que vous n'aviez pas daigné ramasser, tout comme, les deux puisards étaient également remplis de détritus.

Nous avons poursuivi notre inspection à l'intérieur de l'immeuble et ensemble avons pu constater les nombreux défauts suivants :

- adhésifs non retirés sur les boîtes aux lettres,

- le dessus de ces mêmes boîtes aux lettres non dépoussièré, sous prétexte que celles ci étaient trop haute (hauteur d'homme) alors même que vous avez un escabeau dans votre voiture à cet effet,

- paliers et marches d'escalier balayés superficiellement et non lavés,

- locaux vide ordure sur chaque semi palier ni balayés ni lavés,

- courette non balayée (au vue de son état de saleté, non balayage depuis plusieurs semaines),

- escalier et sas des sous sols, encore une fois balayés superficiellement et non lavés,

- détritus non retirés dans une aération située au deuxième sous sol,

- détritus non retirés au bas de la rampe d'escalier,

- détritus non ramassés sur la rampe intérieure du parking,

- détritus non ramassés sur la deuxième partie de la devanture extérieure, tout comme sur la rampe de parking extérieure,

Lors de cet entretien, vous avez admis ne pas être passé dans certaines parties communes de l'immeuble et confirmé ne pas avoir ramassé la semaine précédente les détritus sur la rampe extérieure de parking, sans pouvoir le justifier.

Comme nous vous l'avons indiqué lors de cet entretien, nous avons été contraints de renvoyer l'un de vos collègues effectuer le travail que vous auriez dû faire dans ces parties communes, tant celles ci étaient sales et bien entendu, nous avons dû payer ce travail en heures supplémentaires majorées, ce qui représente un surcoût pour l'entreprise.

Avec des prestations aussi médiocres, vous exposez l'entreprise aux réclamations de ses clients, voir à d'éventuelles résiliations de contrat.

Après avoir terminé notre inspection, nous vous avons demandé votre feuille de tournée et à notre grande surprise, nous avons pu observer que vous n'aviez pas indiqué le kilométrage départ du bureau de votre véhicule et que sur certains chantiers sur lesquels vous étiez déjà intervenu, ne figuraient pas les horaires d'arrivée et de départ, en contradiction avec les consignes de l'entreprise.

Cette attitude est celle d'un salarié trichant sur les horaires d'intervention.

Vos explications imprécises, voir incompréhensibles lors de notre entretien, ne nous permettent pas de poursuivre en toute confiance notre collaboration compte tenu des griefs ci-dessus évoqués.

Ce n'est pas faute de vous avoir averti, que ce soit par courrier ou verbalement.

Il suffit de reprendre votre dossier pour voir un nombre considérable de courriers vous relatant d'autres problèmes de qualité qui vous ont été notifiés.

C'est pourquoi, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour fautes pour les motifs ci dessus mentionnés.(...)'.

La société soutient que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse car l'inspection diligentée le 16 octobre 2012 a révélé de nombreux défauts de qualité alors qu'elle avait par le passé à plusieurs reprises notifié au salarié le caractère insatisfaisant de sa prestation de travail.

M.[E] fait valoir que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse car les griefs sont matériellement invérifiables et il venait de débuter sa mission sur ce chantier ce qui explique que l'intégralité de ses tâches n'aient pas été accomplies. Il ajoute qu'il n'a pas signé le rapport d'inspection.

Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Il résulte des explications des parties que M.[E] devait effectuer des prestations de ménage sur plusieurs sites dans le cadre de tournées. Cette tournée est décrite dans un document recensant les sites et comportant des recommandations inscrites par la société. Le salarié indique ses heures d'arrivée et de départ et des observations, la durée totale de sa mission ainsi que le kilométrage parcouru.

La société produit le compte-rendu d'inspection du 16 octobre 2012 qui fonde le licenciement. Comme le remarque le salarié, la cour relève que ce document n'est pas signé par lui. Il n'est pas corroboré par des éléments objectifs comme des photographies alors qu'il est établi que la société joint des photographies à des rapports d'inspection comme elle l'a fait le 18 avril 2012, et l'inspecteur auteur du contrôle n'a pas établi d'attestation. Si la société verse aux débats une réclamation du client qui a motivé l'inspection diligentée, il ressort de cet écrit du 9 octobre 2012 qu'il était reproché à la société une absence de rentrée des poubelles le 5 octobre. Or sur les feuilles de tournée précisant les diligences que doit effectuer le salarié, il n'est pas mentionné comme il le relève sans être utilement contredit, qu'il doit s'occuper des poubelles. Au surplus, si les copropriétaires indiquent s'être plaints le 19 juin 2012 du mauvais entretien de l'immeuble, ils ne s'en plaignent plus à la date du 9 octobre comme souligné par le salarié alors qu'ils n'ont pas manqué de faire part de la réitération de leurs plaintes concernant les containers. Il s'en déduit que si l'entretien de l'immeuble avait été dans un état de délaissement aussi important que décrit dans le compte rendu d'inspection, ils l'auraient signalé. En outre, alors que la société affirme dans la lettre de licenciement, qu'elle a dû faire nettoyer les parties communes de l'immeuble par un autre salarié, elle n'apporte aucun élément à ce titre.

La société reproche également au salarié de ne pas avoir renseigné correctement le kilométrage au départ de son bureau ainsi que les heures d'arrivée et de départ de certains chantiers. Elle indique dans la lettre de licenciement 'Cette attitude est celle d'un salarié trichant sur les horaires d'intervention.'. La cour constate sur la feuille de tournée communiquée par la société la mention manuscrite suivante 'pas d'horaires d'indiqué à partir de l'heure de départ du [Adresse 4]' suivi d'un nom et d'une signature. Sur ce document, figure le kilométrage au départ du bureau et en tout état de cause, le fait pour le salarié de ne pas avoir indiqué l'heure de départ de l'immeuble précédant immédiatement l'immeuble inspecté, n'établit pas une intention de fraude qui au surplus, n'est pas explicitée par la société.

Enfin, M.[E] n'est pas utilement contredit lorsqu'il explique ne pas avoir mis le panneau de signalisation dans le hall car il n'avait pas nettoyé celui-ci et la cour relève que ce manquement n'a pas été constaté sur le compte-rendu d'inspection. Enfin, si M.[E] reconnaît ne pas avoir porté son badge, ce seul grief ne peut constituer une cause de licenciement.

Il résulte dès lors de l'analyse des éléments produits que le licenciement de M.[E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M.[E], de son âge, 43 ans, de son ancienneté, 11 ans, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, c'est à juste titre que les premiers juges lui ont alloué sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, la somme de 11.989,20 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il y a donc lieu de confirmer la décision entreprise.

Sur le remboursement des prestations chômage à POLE EMPLOI

L'article. L.1235-4 du code du travail dispose que « dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11 du même code, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de 6 mois d'indemnités chômage par salarié intéressé. » Le texte précise que « ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées. »

Sur la base de ces dispositions, et compte tenu du licenciement sans cause réelle et sérieuse de M.[E], il y a lieu d'ordonner à la société COMM'9 de rembourser à POLE EMPLOI les indemnités de chômage versées à celui-ci du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d'indemnités.

Sur les frais irrépétibles

C'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société à payer à M.[E] la somme de 700 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Leur décision sera confirmée à ce titre.

Partie succombante, la société COMM'9 sera condamnée en outre à lui payer la somme de 2 000 euros pour la procédure d'appel au même titre.

Sur les dépens

Partie succombante, la société COMM'9 sera condamnée au paiement des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Ajoutant,

Ordonne à la société COMM'9 de rembourser à POLE EMPLOI les indemnités de chômage versées à M.[O] [E] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d'indemnités,

Condamne la société COMM'9 à payer à M.[O] [E] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne la société COMM'9 aux dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 14/08961
Date de la décision : 29/11/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°14/08961 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-29;14.08961 ?
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