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27/11/2018 | FRANCE | N°17/12679

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 27 novembre 2018, 17/12679


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 27 NOVEMBRE 2018



(n° 504, 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/12679 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3TK5



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Mai 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/15479





APPELANTES



SARL MARC ARTHUR KOHN

[Adresse 1]


[Localité 1]



Représentée et plaidant par Me Jean-Loup NITOT de la SELAS NITOT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0208



Société MAYFAIR GALLERY LIMITED agissant poursuites et diligences...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 27 NOVEMBRE 2018

(n° 504, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/12679 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3TK5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Mai 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/15479

APPELANTES

SARL MARC ARTHUR KOHN

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée et plaidant par Me Jean-Loup NITOT de la SELAS NITOT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0208

Société MAYFAIR GALLERY LIMITED agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux y domicilié en cette qualité

[R] [R]

[Adresse 2]

[Adresse 2]W

[Localité 2]

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

INTIMES

Monsieur [X] [T] [V]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 3] (Egypte)

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 3] (Egypte)

Représenté par Me Nicolas PILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0683

Monsieur [Z] [F]

[Adresse 4]

[Localité 4]

né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 5] (92)

Représenté et plaidant par Me Michèle TROUFLAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1214

SARL MARC ARTHUR KOHN

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée et plaidant par Me Jean-Loup NITOT de la SELAS NITOT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0208

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Septembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. [Q] [R], Président de chambre

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

Mme Anne de LACAUSSADE, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur [Q] [R] dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par [Q] [R], Président de chambre et par Lydie SUEUR, Greffière présent lors du prononcé.

*****

Lors d'une vente aux enchères publiques organisée par la société de ventes volontaires [F]-[F] [A], le 2 août 2008, M. [X] [V], collectionneur privé de nationalité égyptienne, a été déclaré adjudicataire au prix marteau de 60 000 euros, soit 72 000 euros charges comprises, d'un coffret constituant le lot 69 de la vente, décrit au catalogue comme : 'Exceptionnel coffret serre-bijoux ; Bronzes dorés et plaques de porcelaine aux effigies de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Deuxième moitié du XIXème siècle. H 48 cm L 80 cm P 46 cm 50 000/60 000 euros.

M. [Z] [F] était l'expert en mobilier et objet d'art de la vente.

Le 7 avril 2009, M. [V], ayant des doutes sur l'authenticité du coffret (consistance et date de fabrication) a fait assigner Me [F]-[F] [A], commissaire-priseur et M. [Z] [F], expert, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris afin que soit organisée une expertise du coffret serre-bijoux.

Par ordonnance du 2 juillet 2009, le juge des référés de cette juridiction a donné acte à la société de ventes volontaires [F]-[F] [A] de son intervention volontaire, prononcé la mise hors de cause de Me [A] et a débouté M. [V] de sa demande.

M. [V] ayant interjeté appel de cette décision, la cour d'appel de Paris a, par arrêt du 7 mai 2010, ordonné une mesure d'expertise confiée à M. [Y] [I], ultérieurement remplacé par M. [A] [Z], lequel a déposé son rapport le 19 mai 2011 dont les conclusions sont les suivantes:

'La présentation et les indications relatives aux caractéristiques du lot 69 mentionnées dans le catalogue de vente correspondent bien aux qualités réelles du coffret. Tout au plus, pouvait-il être un peu plus précis en indiquant à la place de 'deuxième moitié du XIXème siècle', 'fin du XIXème siècle'.

Par acte du 29 juillet 2013, M. [V] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris la société [U] [J] Ltd, la société [F]-[F] [A] et M. [Z] [F] afin d'obtenir la nullité du rapport d'expertise, la nullité de la vente du coffret, la condamnation in solidum de la société [U] [J], de la société [F]-[F] [A] et de M. [F] à lui payer la somme de 60 000 euros au titre de la restitution du prix de vente, avec intérêts légaux à compter de l'assignation, la condamnation de la société [F]-[F] [A] à lui payer la somme de 12 000 euros au titre du remboursement des frais, honoraires et droits perçus lors de l'adjudication, la condamnation in solidum de la société [U] [J], de la société [F]-[F] [A] et de M. [F] à lui payer la somme de 2000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral et la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans son jugement du 11 mai 2017, le tribunal de grande instance de Paris a :

- rejeté la demande de rabat de l'ordonnance de clôture présentée par M. [V],

- annulé la vente du coffret serre-bijoux adjugé à M. [V] le 2 août 2008,

- condamné la société Mayfaire [J] Ltd à rembourser à M. [V] la somme de 60 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2013,

- dit que les intérêts dus se capitaliseront conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil (article 1343-2 du code civil depuis le 1er octobre 2016),

- condamné M. [V] à restituer à la société [U] [J] Ltd ce coffret à bijoux,

- condamné la société de vente [F]-[F] [A] à rembourser à M. [V] la somme de 12000 euros au titre des frais, droits et honoraires de vente,

- condamné in solidum la société [F]-[F] [A] et M. [Z] [F] à payer à M. [V] la somme de 6000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [F] à garantir la société [F]-[F] [A] des condamnations prononcées à son encontre,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné in solidum la société [F]-[F] [A] et M. [F] aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 28 novembre 2017, les appels respectivement interjetés par la société [F]-[F] [A] et la société [U] [J] Limited, les 29 juin 2017 et 3 juillet 2017, ont été joints.

Au cours de la procédure d'appel, la société [U] [J] Limited et M. [V] se sont rapprochés, convenant de régler leur différend par un protocole de transaction signé le 13 novembre 2017, aux termes duquel :

- M. [V] s'est engagé à restituer le coffret à la société [U], à renoncer aux intérêts légaux à compter du 29 juillet 2013 et aux intérêts capitalisés, la société [U] à payer 60 000 euros en remboursement du coffret, à en prendre possession après encaissement de cette somme et à se désister de son appel.

En exécution de ce protocole, la société [U] [J] a restitué à M. [V] la somme de 60 000 euros correspondant au prix de vente du coffret serre-bijoux adjugé à M. [V] le 2 août 2008, tandis que M. [V] lui redonnait le coffret.

Dans ses écritures du 8 février 2018, la Sarl [F]-[F] [A], appelante, demande à la cour :

- de la juger recevable et bien fondée en son appel et en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a annulé la vente du coffret serre-bijoux du 2 août 2008 ;

-subsidiairement, de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [F] à la garantir contre toute condamnation prononcée à son encontre ;

- de condamner M. [V] à lui payer une somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile, de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

- si par impossible, la cour confirmait le jugement du tribunal en accueillant la demande de M. [V], il y aurait lieu de le confirmer également en condamnant la société [U] [J] à rembourser le prix perçu et M. [F], expert de la vente, à la garantir puisque, dans une telle hypothèse, c'est nécessairement que cet expert aurait été fautif dans ses affirmations concernant la description et la datation du coffret, l'article L. 321-17 du code de commerce instituant une responsabilité solidaire de plein droit de l'expert et de l'opérateur en vente volontaire et dans leurs rapports c'est à l'expert d'assurer seul les conséquences de la nullité de la vente dans la mesure où il a seul rédigé la description de l'objet dans le catalogue et où l'opérateur n'a commis aucune faute.

Dans ses écritures du 12 juin 2018, M. [V] demande à la cour :

- de constater qu'il fait sommation à la société [F]-[F] [A] de produire une copie du jugement rendu le 27 mai 2016 par le tribunal correctionnel de Paris, condamnant Me [F]-[F] [A] à des peines de 8 mois d'emprisonnement avec sursis et de 5 000 euros d'amende (dans l'affaire du faux bronze du sculpteur [D] vendu lors d'une vente publique aux enchères organisée en 2001 par ce commissaire-priseur) ;

- d'annuler le rapport d'expertise du 19 mai 2011 ;

- d'annuler la vente du « coffret serre-bijoux » adjugé à M. [X] [T] [V] le 2 août 2008 («lot n°69 » du catalogue de la vente de [F]-[F] [A] du 2 août 2008) ;

- de constater que la société [U] [J] Limited et M. [V] ont convenu de régler leur différend par un protocole de transaction signé le 13 novembre 2017 ;

- de constater qu'en exécution de ce protocole de transaction :

- la société [U] [J] a payé le 13 novembre 2017 à M. [V] une somme de 60 000 euros à titre de restitution du prix de vente du « coffret serre-bijoux » adjugé à M.[V] le 2 août 2008 («lot n°69 » du catalogue de la vente de [F]-[F] [A] du 2 août 2008),

- il a restitué le « coffret serre-bijoux » à la société [U] [J] ;

- de condamner in solidum la société [F]-[F] [A] et M. [Z] [F] à lui payer les intérêts légaux échus sur la somme de 60 000 euros correspondant au prix de vente entre le 29 juillet 2013 (date de l'assignation) et le 13 novembre 2017 (date de restitution du prix de vente du « coffret serre-bijoux ») ;

- de dire que les intérêts échus, dus pour une année entière, se capitaliseront et produiront intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil (ancien article 1154 du code civil);

- de condamner la société [F]-[F] [A] à lui payer une somme de 12 000 euros à titre de remboursement des frais, droits et honoraires perçus lors de l'adjudication du coffret;

- de condamner in solidum la société [F]-[F] [A] et M. [Z] [F] à lui payer une somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- de condamner in solidum la société [F]-[F] [A] et M. [Z] [F] à lui verser une somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner in solidum la société [F]-[F] [A] et M. [Z] [F] aux dépens.

Dans ses écritures du 30 juillet 2018, M. [F], intimé et appelant incident, demande à la cour:

-de déclarer recevable et bien fondé l'appel formé par la SVV [F]-[F] [A] en ce qu'elle demande l'infirmation du jugement rendu le 11 mai 2017 par la 5ème chambre - 2ème section du tribunal de grande instance de Paris qui a ordonné la nullité de la vente du coffret serre-bijoux intervenue le 2 août 2008 ;

- de déclarer recevable et bien fondé son appel incident à l'encontre de ce jugement ;

- d'infirmer ledit jugement en toutes ses dispositions ;

- de débouter M. [V] de toutes ses demandes et notamment de celles dirigées contre lui comme étant irrecevables, en tout cas non fondées ;

- en tout état de cause, de débouter la société de ventes volontaires [F]-[F] [A] de toutes ses demandes formulées à son encontre comme étant irrecevables, en tout cas non fondées ;

- de condamner tout succombant à lui régler une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés par Maître Michèle Trouflaut, avocat au barreau de Paris.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 septembre 2018.

M. [V] a pris de nouvelles écritures le 10 septembre 2018 et communiqué deux nouvelles pièces dont M. [F] demande, par conclusions du 12 septembre 2018, le rejet comme étant tardives.

La société [U] [J] n'a pas conclu.

SUR CE,

Considérant que les écritures et les pièces 54 et 55 versées aux débats par M. [V], le 10 septembre 2018, la veille de l'ordonnance de clôture, doivent être écartées comme tardives, leur date de communication ne laissant pas aux autres parties le temps de répliquer utilement ;

Considérant que M. [V] justifie du protocole d'accord intervenu entre lui et la venderesse, la société [U] [J] Limited, en date du 13 novembre 2017, ayant mis fin au litige qui les opposait, M. [V] lui restituant l'oeuvre litigieuse tandis que la galerie lui remboursait le prix d'acquisition marteau de 60 000 euros ; qu'il convient dans ces conditions de constater que la demande de nullité de la vente du coffret serre-bijoux présentée par M. [V] est devenue sans objet, le coffret ayant d'ores et déjà été restitué à son précédent propriétaire au jour où la cour statue ;

Considérant que la société [F]-[F] [A], appelante, soutient que :

- l'expert judiciaire, M. [Z], qui a procédé aux opérations d'expertise, a déposé un rapport indiquant que le coffret était conforme aux mentions portées sur le catalogue de vente précisant qu'il s'agissait d'une pièce fabriquée en France entre 1880 et 1890 et précisant : « la présentation et les indications relatives aux caractéristiques du lot 69 mentionnées dans le catalogue de vente correspondent bien aux qualités réelles du coffret. Tout au plus, pouvait-il être plus un peu plus précis en indiquant à la place de « deuxième moitié du XIXème siècle », fin du XIXème siècle »;

- M. [V], qui qualifie ces conclusions de l'expert judiciaire "d'aberrantes" ou de "fantaisistes", indique avoir déposé plainte entre les mains du doyen des juges instruction de Paris le 14 février 2012 en escroquerie, après avoir fait réaliser une analyse technique postérieurement au dépôt du rapport de l'expert mais qui, faute d'avoir été diligentée contradictoirement, ne pourra être retenue, bien que le tribunal s'en prévale pour motiver son jugement ;

- la cour ne pourra faire droit à la demande de M. [V] d'annuler le rapport de l'expert judiciaire puisque rien n'établit que les opérations d'expertise ne se soient pas déroulées conformément aux dispositions du code de procédure civile ; M. [V] confond le respect du contradictoire avec le droit de tout expert de procéder seul à l'étude du dossier au travers d'éléments matériels qu'il a lui-même obtenus sans qu'une des parties soit intervenue ;

- les digressions de M. [V] sur la condamnation de M. [A] sont non seulement totalement étrangères au litige mais la décision en cause a été frappée d'appel, le recours n'ayant pas encore été jugé, M. [A] contestant toute responsabilité pénale ; de même, les démêlés judiciaires de M. [Z] n'ont rien à voir avec le litige et n'ont à ce jour donné lieu à aucune condamnation ;

- s'agissant de la nullité de la vente elle-même, une simple analyse établie non contradictoirement, postérieurement à l'expertise judiciaire, ne peut suffire à contredire les conclusions de l'expert judiciaire qui, aux termes d'une expertise contradictoire, a estimé l'objet conforme ; le laiton est un bronze et les bronzes du XVII, XVIII, XIXème siècle sont en fait des laitons ; en matière d'objets anciens le terme bronze est souvent employé improprement, il s'agit la plupart du temps de laiton, surtout depuis le XVIIème siècle ; « bronze doré » ne signifie naturellement pas que cet alliage contient de l'or mais simplement qu'il en a la couleur ;

- le CARAA, saisi par M. [V], conclut que rien ne permet de dire que les porcelaines ne seraient pas du XIXème siècle après analyse des pigments de peinture ; le consentement de M.[V] n'a pu être vicié ;

- une éventuelle erreur sur la valeur de l'objet est sans intérêt également dans la mesure où l'erreur sur la valeur ne peut fonder un vice du consentement ;

- la plainte avec constitution de partie civile ne constitue pas en soi un élément permettant d'annuler l'expertise et la vente, d'autant que M. [V] ne sollicite aucun sursis à statuer, la société [F]-[F] [A] ignorant le sort donné à cette plainte déposée il y a maintenant plus de 4 ans ;

- l'opérateur en vente publique ne peut être tenu, en cas d'annulation de vente, à restituer le prix d'adjudication qu'il a remis au vendeur ;

- la procédure engagée par M. [V] apparaît non seulement dénuée de tout fondement mais également abusive, justifiant l'octroi de dommages et intérêts ;

Considérant que M. [V], intimé réplique que :

- il a eu recours à d'autres experts dans la mesure où il conteste l'expertise réalisée par M. [Z], expert judiciaire désigné par la cour d'appel de Paris, dont les conclusions ne sont pas conformes au principe d'objectivité posé par l'article 237 du code de procédure civile, vont à l'encontre des constatations réalisées lors de la procédure et sont systématiquement orientées ;

- lors de la réunion d'expertise judiciaire du 21 janvier 2011, M. [J] [W], expert judiciaire honoraire à la cour d'appel a constaté que les porcelaines du lot 69 [F] [F] [A] n'étaient pas de véritables porcelaines fabriquées par la Manufacture nationale de Sèvres, mais des imitations d'origine indéterminée ; selon le catalogue édité par la société [U] [J] concernant le lot 145 de la vente Bonhams et [X] du 4 mars 2007, les porcelaines de ce lot étaient des porcelaines de la Manufacture nationale de Sèvres, ces constatations n'étant pas compatibles avec les déclarations de [F] [F] [A] d'après lesquelles le lot 69 [F] [F] [A] était le même que le lot 145 de la vente Bonhams et [X] du 4 mars 2007 ; par conséquent, lelot 69 [F] [F] [A] semble être est une copie du lot 145 vendu le 4 mars 2007 chez Bonhams et [X] ; de plus, il est apparu qu'un coffret aux caractéristiques comparables au lot 69 [F] [F] [A] avait été mis en vente le 17 mars 2011 chez Christie's à Londres par [U] [J] ; M. [W] a également précisé que techniquement la qualité médiocre de la ciselure des bronzes et des porcelaines tendait à montrer que lot 69 n'avait pas été fabriqué au 19ème siècle mais à une période plus récente ; M. [W] a également exprimé de vives réserves sur la couleur de la dorure du lot 69 et relevé que l'ensemble de la visserie avait été installé très récemment alors que le catalogue de vente [F] [F] [A] ne mentionnait aucune restauration ;

- le lot 69 a été également examiné par M. [M] [M], expert agréé au conseil des ventes en céramiques anciennes qui a certifié par écrit que : 'en aucun cas, ces plaques de porcelaines ne peuvent être du 19ème siècle, vu le manque de qualité du dessin, des émaux et de la dorure' ; cet avis remettait en cause l'ancienneté du lot 69 [F] [F] [A] mais n'a pas été pris en compte par M. [Z] ; l'avis de M. [M] a été confirmé le 22 mars 2011 par M. [W] [C] et M. [C] [B], experts agréés au conseil des ventes, qui ont certifié par écrit que ce coffret était 'de fabrication récente, en tous cas inférieure à cent ans'; le [Adresse 5] (CARAA), qui a réalisé une analyse technique des composants du coffret par spectrométrie de l'alliage métallique et de la dorure composant le coffret le 30 juin 2011, constate que le lot 69 [F] [F] [A] ne comporte aucune dorure et n'est pas composé de bronzes, mais d'un laiton spécialement travaillé pour lui donner une apparence de l'or par l'ajout d'une 'infime quantité d'étain', permettant d'obtenir un type de laiton spécial ('métal du Prince Rupert') dont la couleur est 'proche de celle de l'or' et par 'polissage' ;

- dans le catalogue de vente, MM. [A] et [F] ont estimé le lot 69 à un prix compris entre 50 000 euros et 60 000 euros, prix manifestement excessif ;

- MM. [Z] et M. [A] ont été mis en cause dans plusieurs affaires : l'interdiction totale d'exercice de leur activité pour une durée de 2 mois a été prononcée en février 2012 par le conseil des ventes volontaires à l'encontre de Me [F]-[F] [A] et de la société [F] [F] [A] (décision disciplinaire N° 2012-794 du 2 février 2012) qui a été confirmée par la cour d'appel de Paris ; le 27 mai 2016, Me [F]-[F] [A] a été condamné à une peine de 8 mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 5 000 euros dans l'affaire du faux bronze du sculpteur [D] (copie contrefaite du bronze intitulé « Retour du fils prodigue », qui avait été vendue en 2001 lors d'une vente publique aux enchères organisée par Me [F]-[F] [A]) ; M. [Z] a été placé en détention provisoire et mis en examen le 9 juin 2016 des chefs d'escroquerie en bande organisée, recel et blanchiment aggravé, dans l'affaire des faux meubles 18ème siècle vendus au Château [Localité 6] et à de grands collectionneurs ;

- la vente doit être annulée pour erreur sur la substance, dès lors que les mentions du catalogue concernant les qualités et caractéristiques du coffret litigieux n'étaient pas exactes ; les mentions du catalogue indiquaient que le coffret était en bronze doré alors qu'il est en laiton ; de plus, il existe un doute sérieux sur la période de fabrication du coffret litigieux au 19ème siècle ;

- en application des articles L. 321-17 et L. 321-31 du code de commerce (dans sa version en vigueur à la date de la vente du 2 août 2008), le commissaire-priseur ou l'expert qui met en vente un objet de collection en déclarant que l'objet vendu comprend certaines qualités sans assortir cette affirmation d'une réserve, engage sa responsabilité, dès lors qu'il existe un doute sur ces qualités ;

- la société de vente aux enchères et son expert sont tenus de garantir que les qualités et caractéristiques attribuées sans réserve à l'objet de collection par le catalogue de vente étaient exactes et sont solidairement responsables à l'égard de l'adjudicataire des préjudices causés par ces mentions inexactes ;

Considérant que M. [F], intimé, réplique que :

- si M. [V] avait considéré que le comportement de M. [Z] dans la tenue des opérations d'expertise, qu'il qualifie de partial, n'était pas conforme aux règles en la matière, il lui appartenait de saisir immédiatement le juge chargé du contrôle des expertises, ce qu'il n'a pas fait ;

- les expertises réalisées à la demande de M. [V] à savoir par M. [M], M. [C] et le CARAA ne respectent pas le principe du contradictoire et les conditions dans lesquelles elles se sont déroulées sont inconnues ;

- aucune condamnation n'a encore été prononcée à l'encontre de M. [Z] et la nullité d'un rapport d'expertise ne peut être prononcée au vu d'articles de presse ;

- l'utilisation du terme 'bronze doré' ne signifie pas qu'il y a de l'or dans l'alliage, la couleur dorée venant de la composition de l'alliage et de la teneur plus ou moins importante de zinc dans le laiton ;

- d'après le rapport du CARAA, la composition de l'alliage est compatible avec l'époque présumée du coffret (fin du 19ème siècle) et aucun élément chimique spécifique au 20ème siècle n'a été détecté lors des analyses menées par spectroscopie de fluorescence X ; la porcelaine ne présente aucune indication de coloration spécifiquement postérieure au 19ème siècle et ce point qui avait été débattu au cours des opérations d'expertise ne peut être remis en cause ;

- l'affirmation de M. [V] d'après laquelle le lot 69 de la vente [F] [F] [A] ne serait pas identique au lot 145 de la vente Bonhams et [X] n'est pas étayée et se fonde sur des pièces communiquées postérieurement au délai imparti par M. [Z] et donc non débattues par les parties ;

- le protocole transactionnel intervenu entre M. [V] et la société [U] [J], signé le 13 novembre 2017, a été communiqué aux autres parties huit mois après sa signature ;

- l'expert de la vente ne peut être tenu à la restitution du prix d'adjudication, puisque ce n'est pas lui qui a perçu ce prix et il ne saurait être tenu à payer des intérêts sur cette somme ;

- persister dans la demande d'annulation de vente n'a pas de sens, puisqu'aujourd'hui M. [V] n'est plus propriétaire du coffret litigieux et la société [U] [J] n'est plus partie dans la présente instance, faute d'avoir conclu dans les délais ;

- M. [V] devra être débouté de sa demande au titre du préjudice moral qui n'est étayée par rien, alors que ses acquisitions dans le monde représentent chaque année plusieurs millions d'euros, à comparer avec le prix d'acquisition de l'objet en question;

- en tant qu'expert, il n'a commis aucune faute, la description qu'il a faite du coffret serre-bijoux étant conforme à la réalité de l'objet ;

- en tout état de cause, l'article L 321-17 du code de commerce a posé le principe de la solidarité

entre organisateurs de vente et experts et la société [F] [F] [A] est mal venue à demander à être garantie par lui d'une condamnation prononcée contre elle au profit de M. [V] ; l'expert n'a pas à supporter les conséquences de la nullité de la vente ;

Considérant que l'ensemble des observations faites par M. [V] à propos d'autres affaires que celles faisant l'objet de la présente procédure sont inopérantes car dénuées de tout lien avec cette affaire ; qu'aucune conclusion ne peut notamment être tirée du fait que la société [F]-[F] [A] ne lui aurait pas communiqué un jugement du tribunal correctionnel de Paris dont on sait pas au demeurant pas s'il est définitif ; qu'il n'est enfin pas justifié qu'une information judiciaire serait en cours intéressant la vente du coffret serre-bijoux litigieux ;

Considérant que M. [V], qui n'a jamais saisi en temps voulu le juge chargé du contrôle des expertises, ne démontre pas que l'expert judiciaire commis aurait violé le principe du contradictoire ; qu'il n'est pas justifié d'une telle violation devant la cour; qu'il n'y a pas lieu à annulation de la mesure d'expertise ;

Considérant que M. [V] qui n'a pas soumis en temps voulu à l'expert judiciaire les contestations techniques qui lui apparaissaient s'imposer ne peut prétendre contredire utilement le rapport d'expertise par des attestations d'experts choisis et rétribués par ses soins, établies à l'issue d'opérations non contradictoirement menées, après le dépôt du rapport judiciaire ; que M.[V] qui a privilégié une restitution amiable du bien en cause ne sollicite pas une nouvelle mesure d'expertise d'un bien qui ne lui appartient d'ailleurs plus ;

Considérant qu'il ne résulte ni du rapport d'expertise ni de l'analyse technique que M. [V] a fait réaliser qu'il serait matériellement impossible que le coffret serre-bijoux en cause soit du XIXème siècle même si l'expert judiciaire l'a daté de la fin de ce siècle; qu'à cette époque le mot de bronze (mélange de cuivre et d'étain) englobait ceux en laiton (mélange de cuivre et de zinc), au point que tous les bronzes étaient en réalité en laiton, tandis que le qualificatif de doré ne renvoie pas à la présence d'or mais seulement à la couleur obtenue ressemblant à celle de l'or; que le catalogue ne précisait pas d'autre part que les porcelaines étaient de [Localité 7], de sorte que l'acheteur n'a pu être induit en erreur sur ce point ;

Considérant que les simples appréciations sur la qualité artistique des impressions sur l'objet portées dans les attestations établies à la suite provenant d'examen non contradictoirement menées sont insuffisantes à remettre en cause la description figurant au catalogue ;

Considérant que la discussion sur le point de savoir si l'oeuvre a été payée plus cher que ce qu'elle valait intrinsèquement est inopérante pour ce qui concerne la validité de la vente aux enchères ;

Considérant dans ces conditions que M. [V], qui ne démontre pas l'inexactitude des mentions du catalogue, doit être débouté de ses prétentions à l'encontre de la société [F] [F] [A] et de M. [F] ; que l'appel en garantie de la société [F] [F] [A] est dès lors sans objet;

Considérant que pour autant l'action de M. [V] n'apparaît pas abusive, de sorte que la société [F] [F] [A] doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts;

Considérant qu'au vu des éléments de l'espèce, il convient de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles et les dépens qu'elles ont exposés ;

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Ecarte des débats les écritures et les pièces 54 et 55 versées aux débats par M. [V] le 10 septembre 2018 ;

Constate qu'en raison du protocole d'accord du 13 novembre 2017 intervenu entre M. [V] et la société [U] [J], la demande de nullité de la vente du coffret serre-bijoux présentée par M. [V] est devenue sans objet en cause d'appel ;

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 11 mai 2017 ;

Statuant à nouveau, déboute M. [V] de l'ensemble de ses demandes ;

Déboute la société [F]-[F] [A] de sa demande de dommages et intérêts ;

Dit que chaque partie conservera à sa charge les frais irrépétibles et les dépens exposés en première instance et en cause d'appel.

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 17/12679
Date de la décision : 27/11/2018

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°17/12679 : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-27;17.12679 ?
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