Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2018
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/07873 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3DZS (Absorbant le RG n° 17/08394)
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mars 2017 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2016028625
APPELANTE
SA NATIXIS LEASE
Ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 379 155 369
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Stéphane BONIN de la SCP BONIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : B0574
INTIMEES
SCP [D] es qualités de liquidateur judiciaire de la société ABC GRAVURE ayant son siège social [Adresse 2] - [Localité 2] (N° SIRET : [D])
Ayant son siège social [Adresse 3]
[Adresse 4]
[Localité 3]
N° SIRET : 378 969 810
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Michel GUIZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
Représentée par Me Véronique BAILLEUX, avocat au barreau de NANTES, substituée par Me Hélène POZVEK, avocate au barreau de PARIS, toque : L20
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Septembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Edouard LOOS, président et par Mme Cyrielle BURBAN, greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Natixis Lease a consenti à la société [F] Gravure le 1er avril 2009, un contrat de crédit-bail mobilier portant sur un four de trempe et une laveuse de verre, d'une durée de 84 mois et pour des mensualités de 5 150,86 euros TTC. Les locaux de la société [F] Gravure lui étaient sous loués par la société Mirelge, celle-ci les louant à la société Natixis Lease Immo en application d'un contrat de crédit-bail immobilier. La société [F] Gravure ayant connu de grandes difficultés, le contrat de crédit-bail a été repris, dans le cadre d'un plan de cession en date du 31 janvier 2011, par Abc gravure (avenant signé le14 février 2011).
Par jugement du 2 avril 2014, le tribunal de commerce de Nantes a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de Abc Gravure, la SCP [D] étant désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Par exploit d'huissier du 3 octobre 2014, Maître [G] [D] ès qualités a sommé Natixis Lease d'avoir à procéder à l'enlèvement du matériel objet du crédit-bail.et de libérer les locaux d'Abc gravure et l'a assignée le 04 décembre 2014, devant le tribunal de commerce de Nantes, aux fins de procéder a l'enlèvement du matériel sous astreinte. Le matériel a finalement été retiré le 20 février 2015.
La SCP [D], estimant qu'Abc gravure avait été dans l'incapacité de quitter les lieux à cause de la présence des équipements donnés en location par Natixis Lease demande à cette dernière la règlement de 247 204,51 euros, soit l'équivalent de 7 mois de loyer.
Par jugement du 23 mars 2017, le tribunal de commerce de Paris a :
- condamné la SA Natixis Lease à payer à la SCP [D] en qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la Société Abc gravure, la somme de 23 645,64 euros, au titre des dommages et intérêts.
- condamné la SA Natixis Lease à payer a la SCP [D] en qualités de Mandataire à la liquidation judiciaire de la Société Abc gravure, la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et débouté la SCP [D] du surplus.
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires a la présente.
- condamné la SA Natixis Lease aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 78,36 euros dont 12,85 euros de TVA.
La société Natixis Lease a relevé appel de ce jugement le 12 avril 2017.
Par conclusions signifiées le 18 septembre 2018, La société Natixis Lease demande à la cour au visa des articles 32 et 122 du code de procédure civile et 1382 du code civil de réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 23 645,64 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens et de débouter la SCP [D] en son appel incident.
Elle demande à la cour de débouter la SCP [D] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Abc gravure de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions signifiées le 12 septembre 2018, la SCP [D] en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société Abc Gravure, demande à la cour au visa des articles 46 du code de procédure civile et 1240 et 1241 du code civil de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SA Natixis Lease à lui payer la somme de 23 645,64 euros a titre de dommages et intérêts pour le loyer et charge du mois d'août 2014 et de l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de ses autres demandes.
Elle demande à la cour de condamner la SA Natixis Lease à lui payer la somme de 223 558,87 euros restante à titre de dommages et intérêts pour les loyers et charges dus de septembre 2014 à février 2015 et de débouter cette dernière de l'ensemble de ses demandes.
Elle sollicite, en tout état de cause, la condamnation de la société Natixis Lease à lui payer la somme de 5 000 euros pour résistance abusive et celle de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
SUR CE,
Sur la responsabilité de la société Natixis Lease
La SCP [D] expose que la responsabilité de la Société Natixis Lease est encourue par le fait qu'elle n'a pas libéré les locaux suite à la résiliation du contrat de crédit-bail mobilier ce qui a causé à la société Abc Gravure un préjudice constitué par les loyers dont elle a été redevable postérieurement à la résiliation.
Elle expose que la société Natixis Lease n'a pas pris en compte les avertissements et conseils du commissaire-priseur indiquant que le prix de vente était trop élevé ; que le fait de M. [F], tiers, ne peut être une source d'exonération totale ou partielle de responsabilité que s'il présente les caractères d'imprévisibilité et l'extériorité, caractéristiques de la force majeure, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
La société Natixis Lease prétend qu'elle n'a commis aucune faute. Elle expose qu'elle a entrepris toutes les diligences utiles aux fins de reprendre le matériel ; que la preuve de négligence, ou de malveillance, dans le retrait du matériel n'est pas apportée ; que le retrait était contraignant, s'agissant de matériels très volumineux, dont l'évacuation ne pouvait s'effectuer que par le toit des locaux dans lesquels ils étaient entreposés ; que les diligences de ventes ont été entravées par M. [F], gérant de la société Mirelge qui a conditionné le démantèlement et retrait des matériels au paiement des loyers à la société Mirelge, et transmis un devis de démontage, en vue du retrait du matériel litigieux, surévalué, à ses interlocuteurs.
Elle soutient qu'il n'est pas établi que le prix de réserve était abusif, ou fautif et rejette l'argument indiquant que le commissaire priseur l'aurait mise en garde sur le prix de réserve. Elle fait valoir qu'elle a multiplié les diligences pour identifier des acquéreurs pour les matériels litigieux.
Ceci étant exposé, il résulte des pièces produites aux débats par les parties que par courrier recommandé du 25 avril 2014, le conseil de la société Natixis Lease a mis en demeure le mandataire liquidateur de la société Abc Gravure de se prononcer sur la poursuite du contrat de crédit bail mobilier et l'a informé qu'à défaut de poursuite du contrat, il appartiendrait à la société Abc Gravure de restituer sans délai le matériel à Natixis Lease.
Par courrier du 30 avril suivant, le mandataire liquidateur a répondu qu'il considérait la demande de Natixis Lease comme une demande de restitution du matériel à laquelle il n'était pas opposé mais qui nécessitait l'accord du débiteur, précisant que la restitution opérée par les soins du commissaire priseur devrait avoir lieu dans les deux mois suivant le jugement d'ouverture et précisant les coordonnées téléphoniques de Me [S].
Ce courrier peut donc être considéré comme constituant une décision de ne pas poursuivre le contrat.
Par courrier du 26 mai 2014, le conseil de Natixis Lease a demandé au mandataire liquidateur s'il autorisait Natixi Lease à reprendre possession du matériel financé et, dans l'affirmative, l'identité de la personne à contacter à cet effet.
Par exploit d'huissier du 3 octobre 2014, le mandataire liquidateur a mis en demeure Natixis Lease d'avoir à reprendre le matériel.
Il convient de constater qu'aux termes du courrier adressé par son conseil au mandataire liquidateur le 25 avril 2014, Natixis Lease informe ce dernier qu'il appartiendra à la société débitrice de restituer le matériel objet du contrat de crédit bail.
Les conditions générales annexées au crédit bail et produites par la société Natixis Lease qui seraient de nature à éclairer la cour sur les obligations des parties suite à la résiliation du contrat, sont totalement illisibles et donc inexploitables.
En tout état de cause, Natixis Lease n'a plus contesté à partir de son courrier du 26 mai 2016, son obligation de restituer le matériel. Elle ne le conteste pas aux termes de ses écritures. Elle soutient qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exécution de cette obligation, compte tenu des dimensions hors normes du matériel nécessitant une évacuation de celui-ci par le toit de l'immeuble et invoque le comportement de M. [F], gérant de la société Mirelge qui a entravé ses tentatives de vente du matériel.
Natixis Lease était donc tenue à l'obligation de résultat de reprendre possession du matériel, peu importent les conditions de reprise de celui-ci, sauf pour elle à prouver qu'elle y a été empêchée par un fait extérieur ayant les caractéristiques de la force majeure.
En l'espèce, le comportement de M. [F] qui a imposé une condition de paiement des loyers à la reprise du matériel et l'absence d'acquéreur à la vente aux enchères de juillet 2014, ne sauraient constituer des faits revêtant les caractéristiques de la force majeure exonératoire de responsabilité.
Le retrait du matériel a été effectué le 20 février 2015, soit un retard de 7 mois à compter d'une date que l'on peut fixer, compte tenu de l'absence de réponse formelle du mandataire liquidateur au courrier du conseil de Natixis du 26 mai 2014, au 08 juillet 2014, date d'envoi par Natixis Lease du mandat de vente au commissaire priseur, établissant la libre disposition du matériel par celle-ci.
Si, les dimensions hors normes du matériel nécessitaient, pour son retrait, une logistique complexe et coûteuse, la société Natixis Lease ne pouvait pas conditionner la reprise de celui-ci à son rachat par un tiers et ne sauraient donc, en l'absence de tout obstacle qui aurait émané de la société débitrice et/ou de son liquidateur, utilement invoquer d'une part la difficulté de trouver un acquéreur de ce matériel, d'autant qu'il résulte du courrier que lui a adressé le commissaire priseur le 09 septembre 2014, que le prix de réserve imposé était « incohérent » avec l'estimation qu'il avait faite et qui tenait compte « d'une logistique de démontage prohibitive » ni le comportement de M. [F] d'autre part.
En ne retirant le matériel que le 20 février 2015 alors qu'elle en avait la libre disposition dès le 08 juillet 2014 et alors que la société Abc avait restitué les clés des locaux le 11 juillet 2014, la société Natixis a commis une faute dans l'exécution de son obligation.
La SCP [D] réclame la condamnation de Natixis Lease à lui régler la somme de 247 204,51 euros au titre des loyers qui a été déclarée au passif de la société Abc Gravures.
Ceci étant exposé, aucune déclaration de créance au titre des loyers n'est produite par la SCP [D]. Il convient de souligner que les sommes dues au bailleur devraient être qualifiées d'indemnité d'occupation et ne pas faire l'objet d'une déclaration de créances, s'agissant de créances postérieures au jugement de liquidation judiciaire et la société Abc Gravure ayant restitué les clés des locaux loués. Néanmoins, il résulte de l'état des créances « article L 641-13 » (c'est-à-dire créances postérieures au jugement de liquidation judiciaire) produit par la SCP [D] ès qualités, qu'y sont inscrites les créances de loyers, solde de loyers et taxes foncière au titre des mois d'avril, mai, juin et juillet 2014 ainsi que le loyer de février 2015 ; que sont également produits un tableau récapitulant deux ordres de virement au titre du solde des loyers et taxe foncières, un document récapitulant les règlements effectués au titre de la période du 1er janvier au 31 juillet 2014 et la photocopie du chèque de règlement des loyers de juin et juillet 2014.
Ainsi, force est de constater que la SCP [D] ne justifie que de l'inscription du loyer de février 2015, à hauteur de la somme de 30 900,56 euros.
Le jugement entrepris sera donc réformé et la société Natixis Lease condamnée à payer à la SCP [D] ès qualités la somme de 30 900,56 euros ; l'inscription sur l'état des créances valant reconnaissance d'une dette de la société débitrice, peu importe l'absence de paiement par cette dernière de ladite dette.
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive
La SCP [D] ne rapporte pas la preuve que la société Natixis Lease a résisté de manière abusive ; le protocole d'accord versé aux débats par la SCP [D] ne concernant pas uniquement les deux parties du présent litige mais également, voire essentiellement, la société Mirelge et les sociétés Natixis Lease Immo venant aux droits de Fructicomi et Batirco Bretagne Pays de Loire, crédit-bailleurs immobiliers.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la SCP [D] ès qualités de cette demande.
Le jugement entrepris sera confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
La société Natixis Lease, partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande d'indemnité de procédure. Elle sera condamnée, sur ce même fondement, à payer à la SCP [D] ès qualités, la somme de 2 500 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
INFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 23 mars 2016 sur le montant de la condamnation au paiement ;
Statuant à nouveau sur ce chef,
CONDAMNE la société Natixis Lease à payer à la société Abc Gravure représentée par la SCP [D] ès qualités de mandataire liquidateur la somme de 30 900,56 euros ;
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;
CONDAMNE la société Natixis Lease aux dépens d'appel ;
DEBOUTE la société Natixis Lease de sa demande d'indemnité de procédure ;
CONDAMNE la société Natixis Lease à payer à la société Abc Gravure représentée par la SCP [D] ès qualités de mandataire liquidateur la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS