Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2018
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/08515 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3F6V
Sur renvoi après un arrêt de la Cour de cassation prononcé le 08 février 2017 emportant cassation d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris (Pôle 5 chambre 7) le 29 septembre 2015, sur appel d'un jugement rendu le 27 mai 2014 par le tribunal de grande instance de Paris, sous le n° RG : 14/80605
DEMANDEUR À LA SAISINE
M. LE MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS
- La Direction Régionale des Douanes et Droits Indirects,
- La Recette Régionale des Douanes d'Orly
Ayant ses bureaux [Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par M. [P] [Z], inspectrice des douanes en vertu d'un pouvoir spécial
DÉFENDEUR À LA SAISINE
Monsieur [J] [W]
Demeurant [Adresse 2]
[Adresse 3]
né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 2]
Représenté par Me Anne-marie CHAIX, avocat au barreau de PARIS, toque : A0227
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2017/050501 du 22/12/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 Septembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Par jugement du 12 février 1999, le tribunal correctionnel de Créteil a déclaré Monsieur [W] coupable d'infractions à la législation sur les stupéfiants et l'a condamné à la peine de 5 ans d'emprisonnement et ordonné son maintien en détention. Statuant sur l'intervention de l'administration des douanes, il a condamné M. [W] et ses trois co-prévenus à une amende de 3 320 000 francs, soit 506 130,73 euros et prononcé contre lui la contrainte par corps.
Monsieur [W] a payé la 60 000 francs soit 9 146,94 euros, le 14 janvier 2000. Sur demande de l'administration de douanes en levée de la contrainte par corps, M. [W] a été libéré le 10 mars 2 000 et soumis à des obligations de contrôle judiciaire.
Depuis cette date du 10 mars 2000, Monsieur [W] habite au [Adresse 4] et à compter du 30 septembre 2003, au [Adresse 3], où il demeure toujours depuis lors.
Après plusieurs significations de commandements de payer délivrés en Martinique, l'administration des douanes a, le 30 janvier 2014, notifié à Monsieur [W], deux avis à tiers détenteur pour obtenir le paiement de la somme de 488 235,63 euros, au titre du solde de l'amende douanière prononcée par le jugement correctionnel du 12 février 1999, entre les mains, d'une part, de la Banque Postale et, d'autre part, de la CRCAM de Paris Alésia.
C'est dans ces circonstances que, par acte du 26 février 2014, Monsieur [W] a fait assigner l'administration des douanes devant le juge de l'exécution aux fins de voir ordonner la mainlevée de ces deux avis à tiers détenteur et de voir condamner les services douaniers à lui verser une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par jugement rendu le 27 mai 2014, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a :
- annulé l'avis à tiers détenteur établi le 30 janvier 2014 par le chef du service régional de recouvrement de la direction générale des douanes et droits indirects à l'encontre de M. [J] [W] entre les mains de la Banque Poste, pour le recouvrement de la somme de 488 235,63 euros ;
- annulé l'avis à tiers détenteur établi le 30 janvier 2014 par le chef du service régional de recouvrement de la direction générale des douanes et droits indirects à l'encontre de M. [J] [W] entre les mains de la CRACM agence Paris Alésia pour le recouvrement de la somme de 488 235,63 euros.
- dit n'y avoir lieu à saisine du juge de l'exécution du chef de la demande de M. [J] [W] de voir condamner la direction régionale des douanes et droits indirects - recette régionale des douanes d'Orly à lui restituer les sommes saisies ;
- condamné la direction régionale des douanes et droits indirects - recette régionale des douanes d'Orly à verser à M [J] [W] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts ;- condamné la direction régionale des douanes et droits indirects - recette régionale des douanes d'Orly à verser à M. [J] [W] la somme de 1 000 euros au titre de l'artricle 8700 du code de procédure civile.
Le premier juge a retenu qu'à défaut de démontrer l'existence d'une signification conforme aux règles imposées par le code de procédure civile du jugement pénal contradictoire servant de fondement aux poursuites, c'est à tort que l'administration des douanes avait fait établir deux avis tiers détenteurs.
L'administration douanière a relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance en date du 29 janvier 2015, le Premier Président de la cour d'appel de Paris a ordonné le sursis à exécution du jugement rendu le 27 mai 2014.
Par arrêt rendu le 29 septembre 2015, la cour de céans a confirmé dans toutes ses dispositions le jugement entrepris qui avait annulé les deux avis à tiers détenteur et condamné l'administration des douanes au paiement de la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts.
L'administration des Douanes a formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt.
Par arrêt du 8 février 2017 , la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris, renvoyé les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.
La Cour a estimé qu'en retenant que le jugement correctionnel ne lui avait pas été signifié alors que l'action des douanes tendait au prononcé d'une amende douanière et avait un caractère partiellement indemnitaire alors que l'action des douanes sur le fondement de l'article 343 paragraphe 2 du code des douanes qui a le caractère d'une action pénale est indépendante de l'action en paiement des droits de douane qui de nature civile, la cour a violé les articles 343 paragraphe 2 et 414 du code des douanes d'une part et qu'en condamnant l'administration des douanes aux dépens de première instance et d'appel la cour avait violé l'article 367 du même code.
L'administration des Douanes a saisi la cour de céans le 10 avril 2017.
Par conclusions soutenues à l'audience, Monsieur [J] [W] demande à la cour, au visa de l'article 382-5 du code des douanes et les articles 2240 et suivants du code civil, de constater que l'action de l'administration des douanes est prescrite depuis le 25 novembre 2008 et, au visa des articles 368 et 382-5 du code des douanes et 659 du code de procédure civile, de prononcer la nullité du commandement de payer et du procès verbal de recherches signifiés le 31 mai 2001 et, en conséquence, de prononcer la nullité de l'avis à tiers détenteur et du procès verbal de recherches signifiés le 17 juin 2008.
Il prie la cour de confirmer le jugement entrepris et d'annuler l'avis à tiers détenteur établi par le chef Régional de la Direction générale des douanes et droits indirects à l'encontre de Monsieur [J] [W], entre les mains de la Banque Postale pour recouvrement de la somme de 488 235,63 euros et l'avis à tiers détenteur établi par le chef régional de la direction générale des douanes et droits Indirects à l'encontre de Monsieur [J] [W], entre les mains de la CRCAM agence Paris Alésia pour recouvrement de la somme de 488 235,63 euros.
Il sollicite la condamnation de la direction régionale des Douanes et droits Indirects (DNRED) à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 1 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Il sollicite le rejet des demandes de la direction régionale des douanes et la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 sur la loi sur l'aide juridictionnelle.
Par conclusions soutenues à l'audience, la direction régionale des douanes et droits indirects - recette régionale des douanes d'Orly demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé les deux avis à tiers détenteurs des 30 janvier 2014 et d'en constater la régularité.
Elle sollicite la condamnation de Monsieur [J] [W] à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE,
Sur l'absence de signification du jugement correctionnel
L'administration des douanes soutient que l'action pour l'application des sanctions fiscales qu'elle peut exercer sur le fondement de l'article 343§ 2 du code des douanes a le caractère d'une action pénale et, le jugement correctionnel ayant été rendu contradictoirement et étant devenu définitif, il n'avait pas à être signifié à l'encontre de M. [W].
Ceci étant exposé, M. [W] ne conteste plus l'absence de signification du jugement correctionnel. Il convient toutefois de rappeler que l'action pour l'application des sanctions fiscales exercée par l'administration des douanes sur le fondement de l'article 343 du code des douanes, devant le tribunal correctionnel, est une action qui n'a pas le caractère d'une action civile mais celui d'une action publique qui est indépendante du droit d'obtenir le paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues que cette administration tient de l'article 377 bis du code des douanes qui seul, a le caractère d'une action civile de sorte que cette dernière n'avait aucunement l'obligation de signifier le jugement rendu contradictoirement à l'encontre de M. [W].
Sur la solidarité
Monsieur [W] soutient que le jugement correctionnel n'a pas prévu la solidarité de la condamnation au paiement de l'amende douanière, ce que conteste l'administration des douanes qui précise que le tribunal a fait droit à toutes ses demandes dont celle de condamnation solidaire d'une part et que l'article 406 du code des douanes prévoit la solidarité pour les condamnations contre plusieurs personnes pour un même fait de fraude tant pour les pénalités pécuniaires tenant lieu de confiscation que pour l'amende et les dépens d'autre part.
Ceci étant exposé, le tribunal a prononcé à l'encontre de M. [W] et des autres condamnés une seule et même amende. Ces derniers sont donc tenus solidairement au paiement de l'amende, en application de l'article 406 du code des douanes.
Sur l'exception de prescription
Monsieur [W] soutient que l'action des douanes est prescrite en application de l'article 382-5 du code des douanes. Il expose qu'il a acquitté la somme de 60 000 F en contrepartie de la levée de la contrainte par corps et que ce paiement ne peut pas s'analyser comme une exécution volontaire et que ce même raisonnement doit s'appliquer aux deux courriers des 9 février et 28 mars 2001, par lesquels Monsieur [T], co débiteur solidaire de Monsieur [W], a sollicité la levée de la contrainte par corps, en proposant de régler une somme de 10 000 francs.
Il ajoute que le commandement de payer, le procès verbal de recherches signifiés en date du 31 mai 2001 ainsi que de l'ATD, et le procès verbal de recherches signifiés le 17 juin 2008, ne peuvent constituer des actes interruptifs de prescription, en raison de leur nullité pour insuffisance caractérisée de diligences de l'agent significateur des douanes, par application des articles 368 et 659 du code de procédure civile. Il précise qu'il est toujours affilié à la Caisse d'assurance maladie des douanes.
L'administration des douanes se prévaut de différents actes interruptifs de prescription à l'encontre de Monsieur [W] et de ses débiteurs solidaires tels la demande de levée de la contrainte par corps de Monsieur [W] et de Monsieur [T] qui peuvent s'analyser comme une exécution volontaire par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait qui interrompt le délai de prescription.
Elle fait valoir également que le commandement de payer, en date du 31 mai 2001 ainsi que de l'ATD du 17 juin 2008, ont été signifiés à la dernière adresse connue de Monsieur [W] et produit deux procès verbaux de recherches à cette adresse. Elle fait valoir également une demande de renseignements en date du 07 mars 2002 aux fins de retrouver la domiciliation de Monsieur [W].
Ceci étant exposé, les amendes douanières obéissent à un régime particulier dans la mesure où elles ont un caractère mixte, à la fois répressif et indemnitaire.
L'article 383 5 du code des douanes dispose que « les amendes et confiscations douanières, quel que soit le tribunal qui les a prononcées, se prescrivent dans les mêmes délais que les peines correctionnelles de droit commun et dans les mêmes conditions que les dommages et intérêts ».
Il en résulte les amendes douanières se prescrivent dans les mêmes délais que les peines correctionnelles de droit commun et que la prescription peut être régulièrement interrompue par les causes énumérées aux articles 2240 et suivants du code civil.
La prescription des peines correctionnelles en vertu de l'article 122-3 du code pénale, applicable aux faits de l'espèce, est de 5 ans. Aux termes des articles 2240, 2241, 2244 et 2245 du code civil, applicables également aux faits de l'espèce, la prescription peut être interrompue par la reconnaissance par le débiteur ou un débiteur solidaire du droit de celui contre lequel il prescrivait, une demande en justice, même en référé, une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée contre le débiteur ou un débiteur solidaire.
L'article 382-2 du code des douanes disposait que les jugements portant condamnation pour infraction aux lois de douane étaient exécutés par corps. Cette mesure de contrainte consistait à incarcérer le redevable d'une amende pour l'inciter à la payer sans pour autant que sa détention le libère de sa dette. Elle était fixée par le jugement et l'exécution était laissée à la libre appréciation du ministère public. La loi du 9 mars 2004 a substitué, à la contrainte par corps, la contrainte judiciaire qui est ordonnée par le juge de l'application des peines qui en fixe la durée.
Ainsi, contrairement à ce que soutient M. [W] si le fait de régler la somme de 75 000 F (par chèque à l'ordre de la CARPA en date du 13 janvier 2000) a conduit le ministère public à lever la contrainte par corps, il constitue bien un paiement partiel de l'amende douanière à laquelle il a été condamné et donc à une reconnaissance de l'amende douanière de nature à interrompre la prescription.
Le commandement de payer et le procès-verbal de recherches du 31 mai 2001 et l'avis à tiers détenteur et le procès-verbal de recherches du 17 juin 2008 n'ont pas été versés aux débats en cause d'appel.
L'administration produit le commandement de payer adressé à M. [J] (co-débiteur) le 25 novembre 2003, la notification du 17 janvier 2008 à Monsieur [N] [D] de l'avis à tiers détenteur du 9 juin 2008, la notification du 30 janvier 2012 à Monsieur [N] [D] de l'avis à tiers détenteur du 24 janvier 2012, le relevé de compte Eurosystème Banque de France établissant un paiement par M. [D] de la somme de 377,25 euros, l'engagement de payer la dette douanière de M. [D] du 2 avril 2012. M. [W] produit l'avis qui lui a été adressé de la notification du 30 janvier 2014 de l'avis à tiers détenteur du même jour.
Le commandement de payer délivrer à l'encontre de M. [J] le 25 novembre 2003 ne saurait interrompre la prescription en ce qu'il ne constitue pas un acte d'exécution ni même un acte engageant une mesure d'exécution.
La demande de renseignement de l'administration des douanes adressée à la caisse de retraite des agents de douanes ne peut s'analyser comme une demande en justice ou une mesure d'exécution de nature à interrompre la prescription.
Ainsi, la prescription qui a commencé à courir le 13 janvier 2000, date du paiement par M. [W] de la somme de 60 000 F était acquise au 13 janvier 2005 sans qu'aucun acte ne l'ait interrompu.
Le jugement entrepris sera donc confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a annulé l'avis à tiers détenteur établi le 30 janvier 3214 par le chef du service régional de recouvrement de la direction générale des douanes et droits indirects à l'encontre de M. [J] [W] entre les mains de la Banque Postale pour le recouvrement de la somme de 488 235,63 euros et annulé l'avis à tiers détenteur établi le 30 janvier 2014 par le chef du service régional de recouvrement de la direction générale des douanes et droits indirects à l'encontre de M. [J] [W] entre les mains de la CRACM agence Paris Alésia pour le recouvrement de la somme de 488 235,63 euros.
M. [W] sera déboutée de sa demande de nullité du commandement de payer et du procès-verbal de recherches du 31 mai 2001 et de l'avis à tiers détenteur et du procès-verbal de recherches du 17 juin 2008 qui n'ont pas été versés aux débats en cause d'appel.
Le jugement déféré sera également confirmé en ses autres dispositions non critiquées par les parties.
L'administration des douanes sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure et condamnée à payer à M. [W], qui bénéficie de l'aide juridictionnelle partielle, sur ce même fondement, la somme de 1 000 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris le 27 mai 2014 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DECLARE l'action de la direction régionale des douanes et droits indirects - recette régionale des douanes d'Orly prescrite à l'encontre de Monsieur [J] [W] ;
DEBOUTE la direction régionale des douanes et droits indirects - recette régionale des douanes d'Orly de sa demande d'indemnité de procédure ;
CONDAMNE la direction régionale des douanes et droits indirects - recette régionale des douanes d'Orly à payer à Monsieur [J] [W] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS